Attention, j'ai ajouté quelques paragraphes au CHAPITRE 1 pour étoffer l'intrigue. Il vaudrait mieux le relire. CHAPITRE 2 – « I'll be there » de Mariah Carey, 1994.

A deux heures du matin, Emma ouvrit les yeux en grand et se redressa d'un coup.

– Oh putain ! chuchota-t-elle sans oser tourner la tête.

Elle savait très bien qui était à sa gauche et pourquoi. Il n'était pas trop tard pour faire preuve de pudeur ou de timidité… même après ce qu'il s'était passé. Alors elle s'obligea à s'extraire du lit sans faire de bruit, ni de faux mouvement. Le tout était de partir d'ici, avec ses vêtements sur le dos, sans réveiller la propriétaire du lieu.

Silencieusement, tel un serpent, elle se faufila à hauteur du sol et ramassa ses affaires éparpillés parterre. Scrupuleusement, elle les apporta à sa vue et en s'inclinant à la lumière du réverbère dehors, un à un, elle reconnut les habits qu'elle triait comme elle pouvait. Elle ne retrouva qu'une chaussette sur les deux et décida qu'elle s'en passerait. L'urgence était la fuite. Regina ne lui avait jamais appris à se téléporter et Dieu savait que ce tour lui aurait bien utile à l'heure actuelle. Elle sortit à pas de loup de la chambre, referma doucement la porte et descendit les escaliers sur la pointe de ses pieds nus. Arrivée à la dernière marche, elle se chaussa. Elle regarda tout autour d'elle une dernière fois puis disparut dans la nuit… en laissant derrière elle, une chaussette.

Arrivée à l'entrée de la ville, la jeune Shérif tambourina comme une malade à la porte arrière de l'« Auberge Granny » :

– Ouvre-moi, putain ! Ouvre !

Les cheveux en bataille, le visage fatigué, les cernes sombres, la serveuse ouvrit la large porte en bois.

– Je vais chercher la pelle, lui dit-elle comme accueil.

– Quoi ? Mais non.

– Y a pas de mort ? Tu n'as tué personne ?

– Non, y a pas de mort.

– Alors y a rien d'urgent, bonne nuit.

La jeune louve voulut refermer la porte.

– Non, il faut que je te parle.

Emma repoussa le vantail et entra chez son amie, en la bousculant hors de son chemin.

– Mais Emma, merde, j'ai sommeil ! Tu sais combien d'heures un loup a besoin de dormir ?

Emmitouflée dans une couverture, la jeune femme brune traina les pieds et son corps à la suite de son amie qui prit possession de son salon.

– Non mais sérieux ! Il est quelle heure ?

– Deux heures et demi !

– Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Quand Red, exaspérée, respira un grand coup pour se donner du courage, ses yeux s'écarquillèrent tout aussi vite et tout aussi grand.

– Nan ! Ne me dis rien ! Tu files sous la douche…

– Red !

– Non, tu te grouilles, Emma, j'ai déjà les images qui se superposent et je veux pas les voir !

– S'il te plait !

– Ta mère va bien ?

– Oui… mais…

– Ton père ? Henry ?

– Oui.

– Alors, c'est bon. Je ne t'écouterai pas, tant que tu n'es pas sortie de la douche totalement savonnée.

Quelques instants plus tard, Emma retourna dans le salon, vêtue d'un peignoir éponge et une serviette de bain enroulée sur la tête. Sur la table, fumaient deux tasses chaudes :

– Ce sont des tisanes. J'ai besoin de dormir et toi aussi, à un juger par la tête que tu fais. Je t'ai préparé le canapé. Il n'y a rien d'urgent et je sais déjà ce que tu vas me dire… Tout ce dont tu as besoin, c'est de dormir.

– Comment tu peux le savoir ?

– Tu as couché avec Regina, rétorqua Red sans tergiverser.

Emma ouvrit et referma la bouche, hébétée, comme un poisson rouge dans un bocal.

– J'ai l'odorat parfois trop développé… à certains moments du mois. Et surtout en milieu de nuit, quand il n'y a pas d'autres stimuli et que tes mouvements désordonnés… Enfin bref, je ne vais pas détailler. Il y a des choses auxquelles je n'ai pas envie de penser.

La serveuse prit le mug et le tendit à son amie :

– Tiens, bois et dans deux minutes, tu sombres. Fais-moi confiance, c'est une recette de Mère-Grand, et elle lui fit un clin d'œil complice.

– Je suis de service dans 4h.

– Justement. Indétectable, produit 100% naturel, bio et tout ce que tu veux. Maintenant, BOIS ! et dors. Tu me raconteras, dans les grandes lignes uniquement, insista-t-elle, ce qu'il s'est passé, demain matin.

