Il y a encore deux ou trois petits chapitres après celui-ci. Cette fic' n'a pas de sens particulier, c'est juste un petit exercice de style autour d'un mot (le sang) et d'un sentiment (l'amitié ... ou l'amour).
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Le médecin
Nous sommes deux équipes médicales à attendre, tendus et nerveux, à la fois prêt à tout et voulant désespérément être ailleurs. Qu'allons découvrir aujourd'hui, combien d'entre eux sont revenus, combien d'entre eux pourrons-nous sauver? Jamais, non jamais nous ne pensons que le verre est à moitié vide. Il sera toujours temps de penser à ceux que nous laissons derrière nous, plus tard. Beaucoup plus tard.
Deux équipes sont parties hier soir. Un total de 16 hommes et femmes, militaires et civils. Et les questions tournent dans nos têtes: combien et qui?
Soudain la Porte s'illumine et l'ordre est donné de relever l'iris. Le premier Jumper fait son entrée.
Fracassante.
Le petit vaisseau Atlante a vécu de meilleurs jours. Il crachote, vacille puis finit par s'écraser sur les marches. Nous nous replions tous vers la salle de commande en poussant des cris d'orfraies et il nous faut bien quelques minutes pour reprendre nos esprits et nous précipiter vers le Jumper.
La rampe s'ouvre et c'est d'abord l'odeur qui nous assaille, à la fois familière et redoutée, l'odeur acre et ferrugineuse du sang. Puis vient la vision … le sol est couvert de sang, comme un épais tapis, nos bottes s'engluent et mon esprit ne peut s'empêcher de penser au temps de coagulation nécessaire pour obtenir cet effet. Et bien sûr, il pense aussi aux litres de sang que représente la flaque rouge dans laquelle je patauge. La quantité de sang total ne varie que dans les limites relativement étroites. Chez l'homme, il représente environ 7 à 8 du poids corporel. Un homme de 70 Kg possède ainsi environ 5 litres de sang. Combien de litres y'a-t-il par terre? Combien de vies représente-t-il? Combien d'amis ai-je perdu aujourd'hui et combien de personnes sont elles mortes, dont je n'aurais jamais plus l'occasion de me faire des amies …
«Vite! Par ici … Non de … Rodney, accrochez vous …»
Je m'agenouille immédiatement aux côtés du Colonel et commence mon examen. Je sens ses yeux sur moi, dans ma nuque, aussi certainement que s'il s'évertuait à vouloir me percer le crâne avec une perceuse. Pas facile de se concentrer dans ses conditions.
Du sang recouvre la veste de McKay, en partie coagulé mais aussi frais. Trop frais. Je me mets à crier des ordres, un infirmier me rejoint par terre. Aucun d'entre nous ne tente de déloger McKay des bras de Sheppard. Sans doute par habitude, ces deux là sont toujours ensemble, si vous en voyez un, l'autre n'est jamais bien loin, comme des frères siamois. Pour le meilleur comme pour le pire.
Nous travaillons autour de Sheppard, dans le sang. Il parle à voix basse, sa main caressant les cheveux de McKay. Il lui promet diverses tortures allant de nommer Kavanaugh dans une équipe active, jusqu'à cacher toutes les réserves de barres chocolatées de la base s'il se permet ne serait-ce que d'envisager de mourir. La réponse de McKay est quasi inaudible mais Sheppard a du la comprendre parce qu'il sourit.
Moi aussi je souris en l'écoutant. Je suis à genoux dans du sang, mes mains en sont recouvertes, la couleur de mon uniforme est méconnaissable mais je souris. Je ne crois pas au miracle mais là, maintenant, j'ai envie de croire, juste une fois …
Et soudain, le cœur de McKay nous lâche.
L'infirmier se précipite sur le défibrillateur et je m'apprête à virer le Colonel lorsque ce dernier se met à insulter McKay.
«… si vous ne vous remettez pas à respirer pas immédiatement, McKay, je vous jure que vous allez le regretter, vous m'entendez!»
Et McKay lui obéit, son cœur repart, ses yeux s'ouvrent. Nous restons quelques secondes stupéfaits, l'infirmier et moi, avant de reprendre nos efforts pour stopper l'hémorragie.
Nous finissons par sortir du Jumper et six civières disparaissent dans le couloir menant à l'infirmerie. Je me retourne une dernière fois et je vois une silhouette rouge près du Jumper. Sheppard. Il nous suit du regard. Je sais que dès qu'il aura pris une douche, fait un rapide débriefing à Weir, je vais le retrouver dans l'infirmerie, au chevet de McKay.
Des seize partis aujourd'hui, seuls sept sont revenus et certains sont entre la vie et la mort, mais quelque chose me dit que McKay n'est pas de ceux-là. Un miracle? Pas celui de la science en tout cas. Je n'ai qu'une seule certitude, si l'un d'eux nous quitte un jour, l'autre le suivra, en attendant, quoique ce soit qui les unisse, amour, amitié ou simple volonté d'être celui qui aura le dernier mot, je me réjouis de l'existence de ce lien.
Je suis médecin, j'ai sauvé des vies, j'en ai parfois laissé partir d'autres, et je suis heureux de pouvoir croire encore aux miracles.
TBC …
