Regina pianotait sur le clavier de son ordinateur et terminait un dossier urgent quand Emma entra dans son bureau. Elle ne leva pas les yeux, elle avait reconnu dans son champ périphérique la porteuse de la veste :
– Miss Swan, vous avez manqué notre rendez-vous, ce matin.
Toujours concentrée sur ses obligations professionnelles, la Maire fit mine d'appuyer sur le communicateur pour réprimander sa secrétaire : Je ne vous attendais plus et Sandrine ne m'a pas prévenue de votre arrivée.
En trois pas, Emma parcourut la pièce. Elle interrompit le geste en plein vol et répondit :
– Elle est partie déjeuner… Et comme je savais que vous n'en feriez pas autant, je suis venue.
– Pourquoi ?
– Pourquoi quoi ?
– Pourquoi maintenant ? Vous m'avez fait faux-bond, ce matin. Je croyais que nous en avions terminé avec cela. … Elle balaya l'air de la main, sans vouloir donner plus d'importance que cela en avait. Une des règles était de ne pas avoir d'attente : Alors ?
– Alors je suis désolée et je suis là.
La Shérif s'assit dans le fauteuil en face et croisa les jambes. Elle était clairement nerveuse et battait du pied. Regina déposa ses lunettes sur le bureau et s'adossa à son fauteuil tout en la jaugeant de loin.
– Vous vous excusez souvent, constata-t-elle, sur un ton stoïque : Deux pas en avant et trois en arrière.
Elle se leva et contourna rapidement le bureau. Elle se rassit sur le coin de la table et prit appui de ses deux mains de part et d'autre de ses cuisses.
– Alors ? Pourquoi êtes-vous là ?
Emma se redressa inconfortable et décroisa pour recroiser ses jambes. Son regard était fuyant. Pourquoi se sentait-elle si … gênée ? Comme une petite fille timide. C'était tellement loin de ce qu'elle était réellement. Et que voulait la Maire ? Ne comprenait-elle pas que sa présence, ici, faisait suite à ce qu'il s'était passé hier et aux semaines précédentes ? N'était-ce pas elle qui avait initié ce… cette … Qu'est-ce que c'était déjà ?
– Emma, si cela vous incommode, il vaut mieux que nous en restions là. J'ai passé l'âge de jouer au jeu du chat et de la souris.
– Non. Non. Ok. Je suis là pour … ça. D'accord… C'est … Pour qu'on … se mette d'accord… que ce qui s'est passé hier soir ne se reproduise plus… Je le regrette, vraiment.
Regina revoyait la scène et ressentait les émotions désagréables qui l'avaient submergée. Elle avait eu peur. Regina serra le bord de table et elle chassa les images de sa tête. Cela ne pouvait plus se reproduire. Elle avait besoin de contrôle et de sécurité.
Emma la regardait, perplexe. Elle l'interrompit dans ses pensées :
– Un code.
– Pardon ?
– Quand on se retrouve… pour … vous savez…
– Du sexe, Emma. Pourquoi vous n'appelez pas un chat un chat ?
Emma sourit, amusée par la référence. Regina comprit l'allusion qui venait de traverser son interlocutrice et répondit à son sourire :
– Vraiment ? Vous avez quoi, 12 ans ?
– Du sexe, bien, répéta-t-elle plus affirmée : Ok. Enregistré. Je dois juste m'habituer à en parler avec vous. Et que le mot sexe sorte de votre bouche.
– Si vous êtes coincée chaque fois que j'aborde le sujet, nous n'irons jamais très loin.