X

Le lendemain, la lumière s'infiltrait très doucement à travers les tentures à peine tirées. Il était encore tôt et le monde ne s'éveillait que doucement. Regina tendit la main et sentit que le matelas à ses côtés était froid. Elle ouvrit les yeux et ne put que constater que les draps froissés avaient été désertés par son occupante.

– Imbécile ! siffla-t-elle.

Elle se retourna dans son lit et remonta la couette jusqu'à se couvrir la tête. Elle fit apparaitre son gsm et écrivit rapidement une question :

– Où es-tu ?

Elle patienta quelques secondes, puis déçue par l'absence de réponse, elle posa son portable sur sa table de chevet. Elle pouvait encore allonger sa nuit d'une heure ou deux. Elle ferma les yeux et se rendormit, confiante.

X

Avachie sur le comptoir, Emma se lamentait sur son sort :

– Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

– Vous êtiez deux, Emma. Arrête de te prendre la tête et va la trouver. Vous vous expliquez et puis voilà !

– Elle va me couper en petits morceaux.

– Probablement… Quelle idée tu as eu de la planter comme ça, aussi ! Deux fois dans la même journée… Je ne voudrais pas être à sa place.

– Oh ! Meeeerde !

Emma se cogna la tête contre le bar plusieurs fois.

– Red, tu diras à ta copine d'aller se frapper ailleurs. Ça fait fuir les clients !

La serveuse balaya l'air de la main pour chasser sa grand-mère et se tourna vers son amie pour lui donner un conseil mais le téléphone d'Emma bipa à nouveau dans sa poche.

– Tu devrais lui répondre. C'est son 3ème message depuis ce matin.

– Je suis foutue !

– Clairement ! Allez, rassemble ce qu'il te reste de courage et va affronter la bête … Ou retourne travailler ! Granny a raison, même les nains te regardent étrangement … Je ne dois pas te rappeler ce que tu représentes pour la ville ?

– Une future Sauveuse en exil ? Une Princesse en extinction ?

– Un Shérif ! Va faire ton boulot. Je te rejoins dans l'après-midi quand ça sera plus calme.

Hook entra dans le café et buta sur Emma qui s'apprêtait à sortir, comme une tornade.

– Aie.

Elle tomba sur le sol et il tendit son crochet pour l'aider à se relever.

– Hé bien ! En voilà une heureuse rencontre ! Je te cherchais justement.

– Pourquoi faire ? demanda-t-elle sur la défensive.

– Pour te voir, bien sûr ! Tu vas bien ? Tu sembles assez nerveuse.

– Je vais bien, comme tu peux le constater, elle se massa les fesses endolories. J'ai beaucoup de choses à faire. Maintenant, si tu veux bien, je dois aller au boulot.

Il s'interposa entre elle et la porte :

– Emma ?! Tu n'as pas le temps de prendre le petit déjeuner avec moi ? La ville n'est pas en feu.

– Non, c'est vrai, mais je suis payée pour faire un travail et c'est ce que je vais faire…

Le jeune homme ténébreux se pencha doucement vers elle et lui dit timidement, d'une voix à peine audible :

– J'aimerais qu'on parle un peu de nous… De ce qu'il se passe… Je voudrais savoir s'il y a quelque chose qui …

– Ecoute Killian… Je … Je ne sais pas ce qu'il y en entre nous … et non, je ne veux pas en parler. Je… je dois y aller.

Et elle fila comme le vent. Le pirate leva les yeux vers la serveuse derrière le comptoir qui haussa les épaules, feignant de ne pas comprendre l'attitude de son amie.

La Shérif poussa la grille rouillée du cimetière et réprima un frisson. Parmi les messages qu'elle avait reçus, il y avait celui de son père qui lui avait envoyé les coordonnées gps et qui disait de la retrouver en ces lieux. Un silence de plomb pesait au-dessus du lieu. Elle passa devant plusieurs caveaux familiaux et se dirigea vers l'extrémité du cimetière. Le gravier du sentier avait été ratissé, les allées arborées étaient bien entretenues. Çà et là, des couronnes de fleurs et des petites plantes grasses contrastaient avec le gris de la pierre et des croix sculptées.

Elle distinguait la silhouette de David qui l'attendait les mains dans les poches de son blouson, aux côtés d'un énorme talus de terre, fraichement retournée. Une brouette esseulée et vide était renversée à son pied.

– Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu me demandes de venir ici ?

– Je voulais que tu voies ceci… ça vaut mieux que des photos !

