Ellipse sous les lueurs étoilées
Mes collègues, amis et moi-même, avions finalement convenu d'une date pour la soirée caritative. Elle se déroulerait le vendredi précédent le réveillon de Noël, et le réveillon de Noël, c'était déjà la semaine prochaine. Cela faisait des jours – une dizaine – que planifions cela, maintenant que la date était retenue. Le bouche à oreille faisait son œuvre et nous recevions déjà des réponses affirmatives à la en-veux-tu-en-voila si bien que je me demandais si le café serait assez grand pour contenir assez de personne sachant qu'une partie devrait être temporairement changée en scène. Scène sur laquelle Dorothea se produirait, évidemment, mais pas seulement. Manuela avait également proposé d'interpréter quelques chansons à elle. J'espérais qu'elle serait assez sobre pour le faire. Les deux femmes se produiraient même en duo. Le professeur Hannema von Essar, ancien emblematicien et désormais chercheur en sciences occultes, mythes et légendes – rien que ça – nous avait également rendu visite. Je voyais beaucoup de fantôme d'autrefois, ces derniers jours. L'homme s'était découvert une passion pour toutes les choses étranges de ce monde qu'il s'était juré d'un jour pouvoir expliquer d'ailleurs. Quoiqu'il en fut, Hanneman avait également fait passé le mot à ses collègues dans son bureau, cabinet ou je ne savais trop quoi, et tous étaient ravis de venir découvrir les talents de son ancienne élève ainsi que ceux de son… amie. La soirée promettait donc d'être à la hauteur de nos espérances.
Côté refuge, Ingrid avait entamé certaines rénovations notamment grâce à l'aide de Dimitri et à sa force surhumaine. Edelgard était passé du nettoyage de box et ramassage du crottin à la « domestication » des chevaux, tout en continuant de ramasser le fumier, évidemment. C'était toujours un échelon de prit. Ingrid se montrait très patiente avec elle, et s'était bien radoucie en quelques jours et semaines depuis l'arrivée de l'Adrestienne parmi nous. Cette dernière ainsi que l'ancien Roi déchu apprenaient également à s'apprivoiser l'un l'autre, si bien que la lionne n'avait plus besoin de les surveiller en permanence. Elle jetait toutefois encore quelques coups d'œil ci-et-là afin qu'Azura ne vrille pas un jour en tombant sur un corps dans les écuries ou au chenil. Le lien fraternel qui liait les demi-frères et sœurs était plus qu'évident cependant, je le remarquai bien lorsque je passai donner un coup de main au refuge.
Quant à moi ? j'étais tellement occupée que rares avaient été les fois où j'avais finalement pu croiser Edelgard et passer plus de quelques minutes seule avec elle. Peut-être que l'aigle m'évitait même. Inconsciemment ou non.
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—J'espère que tout sera prêt à temps, souffla Dorothea dont les cheveux balancèrent lorsqu'elle ôta le casque de sa tête.
Je pris l'objet et le rangea sous ma selle avant de m'y installer de nouveau. J'avais décidé de raccompagner la chanteuse chez elle ce soir, nous avions fini tard dans le but d'avancer au maximum les préparatifs de la soirée qui avait lieu dans deux jours seulement.
—Il le faudra bien, fis-je en faisant ronronner mon moteur.
—J'ai également hâte d'être à notre soirée à nous, cela fait bien longtemps que nous n'avons pas tous eu l'occasion de nous retrouver.
—Moi aussi, Dorothea.
Moi aussi, me répétai-je en pensées.
La brune me fit un signe de la main et un joli sourire et je pris la route lorsqu'elle disparut dans le hall de son immeuble, lorsque je fus certaine que personne n'irait lui chercher des problèmes. Les rues n'étaient pas toujours sûres, même si le quartier était plutôt calme et tranquille.
Une part de moi avait hâte, certainement. Mais une autre appréhendait également l'évènement. La dernière fois que nous avions fait « soirée » chez moi, cela ne s'était pas très bien passé. J'espérais que le réveillon de Noël ne soit pas l'occasion d'évoquer de nouveau la guerre et ses morts. Il fallait à un moment où à un autre laisser cela derrière afin de pouvoir avancer. Et ce conseil, il n'était pas seulement pour les autres, j'avais aussi ma part de chemin à faire.
Dans ce monde, le réveillon de Noël précédait le jour de Noël, la célébration d'une fête païenne. Dans le monde d'où venaient Sharena et Reginn, pour ne citer qu'elles, cela s'apparentait au Festival de l'Hiver. Et à Fódlan, nous, nous célébrions le bal de la Lune des Etoiles. Sacrée coïncidence que tous ces évènements se déroulent au même moment. Ici, Noël était également l'occasion de se retrouver en famille, et puisque mes amies et moi formions désormais une très grande famille, cet évènement était parfait. Nous n'avions pas prévu quelque chose d'extraordinaire non plus, seulement de se retrouver chez moi et de partager un repas ainsi qu'un ou deux verres de vins, si ce n'étaient des bouteilles entières. J'ignorai qui répondrait présent à l'invitation puisque mes amies avaient également des familles de leurs côtés. C'était par exemple le cas de Corrin qui allait certainement passé un Noël très mouvementé de part la présence de ses très nombreux frères et sœurs. Je ne savais donc si elle serait présente ou non. Sharena avait également des proches originaires de Zenith. Dans l'incapacité de nous couper en deux, il faudrait bien faire un choix. Moi, je passerais le réveillon avec Ingrid et Dorothea de source sûre, et j'espérais qu'Edelgard réponde également présent.
Quoiqu'il en fut, je pensais à tout cela tout en arpentant les routes de la ville, filant sur ma bécane comme je l'avais parfois fait au travers des plaines de Fódlan. Cette nuit était particulièrement froide et la lune éclairait les routes mais également mon âme. Je ne ressentais même plus les crocs de ce mois de la Lune des Etoiles, réchauffée à l'idée de voir toutes les personnes que j'aimais réunies, et de les savoir entourées. Oui, j'avais gardé l'habitude d'utiliser le calendrier de Fódlan dans ce monde. Je ne voulais pas oublier mes origines maintenant que je me trouvais ici. Particulièrement depuis que je me trouvais ici.
Je fis chanter le moteur pendant de longues minutes si ce n'était au moins une heure, trouvant prétexte à chaque intersection pour ne pas rentrer. Cette nuit, j'avais envie d'être ailleurs, de m'évader, se m'envoler sous les rayons de lune et des lueurs étoilées.
Puis la soirée arriva.
