N/A : C'est un peu plus court que d'habitude. Des petits éléments essentiels qui permettent de tisser une intrigue solide. Bonne lecture !

Chapitre 17 – « Missing Piece » de Vance Joy, 2021.

– Hey !

Regina retira ses lunettes à monture noire et les déposa sur les feuilles qu'elle était occupée à compléter :

– Miss Swan, que me vaut cette venue surprise ? Vous n'avez pas pris rendez-vous.

Emma haussa les épaules et sourit. Elle referma la porte derrière elle et s'approcha du bureau de la Maire.

– Non. Je n'ai pas pris rendez-vous avec la Maire, je suis venue dire bonjour à ma petite-amie.

– Petite-amie, alors ? demanda-t-elle pour confirmation, avec un sourire d'une oreille à l'autre. Regina aimait ressentir l'agréable sensation qui battait au creux de son ventre. Elle s'enfonça dans son fauteuil pour en savourer les bienfaits.

– Oui, je sais, ça fait immature et ado. Je l'ai tourné dans tous les sens : ma meuf, ma nana, ma chérie, ma femme, ma copine… bébé…

La Maire grimaça, à l'évocation de tous ces surnoms.

– J'ai rien trouvé d'autre de mieux que petite-amie. Emma marqua une pause puis fit un geste de la main au-dessus de la table de travail : et voilà.

Dans un nuage doré, elle fit apparaitre un rosier nain planté dans un pot en céramique noir et mat. Il était garni d'une grande quantité de fleurs rouge vif et grimpait sur un treillage de bambou peint en blanc. L'ensemble se mariait parfaitement avec la décoration de la pièce.

– Je suis impressionnée, tu as fait des progrès.

Et Regina l'était, sincèrement. Elle était aussi très touchée de l'intention. Elle se pencha en avant et huma le bouquet au parfum fruité. Son sourire ne quittait pas son visage :

– Merci, ça me fait très plaisir.

Elle prit la plante et la posa près de la photo où elle enlaçait Henry à la remise de son diplôme de fin de primaire. Elle souhaitait les avoir sous ses yeux, à tout moment, en rappel de ce moment :

– Comment as-tu fait ?

– Je l'ai simplement déplacé. Il était sur la banquette arrière, je l'ai acheté avant de venir. Je ne suis pas encore arrivée à faire apparaitre les objets sur commande.

– Tu n'y arriveras pas toute seule. Il faut une très grande maitrise de la magie pour faire apparaitre un objet issu de ton imagination, en t'aidant de la matière qui t'entoure. A ton niveau, tu ne peux invoquer que les objets qui existent déjà, dont tu connais la forme et la place. C'est de la télékinésie. Tu les déplaces. Il te faut plusieurs leçons. Tu es intéressée ?

– Pour des leçons particulières avec toi ? Toujours. Mais pas dans ce domaine…

Elle contourna le bureau et embrassa la Maire. Emma effleura sa joue et glissa ses doigts dans ses cheveux. Cela faisait deux jours qu'elle attendait de la retrouver.

– Bonjour, lui dit-elle suavement. Emma n'avait pas quitté ses yeux. Elle voulait profiter de chaque instant pour scanner ce visage souriant et accueillant.

– Bonjour.

La Shérif fit quelques pas en arrière et retourna s'asseoir en face d'elle. Elle sortit du sac, qu'elle avait pris avec elle, un pack lunch qu'elle avait commandé chez Granny.

– Salade Manhattan pomme-cranberry pour toi et un panini-

– Laisse-moi deviner : grillé au fromage.

– Exactement. J'ai des calories à brûler, moi, madame. Je ne reste pas toute la journée, assise, derrière un bureau.

Regina chiffonna une feuille de papier et la lui lança à la tête.

– Qu'est-ce qui te fait dire que je n'avais pas un RDV ?

