15-La soirée des Anciens

Après avoir réussi à échapper à l'éclatante lumière, Stella s'était laissée portée par le tunnel, qui la déposa enfin au bâtiment de la police scientifique, et plus précisément dans la salle de repos. Cette fois-ci encore, elle se vit arriver et se plaça dans un coin pour observer ce nouveau souvenir.

Janvier 2006. Bâtiment de la police scientifique de New York.

C'était l'heure de sa pause et Stella en avait vraiment besoin. Trop de choses en tête… La scientifique se prépara un café et sortit pour la énième fois la lettre qu'elle avait reçue il y une semaine. Elle lut une nouvelle fois le carton d'invitation et soupira. Devait-elle y aller… ? Quand elle y avait été il y a dix ans, ça avait été presque une véritable catastrophe. Son amie Tina insistait pour qu'elle vienne…et accompagnée de Don en plus ! Mais Stella s'y refusait. Elle n'avait pas à le mêler à ça. De toute manière, elle ne lui en avait pas parlé et ne comptait d'ailleurs pas y aller, c'était décidé !

Plongée dans ses réflexions et son café, Stella n'entendit pas Flack entrer dans la pièce. La voyant si songeuse, le jeune détective s'inquiéta. Il attendit qu'elle pose sa tasse avant de la serrer tendrement contre lui, collant son torse contre son dos, câlin.

Don (chuchotant à l'oreille de Stella) Bonjour, mon étoile…

Stella se mit à sourire : le jeune homme utilisait ce surnom affectueux à chaque fois qu'il la sentait pensive ou inquiète. Elle n'était pas vraiment « petit nom affectueux » mais Don avait changé cet état de fait…Enfin, elle aimait celui qu'il utilisait pour elle, plutôt…

Stella finit par s'appuyer contre lui, cherchant un peu de réconfort et se laissant envahir par l'agréable chaleur corporelle de son compagnon.

Stella (posant sa tête sur son épaule) Bonjour, Don. Qu'est-ce que tu fais là ?

Don : Je suis sur l'affaire Brentwood avec Mac. Mais comme il est actuellement en pleine analyse et que je n'ai aucun suspect ou témoin à me mettre sous la dent, j'ai demandé à Lindsay où tu étais.

Stella (se retournant dans ses bras pour être face à lui) Et tu m'as trouvée.

La scientifique se mit sur la pointe des pieds pour atteindre les lèvres de Flack et ils finirent par s'embrasser tendrement. Stella noua ses bras autour de la nuque du détective pendant que ses doigts jouaient avec les courts cheveux noirs du jeune homme. Leur étreinte commençait à être plus passionnée quand ils entendirent un « hum, hum » gêné, les faisant s'écarter vivement l'un de l'autre.

Stella et Don (parfaitement synchrone et rougissant devant l'arrivant impromptu) Mac !

Mac leur fit un regard sévère, qui voulait aussi dire : « Qu'est-ce que j'avais dit ? », puis finit par sourire, amusé de la déconfiture du couple. Le scientifique atteignit la machine à café, parfaitement silencieux, accroissant l'atmosphère de gêne régnant dans la pièce. Stella rajusta rapidement ses vêtements tandis que Don recoiffait ses cheveux en désordre. Tous deux n'osaient plus regarder Mac, vraiment très embarrassés par la situation. Ils ne s'étaient jamais fait surprendre par le chef de la scientifique… Celui-ci maintint son silence quand il prit son café enfin prêt et chaud, jouant un peu avec les nerfs de ses deux collègues. Estimant que ce petit jeu avait assez duré, Mac finit par se tourner vers eux, un sourire malicieux aux lèvres, et commença à siroter son café tout en les observant. On aurait vraiment dit deux adolescents pris en faute… Mac redevint un peu sérieux et finit par parler.

Mac : Votre amie Tina Tocci a téléphoné, Stella. Elle voulait savoir si vous comptiez venir à la réunion des anciens élèves de votre lycée ce soir.

Don (surpris) Une soirée ? Avec tes anciens camarades de classe ? (Stella grimaça à ce mot) Ce soir ? Tu ne m'en avais pas parlé…

Stella (catégorique) Je ne compte pas y aller…

Don : Pourquoi ?