Emma se sentit plus légère. Son esprit mal tourné lui avait permis de se détendre. Cela se voyait dans son attitude et sa posture. La jeune femme se montrait plus attentive, moins en retrait :
– Je me répète mais je ne suis pas coincée, rétorqua-t-elle, feignant d'être vexée. Son égo était, quand bien même, un peu rudoyé. Elle était beaucoup de choses, mais coincée et prude ne faisaient pas partie de ses qualifications. Sa position sur sa chaise avait également changé. Elle se tenait plus droite, elle semblait plus à l'aise, plus confiante. Les souvenirs se mêlèrent à la conversation. Ses nombreuses aventures passées, son rôle de Shérif dominant lors de leur dernière rencontre et la tournure que cet épisode avait prise la confortaient dans l'idée qu'elle avait d'elle. Cependant, Emma n'allait pas faire étalage de son savoir-faire pour prouver que Sa Majesté portait un jugement hâtif.
La jeune femme blonde, piquée dans son amour propre, voulait retourner la situation. Et quoi de mieux que de l'attaquer sur son propre terrain. Elle profita de son élan d'assurance et précisa ses pensées :
– Il nous faut un code, un signal … qu'on peut s'envoyer … pour s'envoyer en l'air. Ça vous va ?
Regina leva une nouvelle fois les yeux au plafond face à son manque de maturité :
– C'est malin, dit-elle presque exaspérée.
– Comment faisons-nous ? Un sms ? Un coup de téléphone.
– Un sms. Oui, ça me convient parfaitement.
– PC pour plan cul ?
– Excusez-moi ?!
– Vous vous offusquez parce que j'appelle un chat, un chat maintenant ? Je ne vous savais pas si prude.
– Très bien, « PC », abandonna-t-elle en levant les mains en l'air. Décidément, cette femme lui faisait perdre son sang-froid dans n'importe quelle situation : Je ne veux pas d'attache, de dispute, ni d'attention. Nous sommes libres de tout engagement !
– Ok.
– Pas de sentiment, pas de jalousie, pas de romantisme.
– Pas de souci. J'ai compris. Que du sexe ! Pas de responsabilité, pas d'obligation, pas de « où étais-tu, avec qui, c'est à cette heure-ci que tu rentres ». C'est noté.
– Bien. Regina pencha la tête un peu sur le côté, intriguée : ça a même l'air de très bien vous convenir…
– Vous n'avez pas idée !
– Nos relations, en public et devant Henry, restent inchangées. Nous n'avons rien à dire à personne. D'aucun n'a besoin de savoir ce qu'il se passe. C'est entre nous.
– Ça me va !
– Une dernière chose, pas de mensonges. Quand ça nous arrange pas ou plus, que … s'il y a le moindre changement … un doute ou une pression…. Tout s'arrête.
– Parfait !
– Vous voulez vraiment le faire … Se servir l'une de l'autre, juste pour le sexe ?
– Oui, je veux le faire.
Et pour sceller son intention, Emma se leva et l'embrassa. Regina ne résista pas et l'enlaça en retour. C'était comme si la semaine qui venait de s'écouler s'était dissipée d'un claquement de doigts. Sa langue titilla sa lèvre et la bouche de la Maire s'entre-ouvrit lui donnant pleinement accès. La caresse se transforma en un baiser plus profond et inquisiteur. La douceur de la dance de leur langue accentuait leur envie et créait des pulsions qui se répandaient dans tout leur corps. La température venait de grimper de quelques degrés et les prémices de leurs échanges se transformaient rapidement en ardeur. La main d'Emma prenait possession de son sein droit tandis que l'autre, sur son flanc gauche, était sans équivoque. Elle se glissait sous son chemisier violet étroit. Le simple contact de sa peau la faisait frémir. Elle la souleva de son bureau et elle fit trois pas en arrière, l'entrainant dans son sillage. Elle tournoya et plaqua la Maire violemment contre la table de réunion, renversant deux chaises au passage. La corbeille de pommes rouges vacilla et faillit se renverser, sous le choc. Emma parsema de baisers sa joue, son cou et descendit dans son décolleté, entre la ligne de ses seins. Elle défit fiévreusement un à un les boutons de son chemisier découvrant un soutien-gorge à lacets noir.
– J'ai toujours adoré cet ensemble ! lui révéla-t-elle malgré elle, prise dans sa fièvre. Elle s'empressa de le dégrafer.
