Chapitre Onzième
Le Secret de Stellane
Après avoir discuté toute la journée de la veille avec Astarté, j'éprouvais des remords en suivant Joesis et Atem pour rejoindre Stellane. Lorsque nous arrivâmes sur les lieux du rendez-vous, cette dernière nous attendait, visiblement soucieuse. Perdue dans ses pensées elle ne nous remarqua pas. Son visage était tendu et elle faisait les cent pas. A n'en pas douter quelque chose la préoccupait.
–Stellane ?
La voix d'Atem la sortit si brusquement de ses considérations, qu'elle sursauta et j'eu l'impression de sentir l'air vibrer autour d'elle une fraction de seconde. Je fronçais les sourcils. Etait-elle une magicienne ou cette vibration était-elle le fruit de mon imagination ?
–Oh, Yami, pardon… je… je réfléchissais.
–Ca n'a pas l'air d'aller, objecta le Prince. Tu as un problème ?
–Non…
Elle se tut un moment avant de rectifier :
–En fait, oui. En quelque sorte.
Elle s'appuya contre l'arbre sous lequel elle nous avait attendu et poussa un long soupir.
–Les moments que j'ai passé avec vous étaient très agréables et ils m'ont permis d'oublier mes problèmes, d'être quelqu'un d'autre. Croyez moi, c'était très agréable et je ne les effacerais pour rien au monde, mais… Mais je ne peux pas continuer à être quelqu'un d'autre…
Petit à petit, durant l'explication de la jeune femme, j'avais vu Atem pâlir.
–Je… je ne suis pas sûr de comprendre, admit doucement Joesis.
Stellane eut un sourire triste et secoua la tête.
–Il vaut mieux qu'il en soit ainsi, dit-elle en un murmure. Je suis désolée. Je sais que c'est…
–Que c'est quoi ? s'exclama Atem. Bon sang comment peux-tu nous dire de bute en blanc que tu ne veux plus qu'on se voit sans même nous donner d'explications ?
–Yami, fit-elle dans un soupir presque suppliant.
–Explique moi !
Sans tenir compte des paroles du Prince, la jeune femme se tourna en direction du soleil qui commençait à disparaître dans les dunes.
–Que veux-tu que je t'explique Yami ? murmura-t-elle sans le regarder. Je n'avais rien prévu de tout ça. C'est arrivé sans que je le souhaite. Mais rien de tout ça n'est réel.
Atem ouvrit la bouche pour répliquer mais un cri d'effroi lui coupa la parole. Avant qu'il ait pu faire le moindre mouvement, Stellane courrait en direction du bruit. Elle s'immobilisa au sommet d'une dune, figée.
–Des âmes damnées, grinça-t-elle alors que le Prince arrivait à sa hauteur. Que font-elles autant à l'intérieur des terres ?
En effet, en contre bas quatre soldats de Yuuw étaient en train de se disputer la carcasse d'un cheval alors que six autres lançaient des regards lourds de sens sur une femme et son fils.
Stellane se tourna vivement vers un couple qui semblait être arrivé sur les lieux en même temps qu'elle.
–Allez prévenir Pharaon, leur ordonna-t-elle. Vite !
Surpris et terrorisés les deux jeunes gens ne se le firent pas dire deux fois.
Puis la jeune femme s'élança. Atem tenta en vain de la retenir alors qu'elle dévalait la dune pour atterrir entre les âmes damnées et leurs deux proies. Le Prince lui cria de revenir sans succès. Il savait pour les avoir affrontés (et j'en avait également conscience) que les soldats du Yuuw étaient dangereux, et qu'à une contre dix, la jeune fille avait très peu de chance de s'en sortir. Quand bien même Atem et Joesis seraient-ils allés lui prêter main forte, leurs chances de victoire auraient été des plus mince. Malgré tout, le Prince tenta de la rejoindre. Son officier l'en empêcha.
–Tu ne peux rien faire Atem ! s'exclama-t-il. C'est trop risqué. Il pourrait te tuer !
–Mais ils vont la tuer si on ne fait rien !
Sans tenir compte des protestations de son futur souverain, Joesis l'empêcha de rejoindre Stellane. Les âmes damnées regardaient cette dernière avec amusement.
–Pour qui te prends-tu, humaine, pour oser nous barrer la route ?
–Je me nomme Thverr Yu Fornthëis, pour vous servir, répliqua-t-elle avec une légère révérence.
J'ignore ce que « Thverr Yu Fornthëis » pouvait bien signifier, mais le visage déjà torturé de l'être se tordit dans un rictus affreux et terrifiant. Il poussa un cri de fureur avant de se ruer accompagné de ses semblables sur Stellane. Celle-ci plia légèrement les jambes, comme prête à subir l'impact. Je me demandais un instant si elle n'était pas folle. Mais au dernier moment, elle plaça son bras droit devant son visage. Je sursautais en reconnaissant le bijou qu'elle portait. Il s'agissait du bracelet d'Astarté ! Celui-ci se mit à émettre une lumière aveuglante qui força les âmes damnées à reculer. Mais contrairement à ce qui s'était passé lors du combat contre Atem et son armée, elles ne furent pas vaincue.
