CHAPITRE 5 « I lost myself » de Munn, 2020.

Emma entra dans le cabinet silencieux. La salle aseptisée, les murs blancs, l'odeur pénétrante d'éther s'ajoutaient à la tension qui régnait déjà dans la pièce. Elle pouvait entendre les sanglots, de l'autre côté du couloir, de la secrétaire médicale qui avait découvert le corps de son patron, dix minutes plus tôt.

Elle s'approcha doucement et analysa la scène. Elle tenta de photographier, dans sa tête, tout ce qui pouvait éventuellement servir d'indices ou de pistes.

Le dentiste gisait dans le fauteuil dentaire hydraulique de ses patients, les bras pendant, les jambes écartées. Le masque d'anesthésie était toujours placé sur le nez et la bouche. De la bave épaisse et blanche s'était échappée sous la couche de silicone qui couvrait la moitié de son visage. Il n'était pas beau à voir, il n'était plus présentable. Il était pâle, pathétique. Tous ses muscles s'étaient relâchés et il baignait dans ses déjections. La Shérif porta sa main à ses narines et respira les effluves du petit pot de Vicks vaporub qu'elle avait toujours avec elle. Le camphre mentholé faisait son effet et surplombait la puanteur du lieu. Elle tourna la vanne. Même si la bouteille était vide depuis plusieurs heures, c'était un geste, qui à ce moment-là, lui paraissait sensé.

Tout était calme. Tranquille. Seul le cadavre contrastait avec l'atmosphère que devait apporter cet endroit.

– C'est un suicide ?

Emma sursauta. Hook était dans l'encadrement de la porte, les bras croisés et la regardait.

– Tu es là depuis combien de temps ?, lui demanda-t-elle.

– Assez pour t'avoir vu faire le tour de ce… cette chose.

– Cette chose est une personne, Killian. Un peu de respect.

Il haussa les épaules, désintéressé.

– Que viens-tu faire ici ? C'est David que j'avais appelé.

– Ton père m'a dit de venir te seconder. Il s'inquiète pour toi. Il dit que tu prends tout cela trop à cœur… Et apparemment, il n'a pas tort.

Emma qui avait continué à observer les lieux détourna la tête et fronça les sourcils.

– Alors, ça y est, vous sortez tous les deux d'un bouquin et hop, vous devenez soudainement comportementalistes aussi ?

Killian pouvait ressentir l'animosité qui l'habitait. Il s'abstint de lui répondre. Il la sentait tendue depuis plusieurs jours. Enervée. Elle se dirigea vers le bureau et fouilla les notes du praticien. Elle tourna les feuilles, vérifia l'agenda. Elle regarda son interlocuteur et lui dit :

– Puisque tu es là, rends-toi utile.

Elle lui lança un carnet qu'il attrapa au vol, puis un stylo bille :

– Note sa déclaration, dit-elle en faisant référence à la secrétaire : Son nom, son prénom, toutes ses informations personnelles.

Le pirate souleva un sourcil.

– Non pas ses mensurations ! L'essentiel et ce qui peut être pertinent pour l'enquête. A quelle heure est-elle partie, comment était-il ces derniers jours, si elle a remarqué un comportement ou une visite inhabituelle… j'en sais rien, retrace sa journée, pose-lui des questions et retranscris tout ça là-dessus.

– Emma, il est mort. Qu'est-ce que ça peut bien faire toutes ces questions ?

– Je ne trouve aucune lettre d'adieu. Je veux m'en assurer…

– Une overdose. Ton dentiste est un drogué et c'était sa fois de trop.

– Si c'est trop te demander, tu peux me laisser, je m'en occuperai toute seule, rabattit-elle sèchement.

Qu'est-ce qu'ils avaient besoin, tous, de la contester constamment. D'abord son père, puis lui…

– Aye, aye, Captain, s'exclama-t-il pour couper court à la discussion qu'il sentait virer à l'orage.

Le jeune homme tourna sur ses talons et traversa le couloir en sifflotant.

La Shérif prit elle-même des notes et des photos avec son téléphone portable avant d'appeler le service mortuaire de l'hôpital.

X

Emma avait étalé sur son bureau les trois dossiers qui accaparaient son esprit depuis plusieurs jours. Ce n'était pas le fruit de son imagination ni les faits du hasard. Ces trois morts étaient suspectes. Elle en était sûre. Elle prit une feuille de papier et rassembla les points communs. Le premier était les prénoms et les noms des victimes. Cela l'avait frappé dès son premier rapport, chez le glacier. Quand elle avait relevé l'identité de la pauvre personne qui était morte, endormie doucement par le froid, elle n'avait pu, au départ, brimer un sourire. Angèle Hure. Une coïncidence sur un million ? Quoi qu'il en était, elle n'avait pas réellement pris l'affaire au sérieux. C'était malheureux, la faute à « pas de chance », un accident domestique comme il en arrivait tous les jours, sur toute la planète. Rien de bien dramatique ou inquiétant.