– J'ai appelé ta secrétaire, ce matin. Elle m'a dit que tu n'avais rien prévu et je lui ai demandé de bloquer 1h30 de ton agenda, ce midi.

– Emma, on avait dit qu'on irait doucement.

– Oh Madame le Maire, je vous trouve bien entreprenante...

Emma fouilla à nouveau son sac et sortit un lot de fichiers qu'elle déposa sur la table devant elle.

– Au-dessus de la pile, tu trouveras les 2 candidats que j'ai sélectionnés pour composer ma nouvelle équipe. Ils ont commencé hier. Je voudrais débriefer avec toi afin que tu valides leur engagement, ou que tu les reçoives, éventuellement, de ton côté, pour les rencontrer.

Regina rougit. Elle avait vraiment pensé à une toute autre raison qui lui rappelait leur pacte de quelques semaines plus tôt. Emma constata sa rougeur et en fût flattée. Cela signifiait que la Maire était tout aussi en manque qu'elle de sa présence.

– Et même si je n'ai pas besoin de prétexte pour venir te voir, c'était une excuse pertinente pour rester plus longtemps avec toi. Ça fait long… depuis samedi. Comment va Henry ?

– C'est surprenant, mais il va bien. Dimanche soir, il m'a aidée à préparer le repas. Nous avons fait la vaisselle ensemble. Hier, il est rentré tout de suite à la maison, il a fait ses devoirs dans le salon et nous avons regardé un film de mon choix. Mercredi, ce sont ses amis qui viendront à la maison. Il a décidé de se montrer plus présent.

– Qui est-il et où est notre fils ? s'amusa-t-elle à répondre.

– Je pense que notre week-end dans les bois l'a marqué… mais aussi qu'il doit se faire pardonner pour son attitude inacceptable de samedi. Je ne l'ai pas reconnu.

– Moi non plus. Je ne sais pas ce qui lui a pris. Il t'en a reparlé ?

– Non. Mais je ne suis pas inquiète. Il faut qu'il digère… Bon, discutons plutôt de tes dossiers. Qui sont-ils ?

– Ha, à ce propos, j'ai d'abord une question à te poser…

– Laquelle ?

– Connais-tu tous les habitants de la ville ? Quand tu as lancé le sort, as-tu évoqué volontairement et en tout état de cause toutes les personnes, ici, présentes ?

Regina accusa la question comme une gifle et baissa la tête. C'était si inattendu et brutal. Encore. Pourquoi ? Elle inspira profondément et joignit les mains. Cela ne servait à rien de s'énerver. Il faudrait qu'elle l'accepte et qu'elle l'assume. Peu importe que ce sort ait été créé par Rumple, c'était elle qui l'avait lancé et personne d'autres. Il lui serait toujours lié.

Sans s'y attendre, Emma se rapprocha du bureau et posa sa main sur la sienne :

– Tu es la seule qui en saches plus que n'importe lequel d'entre nous et qui sois honnête sur le sujet. Si tu préfères que j'aille voir Gold, j'irai. Mais toi et moi, nous savons que je n'obtiendrai rien gratuitement ou qui ne soit ambigu.

Elle caressa le dos de sa main avec son pouce et insista :

– Pour ce que ça vaut, Regina… Si tu veux t'en détacher, tu devrais peut-être l'affronter une bonne fois pour toute… Et sortir tout ce que tu as à sortir. Tu devrais en parler à quelqu'un de confiance. Et ce n'est pas forcément de moi dont je parle.

La Maire leva les yeux et regarda attentivement son interlocutrice. A cet instant précis, elle ne sentait plus seule. Plus du tout. La pression de la solitude et de la culpabilité l'avait quittée au moment même où Emma avait posé sa main.

– Comment fais-tu ? demanda-t-elle spontanément.

– Quoi ?

– Non. Rien. Cela n'a pas d'importance.

– Si, c'est important. Je le vois. Dis-moi.

Regina la regardait dubitativement tandis qu'Emma la regardait avec tendresse.