Mac (soupirant et remuant doucement la tête) Encore cette vieille histoire…

Stella (suppliante) Mac…

Don (intrigué) Quelle vieille histoire ?

Stella (soupirant) Je n'étais pas très populaire au lycée…

Don (souriant) J'ai du mal à le croire.

Stella : Tu devrais. Et en plus, j'ai fait l'erreur de venir seule à la première réunion, il y a dix ans. Je pensais qu'elles auraient changé avec l'âge… Tu parles !

Don : Qui elles ?

Mac : Des vipères, comme il en existe beaucoup dans les lycées…

Don : Je vois…Et Tina n'était pas là ?

Stella : Non. Elle était en voyage d'affaire. Mais ce soir, elle peut et compte y aller avec son mari. C'est pourquoi elle m'a demandé de les accompagner…avec toi… Mais je ne compte pas y aller de toute manière…

Don : Allons-y.

Stella regarda son petit ami, interloquée. Ne l'avait-il pas entendue ?

Mac observait la scène avec intérêt et amusement : lequel des deux allait avoir le dernier mot ?

Stella : Don…J'ai dit que…

Don (l'interrompant) J'ai compris. Mais tu ne vas pas laisser ces pimbêches gagner, non ? Ça ne te ressemble pas…

Stella (hésitant maintenant) Et bien…

Don (tout sourire) Et puis, ça ferait tellement plaisir à Tina.

Stella regarda le détective, méfiante. N'essayait-il pas de l'embobiner ? Elle était sure qu'il avait une autre idée derrière la tête mais laquelle ? En plus, Flack se mit à prendre l'expression la plus innocente possible tout en lui faisant son regard le plus persuasif. Stella finit donc par céder. Elle n'arrivait jamais à lui résister quand il lui lançait ce regard.

Mac souriait derrière son café : Flack était vraiment très fort ! Peut-être qu'il pourrait l'aider quand Stella se montrerait trop têtue…

oOo

Janvier 2006. Lycée Midwood.

Quand le soir tant appréhendé arriva, Tina et Antonio Tocci attendaient les deux policiers devant le lycée Midwood, réputé pour son enseignement scientifique, et virent enfin la voiture du détective arriver puis se garer. Don et Stella en sortirent et rejoignirent le couple.

Tina (les étreignant amicalement l'un après l'autre) Bonsoir, Stella. Don.

Don : Bonsoir. (avec humour) Prêts à entrer dans la fosse aux lions ?

Tina et Antonio rirent à sa plaisanterie mais Flack vit que Stella ne s'était toujours pas détendue. Ok… Ça va être plus difficile qu'il ne pensait…

Ils entrèrent enfin dans le bâtiment et, tandis que Tina signait le livre d'or et prenait son badge, Don serra et caressa tendrement la main de Stella pour la rassurer un peu. La jeune femme appréhendait tellement cette soirée ! Elle était morte de peur.

Don (chuchotant d'une voix douce et réconfortante) Tout va bien se passer, Stella.

Quand ce fut à son tour de passer devant la table qui servait de bureau d'accueil, Stella prit une grande inspiration et avança, faisant ainsi face à l'hôtesse d'accueil de la soirée, Karen Kurtill.

Stella : Bonsoir, Karen.

Karen (surprise) Bonasera ? Stella Bonasera ?

Stella : Oui, c'est bien moi.

Karen (moqueuse) Tu es encore venue seule ?

Entendant le ton moqueur et méprisant de la femme, Flack comprit beaucoup mieux le malaise de Stella et décida d'agir. Il allait balayer ce sourire sardonique du visage de cette désagréable hôtesse…

Don (se rapprochant, enserrant Stella dans ses bras, posant son menton au creux du cou de la scientifique, un grand sourire aux lèvres) Non. Pas cette fois.

Et le jeune homme embrassa le cou de sa petite amie, qui frissonna. Karen ouvrit des yeux ronds comme des billes en apercevant le beau détective et se mit à balbutier. Don sourit avec satisfaction devant le visage décomposé de l'hôtesse, qui réussit tout de même à donner son badge à une Stella rieuse.

