Chapitre Douzième

Adieu Père…

Astarté me faisait de la peine. Elle tournait comme un lion en cage, constamment flanquée de ses deux « gardes du corps » qui tenaient plus pour elle de geôliers que de protecteurs. La présence des soldats l'empêcher d'aller au Grand Palais du Dragon sans soulever des interrogations qu'elle ne voulait pas entendre. Elle passait donc son temps dans ses appartements ou dans les jardins des femmes (deux lieux où les gardes ne pouvaient la suivre).

Je n'en peux plus ! me dit-elle en faisant les cent pas dans sa chambre. Ces deux espèces de…

Son visage se contracta de colère.

Si mon rôle de Princesse d'Egypte et d'Irshary ne m'en empêchait pas, je te jure que cela aurait fait un moment que je leur aurais dit ma façon de penser ! Je m'étouffe à ne rien pouvoir faire ! Je déteste ça !

Avant de la connaître, j'avais toujours cru Astarté imperméable à tout ce qui l'entourait. Mais depuis que j'avais appris son secret, j'avais découvert qu'il ne s'agissait que d'une façade, et qu'au contraire, elle était particulièrement sensible. Et la punition d'Atem semblait mettre ses nerfs à rude épreuve.

Uranie apparue, tentant d'apaiser sa maîtresse sans toutefois rencontrer plus de succès que moi.

Mais enfin, s'exclama la Princesse, j'ai fait une erreur, je suis d'accord, mais ça fait un mois ! Un mois qu'il ne m'a pas adresser la parole ! Par Maât, je n'ai pas mérité cela !

J'avais tenté de lui dire qu'Atem et Yami n'était qu'une seule et même personne mais elle avait refusé de m'entendre, me répétant que je ne devais pas interférer avec le déroulement de l'histoire. Je voyais pourtant sur son visage, lorsque nous en parlions, qu'elle aurait voulu savoir ce que j'essayais de lui dire. Son sens du devoir m'impressionnait.

Mais soudain elle sursauta et releva vivement la tête.

Quoi ? m'exclamai-je de concert avec Uranie

J'ai un mauvais pressentiment…

Sans plus d'explications elle s'élança hors de ses quartiers, surprenant ses gardes du corps au passage. Je la suivais avec difficulté (elle était beaucoup plus sportive que je l'aurais cru) alors qu'elle se courrait dans les couloirs du palais en direction des appartements de Pharaon.

Outre les deux gardes, plusieurs serviteurs s'étaient joint à cette étrange course. Arrivé aux quartiers du souverain, on interdit à Astarté d'entrer. Sans tenir compte des protestations des prêtres, elle fit s'ouvrir à grande volée les portes sans même les toucher, rappelant ainsi à tous qu'elle était une magicienne.

NON ! cria-t-elle en découvrant Pharaon à terre, baignant dans son sang.

Elle se rua vers lui et lui souleva la tête. Il était encore vivant.

Mon enfant… souffla-t-il.

Non… non… ne dites rien… nous allons vous soigner…

D'un geste tremblant de la main, le Fils de la Lumière fit taire sa belle-fille.

Je suis… fier de vous avoir… connu mon enfant… Vous êtes une… envoyée des Dieux… Séchez vos larmes… Je pars en… paix avec moi-même… Mais, Atemu… Aimez mon fils. Il vous aime, même s'il… kof, kof… s'il ne sait guère le montrer… Et protéger le… Ils… Ce qui m'ont fait ça… Ils veulent aussi sa mort… Astarté… arg…

Et la main du Maître des Deux Terres retomba mollement sur le sol. Les larmes coulaient sur les joues de la nouvelle Reine d'Egypte.

Retrouvez moi celui qui a osait tuer Pharaon ! RETROUVEZ LE !

Personne ne se le fit dire deux fois. Astarté posa délicatement la tête de son beau-père sur le sol avant de se relever. Ses jambes et sa tunique blanche étaient couvertes de sang.

Ma Reine… dit une domestique en s'avançant.