– Pour que je me sente si bien.

Il était inutile de le cacher. Elle était submergée par ces attentions, ces délicatesses. Elle se sentait exister, dans ses yeux. Pour elle-même, dans son entièreté, dans ses doutes et ses colères. Elle n'attendait pas la réponse, la question était rhétorique. Elle prit la main d'Emma à son tour et la serra également :

– Merci.

Et les quelques minutes qui suivirent s'écoulèrent dans un silence confortable.

Quand la Maire eut repris contenance et confiance, elle parla enfin :

– Pour répondre à ta question… Non je ne connais pas tout le monde. Le Docteur Frankenstein, par exemple. Nous avons croisé nos chemins mais sans avoir échangé plus. Notre… partenariat n'était pas concluant et nous n'avons plus donné suite. A vrai dire, j'ai été très étonnée de le retrouver ici, à Storybrooke, quand j'ai retrouvé Daniel.

– Tu ne lui en as pas voulu ?

– Non, il n'y était pour rien. J'ai joué avec la mort… J'avais de très hautes attentes… au-delà des règles magiques… et j'ai perdu.

– Comme ?

– La magie ne peut ramener personne à la vie.

Emma n'insista pas davantage, elle avait immédiatement corréler leur histoire. Aussi, David lui avait raconté comment Victor Whale avait ramené Daniel à la vie et toutes les conséquences que cela avait eues pour le moral de Regina, ensuite.

– Je dois connaitre, approximativement, moins d'un tiers des habitants.

– Tu ne t'es pas posé des questions sur la raison de leur présence, ici ?

– Pourquoi l'aurais-je fait ? J'ai supposé qu'ils étaient les habitants du Royaume de Snow, mais maintenant que tu m'y fais réfléchir… Ce n'est pas le cas pour tous. Même Robin … par exemple… ne faisait pas partie du Royaume Enchanté.

– Qui peut nous renseigner, autre que Rumple je veux dire ?

– Reul Ghorm. Avec ses faux airs de 'je ne me mêle de rien', elle détient quand même le Pouvoir Suprême. Si elle ne sait pas, elle possède les moyens de le découvrir.

– Tu ne l'aimes pas, hein ?

– Non.

L'Ancienne Reine ne s'aventura pas plus profondément dans son passé. Combien de nuits avait-elle passé à l'appeler ? à l'invoquer ? la supplier ?

Les marraines La Fée n'étaient destinées qu'aux Princesses. Encore une inégalité dans leur monde… Seule Clochette s'est présentée, débutante, maladroite, … et pour quel résultat ? Combien d'années avait-elle souffert, sous la maltraitance de sa mère ? Pendant combien d'années, encore, après la mort de Daniel, avait-elle résisté avant de céder à l'appel du Mal ? Non, elle ne lui pardonnerait jamais de l'avoir abandonnée à son sort. Regina reprit ses esprits et détourna la conversation :

– Pourquoi veux-tu savoir ?

– Je ne sais pas, à vrai dire. Des questions amènent encore d'autres. Ce mystère est sans fin et pourtant, j'ai l'impression que tout est lié. Il serait intéressant de mieux connaitre les habitants de notre ville, Madame le Maire. Et c'est le Shérif qui vous le dit. Surtout si nous ouvrons nos frontières.

– Bien, mais qu'est-ce qui t'a amené à avoir cette réflexion ?

– J'ai demandé à Sandrine, la semaine dernière, les métiers exercés par la plupart de la population dans les royaumes parallèles. Je voulais cibler toutes les personnes qui avaient des compétences légales. J'ai un peu farfouillé le CV de la population. Et quand je me suis arrêté sur ceux-ci, je me suis demandée pourquoi certains avaient été transportés jusqu'ici. D'ailleurs, rien à voir, savais-tu que qu'Henry Pootel…

– Qui c'est ?