– My ! On dirait que ma tenue de Neverland ne t'a pas laissé indifférente !
Le tutoiement. Le ton était donné. Alors, sans demi-mesure, Emma saisit l'opportunité pour reculer un peu afin de la contempler en toute impunité.
– Tu rigoles j'espère, tu n'as laissé personne indifférente sur cette île ! En plus, les boutons sautaient un à un, au fur et à mesure du séjour.
Regina ne put réprimer un sourire de satisfaction qui en disait long.
– Non ! Tu l'as fait volontairement ?!
– Ça, Shérif, je laisse le soin à ton imagination d'y répondre.
Regina crocheta ses doigts autour de la ceinture d'Emma et l'attira brusquement à elle.
– Quand tu auras fini d'admirer, tu pourrais reprendre où tu m'as laissée…
Regina aussi était affamée. La fin de la conversation, le regard changeant et les références de la Shérif avaient réveillé son désir. Tandis qu'Emma dégrafait son soutien-gorge, elle ressentait des frissons dans le bas de son dos et de ce fait, elle collait son corps davantage contre le sien. Elle lui attrapa les fesses et y enfonça ses ongles à travers l'épais textile, tout en basculant la tête en arrière, savourant les divines caresses qui avaient repris leur chemin initial. Elle parcourut le contour de ses hanches en longeant les passants et sa taille. Arrivée au-devant du pantalon, elle déboucla le ceinturon et fit glisser la fermeture éclair. Elle baissa le vêtement et la culotte en même temps, à l'orée des fesses et libéra son amante de ses entraves. Regina pouvait enfin avoir accès à son sexe. Elle glissa sa main entre les cuisses serrées et le saisit, sans préambule. Emma grogna contre sa poitrine. Ce faisant, ses lèvres partirent à la rencontre de ses tétons durcis. Regina gémissait à son tour.
Les mains d'Emma accélèrent leur progression et descendirent sur son ventre. Elles lui ôtèrent son tailleur-pantalon puis passèrent subrepticement par-dessus un superbe tanga en dentelle noire … et fendu. Elle s'arrêta net, sous l'effet de la surprise :
– On dirait que tu m'attendais.
Regina prit appui sur la table :
– Je ne vois pas ce qui te fait dire ça.
Regina était complètement trempée. Elle écarta les jambes, offerte. Emma prit alors possession d'elle en posant sa main sur son pubis. Et quand elle le massa par-dessus le tissu, La Maire se cabra en soupirant.
Elles respiraient toutes les deux frénétiquement, enivrées par leurs phéromones en ébullition et alternant leurs caresses manuelles et buccales. Emportées par la même envie, leurs hanches bougeaient au même rythme, à l'unisson. Emma se redressa à la hauteur de sa bouche. Elles avaient toutes les deux les yeux grands ouverts et soutenaient le regard de l'autre. Elles s'observaient et se défiaient. Laquelle allait céder la première ? Elles respiraient le même oxygène, au bord de la suffocation. Le parfum de leur excitation mutuelle se mêlait à l'air chaud et dense de la pièce. Elles avaient l'air d'être à l'agonie.
La main gauche d'Emma les soutenait contre la table tandis que celle de Regina n'avait pas desserré sa prise sur sa fesse, pour la maintenir le plus possible contre elle. Leur main droite se caressait et se doigtait, en même temps. Elles bougeaient d'abord lentement puis elles augmentaient leurs cadences.
Les deux femmes ne contrôlaient plus leurs mouvements, se possédant totalement. Au bord de la reddition, elles synchronisèrent leurs coups de rein et pressèrent davantage leur bassin. Des soubresauts commencèrent à les habiter et elles s'activèrent de plus en plus, de manière effrénée. Leurs souffles se mélangèrent à leurs soupirs, ce qui électrisa leurs sens et accrût leur excitation. Leurs gémissements se firent de plus en plus forts et intenses. Jusqu'à ce que le plaisir de la jouissance les envahit chacune. Elles furent submergées par des spasmes orgasmiques qui les secouèrent violemment. Emma et Regina jouirent simultanément dans un long et harmonieux râle.
