Bon... dernier chapitre avant l'épilogue. J'avoue n'être sure de rien en ce qui concerne le texte qui suit. Mais vous m'en donnerez des nouvelles. Je tiens à vous remercier, lecteurs. Vos petits messages m'encouragent à continuer, à persévérer. Dures semaines ces derniers temps et Merlin sait que j'en ai besoin.

Merci à tous.

Ge, qui a besoin de décompresser...


Chapitre 5

Je marche d'un pas rapide, goûtant le froid sur mes joues probablement rouges. Mes yeux pleurent un peu. Le froid, sans aucun doute. Enfin, je suppose. Je ne prends pas la peine de resserrer mon écharpe qui flotte derrière moi ou de fermer le dernier bouton de mon long manteau noir pour protéger mon corps de la température mordante, presque agressante. Londres semble s'être transformée en un énorme congélateur et le thermomètre ne cesse de chuter depuis quelques jours. Cela semble décourager la plupart des gens de sortir dehors ou les fait plutôt prendre un taxi pour aller au bureau. J'ai personnellement décidé de faire tout le contraire et de me dégourdir les jambes.

J'attrape certainement un bon rhume, en ce moment même, mais je me fiche de tout cela pour maintenant. Mes doigts nus se crispent dans les poches de mon habit. Je n'ai pas pensé aux gants en sortant de l'appartement et je regrette un peu. Je suis en avance et je pourrais très bien entrer dans une boutique quelconque pour en acheter une pair mais l'idée me rebute un peu. Il ne me reste plus qu'un kilomètre environ, rien de mortel.

Ginny ferait une syncope si elle l'apprenait. Elle est de plus en plus maternelle, ces derniers temps, bien que moins présente. Elle travaille de son côté sur différents projets en plus de celui de la collaboration future avec Malfoy Compagny et nos soirées ensemble sont également réduites car elle a souvent rendez-vous avec ce Blaise Zabini. Je suis content pour elle car tout semble aller pour le mieux d'après ce qu'elle me rapporte mais je ne peux m'empêcher de voir tout cela d'un oeil assez maussade. Je souhaite son bonheur cependant je ne peux nier que parfois j'aurais envie qu'il disparaisse de sa vie aussi rapidement qu'il s'y est ancré.

Je me sens égoïste. Lorsqu'elle m'appelle je ne dis rien, me contentant de l'écouter et d'enjoliver mes journées pour ne pas l'inquiéter outre mesure. Il est peut-être préférable qu'elle s'éloigne car elle a l'air plus joyeuse et positive. Je ne compte plus le nombre de fois par jour où mes pensées se transforment en regrets. Je sais que je lui fais du chagrin chaque fois que je bois ou que je me sens dépressif. Je voudrais me terrer dans un coin sombre et y périr rapidement. Je voudrais qu'on m'oublie. Et ça me fait peur de penser ainsi.

Je vois déjà l'immeuble devant moi, tout en hauteur. Une tour de verre, un miroir géant pour une ville un peu trop narcissique, parfois. Je décélère le pas, de peur d'arriver trop vite, de retrouver l'ambiance étouffante. Pas que je déteste mon métier, au contraire. Mais ces derniers temps, même apposer ma signature au bas d'un protocole me semble difficile.

Perdu une fois de plus dans ma tête, je bouscule un type et la mallette qu'il tenait rencontre le trottoir, s'ouvrant et laissant échapper une trentaine de feuilles. Confus, gêné et en colère contre moi même, je m'accroupis sans plus attendre pour les ramasser.

- Je suis désolé, je bafouille.

Les feuilles dans mes mains sont détrempées et l'encre a coulé par endroit, laissant la lecture partiellement impossible.

- Je peux pour offrir un dédommagement, je propose rapidement en me sentant encore plus maladroit et fautif.

- Vous me laisserez seulement utiliser votre fax, fait une voix à mon oreille.

Je frissonne.

- Monsieur Malfoy...

- Je suis toujours aussi perdu avant mon premier café du matin, dit-il en souriant, toujours accroupi. Vous avez eu le vôtre ?

- Je... non.

- Je peux oser une invitation ? demande-t-il.

Je ne réponds même pas et me relève, lui remettant les feuilles moites. Il les range en ne me quittant pas du regard. J'ai du mal à le soutenir.

- Le temps est glacial, ne trouvez-vous pas ?

J'acquiesce et remarque dans mon mouvement de tête une feuille qui a glissé près du caniveau. Je la ramasse. Lorsqu'il la prend, ses doigts frôlent les miens. L'instant d'après, il coince sa mallette sous son bras et tient mes mains entre les siennes. Il porte des gants qui chatouillent mes paumes.

- Elles sont glacées, fait-il judicieusement remarquer en les recouvrant puis en les frottants. Quelle idée de sortir sans protections !

Il enlève les siennes et me les enfile avant de me sourire de nouveau.

- Vous ne m'avez pas répondu pour le café, ajoute-t-il.

- J'en prends toujours une tasse dans mon bureau.