Mais elle fut coupée par l'arrivée d'un soldat.

Altesse ! Le Prince… euh, je veux dire Pharaon arrive !

Toutes les personnes présentes, moi compris, sursautèrent, se souvenant de la mise en garde du défunt roi.

Toi et toi, ordonna Astarté en désignant deux femmes, restez ici et occupez vous de la dépouille de Pharaon, les autres allaient prévenir tous les gardes du palais. Les soldats, Uranie, avec moi !

Sans plus de cérémonie, la Reine d'Egypte s'élança dans les couloirs, couverte de sang. Tout en courant, elle regardait par les fenêtres. Je suivais donc son regard, essoufflé. Atem était en train d'entrer dans le palais. Les soldats qui l'accompagnés n'étaient visiblement pas au courant de la menace et tout ce beau monde discutait avec gaieté et décontraction. Soudain, je sursautais. Il y avait une ombre.

Sur le toit gauche de la porte Sud ! s'exclama Astarté, confirmant mon impression.

Uranie, entourée de plusieurs autres monstres volants sauta par la fenêtre en direction de l'intrus. Quelques instants plus tard nous étions dans la cours du palais, à quelques mètres d'Atem et son escorte qui ne semblaient pas encore nous avoir remarqué.

Un autre, Altesse ! s'écria un soldat.

En effet, sur un autre toit, se tenait un homme, un arc bandé dans les mains. Et il n'y avait aucun doute sur sa cible.

URANIE ! hurla Astarté.

Délaissant la poursuite, la Maîtresse des Etoiles s'élança vers Atem… Et arriva à temps pour lui servir de bouclier. La flèche de l'assassin s'enfonça profondément dans l'épaule de la Servante, lui tirant un cri de douleur.

Abattez le ! intima la Reine aux soldats qui l'entouraient en désignant l'archer qui avait déjà encoché une nouvelle flèche.

Mais cette fois, ce n'était pas Atem la cible. Avant que quiconque est pu faire quoi que ce soit la flèche vibrait dans l'air. Elle frôla Astarté, lui ouvrant légèrement la joue. Elle ne bougea pas d'un pouce, fixant l'assassin avec un regard de Reine. Autour d'elle, les archers étaient prêts à riposter.

Nous nous reverrons, Reine d'Egypte, ricana le tueur en soutenant le regard de la souveraine. Nous nous reverrons.

Et sur ses paroles il sauta du toit hors du palais.

Retrouvez le ! ordonna Astarté. Retrouvez le et ramenez le ici. Exécution !

Bon nombre de soldats s'élancèrent sous les ordres de leur souveraine à la poursuite de l'inconnu. Qui n'était d'ailleurs plus aussi inconnu que ça. C'était Bakura. Ou du moins le mauvais coté de Bakura, j'en étais sûr.

Du sang coulait sur la joue de la Reine, mais elle n'en tint nul compte et se tourna vers les domestiques qui se tenaient à ses cotés.

Les prêtres d'Anubis sont dans les appartements de Pharaon, déclara à mi-voix l'un d'eux. Ils demandent s'ils peuvent emmener le corps pour procéder dès maintenant à l'embaumement.

Je vis tous les muscles de la jeune femme se contracter. A défaut de mieux je posais ma main sur son épaule, désireux de la réconforter. Je la sentis se détendre.

Dites leur de le faire mais d'attendre avant l'embaumement. Qu'ils lavent le sang du corps de Pharaon, que le Pharaon Atemu ne voit pas son père dans cet état…

La voix d'Astarté s'était étranglée à ces dernières paroles mais personne de ce qui l'avait entendu n'y prêta attention. Alors que le domestique partait en courant relayer le message. La Reine prit une profonde inspiration et s'avança vers Atem et ses compagnons. Je me souvenais alors que le Prince – maintenant Pharaon – était allé chercher des représentants étrangers. Je doutais qu'ils s'attendent à voir la Reine dans un tel état et je comprenais qu'elle soit mal à l'aise. Pourtant, il irradiait d'elle une majesté que même ses plus belles tenues n'auraient pas suffit à donner à une autre.