Elle s'approcha d'une fosse et regarda dans le fond. Un homme s'était empalé sur le manche de sa pelle et le bout arrondi et rouge sortait de son dos. Sa tête était penchée vers avant, en suivant la gravité. Emma put voir en contournant la scène que ses yeux étaient restés ouverts et ses bras étaient inertes, ballant. Le sang était encore frais et continuait à s'écouler le long de l'outil de jardin.

– C'est arrivé, il n'y a pas tellement longtemps. C'est son collègue qui l'a découvert comme ça et qui m'a appelé.

– Où est-il ?

– A l'atelier. Il vomissait ses tripes, alors que je lui ai suggéré de nous attendre là-bas.

– Une dispute ?

– Non, rien de tout cela. D'ailleurs, il n'y a que ses traces de pas dans la boue. Pour moi, ça m'a tout l'air d'un accident. Il a trébuché sur une pierre, celle-là, je suppose. Et le shérif adjoint lui montra le gros caillou près du trou : C'est un coup de malchance.

– Ça fait beaucoup de malchance pour une petite ville de 10.000 habitants. A ce rythme, le taux de mortalité violente va augmenter de 20 pourcents… Et je ne crois pas trop en la malchance à Storybrooke.

– Tu ne penses pas qu'il s'agisse de l'œuvre d'un tiers ? Enfin, Emma, même l'autopsie du médecin de légiste a montré que la vendeuse de glaces avait… Il n'osa pas le répéter, tellement que cela semblait improbable.

– Oui. Tu peux le dire … glisser. Comme par hasard. J'ai lu le rapport et l'hypothèse. Elle ouvre son congélateur trop haut pour elle. Le couvercle se rabat sur sa tête et l'assomme. Et elle meurt doucement, lentement, endormie par le froid. Et celui-ci est au fond d'une fosse… Deux morts, violentes, sur leur lieu de travail, avec leurs propres outils. Permets-moi de rester dubitative, répondit-elle sèchement.

Son père leva les mains pour se dégager de toutes remarques supplémentaires :

– Ok. C'est toi le chef. Je vais faire les relevés habituels, condamner la scène et appeler Red en renfort. Je fais venir le labo. Ça te convient ?

– Parfaitement.

– Tout va bien, ma chérie ?

– Oui, tout va bien.

– Tu sais que tu peux me parler…

– Oui je sais, David. Et je vais bien.

– C'est Henry ? Tout se passe bien à son camp ?

– Oui, il semble bien s'amuser. Je reçois de temps en temps une lettre. Vous aussi, je suppose.

– Oui, oui, répondit-il, distant. Il sentait bien que sa fille était préoccupée. Tu sais … Essaie de ne pas trop te prendre la tête avec cette histoire avec Regina.

– Mais qu'est-ce que vous avez tous avec elle !

– Je sais à quel point vous vous êtes rapprochées et que ce qui l'affecte, te touche aussi.

– Oui, ok. C'est bon, je vais faire un tour des lieux. A tout' !

– Emma, ne le prends pas comme ça !

La jeune femme s'éloigna de son père sans lui adresser un regard ni un geste.

Vers midi, après avoir vérifié le périmètre de sécurité, la Shérif laissa ses hommes s'occuper de la suite du protocole et elle retourna eu poste. Elle traversa le long couloir et pénétra dans la salle principale. Elle s'arrêta net, dans son élan. Regina était assise sur le coin d'un bureau, les mains posées à plat, de part et d'autre de ses cuisses. Sa jupe était légèrement remontée par sa position et à cause de ses jambes croisées. Il était évident qu'elle l'attendait depuis de longues minutes. Cette vision, elle l'avait déjà vue, à d'autres moments, d'autres circonstances. Elle regarda autour d'elle pour s'assurer qu'un diable, comme Sydney, ne sortait pas, par surprise, de sa boîte.

– Miss Swan ! Vous n'avez pas répondu à mes messages, s'exclama-t-elle.

C'était un monde. En l'espace de 24 heures, leur situation s'était totalement inversée. Et la voilà, Regina Mills, dans ou plutôt sur son bureau, la houspillant de ne pas l'avoir appelée en retour alors que pendant des jours, c'était elle qui s'était murée dans le silence.

– J'avais beaucoup de travail.

– Je suis le Maire, Shérif Swan, et depuis peu, il n'y a aucun sort, aucune malédiction ni de sorcière autre que moi à l'horizon. Qu'est-ce qui a bien pu accaparer tout ton temps et t'empêcher de me répondre ? Toi qui es si prompte à le faire, habituellement.

– L'ami de Pierrot dégrise dans une cellule, pour tapage nocturne et infraction chez sa voisine. Pour une histoire de feu… Tôt ce matin, c'est la Mère Michelle qui a appelé, son chat s'est encore coincé sur la plus haute branche de son arbre. Je jure que je vais le descendre pour de bon et sans l'aide d'une échelle… Et avant les cours, sur les docks, un bande de gamins de la ville a racketté un autre pour lui piquer son panier de crabes ou de moules, je ne sais plus.