– Ha oui, pardon. Porcinet… de Winnie l'Ourson…

– Si tu le dis… je te crois sur parole.

– C'est un de tes employés communaux, quand même.

– Je ne les connais pas tous… Alors qu'est-ce qu'il a ce cochonnet ?

– Regina, tu devrais sérieusement faire attention à ce que tu dis.

– Pourquoi ?

– Tu dévoiles des éléments que seules les personnes qui regardent Disney connaissent…

Regina s'avança sur le bord de son fauteuil et croisa les bras sur son bureau :

– Porcinet – cochonnet, bonnet blanc ou blanc bonnet, c'est pareil. Et ça ne veut rien dire. Mais pour ta gouverne : « Sois proche de tes amis et encore plus proche de tes ennemis ».

– « Le Parrain » ?

– Mon film préféré.

– Pourquoi je ne suis pas surprise… Sinon, Porcinet, un ennemi ?

La Maire balaya l'air de la main, sans se corriger. Ce n'était pas ce cochon de lait, son ennemi. Elle avait fait référence à cette grande boite de production, commerciale et infâme : Disney.

– Il me semble, Melle Swan, que ce secret n'en est plus un. Je ne vois pas pourquoi je continuerais à faire semblant quand je suis avec toi…

Emma ne savait pas si elle devait se montrer flattée ou gênée d'être une témoin passive des insultes dénigrantes à l'encontre des habitants.

Emma recula dans le fond de son siège. C'était toujours un drôle de sentiment que d'apprendre davantage sur la Maire. C'était comme si elle la découvrait pour la première fois. Ça la rendait plus accessible, plus touchante.

– Alors, ce cher Porcinet, qu'a-t-il fait ? redemanda-t-elle par courtoisie. Ce petit être insignifiant ne l'intéressait nullement mais Emma semblait impatiente de lui dévoiler sa trouvaille.

– Je vais t'avouer qu'après t'avoir entendue me sortir une réplique culte du Parrain… et bien, mon information tombe un peu à plat.

– Raconte-la moi quand même.

– Ok. Mais je t'avertis que ça ne vaut plus l'effet que je voulais lui donner…

– J'avais compris. Donc…

– Voilà : C'est le gardien de cimetière.

– Oui, et alors ?

– Tu devrais savoir qu'il n'y a pas plus peureux que lui au monde ! Il bégaie même quand il parle aux gens. Et il veille, la nuit, sur les tombes, insista-t-elle tout en ponctuant chaque partie de phrase.

– Il n'est jamais venu se plaindre.

– Et ça t'étonne… vu ta réputation ? Il doit croire qu'il t'a offensée d'une quelconque façon. De loin, il préfère sûrement la place qu'il occupe maintenant que de venir te voir.

– Très bien. Qu'il y reste… Et tu viens de citer une autre personne que je n'ai jamais croisée dans mon autre vie… antérieure. La Forêt des Rêves Bleus, Avalon, les Royaumes oubliés, les Terres du Milieu, … sont des mondes que je n'ai jamais côtoyés. Et il y en a des centaines.

– Comment le sais-tu ?

– C'est une trop longue histoire, c'est lié à un passé que je n'ai pas envie de soulever maintenant, si tu veux bien. Mais pour ce que cela vaut, je n'avais pas réellement connaissance de tous ces mondes… de Contes, de Merveilles, de Mythes ou de Légendes, jusqu'à ce qu'on se rende chez Peter Pan.

– Comme tu soulèves ce domaine, alors ces profils vont t'intéresser. Ils ne viennent pas de ton monde. Ils n'ont donc aucun apriori. Je pense que cela peut avoir un impact sur notre organisation. Elle pourrait être plus objective et même neutre.

Regina fut, à nouveau, touchée par cette pensée. Se pourrait-il qu'elle s'entoure de personnes qui ne lui dresseront pas un procès immédiat d'intention et qui analyseront les faits, avant de l'accuser de tous les maux ?