Les deux policiers entrèrent enfin dans le gymnase, servant de salle de réception pour l'occasion, et se firent immédiatement remarquer. En effet, le groupe de pimbêches que craignait tant Stella était déjà réuni et Karen les avait rejoint pour les informer de la dernière nouvelle. Les six femmes fixèrent alors Stella et Don avec colère et méfiance et l'une d'elles, Barbara Wire, qui était la pire de toutes, fit un sourire mauvais et inquiétant. Elle chuchota quelque chose à ses amies qui se mirent à rire et à fixer Stella, méchamment moqueuses. Flack le remarqua immédiatement et lui aussi sourit, impatient qu'elles agissent. Elles allaient avoir une petite surprise…

Alors que Tina et Antonio passaient d'un groupe à l'autre pour discuter et recevoir des condoléances pour la mort de leur fille, Sophia, Stella et Don finirent par s'installer à une table. La scientifique se pelotonna contre le détective, cherchant un peu de réconfort.

Don (inquiet) Ça va, mon étoile ?

Stella (se serrant un peu plus contre lui) Pour le moment, oui…

Don (souriant en la serrant contre lui) Tout va bien se passer. Tu as changé depuis tout ce temps.

Les paroles de Flack rassuraient bizarrement Stella. Comment arrivait-il à faire ça ? Alors qu'elle avait une plus grande expérience de la vie que lui, elle se sentait pourtant comme une jeune enfant innocente, heureusement guidée et protégée par une personne sensée et rassurante…et qu'elle aimait.

Stella (souriant) C'est vrai…Comment étais-tu au lycée ?

Don (roulant un peu des yeux) Heu…Et bien…J'étais un redresseur de torts…

Stella (avec malice) Justicier un jour, justicier toujours.

Don (riant) Comme tu dis…Les filles aimaient beaucoup mais je me prenais tout de même quelques trempes. S'attaquer à plus fort que soi n'est pas toujours la meilleure des idées, même si c'est pour régler une injustice. Ma mère était désespérée…

Stella se mit à rire doucement, pouvant facilement imaginer le très jeune Don défendant les plus faibles. C'était tellement…lui !

Don (se levant) Bon. Je vais chercher de la sangria…Tu en veux ?

Stella (avec un doux sourire) Oui, s'il te plaît.

Don (lui déposant un rapide baiser sur le front) C'est comme si c'était fait !

A peine Flack avait-il quitté la table que Barbara Wire et ses amies s'installèrent aux côtés de Stella.

Barbara (faussement amicale) Frisette ! Je ne pensais vraiment pas te voir ici.

Bien. Elle attaquait déjà…Mais repensant aux paroles de Don, Stella ne se démonta pas.

Stella : Ho ? Vraiment ? Pourquoi ?

Barbara (légèrement menaçante) Je pensais que nous avions été suffisamment claires la dernière fois…

Stella : C'est vrai. Je ne méritais pas ma place dans ce prestigieux lycée…C'est ça ?

Barbara : Entre autre… Toujours dans la police ?

Stella : Oui. Je suis lieutenant dans la brigade scientifique.

Stella était d'un calme olympien, au grand damne de Barbara, et répondait poliment aux questions de cette femme sans se démonter, attendant que les autres vipères crachent aussi leur venin. En fait, la scientifique commençait à avoir pitié de ces femmes. Don avait raison…

Barbara (faussement impressionnée) Lieutenant…Pas mal !

Karen (qui avait fini par les rejoindre) Comme l'est ton cavalier, d'ailleurs.

Stella haussa discrètement un sourcil. Elle attendit les prochaines paroles qui franchiraient les lèvres de ses anciennes tortionnaires, prête à contre-attaquer.

Barbara : Tout à fait…

Ann Kelly : Quel âge a-t'il ? 25, 30 ans ?

Stella (méfiante) 28 ans…

Tracy McLory (désagréablement) Tu vas bientôt les prendre au berceau…

Barbara (avec un rire méchant) Voyons les filles, vous savez bien que c'est impossible ! Frisette ne peut avoir ce genre d'homme ! Vous la connaissez bien ! (revenant à Stella) Combien le payes-tu ?

Stella (choquée et sentant la colère l'envahir) Pardon ?

Barbara (avec un sourire méprisant) C'est un gigolo, non ? J'aimerais faire appel à ses services…

Cette fois, Stella ne tint plus. Elle se leva de sa chaise brusquement et s'apprêta à gifler Barbara quand une poigne ferme mais douce l'en empêcha.