Ensuite, au deuxième accident, elle se pencha sur les occupations de ces gens. Qui devient, dans la vraie vie, marchande de glaces et dont l'association du prénom et du nom fait référence à son métier ? Qui ? Qui meurt frigorifiée, gelée par ou dans son propre congélateur. Oui, cela l'avait fait même rire, avec son père, quand ils avaient relu ensemble le retour du médecin légiste. Et puis, quelques semaines plus tard, le fossoyeur, Chris Antem. Mort dans les mêmes circonstances, à peu de choses près… plutôt dans les mêmes critères. Le nom, le prénom, le métier, le lieu et l'outil. Les mêmes conjonctures. Elle n'avait plus souri. Elle n'avait pas ri, non plus, à la plaisanterie de son député. « On est à Storybrooke », lui avait-il dit.

Justement, On est à Storybrooke, là où tout pouvait arriver, la seule frontière était l'imagination. Pendant ces quatre années dans ce village, elle avait appris que rien n'était normal, commun au monde qu'elle connaissait avant, dans lequel elle avait vécu pendant 28 ans. Ce qui éveillait son attention, ce qui démangeait son instinct était ces morts suspectes en apparence absurdes pouvaient dissimuler des meurtres réalistes... Aucune de ces particularités ne faisait référence à l'irréel, à l'imagination ou à la magie.

Elle s'assit sur sa chaise et posa son menton sur ses mains jointes. Elle lisait attentivement ses observations du jour : Adam Broce, dentiste, overdose de protoxyde d'azote, le gaz hilarant anesthésiant.

– Broce Adam, répéta-t-elle à voix haute.

Non, cela ne la faisait plus rire. Un meurtrier jouait avec ses nerfs et agissait dans l'ombre en toute impunité. Et cela la mettait même en colère. Il se jouait de tous et principalement des victimes. Combien de lecteurs avaient plaisanté suite aux commentaires du Daily Mirror ? Ces pauvres gens méritaient qu'on leur rende justice.

– Tu es encore là-dessus ?

Trop perdue dans ses réflexions, elle n'avait pas entendu David entrer dans son bureau. Il regarda par-dessus son épaule et lu, pour lui, ses constations.

– Je crois qu'on a affaire à un serial Killer, déclara-t-elle : Je vais devoir appeler le FBI.

– Un quoi ?

– Un serial killer.

– Oui je t'ai entendu la première fois, mais c'est quoi un céréale-qui-leurre ?

– Un tueur en série, un meurtrier qui tue plusieurs fois par pulsion ou pour le plaisir, il-

Et David s'esclaffa. La Shérif pivota sur son fauteuil et le regarda, effarée. Qu'est-ce qui le faisait rire comme cela ?

– Mais Emma, la ville regorge de céréales-qui-leurrent …

– Mais de quoi tu parles ?

David se mit à répertorier sur ses doigts les habitants de Storybrooke :

– Rumplestinskin, Barbe bleue, Zelena, Cruela, Jafar, et je dois aussi tenir compte de Hook, Red, et forcément Regina. Je ne crois pas avoir fait le tour, mais ici, la moitié des habitants doit répondre à ta définition de tueur en série…

– Je suis sérieuse.

– Mais moi aussi ! Et c'est quoi le FBI ?

Emma perdait patience. Elle claque ses paumes de mains sur le bureau, agacée, et y prit appui pour se lever rapidement. Elle avait besoin d'air.

Elle prit sa veste en cuir rouge qui pendait nonchalamment sur le dossier de sa chaise et l'entraina dans son sillage.

– Tu diras à Mudler et Scully que je suis allée faire un tour, déclara-t-elle en lui tournant le dos et en s'en allant.

– Qui ?

– Laisse tomber !

– Mais où vas-tu ?

– Dehors, loin d'ici… loin de tout ceci ! cria-t-elle en le plantant seul, dans son bureau.

X

La lune dessinait un fin croissant dans un ciel d'encre. Légèrement inclinée, elle lui faisait penser à un sourire. Le sourire du chat de Cheshire. Emma évita de l'évoquer, même de l'imaginer, de peur de le voir apparaitre et de l'engager dans une conversation sans queue ni tête qu'elle ne souhaitait pas aborder. Elle était suffisamment retournée comme cela. Elle détourna les yeux vers les lumières de la ville. Elle inspira profondément et expira tout autant son exaspération. Avec qui pouvait-elle parler de ces choses-là ? Elle avait cette sensation de devenir folle, prise en étau entre la vie réelle et la vie des contes de fées.