– Qui sont-ils ?

– Des personnes qui, comme toi, ont des raisons d'avoir une dent contre Disney.

Regina roula des yeux d'agacement. Décidemment, Emma s'amusait beaucoup à ses dépens. Son sourire espiègle. Son regard pétillant. Tout trahissait ce qu'elle craignait :

– Emma, as-tu vu… ?

– Bien sûr !

Emma se leva et se dirigea vers le miroir. Elle mima les premières scènes de la Reine, puis elle déclama sur un ton théâtral : « Miroir, esclave du miroir magique au mur, qui a beauté parfaite et pure ? »

Et elle rit à gorge déployé au moment de s'asseoir. Elle avait attendu ce moment depuis plusieurs jours. Maintenue presqu'enfermée dans une chambre d'hôpital, à tourner en ronds comme un lion en cage et maudissant le silence pesant de Regina, Emma s'était décidée à télécharger le vieux film de Disney de 1937 et s'était régalée à chacune des apparitions de son homonyme. Elle avait préparé ce moment depuis des jours. Appris le texte et répété les gestes, les bras levés vers le mur, puis croisés à hauteur des épaules. La tête haute et la voix caverneuse.

Regina avait les sourcils froncés et l'index posé sur la bouche. Elle attendait patiemment que son interlocutrice reprenne ses esprits.

– Tu es fière de toi, je suppose ?

– Assez, oui !

– Quand tu auras fini tes enfantillages, tu pourras peut-être ENFIN aller jusqu'au bout de ton dossier…

Et elle tapota les profils posés, ouverts, sur son bureau.

– Tu n'as pas le sens de l'humour…

– Ce n'est pas ce que tu as dit, là-bas.

– Ce qu'il s'est passé là-bas doit rester là-bas…

Malgré son attitude, Regina appréciait cette conversation légère et puérile, loin de toutes les tensions et malentendus habituels. Elle aurait aimé la prolonger au détour d'un feu, prenant appui sur le côté d'Emma, tout en regardant les étoiles…

– Dis-moi finalement qui as-tu engagés ? L'heure tourne et j'ai des rendez-vous sérieux.

– Excusez-moi … feignit la Shérif.

Elle ouvrit le premier dossier :

– Voici le meilleur ami de tous les gamins.

– Qui ?

– Woody.

– Qui est-ce ? Un chien ?

– Regina !

– Tu as dit « meilleur ami » !

– Je vais éviter de lui répéter. Et tu ferais mieux de ne pas le lui dire. En fait, c'est James Butler, le célèbre Wild Bill Hickok.

– Vraiment ?

– La légende, lui-même. J'ai eu du mal à le croire. Le tireur le plus rapide du Wild West, à la très mauvaise réputation. Mais comme la plupart des histoires racontées dans mon monde, elle est fausse. Je l'ai rencontré et questionné. C'était un bon shérif, sérieux, loyal, avec des valeurs familiales que tu adorerais… Il est voué à sa famille. Son frère, sa femme Agnès et leur fille. Lui et sa femme sont propriétaires du Cirque du Lac… à l'extérieur du village. Ça n'a rien à voir avec sa légende.

– J'ai été à une de leurs soirées quand Henry était petit. Il a été émerveillé, il a adoré. Dis-moi, c'est vraiment très intéressant. Et il a une idée de ce qu'il fait ici ?

– Aucune.

– A part sa famille, il connait d'autres personnes ?

– Je n'ai pas creusé, à vrai dire. Mais c'est une idée… Il a été « transporté » avec sa meilleure amie, du dessin animé et dans la vraie vie… Tu devrais le regarder d'ailleurs. Il est sympa.

– Emma ! Tu t'éloignes du sujet.

– T'es une rabat-joie. J'essaie de parfaire ton éducation.

– Tu t'y prends mal !

– Ne me mets pas au défi ! La culture générale, dans ce monde, est cinématographique ! Elle est essentielle.