Don (sérieusement et calmement) Ne te rabaisse pas à leur niveau…

Stella (protestant) Je ne peux pas accepter ça sans rien dire !

Barbara (moqueuse et méprisante) Gigolo et garde du corps aussi ?

Stella (furieuse) Don est…

Don (d'un calme inquiétant) Je suis policier, comme Stella. A la brigade criminelle en fait. Ho, et excusez mon impolitesse…Je me présente : lieutenant Don Flack Jr.

Barbara (stupéfaite) Don…Flack ?

Don (avec un sourire madré) Oui. Vous auriez dû me reconnaître d'ailleurs, madame Wire. J'ai arrêté votre frère pour meurtre il n'y a pas si longtemps…Quant à vous, madame Kurtill, estimez-vous heureuse que je ne sois pas en service, ni Stella d'ailleurs. Je vous aurais arrêtée pour possession et consommation de drogues…

Les deux femmes se figèrent, de crainte et de colère à la fois, et fusillèrent le couple du regard.

Don : Bon. Je pourrais en dire des choses sur vos autres amies…Mais maintenant que votre petite discussion est terminée, permettez-moi de vous emprunter ma petite amie. Nous allons danser…Un dernier détail tout de même : encore une parole de travers sur Stella et je la laisserai faire. Ça serait gênant, surtout pour vous, madame Wire. Votre chirurgien esthétique ne pourra pas vous arranger… (penchant légèrement la tête) Encore que je me demande s'il y arriverait actuellement…

Stella éclata de rire devant le visage vexé, même outré, de Barbara et suivit Don, qui était très satisfait. La scientifique finit par le regarder, étonnée et ravie à la fois.

Stella : J'ai bien failli la frapper…

Don : Elle l'aurait méritée mais ça n'aurait pas servi à grand-chose. A part soulager tes nerfs, bien sûr.

Stella (souriant) Tu l'as fait. Je ne savais pas pour le frère de Barbara… (riant) Ni pour la chirurgie d'ailleurs…

Don : L'affaire de son frère était vieille d'un an. Je l'ai résolue avec Aiden. Pour la chirurgie, il suffisait de la regarder…C'était évident…

Stella (riant) Et pour Karen ?

Don (tirant la langue comme un enfant) Coup de pot. Je me suis trompé de porte en allant aux toilettes et je l'ai prise en flagrant délit : elle sniffait de la coke.

Stella (souriant) En tout cas, ça leur a rabattu le caquet.

Don : Et ce sont ces pimbêches qui t'effrayaient tant ? Que tu jalousais ? Tu as carrément mieux réussi ta vie, Stella. Tu as…

Stella (tendrement) Tout ce dont je rêvais : des amis qui sont ma famille, un boulot que j'adore et…toi.

Don (malicieux) Je commençais à m'inquiéter…

Stella (riant) Idiot !

Ils arrivèrent enfin sur la piste de danse et se joignirent ainsi aux couples déjà présents. Le reste de la soirée se déroula sans autre incident. Stella remarqua que chaque fois que Don l'embrassait, Barbara et sa bande devenaient blêmes de rage, et cela amusait, voire ravissait, la scientifique. Et manifestement, le jeune détective le faisait exprès devant elles.

Stella se mit alors à réfléchir : pourquoi avoir été si jalouse, si envieuse de la vie de ces femmes ? Pourquoi avoir tant souhaité être comme elles ? Sans doute parce qu'à l'époque du lycée et de celle de la précédente réunion, Stella se sentait seule. Tina avait été sa seule amie mais cela ne lui suffisait pas. La scientifique voulait une famille, un mari, des enfants, comme elle. Et elle avait presque tout cela aujourd'hui : ses collègues et amis étaient devenus sa famille, son boulot la passionnait et elle avait le plus incroyable des petits amis. Il ne lui manquait que les enfants, certes, mais Stella se sentait déjà heureuse. Inutile d'en demander plus. Finalement, la scientifique prit pitié pour ces femmes qui, manifestement, ne pouvait se sentir mieux qu'en restant les vipères qu'elles étaient dans leur jeunesse.

Stella ne vit pas le reste de la soirée car un nouveau vortex venait de l'aspirer. Quel autre souvenir allait-elle visiter cette fois ?