Chapitre Quatrième

Astarté

Les jours passent et se ressemblent… Celui qui a dit ça ne devait sans doute pas être allé faire un tour dans l'Egypte antique. Car plus les jours passaient, plus la tension augmentait aussi bien au Palais que dans les environs. Atem passait son temps enfermé dans ses appartements et les jardins qui y été rattachés. Seul. J'avais du mal à rester sans rien faire face à la douleur de celui avec lequel je partageais peu de temps auparavant (selon mon point de vue) mon corps. J'avais d'ailleurs à plusieurs reprises tenté d'entrer en contact avec lui, sans succès. La Chevalier du Dragon semblait être définitivement la seule à sentir ma présence. Je me demandai où elle était d'ailleurs…

Bref, les fiançailles approchaient à grand pas – raison de l'énervement général – et Atem et Astarté s'adressaient à peine la parole. Leur relation de couple risquait d'être réellement platonique. Le Pharaon en était d'ailleurs navré. Mais que pouvait-il bien faire ?

Atem s'était composé une Garde comme le souhaitait son père. Quelle n'avait pas été ma surprise de le voir engager Mokadin avant même que celui-ci ait eu le temps de le demander. Le garçon semblait aux anges mais n'avait pas fait le rapprochement entre le Prince et la personne avec laquelle il avait parlé durant son passage dans la caravane.

Le lieutenant Joesis avait lui aussi été engagé. L'officier me faisant beaucoup pensé à Joey même s'ils n'avaient pas de traits en commun. Ils avaient le même caractère. Le lieutenant était grand, au teint halé avec de longs cheveux brun brûlé. Il s'était très vite entendu avec Atem même si leur relation restait tout de même celle de Prince/soldat.

Mais ce jour là les fiançailles étaient bel et bien arrivées. Le Prince était vêtu de façon superbe. Je n'avais pas encore vu la Princesse. Joesis se tenait aux cotés de son futur souverain.

Je décidais donc de partir à la recherche de la future reine. Lorsque je la trouvais enfin, dans les quartiers de Serenisis (qui n'était d'ailleurs pas là), je restais quelques instants figé. Elle était su-per-be ! Et encore, le mot me semblait faible. A coté d'elle, Néfertiti devait passer pour le laideron du coin. Mais il émanait d'elle un aura d'inaccessibilité. Elle était semblable à ces déesses grecques. Trop belle… trop pure… trop tout. Et peut-être pas suffisamment humaine. Oui, elle semblait presque inhumaine. Mayada l'aidait à terminer de se préparer en silence. Un silence déroutant. Oui, décidément, l'atmosphère de cet endroit était désagréable.

Finalement, sans un mot, elles se levèrent en même temps et sortirent. Je restais un instant à regarder autour de moi la pièce. Et c'est alors que je réalisais. Il y avait un malaise dans l'air. C'était ça qui donné cette atmosphère tendue. Un malaise… La Princesse n'était-elle pas heureuse d'épouser Atem ?...

Perdu dans mes pensés j'en raté la cérémonie de fiançailles. Râlant contre moi-même (cette cérémonie avait du être splendide) j'arrivais en courant à la Grande Porte. Astarté était en train de saluer son nouveau peuple qui semblait ravi si on en croyait les acclamations. Et lorsque je regardais la jeune femme je fut surpris de constater que cet aura d'inaccessibilité qui l'entourait un peu plus tôt avait disparu. Elle semblait heureuse face à ce peuple qui l'acclamait. Mais elle n'avait pas perdu son allure divine pour autant. Sa silhouette se découpait dans la lumière rougeoyante du soleil couchant. Elle semblait être une déesse descendue de son paradis pour saluer le peuple d'Egypte. J'ignorais si cette partie du spectacle avait été prévue par le Pharaon et son entourage, mais même si ma vision de garçon du XXIème siècle ayant étudié la propagande et ses moyens m'incitait à croire que c'était le cas, quelque chose me disait que rien de tel n'avait été décidé…

S'en suivit alors la présentation dans les règles des vœux de la cour et des religieux aux fiancés. Dès lors, Astarté redevint la figure que j'avais vue avant la cérémonie. Je restais coi. Cette fille était pour moi un mystère. Un grand mystère. Je regrettais que Téa ne soit pas là pour m'aider à la cerner.

Une fois la présentation des vœux terminée, tout le monde se sépara, en particulier les fiancés qui semblaient se fuir comme si l'un d'eux avait la peste. Je suivais Astarté, résolu à comprendre comment elle fonctionnait. Elle arriva dans ses appartements et je découvris une autre facette de cette surprenant femme. Elle avait soudain perdu toute sa majesté pour n'être plus qu'une femme complètement perdue. Elle regarda ses mains qui tremblaient comme les feuilles. Elle s'approcha d'un bassin et s'aspergea le visage.

-Allez ma fille, murmura-t-elle pour elle-même. Ça y est presque.