X
– C'était… plutôt bien, dit la jeune femme blonde maladroitement.
Emma remonta sa culotte et son pantalon et reboucla sa ceinture. Elle se sentait délivrée d'une certaine pression et étrangement sereine.
– Oui.
Regina redressa les chaises renversées et les positionna correctement. Elle s'était déjà rhabillée et attendait que la Shérif quitte le bureau pour se regarder dans le miroir. Peut-être lui fallait-elle l'une ou l'autre retouche sur son maquillage.
– On se le refait ?
Cette question l'interrompit dans son mouvement. Avait-elle bien entendu ? Elle se retourna vers son interlocutrice et analysa son attitude. Emma était sérieuse. Elle répondit de but en blanc :
– Non. Vous devriez partir.
Alerte. Retour au vouvoiement.
La jeune femme blonde ramassa les coussins du canapé qui étaient tombés et les remit en place, dans le coin. Elle redressa la tête et la regarda également.
– Mais c'était sympa, insista-t-elle.
– Oui, c'était très bien. Et c'était ce dont j'avais besoin… Donc … Merci. C'est ça que vous vouliez entendre ?
– Ok, c'était qu'une demande, vous énervez pas !
– Je m'énerve parce que nous sommes dans mon bureau… et que vous trainez. Ce dont j'ai vraiment besoin à l'instant, c'est vous qui partiez !
– Vous n'êtes pas obligée d'être aussi brutale.
– Si. Vous ne semblez pas comprendre ce que signifie « occasionnel ».
– Ce n'est pas une raison pour vous montrer si désagréable. Ce n'est pas comme si je n'étais jamais venue ici. Il n'y a rien d'anormal à ma présence.
– Je suis désagréable avec tout le monde, Emma. C'est ma façon d'être, c'est qui je suis !
– Ce n'est pas une raison.
– Ça suffit ! Je suis votre supérieure. Vous ferez ce que je vous dis. Maintenant, partez !
Emma traversa le salon et se planta devant la Maire, provoquante. Et d'une voix suave, elle rétorqua :
– Dorénavant, chaque fois que je franchirai cette porte, quel que soit votre reproche et votre ton, j'aurai ce doux son de vos gémissements dans mes oreilles. Vous n'avez plus aucune emprise, Madame le Maire.
Regina adopta le même comportement, plus hautain. Elle plissa les yeux, prête à en découdre également et sourit, se sachant victorieuse. Elle baissa le volume de sa voix, ce qui fit frissonner Emma :
– C'est ce que nous verrons ! défia-t-elle. Cependant, pensez à ceci chaque fois que je rencontrerai votre mère, c'est votre tête entre mes cuisses que je verrai !
– Regina !
– Ne vous frottez pas à plus forte, Emma ! Sortez avant que Sandrine ne revienne !
– Ok… Ok je me rends pour aujourd'hui, mais je n'ai pas dit mon dernier mot.
– Je n'en attendais pas moins de vous.
X
Regina ouvrit la porte à la 2ème sonnerie :
– Ça ne pouvait être que vous qui manquiez de patience. Que venez-vous faire ici ? Nous allions passer à table.
Elle reconnut dans les mains de la Shérif une bouteille de vin rouge et un disque dur.
– Vraiment ? demanda-t-elle en faisant le lien avec leur dernière soirée assez épique.
Sans s'étendre davantage sur la portée de ses conclusions rapides, elle fut interrompue par Henry qui descendit quatre à quatre les escaliers :
– C'est moi qui l'ai invitée ce soir, à diner et pour regarder un film.
Emma n'avait pas prononcé un mot. Elle savourait chaque moment de cet échange. Les émotions se lisaient sur le visage de la Maire comme dans un livre ouvert : l'agacement, la surprise… et la perte de contrôle. Il n'y avait qu'une personne qui faisait perdre à Regina tous ses moyens, c'était son fils. Et cela valait tous les commentaires cyniques du monde.
