Chapitre Quinzième
Bienvenu à la cour
Tout le monde au palais était sur son trente et un. De nombreux chars et litières arrivaient des quatre coins d'Egypte pour assister à la grande réception donnée par les souverains des deux terres.
Dans la salle de bal, j'observais les invités. Il était impressionnant de voir à quel point les choses pouvaient rester les mêmes. On se serait presque cru dans une de ces grandes soirées que pouvait donné Kaiba ou Pegasus et auxquelles j'avais assisté en tant que Maître des Jeux. Je comprenais d'ailleurs mieux l'aisance qu'Atem avait montrée à l'époque pour s'adapter à ce genre de fête.
A coté de moi, Astarté remplissait son devoir de Reine, accueillant ces invités et distribuant des sourires et de légères révérences. Elle était parfaite et tout le monde s'accordait à le dire.
Un peu plus loin, Atem discutait avec une femme, très belle, qui semblait lui faire de rentre-dedans. C'était impressionnant. Je devais bien admettre que j'étais surpris voir choqué de son attitude. Pourtant, ni Astarté ni personne ne semblait y porter d'attention. Je me demandais comment la Reine pouvait accepter que son époux se fasse ainsi courtiser, sous son nez qui plus est !
–Tu ne fais rien ? m'enquis-je.
–Tu sais Haïbel, me répondit-elle à mi-voix, de tout temps les Pharaons ont eu des concubines et la Grande Epouse Royale que je suis n'a pas son mot à dire.
Je ne répondis pas. Pour moi, voir Atem avec cette femme était inadmissible. Je n'étais pas un grand romantique. Toutefois je devais admettre que je pensais le Pharaon plus droit que ça. Mais il ne fallait pas oublier qu'à cette époque la polygamie était monnaie courante. Je soupirai et m'avançai vers le souverain d'Egypte.
C'est alors que je réalisai que la femme qui l'accompagnait, une certaine Meryd-Amès, semblait le saouler et que son regard déviait sans cesse vers une seule et même personne. Suivant ledit regard, je tombai avec un sourire sur Astarté en grande conversation avec Seto. Conversation dont le sujet ne semblait guère plaire à la Reine. Elle était visiblement agacée alors qu'un sourire amusé flottait sur les lèvres de son interlocuteur.
En m'approchant j'eus la surprise d'entendre le sujet de la conversation. Seto semblait être du même avis que moi à propos des fréquentations d'Atem et des réactions d'Astarté. J'allais intervenir lorsque qu'un « Haïbel, je me passe de tes commentaires » me cloua sur place. Non pas que la phrase m'ait fait peur. Non, c'était plutôt la façon dont elle avait été dit qui m'avait surpris. Bien sûr, ce n'était pas la première fois qu'Astarté me parlait par télépathie, mais à chaque fois, ça me faisait un tel effet !
Finalement, au bout de quelques heures, les invités prirent un à un congé.
Pour une raison qui m'échappa (vu qu'elle avait l'air de lui pomper l'air), Atem accompagna Meryd-Amès à ses appartements alors qu'Astarté prenait le chemin des siens. Une fois arrivée, elle se laissa tomber sur un fauteuil.
–Je ne suis pas jalouse, affirma-t-elle plus pour elle-même que pour moi.
Je ne fis pas de commentaires. Avais-je vraiment besoin d'en faire ?
–Je me demande comment va Yami, souffla la Reine.
Je sursautais. C'était vrai qu'elle n'avait jamais su que Yami et Atem étaient une seule et même personne. Je me demandais d'ailleurs pourquoi le Pharaon ne lui avait jamais dit.