Je fronçais les sourcils, me demandant ce qu'elle voulait dire. Mais Mayada entra à ce moment, m'empêchant de chercher plus de réponse.

-Ca va ? s'enquit-elle.

Sa Princesse lui répondit d'un pauvre sourire.

-Je fais ce que j'ai à faire… répondit Astarté.

La Grande Prêtresse soupira.

-Tu es sûre de bien le vouloir ? Dois-je te rappeler que la dernière fois que tu es venue en Egypte ça ne s'est pas vraiment bien passé ?

-Je ne veux pas en parler Mayada. Viens, on nous attend pour le banquet.

Astarté sortit de la pièce. Et sa compagne la suivit, non sans avoir poussé un profond soupir.

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Et, une fois de plus, les jours passèrent. Ce qui, je vous le concède, n'avait rien de bien étonnant. Atem évitait soigneusement Astarté qui faisait tout pour rester loin de la cour. En fait, en l'observant un minimum on pouvait vite voir qu'elle ne se sentait pas à sa place. Mais personne ne l'observait réellement. Excepté peut-être le Pharaon. Seulement je n'avais jamais osé aller les voir lorsqu'ils étaient en conversation tous les deux. Je ne saurai dire pourquoi. Peut-être parce qu'il s'agissait du Pharaon et que malgré moi je m'étais laissé envahir par ce respect que tous lui portaient. Toujours était-il que leurs discussions m'étaient inconnues. De nombreuses rumeurs, plus folles les unes que les autres à mon avis, circulaient sur le sujet. Toutefois, on pouvait aisément se rendre compte que personne n'avait idée des propos échangés entre les deux nobles. Certains cependant émettaient l'hypothèse qu'il s'agisse de bien autre chose que des propos mais je ne portais guère d'attention à ces rumeurs. Je doutais qu'elles soient fondées. Cela dit, ce n'était que mon intuition personnelle.

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Atem s'était remis à la pratique de la magie. Joesis en faisait d'ailleurs les frais. Car même si (comme aurait dit grand-père) la magie était comme le vélo, elle ne s'oubliait pas, un an sans la pratiquer impliquait quelques semaines de remise à pied et de nombreux sorts ratés. Mais finalement, le Prince avait fini par retrouver la plupart de ses capacités. Il s'était en même temps énormément rapproché de Joesis qui tenait à présent plus la place d'ami que d'officier auprès d'Atem.

C'est pourquoi, ce jour là, ils se faufilèrent tous les deux hors du palais. Cette fois, aucun des deux ne portait de déguisement. Une fois hors du Palais, Atem utilisa sa magie et devant mes yeux incrédules ils changèrent d'apparence. Et ce qui me surprit encore plus fut de voir Joesis prendre peu à peu les traits de Joey. Bien sûr, il conserva sa peau mâte et ses cheveux restèrent bruns, toutefois, à part ces quelques détails, c'était le sosie de mon ami. Y avait-il un rapport entre eux ?

Quand à Atem, ses cheveux devinrent entièrement sombres sans pour autant perdre leur coiffure et ses yeux prirent une teinte vert foncé. Ces traits se modifièrent légèrement. Pour quelqu'un qui savait qui il était la ressemblance était tout de même importante, mais pour quelqu'un d'autre on pouvait pensé que cela ne se verrait pas. D'ailleurs personne n'aurait sans doute pas pensé que cet homme puisse être le Prince, même quelqu'un le connaissant bien.

Les deux amis passèrent leur après-midi dans la ville. Atem n'ayant plus à se caché pour ne pas être reconnu, cela fut bien plus facile qu'en temps normal. Une réelle complicité était en train de naître entre les deux jeunes hommes.

-La Princesse d'Irshary ? C'est une déesse, j'vous dis. J'l'ai vu moi c'jour là, assurait quelqu'un lorsque Atem et Joesis passait.

Le Prince se figea, surpris d'entendre parler de sa fiancée.

-Mais nôn ! répliqua quelqu'un d'autre. Tout le monde i'sait qu'c'est une magicienne ! L'est v'nue pour monter su'le trône ! El'tuera sur'ment le Prince après l'avoir épousé ! Not'pôvre Prince !

Je n'étais pas convaincu pour deux sous par les dires de la commerçante. Je trouvais même toute cette histoire un peu trop romanesque. Cela dit, ça me rappelait la conversation que j'avais entendue entre Mayada et Astarté et je me souvenais qu'il fallait que je cherche à comprendre ce qu'elles avaient voulu dire. De son côté, Atem semblait troublé. Il n'avait visiblement pensé à une telle hypothèse. Par contre Joesis, lui, n'avait pas le moindre doute : cette femme n'était rien d'autre une commère s'amusant à créer des ragots qui lui donnaient l'impression d'être quelqu'un d'important.

-T'a vraiment rien compris femme ! s'exclama une troisième personne. La Princesse l'est l'amante Pharaon, puiss't-il vivre longtemps ! C'est sûr, d'ailleurs mon cousin qu'est…

Joesis poussa un profond soupir qui couvrit l'argumentation de l'homme.