Il se dirigea sans leur jeter un regard vers le salon et alluma la télévision. Il demanda par-dessus son épaule :
– Tu as ramené ce que je t'ai demandé ?
Emma dépassa son hôte et pénétra dans la maison, sans y être cordialement invitée.
– Oui. « Black Widow » comme promis. Je n'arrive pas à croire que tu me l'aies fait télécharger illégalement sur l'ordinateur du commissariat… Imagine un peu que ma supérieure l'apprenne ! Et elle insista bien sur le terme.
Regina grinça des dents en fermant la porte.
La Shérif s'installa qur le canapé et tendit le disque dur à son fils. Regina s'appuya contre le chambranle de l'ouverture du salon et croisa les bras, méfiante :
– Qu'est-ce que c'est « Black Widow » ? Un documentaire sur les araignées ? demanda-t-elle parfaitement consciente qu'elle était bien loin de la vérité.
Emma lui répondit :
– Le dernier « Avengers ». Il va vous plaire ! L'héroïne est une femme de pouvoirs et l'actrice est … blonde et porte très bien l'uniforme, décrivit-elle avec un sourire narquois.
Henry la corrigea, sans comprendre l'allusion :
– Tu dis n'importe quoi, Emma. Le personnage, Natasha Romanoff, est rousse. Et elle ne porte pas un uniforme mais un costume de combat.
– Dis donc, petit malin, pourquoi ne l'as-tu pas loué toi-même sur le câble ? répliqua-t-elle pour détourner l'attention.
La Maire entra à son tour dans le salon, interpellée par cette information qui ne cadrait pas avec l'attitude habituelle de son fils :
– C'est bien la première fois que tu invites Emma, sans m'avertir et pour voir un film. Henry ! le rappela-t-elle à l'ordre.
Regina sentait qu'il n'avait pas tout dit et que cette soirée organisée « à l'improviste » cachait autre chose. Henry se retourna et regarda de façon confuse ses deux mères. Il porta sa main près de sa bouche et toussa volontaire en étouffant sa réponse :
– C'hest hun Dhusnhey !
– Quoi ?
Emma regarda tour à tour, Regina et Henry, intriguée. Il se passait quelque chose entre eux dont elle n'en comprenait pas le sens. Elle répéta à la place du jeune garçon :
– C'est un Disney, Regina. Quel est le problème ?
Regina se figea et devint livide. Son visage se ferma en une fraction de seconde et elle déclara, sur un ton sec :
– Je vais m'occuper du repas avant qu'il ne brûle. Henry met la table.
Elle quitta la pièce, sans ajouter un mot, et disparut dans la cuisine. Ils pouvaient l'entendre remuer dans la poêle et retourner les couvercles de casseroles… probablement dans l'espoir de couvrir leurs conversations.
Emma avait les yeux toujours écarquillés quand Henry s'assit à ses côtés. Il semblait gêné, comme pris en faute.
– C'est quoi le problème avec Disney ? demanda-t-elle à nouveau.
– Tu as vu « Blanche Neige et les 7 nains » ?
– Des extraits, je crois. J'ai jamais été spécialement fan des princesses disney, tu sais. Je trouvais leurs dessins animés assez ennuyeux et clichés… . J'étais plus dans les Pixar « Toys Story » et-
– Emma, on s'en fout. C'est pas le sujet, ok ?
– Ouais, ok, répondit-elle, un peu vexée.
Il reprit ses explications :
– Hé ben, un jour, très loin d'ici, tu regarderas « Blanche Neige et les 7 nains » et tu comprendras pourquoi Maman déteste Disney plus que Grand-mère !
– Plus que MM… ?
– Oui, crois-moi sur parole. Alors ne parle pas de Disney, plus jamais, si tu ne tiens pas à la voir déterrer la hache de guerre, déclencher sa fureur ou amener un nouveau sortilège noir.
– À ce point ?
