Chapitre 5 : Le sacrifice de Caliburn
Au fil des batailles contre les Saxons dans le sud, la renommée du roi s'étendit. On disait ce jeune roi invincible, et même capable de repousser les Saxons hors de l'île. Bien des seigneurs locaux éblouis par l'aura de ce roi hors du commun lui prêtèrent serment. Sa folle idée d'unifier l'Angleterre pour vaincre l'envahisseur Saxons ne paraissaient plus une chimère, une utopie d'enfant.
Au bout d'une année, Artoria mit en place son assemblée de nombreux chevaliers, elle rassemblait les plus puissants d'entre eux autour d'une table ronde, où chacun pouvait s'exprimer. Elle était à la recherche de douze chevaliers dévoués à son rêve d'Angleterre. Elle savait que les Saxons ne seraient pas la seule menace sur son royaume. Elle remporta une nouvelle victoire face au Saxon l'année suivante et fit la rencontre de deux guerriers de premier ordre que le roi adouba dès la fin de la bataille chevalier de sa Table ronde : Sir Tristan, et Sir Gawain. En comptant Sir Kay, et Sir Perceval, sa table pouvait enorgueillir de réunir les quatre plus forts chevaliers de l'époque sous l'égide d'un roi hors norme. Sir Gawain semblait comme idolâtrer le roi Arthur. Nul ennemi ne devait salir la réputation de son roi devant lui sous peine de tâter de sa lame. Ses idéaux, sa fougue au combat, son sens de la justice et son courage rappelait celui de son modèle. Très vite il conquit le cœur du peuple. Sir Tristan, un rouquin aux longs cheveux se distinguait par sa grâce et son calme, il partageait avec Merlin le goût de la musique. Tous connaissait son histoire, et sa malédiction que même Merlin ne pouvait lever. Condamner par un philtre d'amour à aimer la femme de son roi adoré, il fut banni du royaume. Égaré bien loi de chez lui, sa route croisa seul du roi des chevaliers. Les convictions de ce roi si frêle l'éblouirent. Il mit sa lame et son courage au service d'Artoria ne s'attendant qu'elle lui fasse l'honneur de l'accueillir à sa table ronde.
Artoria retourna dans son fief après la bataille accompagnée de ses deux nouveaux chevaliers. Elle leur confia la mission d'enquêter sur des disparitions mystérieuses dans une forêt supposée enchantée. Ne voyant pas ses deux hommes revenir, elle les rejoignit accompagnée de Merlin. Il ne faisait aucun doute pour l'enchanteur, cette forêt sentait la magie, une magie ancienne comme endormie.
Artoria retrouva Gawain en prise avec une étrange créature vaporeuse. Sir Tristan demeurait inconscient non loin de lui, bien qu'aucune plaie ne soit apparente. Le chevalier ne se battait non pas avec son épée mais avec une torche enflammée. Il avait d'ailleurs plusieurs brûlures au bras. Artoria le rejoignit, Merlin resta en retrait pour observer la situation. La créature semblait immunisée aux attaques physiques. Artoria dégaina en vain Caliburn. Ce fut Merlin qui leur sauva la mise en illuminant son bâton de marche. La créature s'enfuit. Artoria ne la poursuivit pas. Merlin soigna les blessures de Sir Tristan qui retrouva progressivement conscience. Être soigné par Merlin n'était jamais une partie de plaisir, le roi en avait fait l'amère expérience. En effet pour préserver son secret, il était devenu son médecin attitré. Elle le soupçonnait parfois d'essayer sur elle de drôles de combinaisons de plantes.
Gawain leur narra leur mésaventure. Cette créature les empêchait de sortir de la forêt. Sir Tristan avait découvert que son point faible était le feu. Ainsi le monstre ne semblait guère apprécier les flèches enflammées de l'archer. Tous les regards se tournèrent vers un Merlin dépité par les lueurs d'espoirs que cherchaient ses compagnons en son savoir :
« Je ne sais pas, aussi invraisemblable soit-il, je n'ai pas la science infuse...
-Pas même une petite idée ? questionna le roi qui connaissait que trop bien le magicien avant que l'un des chevaliers ne prenne la parole.
-Ummm...
-Merlin ? renchérit Artoria pour l'encourager à partager sa pensée.