- Et il est bon ? Mon secrétaire, Colin Creevey, est pour sa part complètement dépourvu d'habileté dans le domaine. Il me sert toujours une tasse tiède au goût écoeurant. J'ai donc installé un distributeur la semaine dernière. Alors, vous m'invitez ?

- J'ai du travail et...

- Je me ferai tout petit, me coupe-t-il. J'utiliserai votre fax puis vous montrerai ce que j'avais apporté pour vous. Des dossiers ennuyants, bien sûr, mais qui ne nécessitent pas de grandes lectures.

Ses yeux pétillent dans ma direction et je me sens malgré moi hocher la tête, acquiesçant à sa demande. Nous marchons côte à côte jusqu'à l'immeuble. La réceptionniste me salue chaleureusement, comme à chaque matin, mais son ton de voix dénote une certaine excitation alors que son regard glisse sur le corps de Malfoy qu'elle juge apparemment très appétissant.

Elle m'énerve.

Je le précède dans l'ascenseur. Il meuble la conversation en me parlant d'une exposition d'art qu'il a vu tout récemment et dont j'ai vaguement entendu parler. Ce n'est pas comme si je sortais beaucoup.

Ce n'est pas comme si je sortais, tout simplement.

Je me concentre à peine sur ce qu'il dit et sa voix m'apaise étrangement. Je me surprends à lui sourire alors que les portes s'ouvrent sur l'étage désiré. J'avertis Padma de nous servir deux cafés puis de ne pas nous déranger. Elle a un air mutin qui me rend mal à l'aise alors qu'elle dépose, quelques instants plus tard, un plateau d'argent sur mon bureau. Je la remercie d'un geste et sors machinalement quelques dossiers de ma mallette pour les poser sur la table. Malfoy se sert tranquillement. Un lait et quelques pincées de sucre.

- Le fax est dans la pièce d'à côté, je lui indique.

Il me remercie et disparaît par la porte pendant quelques minutes où ma respiration se régularise petit à petit. Je me traite d'imbécile.

Le téléphone sonne. Ma ligne privée.

- Bonjour, Harry.

- Ginny.

- Mauvaise journée en perspective ?

- Hn.

- Écoute, j'appelais pour t'avertir... je voulais te laisser un mémo mais... enfin, tu me connais, ça m'est complètement sorti de la tête. Malfoy doit passer ce matin.

- Je sais.

- Oh. Il est déjà là ?

- Perspicace.

- Je suis vraiment désolée, 'Ry. J'aurais dû t'appeler ou être là mais...

- Ce n'est rien, je la coupe. Je peux survivre à ça. Et de ton côté, ça va ?

- Je m'en sors.

- Je n'en doute pas.

Je l'imagine sourire et je fais de même.

- Comment est New York ? je demande.

- Triste. Pluvieuse. Indifférente. Tu t'y plairais.

Ironique Ginny.

- Quand rentres-tu ?

- Dans deux jours si tout se passe comme prévu. Je t'appellerai.

- D'accord.

Moment de silence.

- Je t'aime, je murmure. Tu me manques.

- Toi aussi, répond-t-elle sur le même ton doux.

Je raccroche quelques secondes plus tard en soupirant.

Draco Malfoy se tient sur le seuil de la porte, une petite pile de feuille dans les mains.

Et il me regarde.

Je ne suis pas sûr d'aimer la façon dont il le fait. Durement doux, sa mâchoire est crispée. Je l'invite à s'asseoir devant moi. Je déteste les malaises. Il finit par me rejoindre.

Il me tend quelques documents que je prends machinalement avant de les feuilleter. Ce sont ceux qu'on mis au point Ginny et Zabini il y a quelques jours et que les avocats de Malfoy voulaient passer au crible avant toute chose. Tout un fatras pour une collaboration. Une autre.

Je signe rapidement et glisse les feuilles dans une chemise. Il termine son café. Le mien refroidit dans la tasse. J'ai mal au coeur.

- Je ne vous dérangerai pas plus longtemps, fait-il.

- Je n'ai pas de rendez-vous avant un certain temps. Un autre café ?

Il hésite puis acquiesce finalement. Je le sers. Un lait, un peu de sucre. Il me remercie d'un sourire. Ses doigts jouent avec un pan de son veston. Est-il nerveux ? Je crois l'être.

- Comment vont les affaires, sinon ?

Je n'ai jamais dit que j'avais de l'imagination pour relancer une conversation. Je préfèrerais me taire mais... je veux entendre sa voix.

- Bien. Très bien. Les actionnaires sont contents, le conseil d'administration aussi... répond-t-il en haussant les épaules.

- ... Barbant à la longue, non ?

- Oui. Vraiment.

Une abeille bourdonne furieusement dans mon ventre. J'aime son sourire et sa voix grave.

Je n'aime pas les silences mais, à la longue, on s'y habitue. Ma vie de tous les jours en est parsemée. Ici et là, quelques soupirs maladroits meublent tant bien que mal celui qui s'est installé. J'ai peur d'ouvrir la bouche et de faire une erreur, par mes mots, mes hésitations ou mes mouvements. Combattre cette envie de le toucher, de ne serait-ce qu'effleurer sa main à la peau si blanche que j'imagine sans peine douce et tiède. Je voudrais plonger mon regard dans le sien et même m'y noyer mais alors il risquerait de voir en moi, voire de comprendre.