Seigneur Jerjufza, je suis navrée que vous ayez été témoin de cet incident et m'en excuse platement. J'espère que vous ne nous en tiendrez pas trop rigueur…

Ledit seigneur regarda Astarté avec un regard indéchiffrable.

Je souhaiterais voir le Pharaon Akunumkanon pour mettre ce fâcheux incident au clair.

La Reine releva la tête et croisa le regard de noble. Elle était très pale.

Cela ne va hélas pas être possible, Messire. J'ai le regret de vous informer que le Pharaon Akunumkanon est décédé des suites des blessures que l'homme que nous poursuivions à votre arrivée lui avait infligées.

Un bruit métallique se fit entendre dans le silence complet de la cour. Atem venait de lâcher son épée qui était tombée à terre. Son visage s'était vidé de toutes ses couleurs. Ses mains tremblaient. Jusqu'alors il n'avait pas réagit – sans doute pour suivre le protocole devant un représentant étranger. Mais à l'annonce de la mort de son père il sembla oublier ces détails et s'élança vers le palais suivit par Joesis. Astarté ne réagit pas et fit comme si de rien n'était.

Veillez me suivre, Seigneur Jerjufza, je vais vous montrer les quartiers préparaient à votre attention pour que vous puissiez vous mettre à l'aise après ce long voyage.

La Reine fit volte face, entraînant dans son sillage l'étranger et ses serviteurs. Je remarquais alors la présence du Magicien des Ténèbres dans la cour. Il soutenait Uranie qui semblait souffrir. Je savais qu'Astarté devait ressentir la douleur de sa Servante même si elle était atténuée. Je l'admirais d'autant plus de réussir à suivre le protocole dans de telles circonstances.

Laissant Uranie aux bons soins du Servant d'Atem, je partais à la recherche de nouveau Pharaon.

Après moult difficultés je finis par trouver l'objet de mes recherches. Il était agenouillé près de la dépouille de son père, des larmes séchées sur les joues. J'aurais voulu pouvoir l'aider comme il m'avait tant aidé, mais je savais qu'il ne pouvait pas m'entendre. Je remarquais qu'il était seul. Sans doutes avait-il congédié toutes les personnes qui se trouvaient là. Joesis comprit. Je comprenais qu'il eut besoin d'être seul mais je doutais que ce fut la meilleure solution.

J'entendis alors des pas. Je me demandais un instant qui pouvait bien braver un ordre du Pharaon, avant de voir apparaître Astarté, vêtue en Reine. Elle resta quelques instants sur le pas de la porte avant d'entrer et d'aller s'agenouiller aux cotés de son mari.

Je suis désolée… murmura-t-elle brisant le silence.

Vous n'y êtes pour rien…

De nouveau le silence s'installa. Dehors, le vent soufflait et les grondements laissaient entendre l'arrivée imminente d'un orage.

Les prêtres d'Horus ont prévus notre couronnement dans trois jours. Jusque là, je m'occuperais de tout. Vous pourrez ainsi faire votre deuil en paix.

Atem releva la tête et croisa le regard fatigué de son épouse. Elle retenait tant bien que mal ses larmes. Fatigue, tristesse, douleur… la journée avait été rude. Une larme solitaire se fraya un passage sur la joue de la jeune femme. Atem l'essuya.

Merci… merci pour tout… chuchota-t-il enlaçant Astarté.

Elle sourit en lui rendant son étreinte.

Je souris, heureux de les voir ainsi ensemble avant de sortir à pas de loup (il ne fallait pas oublier qu'Astarté m'entendait), laissant derrière moi le couple royal se trouvait à travers la douleur alors que les premières gouttes de pluie tombaient sur le sol…

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Fin du Douzième Chapitre

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Chapitre suivant : ''Couronnement'' : Vive le Pharaon Atemu ! Vive la Reine Astarté !