La Maire était effarée de ce que ce monde pouvait apporter à leur génération comme culture dite générale. Interpellée par cette pensée, elle demanda à la Shérif :

– Comment cela se fait, d'ailleurs, que tu en saches tant.

– Pour m'évader de la réalité, je regardais beaucoup la télévision quand j'étais petite. Et avant la prison… voire même après, quand il pleuvait, je me faufilais discrètement dans les salles de cinéma.

– Et tu n'avais jamais vu « Blanche Neige » avant ?

– Non. Je te l'ai dit, les histoires de Princesses sauvés par des grands Princes sur leur destrier blanc et tout le monde vit heureux à la fin, c'était très peu pour moi.

– Je crois que c'est pour ça que tu me plais tellement …

Emma leva les yeux et croisa le regard tendre de Regina. Cette déclaration spontanée la toucha droit au cœur. Elle se sentait bien ici et maintenant, dans ce bureau. C'était comme si la semaine de tension s'était dissipée, évaporée et que le lien qu'elles avaient tissé lors de leur escapade se solidifiait. Elle lui sourit, sans rien ajouter de peur de gâcher le moment. Elle s'éclaircit la gorge nouée et poursuivit :

– Sinon, il est d'accord de me seconder en attendant que mon père revienne.

– Et ça te va ? Qu'il revienne, je veux dire…

– Oui, je crois… Je ferai avec… Je pense qu'on aura besoin de parler franchement tous les deux avant. Et je mettrai des barrières, j'imposerai des procédures. Je ne commettrai pas les mêmes erreurs qu'avant. … Bien, j'en étais où… ha oui, j'en étais à Jessie, qui est en réalité Martha Cannary, dite Calamity Jane.

– Elle aussi est ici ?

– Oui, la seule vérité du film c'est que Woody et Jessie sont meilleurs amis, comme c'est le cas dans leur vie. Mais c'est tout. Ne fais pas mention sur leur prétendue relation, ils t'étriperaient. Leur relation est du style de la broromance comme disent les jeunes de nos jours. Des BFF.

– Ce n'est pas mon style de me mêler des histoires personnelles. C'est celui de ta mère. Sinon, Viens-en au fait.

– Elle aussi est mariée, à un certain Clinton Burke. Ils ont eu deux filles qui sont inscrites dans l'école des Sœurs de Sainte Meissa ou des fées, je ne sais pas comment elles se font appelées aujourd'hui. Son mari est le gérant de l'Hôtel du Port. Elle l'aide en arrière-boutique : cuisine, comptabilité, service...

– Et c'est pertinent parce que…

La vie privée, et en détail, des habitants de la ville de l'intéressait pas. Elle souhaitait qu'Emma aille à l'essentiel. Son prochain RDV était important et elle ne pouvait pas se permettre d'être en retard. Elle marchait sur des œufs. Aussi, elle ne voulait pas qu'ils se croisent, Emma et lui. Pas encore du moins.

– Parce qu'elle s'ennuie et qu'elle ne demande pas mieux de rejoindre nos services.

– Quelles sont ses aptitudes ?

– Elle excelle aussi bien qu'Hickok au tir, elle connait la loi mieux que moi… surtout pour les contourner. Je pense que c'est un atout. Elle y verra les failles.

– Elle sera sous ta responsabilité, Emma. Tu te portes garante ?

– Elle aura plus à perdre que moi si elle fait un faux pas. Elle a ses enfants, maintenant, elle s'est assagie…. Elle tient à mener une vie rangée, comme si elle avait quelque chose à leur prouver.

– D'accord. Je vois que tu connais leur dossier. Il y en d'autres ?

– Je les garde sous le coude. Judy Hobbs, actuellement fonctionnaire.

– Oui, je vois, elle s'occupe de l'administration. Une toute petite femme, assez énergique. Pourquoi tu ne l'engages pas tout de suite ?