Tout cela était-il encore la réalité ? ou vivait-elle dans un monde parallèle merveilleux ?

Elle était la seule à pouvoir faire la différence. La seule ? Non, il lui restait Henry. Lui aussi possédait cette faculté à discerner les deux mondes. Mais il était hors de question de le mêler à ces histoires de meurtres.

La Shérif s'assit sur le sol, le tapis d'herbes plia sous son poids et épousa ses formes. Elle s'adossa au tronc et regarda les toits des maisons déchiqueter la ligne plane de la plaine. Au loin, elle pouvait deviner la vie encore active malgré l'heure tardive, derrière quelques fenêtres éclairées. Storybrooke était un village portuaire, lové au creux de montagnes et de forêts de pin. Les feux clignotants des bouées disparaissaient au gré de la houle. Le faisceau du phare du port balayait l'horizon pour guider les bateaux qui voyageaient entre les mondes magiques, emportés par les haricots magiques que les nains continuaient à cultiver.

Son téléphone sonna à plusieurs reprises. Elle le prit sans le regarder et le mit en silencieux. Tant de questionnements, tant de prises de tête assaillaient son esprit. Emma avait besoin d'une pause. Elle voulait se couper du monde, de ce monde. Elle voulait être seule et profiter que le temps et l'espace pouvaient s'arrêter pour quelques heures. Il faisait bon, les températures étaient encore élevées en cette période estivale. La Shérif passa ses mains à l'arrière de son cou et s'installa confortablement, s'imprégnant du bruit de la forêt. Elle ferma les yeux et essaya de se concentrer sur les sons qui l'entouraient. Mais rien. Elle ne perçut rien. Elle était trop absorbée par les flashs qui apparaissaient sous ses yeux les corps sans vie des trois dernières personnes, Killian qui la talonnait comme son ombre, son père qui mettait en doute ses capacités d'enquêtrice et Regina qu'elle n'avait plus recroisée depuis qu'elle les avait raccompagnés, la Maire et son fils, au manoir.

Elle se redressa et prit une branche tombée d'un sapin. Elle défit une à une les aiguilles au rythme de sa réflexion.

Red, Regina … étaient-elles bien des tueuses en série comme son père l'avait suggéré ? Non, cela n'avait rien à voir avec ce qu'elle connaissait de leur monde, de ce qu'elles avaient fait et avec ce que la Shérif découvrait pour la première fois, ici, à Storybrooke… Si c'était bien des meurtres, se dit-elle… Ha non ! Elle n'allait pas commencé. Qu'elle ne laisse pas entrer, dans sa tête, les suspicions de son père. Elle savait, elle. Elle devait se faire confiance. Où en était-elle ? Ha oui. Red. Red s'enfermait toutes les pleines lunes dans la cave du café, sous l'œil vigilant de Belle. La bibliothécaire veillait sur la louve, sans faillir. Aussi Red portait toujours sur elle sa cape magique. Elle avait conscience des vies humaines.

Et puis il y avait Regina. Que savait-elle d'elle exactement. La mort, non, le meurtre de Graham… et le père de Mendell. De plus, Emma ne pouvait ignorer l'existence de ces génocides dont elle avait lu les récits dans le Livre d'Henry. La Maire, était-elle aussi mégalomaniaque que ces psychopathes issus de son manuel d'Histoire. Non, c'était différent. Cela n'avait plus rien à voir… Ce n'était pas comparable… Regina s'était repentie, elle avait fait preuve de rédemption, de sentiments et d'empathie... La Maire d'aujourd'hui, celle qu'Emma connaissait, ne ressemblait en rien à un psycho-sociopathe déséquilibré. L'arrivée d'Henry l'avait rendue plus humaine… plus sensible. Depuis, tous les habitants l'avaient enfin acceptée et lui avaient pardonné ses fautes. Ses actes passés avaient été motivées par… Non !

Emma secoua la tête. Pourquoi lui cherchait-elle des excuses ? Pourquoi faisait-elle une différence quand elle faisait référence à ses proches ? Pourquoi se montrait-elle aveugle ou tolérante quand ça les concernait ? Parce que c'était bien différent.

Emma tentait de réfléchir avec son éducation, sa culture du monde réel pour faire la part des événements, pour prendre un recul… objectif. La philosophie des contes, les paradigmes médiévaux ne pouvaient être comparés à son monde. C'étaient des mœurs et des valeurs différentes.