– Tu n'as qu'à regarder les 2 premières minutes du film. Ça te suffira pour comprendre. Tu vois, tout ce qui a un rapport de près ou de loin avec Disney est banni de cette maison et de cette ville. Personne, avant ton arrivée, n'avait connaissance de cette entreprise et de ses productions. Et comme ta venue a libéré pas mal de choses, elle a aussi permis une ouverture plus … grande sur le monde extérieur. Tout le monde a eu accès à internet, aux informations … et aux films de Disney… et à Blanche Neige… Sauf moi. Nous avons toutes les chaines sauf celles qui appartiennent à cette société. J'ai dû le regarder en cachette, chez un copain, finit-il de dire en chuchotant.
– Sérieusement ?
Emma était interloquée et en même temps, elle se retenait de rire. Mais son fils était plus que sérieux. Jamais, d'ailleurs, elle ne l'avait vu aussi sérieux !
Elle réfléchit. Elle n'avait rien remarqué, ni établi de lien entre sa culture cinématographique d'enfant et le monde dans lequel elle vivait à présent. Ça ne l'avait pas frappé. Disney et les contes de fées. C'était pourtant une évidence. La plupart des dessins animés de la Compagnie s'étaient inspirés des anciens récits littéraires et par définition, en quelque sorte, des habitants qui peuplaient cette ville. Cette histoire attisait sa curiosité. Elle se mit une note quelque part dans le fond de sa tête pour lancer ses recherches plus tard. Emma lui demanda :
– Savait-elle que la franchise des Avengers a été rachetée par la Maison Disney ?
– Non, tu penses bien. Elle ne m'a jamais posé de questions, alors je ne lui ai jamais dit. Et puis comme elle ne regarde presque jamais la TV, ça m'allait plutôt bien.
– Elle ne regarde jamais la TV ? Et le cinéma ?
– Très peu aussi.
– C'est une première alors, ce soir ? demanda la jeune blonde faussement détachée.
– Je sais pas si, du coup, elle va venir, supposa-t-il, déçu.
– Prépare tout, gamin : le film et dresse la table, comme elle te l'a demandé! Pour le reste, je m'en occupe. S'il y a bien un film à voir avec toi, et qui pourrait lui plaire, c'est celui-là. Hors de question qu'elle le loupe.
– Merci, Emma. C'est ce que je souhaitais…
La Shérif se leva et se dirigea vers la cuisine. Ce qu'elle venait d'apprendre sur la Maire dépassait toutes ses espérances. Cependant, elle se gardait bien de venir la titiller ce soir. Henry comptait sur elle. Elle aurait bien l'occasion d'en profiter plus tard.
Regina s'affairait mécaniquement autour de ses fourneaux. Ses gestes étaient raides et secs. Elle était contrariée et passablement irritée. Il n'y avait aucune délicatesse ni élégance dans ses mouvements. Elle déposait ses ustensiles avec brutalité, ouvrait et refermait les placards plusieurs fois, sans raison. Elle s'agitait dans tous les sens du terme, sans pour autant donner du cœur à l'ouvrage. Or, s'il y avait bien une activité que Regina occupait avec plaisir, c'était de cuisiner.
Emma s'avança vers le comptoir et se pencha en avant, s'appuyant sur ses avant-bras.
– Que nous avez-vous préparé de bon ? demanda-t-elle innocemment.
– Pour vous ? Rien ! Je ne vous ai pas invitée.
– Très bien. Appelez-moi l'évitée ou l'imposée, si cela vous convient mieux. Mais je suis là. Et à 5 mètres de nous, notre fils a énormément d'attentes, ce soir.
L'évocation d'Henry l'interrompit dans son mouvement.
– Que voulez-vous dire ?
– Il espérait partager une de ces passions avec vous… Les Avengers, vous vous rappelez ?
– Oui, bien sûr. C'est moi qui lui ai acheté ses premiers comics ! Mais je ne vois pas le rapport.