–Qui es-tu Magicienne ? hurla un des soldats de Yuuw.
–Pourquoi êtes-vous ici ? renchérit-elle.
–Ce pays deviendra bientôt un champ de ruine sur lequel régnera notre maître ! Vous ne serez plus rien !
La délectation des âmes damnées à cette idée était palpable et me donna la nausée.
–Cette terre ne sera jamais votre ! assura Stellane.
Sans même prendre la peine de répondre, les âmes damnées s'élancèrent à nouveau vers la jeune femme. A nouveau, elle se protégea à l'aide du bracelet. Mais cette fois, un des soldats, lui saisit le bras. Avec une force surhumaine, il l'envoya voler contre un rocher. Elle rencontra la roche dans un cri de douleur et retomba mollement sur le sable.
La voyant ainsi à terre, les âmes damnées furent prises d'un éclat de rire dément qui me fit froid dans le dos alors qu'Atem se débattait contre la poigne de Joesis pour aller l'aider.
C'est alors que, à la surprise générale, elle se releva. Je me figeais en la voyant. Ses cheveux avaient prit une teinte bleue nuit et ses yeux étaient d'un gris envoûtant. Ce n'était plus Stellane qui se tenait là, pleine de sang et de terre dans des vêtements déchirés, mais bel et bien Astarté.
–Tu es résistante l'humaine, admit une âme damnée.
-Et tu n'as encore rien vu ! souffla-t-elle. Uranie !
La Maîtresse des Etoiles apparu aux cotés de la Princesse avant de s'élancer, une épée à la main, vers un des soldats de Yuuw. Un combat s'engagea mais Astarté n'y prêta guère d'attention. En effet, deux âmes damnées s'étaient élancées vers elle. La jeune femme les évita de justesse et répliqua en leur lançant deux sphères de lumières incandescentes en pleine figure. Une d'entre elles tomba à terre alors que l'autre titubait dangereusement.
Lorsqu'il avait vu Stellane se changer en sa femme, Atem s'était figé lui aussi. Son visage était devenu inexpressif, seuls ses yeux flamboyaient de colère. Je devais admettre qu'il était inquiétant comme ça. Joesis l'avait lâché.
–Les soldats arrivent… avait-il murmuré.
Sans un mot, le Prince avait repris sa véritable apparence et rendu la sienne à son ami.
Astarté venait de repousser deux nouveaux assaillants et Uranie d'en détruire un. Mais il était clair que la Princesse était en position de faiblesse. Trois âmes damnées l'attaquèrent. A bout de force, elle ne put qu'en repousser une. Elle ferma les yeux, attendant selon toute vraisemblance l'impact avec les deux autres. Mais il ne vint pas. Elle rouvrit les yeux. Le Magicien des Ténèbres était devant elle, la protégeant des attaques. Je la vit clairement soulagée. Les soldats arrivèrent et après quelques minutes de combat, les soldats de Yuuw, déjà malmenés par la Princesse, furent vaincus.
Pourtant je vis le visage d'Astarté perdre subitement toutes ses couleurs. Et lorsque j'en cherchais la cause, je remarquai le regard qu'Atem lui lançait. Inconsciemment je fis un pas en arrière. Ce regard était terrifiant.
Astarté fut directement reconduite dans ses appartements et avant même qu'elle ne soit soignée, Atem fit irruption dans ses appartements.
–Vous rendez-vous compte de ce que vous avez fait ? s'écria le Prince, me prenant de court.
Même le plus stupide des idiots n'aurait eu aucun mal à voir qu'il était hors de lui.
–Vous avez faillit vous faire tuer ! Mais que faisiez-vous hors du palais ? Êtes-vous folle ?
–Je vous pris de m'excuser. Cela ne se reproduira pas… souffla Astarté, la tête basse.
–Ca, vous pouvez en être sure ! Ca ne se reproduira pas ! A partir d'aujourd'hui vous êtes confinée au palais ! Vous n'irez nulle part sans qu'un de mes soldats vous accompagne !
La Princesse releva la tête pour protester mais Atem plongea son regard dans le sien, lui intimant le silence.
–Et ceci est non négociable, conclut-il avant de sortir.
Astarté se laissa tomber sur son lit.
–Ca va ? m'enquis-je doucement.
–Oui, merci Haïbel, souffla-t-elle. Je vais bien…
Pourtant, une larme solitaire s'échappa et courut sur le visage de la jeune femme… Pourquoi Atem avait-il réagit ainsi ? Pourquoi…
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Fin du Chapitre Onzième
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Chapitre suivant : ''Adieu Père'' : Dire adieu n'est jamais facile… Mais pour Atem et Astarté le temps est venu.