Elle soupira tristement. Elle n'était peut-être pas jalouse (du moins, d'après ses dires), mais elle était triste, ça j'en étais sûr ! D'ailleurs les larmes qu'elle tentait tant bien que mal de refouler en était bien la preuve. J'étais désolé pour elle. Mais avant que j'ais pu dire quoique ce soit, quelqu'un frappa à la porte. Je vis la surprise sur le visage d'Astarté, mais elle invita tout de même le visiteur inattendu à entrer. Et la surprise se fit encore plus grande sur la face de la Reine lorsqu'elle vit son époux pénétrer dans la chambre. A en juger par le temps qu'il avait mit pour arriver, il avait sûrement rapidement laissé Meryd-Amès et venir ici directement. Un grand sourire satisfait fendit mon visage. J'étais ravi de voir Atem.
Celui-ci sourit tendrement à sa Reine avant de s'approcher d'elle et de la prendre dans ses bras. Je vis le visage d'Astarté se décontracter alors qu'elle se blottissait dans l'étreinte de son mari.
–Il n'y aura jamais que toi, murmura-t-il.
Je me demandais s'il s'agissait là d'une promesse. Je doutais qu'Astarté le prenne comme tel. Toutefois je sortais gaiement de la pièce, laissant son intimité au couple. Peut-être étais-je en train de devenir romantique après tout… Ces deux là avaient vraiment un mauvais effet sur moi !
Le lendemain, alors je marchais parmi les courtisans (qui ne me voyaient bien entendu toujours pas) je surpris un nombre considérable de conversation avec pour unique sujet le couple royal. Et particulièrement Astarté. Car cela faisait plus d'une année qu'elle était mariée à Atem et elle n'avait toujours pas enfanté. Ce qui la rendait sujette à de nombreuses moqueries mais également à de nombreuses critiques. Après tout, disait-on, c'était une étrangère. Beaucoup doutaient de choix d'Akunumkanon. La Reine était la risée de la cour. Et on s'étonnait ouvertement que Pharaon n'ait pas prit de concubine. J'étais outré d'entendre la façon dont les nobles parlaient de leur souveraine. Comment osaient-ils la critiquer sans même la connaître !
Mais lorsque le couple entra dans la salle où je me trouvais, les mauvaises langues se turent et les ragots s'éteignirent. Je m'avançais vers Astarté qui s'approchait souriante au bras d'Atem vers les nobles avec la ferme intention de lui dire ce qui se passait dans sa cour et ce que j'en pensais mais elle me devança.
–Je sais, murmura-t-elle avant même que j'ai pu dire quoique ce soit.
Je ne me demandais même pas comment elle avait pu deviner à quoi je pensais. J'avais renoncé à comprendre. Toutefois, le fait de savoir ce qui se passait dans son dos ne sembla pas entamer sa bonne humeur. Ni celle d'Atem. D'ailleurs je ne demandais si lui était au courant…
Le souverain laissa sa femme pour s'approcher de deux hommes. Il les salua chaleureusement. Avant que j'aie pu formuler mon interrogation, Seto, qui se tenait près de sa Reine, y répondit.
–Ce sont les demi-frères d'Atem. Il ne les aime pas du tout, ceci dit en passant, chuchota-t-il à l'intention d'Astarté.
–Pourquoi ça ? s'enquit la Chevalier du Dragon à mi-voix.
–Des rumeurs auraient couru selon lesquelles leur mère ne serait pas étrangère au brusque décès de la mère d'Atem et d'Iranya. Celui de gauche, c'est Akunadin et l'autre c'est Apériès. On murmure qu'ils sont les dignes fils de leur mère. Il est d'ailleurs étonnant qu'ils n'aient jamais rien tentait contre Atem ou Iranya du temps où elle était en vie.
Je vis Astarté froncer les sourcils.
–Tu savais qu'Akunadin était un magicien ? s'enquit-elle.
Seto sursauta et se saisit vivement de sa Baguette. Mais la Reine posa sa main sur l'objet du Millenium, forçant le jeune sorcier à baisser son bras.
–Ils sont dangereux, protesta-t-il un peu trop vivement.
D'un regard, Astarté lui intima de baisser d'un ton.
–Altesse… supplia-t-il plus doucement.
–Nous ne savons rien sur eux. Rien ne dit qu'ils aient un quelconque rapport avec le Combat du Dragon.