Quand bien même, une vie était une vie.

Mais avaient-ils réellement existé, tous ? Le Chaperon Rouge, la Méchante Reine, Peter Pan ? Vivaient-ils, vraiment dans un monde parallèle ? Ou étaient-ils issus de l'imagination des autres Andersen, Grimm et Perrault, tout droit sortis d'un livre et ils avaient pris vie par magie… ? Elle-même était le fruit d'un ces couples phares, d'un de ces contes. Elle-même existait.

Ok. Stop. Ça partait trop loin. Elle se leva. Rester ici à ruminer de telles pensées ne l'aidait pas. Que du contraire, elle se sentait aspirer par une crise d'angoisse existentielle. La tête lui tournait et son cœur s'emballait. Elle n'avait pas besoin de Chester pour lui retourner le cerveau, elle se débrouillait bien toute seule.

Elle se dépoussiéra le pantalon.

– Sois pragmatique, Emma. Concentre-toi sur les faits et l'instant présent.

Ces gens étaient bel et bien morts. Assassinées. Et elle était la seule à s'en être rendu compte. Pourquoi son père la mettait-elle en doute ? C'était comme si en l'espace de ces 4 ans, il avait pris sa place de parent et ne la voyait plus, elle, sa fille, comme une personne adulte. Ne s'était-elle pas débrouillée seule pendant 28 ans, n'avait-elle pas prouvé à son père qu'elle n'avait besoin de personne pour s'en sortir, ni sur l'ile de Pan, ni ailleurs ? Après tout, ils n'ont que 2 ans de différence.

Et Killian qui la suivait partout, comme un petit chien. Oui, ils avaient couché ensemble. Coucher. Embrasser. Point. Ce n'était pas comme s'ils avaient scellé un pacte, une union. Et le voilà qui se devait de jouer les princes charmants, sauveurs de faibles femmes, sous l'œil attendri et presque approbateur de son père.

Elle n'était ni une fille à papa, ni une damoiselle en détresse. Elle ne le sera jamais.

Emma shoota dans une pomme de pin qui s'envola et atterrit plus bas, dans une clairière.

Qu'ils lui foutent la paix ! Elle n'était pas à prendre avec des pincettes, elle n'était pas fragile ! Qu'ils l'écoutent plutôt. Elle savait ce qu'elle faisait. Elle avait plus d'expériences qu'eux dans ce monde et elle n'avait pas besoin de leur protection. C'était elle le Shérif et c'était elle qui prenait les décisions. Que pouvaient réellement savoir un berger et un pirate moyenâgeux ? Ils avaient à la suivre et à la respecter. Ce n'était pas compliqué !

David devait arrêter de la sur-couver et de penser qu'il lui était supérieur et Killian devait la lâcher et arrêter de la protéger comme si elle allait se briser.

Elle devait reprendre le contrôle de sa vie affective et professionnelle. Décidée, elle déserta les lieux sans un regard pour la lune qui semblait se moquer ouvertement d'elle.

X

Elle grimpa à l'arbre avec beaucoup d'agilité et de détermination. Elle s'accrocha aux branches et avança doucement, assurant chacune de ses prises. Arrivée à la hauteur du toit du patio, elle prit son élan et atterrit, comme un félin, en amortissant son saut de ses quatre membres. L'oreille tendue, elle était à l'affût du moindre bruit, du moindre mouvement à l'intérieur de la maison. Mais tout était encore silencieux. Elle s'approcha de la fenêtre grande ouverte et s'infiltra à l'intérieur. Elle vit une forme se mouvoir dans le lit, se retourner dans sa direction et ouvrir les yeux.

Regina se redressa subitement :

– Qu'est-ce-

Ni une, ni deux, Emma, en un bond, avait franchi la distance entre elles. A califourchon sur la Maire, elle recouvrit le son de sa main sur sa bouche. Regina tentait de se débattre de cette attaque inconnue. Mais quand la brune émergea de son sommeil et qu'elle reconnut la Shérif, son cœur emballé s'apaisa, rassuré. La jeune femme blonde défit sa prise et enfouit son visage dans son cou. Elle la mordilla légèrement au niveau de l'épaule, à l'arrière du cou. Regina voulut la repousser gentiment, sans forcer. Elle était encore surprise de cette visite incongrue et les assauts d'Emma ne la mettaient pas à l'aise :

– Emma, non.

Mais la jeune femme ne l'écoutait pas. L'entendait-elle seulement ? Celle-ci se pencha de tout son poids pour emprisonner le corps de la jeune femme sous le sien. D'une main, elle attrapa les poignets de la Sorcière et les maintint au-dessus de sa tête, pendant que l'autre parcourait son flanc, malaxait son sein. Emma grogna et se pressa entre les jambes de sa proie.