L'abeille a ramené des renforts.

Je n'ai qu'à fixer momentanément ses lèvres délicatement ourlées pour que j'en sois ébranlé, voyant, goûtant en pensées la saveur qu'elles auraient contre les miennes.

- Vous allez bien ?

Jamais.

- Oui.

- Vous tremblez, remarque-t-il.

J'ai froid. J'ai chaud. Je l'aime.

- Le froid, sans doute, répond-t-il lui-même à sa constatation précédente. Vous êtes également très pâle.

Que diable répondre à cela ? Je passerais pour un maniaque en lui avouant la vérité. Peut-être en suis-je un, finalement.

Un alcoolique maniaque et pervers.

Joli tableau.

La tête me tourne un peu. Il se lève et m'effleure en passant à mes côtés pour se rentre jusqu'à la grande vitrine. Je l'y rejoins avec hésitation.

- Vous avez droit à une vue magnifique d'ici, commente-t-il,

- Oui...

- De mon bureau, à Parie, j'arrive à voir la tour Eiffel et un peu de la Seines. Mais je ne suis pas si haut. Vous devriez venir.

- À Paris ? Qu'y ferais-je ?

- Visiter, évidemment. Il y a beaucoup à voir.

- Je baragouine à peine quelques mots de français.

- Je vous apprendrai alors. Je serai votre guide, sourit-il.

- Peut-être un jour, qui sait ?

Il me regarde un instant. Ses yeux brûlent ma peau.

- Il y a un certain temps que je souhaite être seul avec vous.

Sa voix est basse mais contrôlée.

- Vraiment ? Pourquoi donc ?

- Vous m'intriguez.

Je ricane.

- Je n'ai rien d'intriguant.

- Croyez-vous ? La première fois que je vous ai vu, dans cette rue... lorsque vous m'avez regardé... je me suis dit que je devais vous revoir. Je me suis également traité de fou. Pourtant, je suis revenu au même endroit, le jour suivant, patientant des heures dans l'espoir que vous feriez de même.

Il baisse la tête et regarde le sol. Que suis-je censé répondre ? Ma gorge est sèche.

- C'est idiot, n'est-ce pas ?

- Pas tant que cela, je réplique tout bas.

- Je ne croyais pas ma chance lors de ce dîner.

Il s'approche et plonge ses yeux dans les miens.

- Dîtes-moi, Harry... dîtes-moi si je suis fou d'attendre avec impatience le moment prochain où je vous reverrai, de ne penser et de n'espérer que votre présence.

Il est un peu plus petit que moi de quelques centimètres. Ses doigts blancs effleurent ma chemise blanche sans cravate.

J'aime ses yeux. Un gris changeant, en ce moment assombri mais étincelant. Quelques mèches de ses cheveux fins effleurent ses joues, son front et son cou pâle. Il me semble que ma bouche serait tout à fait à sa place contre cette carotide qui bat doucement. L'embrasser, la lécher pour le sentir frémir, pour l'entendre gémir sourdement.

Je hais mon désir involontaire.

Il attend une réponse.

- J'ai l'impression de vous connaître, reprend-t-il. De vous avoir toujours connu. Je ne voudrais pas vous gêner par mes propos, soyez-en certain. Seulement, j'avais besoin de vous le dire.

Sourire léger.

- Je n'ai pas l'habitude de faire autant pour un homme qui me plaît, Harry. Seulement, vous semblez repousser chacune de mes avances, voire de ne pas les remarquer.

Il penche la tête. Une mèche presque blanche tombe devant ses yeux.

- Vous avec quelqu'un peut-être ? demande-t-il. Ce... cette personne à qui vous parliez, il y a quelques minutes. Votre fiancée ?

- Non...

- Je suis désolé, s'excuse-t-il. Je me mêle de choses qui ne me regardent pas...

- Ginny...

- Pardon ?

- Ginny Weasley. Au téléphone. Elle m'appelait de New York. Il n'y a rien entre nous.

Il y cependant entre lui et moi une gêne certaine, teintée d'une espèce d'intimité nouvelle. J'ai l'impression d'être dans un rêve surréaliste et j'ai peur de me réveiller d'un instant à l'autre, au bord des larmes pour quelque chose qui ne sera guère plus qu'un énième fruit de mon imagination délirante.

Je dois arrêter de boire.

Mais je cligne et il est toujours là, devant moi. Sa main a quitté mon torse et j'en ressens un sentiment de vide.

Alors de moi-même, je reprends sa main dans la mienne et le rapproche. Ses lèvres s'étirent en un nouveau sourire, plus timide et heureux.

- Je ne suis pas homme à tomber amoureux, Harry, murmure-t-il. Mais vous êtes si différent que je pourrais bien faire un compromis pour vous.

Il embrasse le bout de mon menton, attarde son nez dans mon cou. Je frissonne et il rie doucement.

Je cueille son sourire du mien.

Trémolo dans mon coeur. Je me sens bien. Tellement bien.

Et pour l'une des première fois depuis longtemps, je ne me mens pas.