–Laissez moi aller fouiller leurs appartements et trouver des preuves.
–Cela fait plus de deux ans, observa avec justesse la Reine. Il y a peu de chance qu'ils aient conservés des preuves tout ce temps.
–Ils sont partis tout de suite après le duel qui vous a opposé à Iranya et ils ne sont pas revenus au château depuis, même pas pour l'enterrement et le mariage. Ca a d'ailleurs fait parler à la cour…
Il fallait dire, songeais-je, que les courtisans n'avaient pas besoin de grand-chose pour parler.
–… et en plus comme ils viennent tout juste d'arriver au palais, ils n'ont pas eut le temps de se rendre à leurs appartements, conclut Seto.
–Allez y, même si je doute que vous trouviez quoi que ce soit, autorisa Astarté.
Sans attendre de réponse, elle rejoint son époux.
–Ah ! Je crois que vous ne connaissez pas ma femme, dit Atem alors qu'elle arrivé à ses cotés.
–C'est un plaisir ma Reine, saluèrent les deux frères.
–Moi de même.
Je doutais de la véracité des dires des trois personnes, mais je devais admettre qu'Astarté était très convaincante.
–Et où sont donc vos charmantes épouses ? s'enquit le Pharaon.
–Hélas, répondit Apériès avec un air triste, elles sont mortes peu après notre royale sœur Iranya dans un stupide accident de char.
Je doutais sérieusement de la thèse de l'accident. Je regardais la Reine en cherchant à voir ce qu'elle en pensait, mais je ne vis que le dessolement dans son regard.
–Oh, par Isis, je suis désolée, toutes mes condoléances.
Je vis Atem froncer les sourcils. L'air qu'arborait à cet instant Astarté et sa voix avec laquelle elle avait prononcé sa phrase ne lui ressemblait pas du tout. Visiblement, elle n'était pas plus que moi convaincue par l'accident. Et son époux semblait s'être rendu compte qu'elle n'agissait pas comme elle en avait l'habitude.
–Restez tant que vous voulez au palais, vous y êtes les bienvenus.
Le Pharaon eut toutes les difficultés du monde à ne pas laisser voir sa surprise alors que ses demi-frères remerciaient avec obséquiosité sa femme. Quand à moi, je pouffais de rire, amusé par la scène qui se jouait devant moi. Avec un sourire, Astarté prit congé pour aller s'occuper de ses autres invités. Atem la suivit.
–Qu'est-ce que… ? commença-t-il.
Elle lui prit le bras.
–Fais moi confiance, souffla-t-elle.
Les regards des deux souverains se croisèrent. Celui d'Atem devint tendre au sourire d'Astarté. Puis, ils reprirent leur rôle de Pharaon et Reine d'Egypte. Je me rendais alors compte que seuls Snéfrou et Joesis semblaient s'être rendu compte de ce court intermède. Et qu'un petit sourire flottait sur leurs lèvres.
Il ne s'était pas passé dix minutes, lorsque Seto, entourait par de nombreux gardes, entra. Je remarquais qu'un des soldats portait un drôle d'attirail de tissus et de plumes jaune, orangé et doré. Le sorcier s'avança.
–Vos Altesses royales, mes seigneurs, je me dois de vous signaler qu'il y a parmi vous des traîtres, déclara-t-il alors.
Tout le monde se mit alors à parler en même temps si bien qu'on ne put rapidement s'entendre. Mais cela ne m'empêcha pas de voir Atem posait un regard rieur sur Astarté qui lui fit un grand sourire angélique. Visiblement, le Pharaon avait comprit que son épouse n'était pas totalement étrangère à ce qui se passait.
–J'ai des preuves qui prouvent que Akunadin et Apériès ont abusé de feu le Grand Prêtre de Râ Menetjem grâce à un subterfuge allié à de la magie ! reprit Seto après avoir ramené le silence.
Je devais admettre qu'il ressemblait vraiment à Kaiba dans sa façon de scander ses phrases et dans sa gestuelle. Ou plutôt, c'était Kaiba qui lui ressemblait vraiment.