-N'importe quoi ! dit-il doucement à l'adresse du Prince.

-Tu m'crois pas p'tit ? fit l'homme qui avait visiblement entendu.

-Non. Ce n'est pas possible, assura l'officier.

-Et pourquoi môssieur ?

-Réfléchissez. Pharaon a le droit à autant de concubines qu'il le souhaite. Alors pourquoi se cacherait-il ? Et puis, tout le monde sait que Pharaon, aime énormément son fils. C'est le seul enfant que lui ait donné la Grande Epouse Royale encore en vie depuis la tragique mort de la Princesse Iranya. Alors pourquoi lui ferait-il épouser une femme qui ne serait pas pure ?

Personne ne trouva à redire devant la démonstration de Joesis.

-C'est ben ce'qu'j'disais ! El'veut le trône !

-Non ! C'est une déesse !

Les villageois repartirent dans leurs discussions. Le lieutenant et le Prince soupirèrent et décidèrent d'un commun accort de quitter les lieux. Ils atteinrent un autre attroupement. Atem montra clairement qu'il n'avait aucune envie d'entendre encore parler de sa fiancée mais Joesis s'approcha tout de même, et j'en fis de même.

-Mais si j'vous dis ! assurait une vieille. Il y a de mauvais esprits dans le Grand Palais du Dragon ! C'est de très mauvais augure et…

Mais déjà elle était interrompue par d'autres qui la traiter de folle. Toutefois je réussis à comprendre qu'elle avait vu des lumières autour dudit Palais la nuit et elle les avait assimilés à des manifestations spirituelles. Quand à moi, j'étais plus prompt à penser à l'adversaire de la Princesse Iranya, le Chevalier du Dragon.

Joesis marchait à reculons en expliquant à Atem ce qu'il avait entendu lorsqu'il se cogna soudainement à quelqu'un. Il se retourna avec un air désolé mais amusé. Sa victime était une jeune femme. Elle le regardait avec colère, les mains sur les hanches, un panier presque plein au bras. Elle était brune aux yeux sombres, bien vêtue, elle ne semblait ni vraiment riche, ni vraiment pauvre.

-Vous ne pourriez pas faire attention ? s'exclama-t-elle, énervée.

Le lieutenant ouvrit la bouche pour répondre mais elle l'en dissuada en lui lançant un regard glacial. Puis elle tourna les talons. Derrière son dos Joesis grimaça de façon très peu polie. Atem était en plein fou rire ce qui lui valu les foudres de son ami. Mais ce qui ressortit de cette mésaventure pour moi, fut de voir que les deux égyptiens avaient oubliés leurs titres respectifs pour devenir deux jeunes gens comme les autres. Deux amis.

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Le soir venu, alors que Joesis et Atem avaient regagnés leurs quartiers respectifs, je me rendais dans le Grand Palais du Dragon avec dans l'idée d'y voir la maîtresse des lieux. Mais lorsque j'y entrai je fus forcé de constater qu'il était on ne peut plus vide. J'en profitais donc pour faire le tour du propriétaire. Je passais dans la Salle de l'Affrontement sans y porter vraiment attention, je la connaissais déjà pour avoir vu le duel qui s'y était déroulé plus d'un an auparavant. Je me rendais dans une seconde salle… puis une autre… Il y avait un nombre impressionnant de pièces, toutes plus belle les unes que les autres. Mais ce fut une en particulier qui attira mon attention. Elle était quasiment de la taille d'un terrain de football, avec un plafond très haut qui semblait être fait dans des vitraux, ce qui était surprenant puisque je ne pense pas que les égyptiens aient jamais utilisé le verre. Cette salle était vraiment grandiose. On y trouvait de nombreuses fontaines, toutes en formes de dragons différents visiblement fait en ivoire. L'eau qui s'en écoulait était d'une pureté qui ne semblait pas réelle. En fait, tout le lieu semblait être irréel. Comme sortit d'un rêve. Au centre de la pièce trônait une statue d'or et d'ivoire. Elle représentait un chevalier à l'allure féminine entourait de trois dragons.

Un bruit se fit entendre me tirant de ma contemplation. Et quelle ne fut pas ma surprise de voir Adena et Uranie entrer. Elles ne semblèrent pas me voir, ce qui ne me surprit pas vraiment pour tout dire.

Les deux monstres s'affairaient à des taches que je ne comprenais pas vraiment lorsqu'Adena sembla prise d'un vertige. La Maîtresse des Etoiles se porta immédiatement à son aide.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? » s'enquit-elle.

« J'ai un mauvais pressentiment… il va se passer quelque chose. J'ai peur que quelqu'un s'en prenne au Prince… »

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Fin du Quatrième Chapitre

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Chapitre suivant : ''Le Yuuw'' : Entre attaque et prophétie, les choses vont de mal en pis dans l'Egypte ancienne. Astarté se dévoile et les dangers aussi…