– Le film, ce soir, se base uniquement sur une des membres des Avengers. Je ne blaguais pas en disant qu'il s'agissait d'une femme forte… Une Super Héroïne. Et c'est l'occasion de partager avec lui une de ses passions.
– Vous le pensez vraiment ? C'est pour moi qu'il a demandé ce film ?
– Oui, je le crois. Sinon, il aurait pu le regarder tranquillement, en venant chez moi, non ?
Regina ne dit rien et remua la sauce, dubitative. Emma pouvait voir que sa réflexion allait bon train. Elle contourna l'îlot et récupéra deux verres à pied dans une armoire. Elle fit tirer le bouchon et versa le vin, en prenant son temps. Elle tendit le verre à son hôte et proposa un toast.
– Au bien que l'on se fait !
Regina tinta, distraitement, son verre avec le sien. Ses pensées étaient bien loin des sous-entendus de la Shérif… Elles étaient dans le salon, avec son fils, qui faisait tout pour qu'ils se rapprochent. Elle leva la tête et regarda son interlocutrice :
– Très bien. Je vais devoir vous faire confiance. Mais s'il y a le moindre coup retors, je vous en tiendrai personnellement responsable.
– Hé mais ce n'est pas moi qui ai choisi le film.
– Ça n'a pas d'importance.
X
Le repas se déroula sereinement, presque dans la joie et la bonne humeur. Henry et Emma sa chamaillaient le fond des plats et se taquinaient mutuellement sur leurs scores des jeux vidéos. Ils discutaient aussi des dernières séries qu'ils avaient vues l'un et l'autre, chacun de leur côté. Regina les regarda et sourit de temps en temps à une réplique acerbe ou à une répartie inspirée qu'ils se balançaient entre eux. C'étaient deux adolescents en pleine compétition qu'elle recevait, sous son toit, à sa table.
Quand leur part de tarte Tatin fut engloutie, Henry se leva avec impatience.
– Bon, ça y est, on peut commencer le film ?
– Aide-moi à débarrasser la table, s'il te plait ? J'aimerais laver la vaisselle, avant que tout cela ne colle. Cela ira vite. Ça ne tient pas à 5 min…
– Allez, Maman…
– Je vous aiderai pour la vaisselle, Regina. Le gamin attend ça depuis trop longtemps.
Regina jeta un œil sur la table, peu convaincue. Elle ne supportait pas laisser une vaisselle sale trainer et encore moins abandonnée sur la table.
– D'accord, d'accord. Emma se leva à son tour et empila les assiettes : Voilà le compromis, je ramène tout en cuisine et nous ferons la vaisselle, toutes les deux, après le film. Ça vous convient ?
– C'est mieux.
La Maire prit appui sur ses mains et se releva également, tirée par Henry. Elle suivit son fils, tandis qu'Emma vaquait à la tâche ménagère.
Lorsque la jeune femme blonde les rejoignit dans le salon, la mère et le fils étaient déjà installés dans le canapé. La télévision projetait le générique reconnaissable entre tous, avec le fond sonore qui la prenait déjà aux tripes. Emma s'assit au bout du fauteuil, de l'autre côté d'Henry. Cela lui paraissait étrange de partager ce genre de moment, ici, en sa présence. Elle se sentait de trop, comme si elle était témoin d'un moment d'intimité avec la Maire. Elle l'avait déjà vue en compagnie d'Henry, elle avait déjà assisté à des scènes de familles, à ses effusions tendres et elle avait vu ses gestes affectueux. Regina n'était ni avare ni pudique quand il s'agissait de démonstrations d'affection vis-à-vis d'Henry. Mais dans ce salon, c'était différent. Elle était dans le même canapé, dans la pénombre, à regarder un film, avec elle. Même si la situation pouvait se prêter à être banale et familière, la jeune femme se sentait tendue, les muscles contractés.
Les premières images du film apparurent et Emma se força à se détendre. Elle s'enfonça dans le coussin de son dossier et souffla longuement pour évacuer tout son stress. Rapidement, sans s'en rendre compte, elle fut aspirée par l'intrigue.
XXX