–Ne dites pas de sottise, s'insurgea soudain un prêtre que je ne connaissais pas. Jamais un magicien, un prêtre ou un sorcier ne se servirait de sa magie ainsi ! Vous êtes bien placé pour le savoir !
Sans tenir compte de l'intervention du religieux, Astarté s'avança vers les deux frères accusés.
–Savez-vous qu'il y a quelques mois, mon père a été emporté par la maladie ? leur demanda-t-elle.
Tout le monde, moi y comprit, regarda la Reine avec consternation. Qu'est-ce qui lui prenait de parler de ça à cet instant ?
Avant même qu'Akunadin ou Apériès aient pu prendre la parole pour répondre, elle continua.
–Par conséquent je suis donc Reine d'Irshary, royaume de Maât.
Je souris. Je commençais à voir où Astarté voulait en venir. En temps que Reine elle était la représentante terrestre de Maât.
–Confirmez-vous ou infirmez-vous les paroles du Grand Conseiller auprès de Pharaon ?
La voix calme et douce de la jeune femme résonnait dans le silence de la salle. Le regard d'Akunadin croisa celui de la souveraine. Je ne pus le déchiffrer mais il ne me dit rien de bon.
–Ces accusations n'ont pas de fondement ! Elles sont entièrement mensongères ! affirma le magicien renégat.
Ce fut sur ces paroles que Mayada entra, la Balance du Millenium à la main. Elle se prosterna devant Atem qui d'un mouvement de tête, l'autorisa à intervenir. La jeune femme tendit la Balance qui commença à émettre une lumière dorée.
–Attendez ! s'écria soudain Apériès.
On pouvait voir sur son visage la peur se répandre. Il craignait vraiment le jugement que Maât risquait d'apporter par le biais de la Reine et de la Balance…
–Tais toi, rugit son frère.
–C'est vrai, continua le premier sans tenir compte de l'intervention. Akunadin s'est bien servi de la magie pour faire croire à Menetjem qu'il voyait Râ.
–Tais toi Apériès.
–Non ! s'exclama Atem. C'est toi qui vas te taire. Continue Apériès.
–Il n'a déguisé et il a utilisé la magie pour embrouiller l'esprit de Menetjem.
–Dans quel but ? demanda le Pharaon.
–Pour faire du Combat du Dragon un combat à mort.
Une rumeur se répandit parmi les invités mais Atem stoppa le bruit d'un mouvement.
–Vous avouez donc avoir comploter pour tuer les participants au duel et être la cause de la mort de ma sœur.
–Oui, souffla Apériès, mais devant les Dieux je me repend. C'est Akunadin, il… arrgg…
Atem, Astarté, Seto, Snéfrou et Mayada sursautèrent. La Reine, suivie de près par le prêtre et la prêtresse, s'élança vers le deuxième des frères alors qu'Atem et Seto s'approchait d'Akunadin.
Celui-ci se tourna vers le souverain et lança une sphère d'énergie sur lui. Mais elle ricocha sur le bouclier que créa le Pharaon et revint frapper le frère aîné qui tomba sur le sol, sonné.
Je regardais alors Astarté, agenouillé auprès d'Apériès. Lorsqu'elle croisa le regard interrogatif de son mari, elle secoua la tête.
–Il est mort, dit-elle finalement.
Elle avait l'air désolé, et je ne doutais pas qu'elle le soit. Mais je savais aussi qu'une partie d'elle-même se réjouissait. Car elle avait enfin fait toute la lumière sur la mort d'Iranya. Enfin…
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Fin du Chapitre Quinzième
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Chapitre suivant : ''La solution en rêve'' : les attaques des âmes damnées se font de plus en plus fréquentes et fortes. Une mystérieuse déesse remet le collier à un garçon qui voit la mort d'Atem. Et Astarté fait un rêve pour le moins étrange… Se pourrait-il qu'il contienne la solution ?