– Motivée, impliquée. Elle connait le code par cœur, c'en est effrayant. Son enthousiasme est un peu trop … envahissant. J'ai besoin de retrouver d'abord mes marques avec ces nouvelles recrues, d'être sûre de ma position au sein du poste et … je dois voir si on a besoin de tant d'effectifs.

– Avec ces deux frontières officielles qui s'ouvrent, je pense que ce sera nécessaire…

– Oui et bien, je verrai. J'ai encore d'autres profils à étudier, avant, qui sont tout aussi intéressants, par leurs compétences passées et intéressés. Je vais peut-être demander à Zeke Brrr de nous rejoindre.

– Je pense que c'est une bonne idée. Il a fait ses preuves depuis qu'il a été délivré du sort d'Evanora.

– Je crois t'avoir tout dit.

Emma se leva et rassembla ses affaires.

– Emma ?

– Mmmm ? répondit-elle distraitement.

– Ça te dit de venir manger ce soir à la maison ?

La Shérif s'arrêta dans son mouvement :

– Tu le veux vraiment ? Et Henry ?

– Henry s'y fera. Il nous suffira de nous tenir…

Emma contourna son bureau et prit appui sur le bord. Sa jambe touchait la jambe de la Maire. Elle se pencha en avant et l'embrassa tendrement. Regina glissa sa main derrière sa nuque pour la rapprocher et approfondir leur baiser. Quand elles se séparèrent, la jeune femme brune lui dit :

– Je passerai te prendre au poste. Je suppose que tu ne conduis pas encore…

– Uniquement les voitures de patrouille qui sont automatiques. La Bug est manuelle et la direction « assistée » est compliquée… ça me ferait très plaisir. Quelle heure ?

– 18h, ça te va ?

– C'est parfait. J'ai hâte d'y être.

Elle lui prit la main et la garda jusqu'à son dernier mouvement. La Shérif réajusta son sac sur son épaule et quitta, d'un pas léger, le bureau de la Maire.

XXX

Références et sources :

- James Butler Hickok (1837-1876) était, dans ses premières années actives, un chasseur, maréchal adjoint, shérif, éclaireur, soldat et espion américain dans l'Ouest sauvage. Dans les dernières années de sa vie, il a participé au spectacle Wild West de Buffalo Bill (William Frederik Cody), puis il se marie avec Agnès Lake et monte leur propre cirque.

/james-butler-hickok/

Il était reconnu comme le tireur le plus rapide de l'Ouest. Sa mauvaise réputation de tueur est erronée et a gâché sa vie.

- Martha Jane Cannary (1852-1903) débute sa carrière en étant serveuse, gouvernante dans une pension, blanchisseuse. Puis elle devient, au milieu de sa vie plus active : une pionnière, éclaireuse, convoyeuse. Elle vit de sa notoriété en participant, à son tour, au spectacle Wild West de Buffalo Bill (William Frederik Cody). Elle se marie deux fois et ne parvient pas à se stabiliser.

Elle était reconnue pour avoir bâti sa légende et exagéré sa réputation, à l'aide d'anecdotes purement inventées.

- Chloé Simon, personnage fictif de « 102 dalmatiens », Disney studio, 2001, 100minutes.

- Judy Hobbs, personnage fictif de « Zootopia », Disney studio, 2016, 108 minutes.

- Woody et Jessie, personnages fictifs de « Toy Story 2 », Pixar animation studio, 1999, 93 minutes.

- Zeke Brrr ou le lion poltron et Evanora ou la méchante Sorcière de l'est dans « Le Magicien d'Oz », Leman Franck Baum, 1900, éd. Georges M. Hill Compagny.

Liste de payés imaginaires créer par des auteurs, essentiellement dans la littérature, le cinéma, la bande dessinée ou les jeux vidéo, issus de toutes les cultures : wiki/Liste_de_pays_fictifs