La Shérif ne lui partagea pas ses dernières réflexions sur les mystérieuses morts de la ville de ces deux dernières semaines. C'était déjà bien assez que Red et son père la mettaient constamment en doute. Aussi, elles étaient toutes les deux bien trop loin pour échanger sur la vie banale de la communauté et les perturbations citadines. De plus, quelque chose lui disait que Regina n'avait pas fait le déplacement en personne pour parler du quotidien de ses habitants.

– Fascinant, exprima-t-elle sans aucune conviction.

Regina glissa gracieusement et de façon diablement sexy de son perchoir. Elle s'approcha, féline, près de son amie. Emma releva la tête, même si son visage était fermé et ses sourcils froncés, elle n'en menait, intérieurement, pas large. Le rouge lui montait aux joues :

– Regina, écoutez… Pour hier, je suis désolée…, finit-elle par formuler. Mille pensées et phrases l'avaient assaillie au moment où son regard avait croisé les yeux noisette de la Maire.

– Je sais ce que tu vas dire…

– Ha oui ?

Emma se rendit compte que depuis qu'elle avait réintégré ses bureaux, Regina la tutoyait. Cette familiarité la déstabilisait et ne présageait rien de bon. Et pourquoi ce ton si doux, si séducteur. L'Evil Queen devait préparer quelque chose, une vengeance froide, calculée… La Sauveuse devait assurer ses arrières. Cette patience peu commune ne lui ressemblait pas et devait cacher un coup vicieux.

– Je te connais. Quand ça ne va pas, quand tu ne contrôles plus rien, tu prends la fuite ou tu te tais. Et c'est exactement ce que tu as fait cette nuit. Dis-moi que j'ai tort.

Regina se planta devant elle et soutint son regard hésitant. Emma oscilla sur un pied, puis l'autre, intimidée. Elle se décida à lui avouer la vérité :

– Je n'aurais pas dû… J'ai dépassé les limites… j'ai profité de v-

– C'est bien ce que je pensais, l'interrompit-elle.

Regina, contre toute attente, lui sourit, comme attendrie. Elle semblait même soulagée et étrangement de bonne humeur : Laisse-moi t'expliquer une chose.

Et l'Ancienne Reine s'avançait toujours lascivement, hypnotisante. Jusqu'à ce qu'elle soit à quelques centimètres d'Emma, juste en face d'elle. Elle posa son doigt sur les lèvres pour lui imposer le silence. Ce geste tendre, par lui seul, rendait Emma muette, non pas par magie mais par stupeur.

– Nous sommes deux adultes, non ?

Emme opina de la tête.

– Bien. Et hier, nous étions deux adultes consentantes.

– Oui, mais vous n'étiez pas …

– J'étais sobre et toi aussi, la coupa-t-elle doucement : J'étais parfaitement consciente et j'avais toutes mes facultés. Emma, tu as été l'amie dont j'avais besoin. Tu m'as dit que tu étais là pour moi et c'est exactement ce que tu as fait. C'est tout, ni plus, ni moins.

– Quoi ?

Emma n'en croyait pas ses oreilles. Elle songea à une mauvaise plaisanterie, à un tour perfide. Elle chercha dans le regard de son interlocutrice une faille, un tic nerveux qui trahirait cette étrange confiance. Mais rien. Regina était sérieuse et ne cilla pas. Emma qui s'était retourné le cerveau une partie de la nuit, à culpabiliser et à croire qu'elle avait profité de l'état de chagrin de Regina, avait même pensé que leur amitié était terminée. Elle craignait que la tension qui s'était dissipée depuis plusieurs mois allait reprendre de plus belles… Et contre toute attente, Regina résuma la situation à des faits … plats… objectifs… factuels.

– Tu m'as bien entendu. Ce qu'il s'est passé hier, c'était deux amies, adultes et consentantes… L'une qui consolait et réconfortait l'autre. Je me suis trompée ?

– Heu… non. Non. Je … ok… C'est bien ça, répondit-elle perplexe.

Où était le piège ? se demanda la Shérif, méfiante.

– Parfait. Tout va bien entre nous, alors ?

– Tout va bien.

– Alors je t'attends, ce soir, même heure, même endroit.

Sans attendre de réponse, Regina lui tourna le dos et s'en alla majestueusement. Emma put la voir réajuster sa jupe et recentrer son blaser. Toutes ses doutes du matin, toutes ses réflexions personnelles s'étaient envolées soudainement. Ses yeux restaient fixés sur son déhanché. Elle s'en mordit l'intérieur de la joue. Diable !

XXX