– Miss Swan ! NON !

Emma redressa la tête, confuse. Puis emportée par un souffle, la Shérif se trouva projetée de l'autre côté de la chambre. Elle roula sur elle-même sur le tapis épais. La Maire avait veillé à étouffer les bruits pour ne pas réveiller Henry et l'inquiéter. Regina s'était dégagée de son emprise par un tour de magie. Elle s'extirpa de son lit et s'approcha de la jeune femme blonde :

– Mais qu'est-ce qu'il vous prend ?

– Je pensais que …

– Vous pensiez quoi, avec Henry à côté ? Sans me prévenir ! J'aurais pu vous blesser si je ne vous avais pas reconnue ! Enfin, que vous a-t-il pris ?

Regina l'aida à se relever et lui présenta la chaise à côté de sa coiffeuse.

– Je vous écoute.

Emma rougit, prise sur le fait, honteuse de sa confusion. Ses actes ne demandaient pas d'explications. Ils parlaient pour eux-mêmes. Après avoir échangé et partagé leurs trois escapades, sa venue de ce soir se passait de commentaire.

Regina s'assit sur le lit. Bien éveillée et consciente, remise également de ses émotions, elle comprit ce qui avait emporté la Shérif. Cette soudaine pulsion, la même qu'elle avait ressenti, dix jours auparavant, la veille du retour d'Henry.

La jeune femme blonde était toujours silencieuse. Elle ne savait ni comment s'exprimer, ni comment s'excuser. Loin d'elle l'idée de l'agresser contre sa volonté. Elle se sentait vraiment très mal.

– Emma, nous devons parler et établir des règles. Vous avez promis de m'écouter. Vous m'avez promis du plaisir. Nous n'étions pas loin du malentendu et de l'irréparable.

La jeune femme blonde hocha la tête.

– Vous allez partir d'où vous êtes venue et prendre une bonne douche froide. Revenez demain dans la matinée.

– Et Henry ?

– Il passe la journée avec son grand-père à l'étable. Venez vers 10h. Cela vous va ?

La jeune femme se leva de son fauteuil. Elle leva la tête et planta ses yeux tristes dans ceux de Regina.

– Je suis désolée.

– Je sais. Vous connaissez la sortie, bonne nuit.

– Bonne nuit, Regina.

Emma repartit par où elle était rentrée et prit le chemin de l'appartement de ses parents.

Regina se recoucha dans ses draps de soie et réfléchit à ce qu'il venait de se passer. Irrémédiablement, elle pensa à Graham, à tout ce qu'elle lui avait ordonné de faire, de lui faire. Elle l'avait transformé en un esclave sexuel, abandonné à son plaisir à elle, où elle prenait sans donner, où elle aspirait sans remplir.

Cette fois, avec Emma, ce serait différent. La ligne était mince et elle ne souhaitait pas la rompre. La Maire la voulait consentante, qu'elle donne autant qu'elle reçoive. Que du plaisir partagé et échangé, sans entrave. Emma était la personne idéale, qui l'acceptait telle qu'elle avait toujours été. Elle s'était toujours montrée vaillante à ses côtés et elle avait pris son parti à de nombreuses occasions. Elle était loyale et franche. Parfois son égale, parfois son opposée. Elle voulait conserver cette relation qui les liait l'une à l'autre… Elles devaient s'entendre, trouver un accord pour satisfaire les attentes… non ! les besoins … de l'une et de l'autre.

Regina se retourna à nouveau dans son lit. Le sommeil mettait du temps à la retrouver. Quelque chose n'allait pas. La venue soudaine d'Emma en milieu de nuit… Pourquoi était-elle venue à ce moment-là ? Était-ce pour le jeu ? Il était vrai que cela faisait plus d'une semaine qu'elles ne s'étaient plus croisées et qu'elles n'avaient plus abordé le sujet. Si c'était un autre jeu de rôle, il lui fallait rapidement mettre les choses au clair. Etablir des règles. L'inattendu, la surprise de ce style … ce n'était pas son truc. Elle repensa à la surdité sélective d'Emma, au fait qu'elle semblait réfractaire, fermée aux appels. Comme absente. Il y avait quelque chose … Elle ne sut quoi.

Regina s'endormit difficilement cette nuit-là. Et au fur et à mesure que la nuit avançait, elle la Maire finissait d'apaiser ses craintes. Le lendemain, elle avait oublié le fruit de ses pensées, impatiente d'engager un nouveau partenariat prometteur.

XXX