-Peut être... En tout cas c'est une créature ancienne, intangible, qui n'apprécie de toute évidence ni la lumière et encore moins le feu. Cela me fait penser à une histoire de mon enfance... »
Tous le regardèrent surpris, tant imaginer Merlin le mage sans âge enfant leur parut saugrenu. Le passé de Merlin étant des plus mystérieux, il faisait l'objet de bons nombres de spéculations :
« Oui j'ai été enfant …il y a longtemps.. très longtemps...enfin pas si longtemps... arrêtez de me fixer ainsi...
-Et quand êtes-vous devenu adulte ? taquina le roi envers son magicien. »
Il n'y avait qu'avec Merlin, qu'Artoria se permettait de telle plaisanterie. Comme si avec le magicien, elle se sentait en famille. Il était son premier conseiller, sans doute l'homme en qui elle avait le plus confiance. Merlin ne s'offensa pas, au contraire :
« Je cherche encore à vrai dire... pourtant m'occuper de vous m'a donné quelques cheveux blancs, répondit-il au tac au tac avec un clin d'œil pour son roi. »
Il prit une profonde inspiration puis continua son histoire :
« - Il existe une légende, une créature oubliée des temps, qui vit dans une dimension que nul vivant ne peut percevoir. Il porte bien des noms, les intangibles, les errants d'Izanami, ou encore des shinigamis. Ils absorbent l'énergie des êtres vivants. Inutile de préciser qu'avec vous, mon roi, ou ma merveilleuse personne, ils auraient le droit à un festin succulent... presque divin...»
-Si vous avez raison, que font-ils ici ? coupa Artoria inquiète.
-Excellente question, une brèche a dû s'ouvrir vers leur dimension.
-Meilleur question : Comment devons-nous nous battre face à ces créatures ? interrogea Sir Gawain.
-Sir Tristan a trouvé la réponse, le feu me paraît la meilleure option. Je vais enflammer vos épées mon Roi, Sir Gawain, si vous le permettez. Ce qui m'inquiète c'est le portail, il nous faut le fermer rapidement.
-Vraiment, ces effroyables créatures ne vous posent pas de problème ?» demanda Sir Tristan.
Pour toute réponse il eut le droit à l'énigmatique sourire du magicien. Artoria prit la tête du petit groupe à la recherche de cette brèche. Ils rencontrèrent une bande de six intangibles qui de toute évidence trouvaient le roi fort appétissant. Gawain, Tristan, Merlin firent barrage si bien que le groupe ennemi prit la fuite sans parvenir à blesser le souverain. Moins d'une dizaine de minutes plus tard, deux créatures se ruèrent sur Artoria faisant fi de son épée enflammée et de ses réflexes affûtés. Un troisième bien plus imposant les rejoignit et s'en prit directement à Artoria. Malgré la brûlure qui se propageaient sur leurs corps, ils continuaient d'aspirer l'énergie du roi. Artoria peinait à se dégager. Les créatures semblaient ignorer les deux autres chevaliers. Bien plus sérieux que d'ordinaire, Merlin intervint et les fit fuir avec un sort qu'Artoria n'identifia pas. Son équilibre devint précaire tandis que sa vue se floutait. Merlin rattrapa au passage son roi pris de vertige. Lorsqu'Artoria réouvrit les paupières, elle sentit une douce chaleur, celle de Merlin la protéger. Il lui fallut encore quelques secondes pour qu'elle reprenne pleinement conscience. Merlin la tenait blottie fermement contre lui.
« Doucement Artoria, doucement ... lui souffla inquiet le magicien dans un murmure. »
Cela faisait bien longtemps qu'il ne l'avait pas appelée par son prénom. Elle se dégagea et raffermit sa prise sur son épée qu'elle s'était refusée de lâcher. Il lui suffit d'un regard et d'un sourire devenue trop rare depuis son avènement pour rassurer son magicien.
Le groupe reprit le chemin, Artoria n'était pas habituée à être celle qui devait être protégée. Gawain ouvrait le chemin tandis que Tristan et Merlin s'étaient placés à deux pas derrière elle. Ils avaient adapté leur rythme à la fatigue du roi sans qu'elle n'eût besoin d'en faire la demande.
Après deux heures de marche et une nouvelle tentative avortée d'aspirer l'énergie d'Artoria. Le groupe décida de faire une pause, la nuit s'apprêtait à recouvrir entièrement le ciel. Merlin fit éclore des fleurs luminescentes. Un collier de lys immaculés phosphorescents se forma autour du cou d'Artoria. Tristan s'occupait du feu, tandis que Gawain proposa à son roi une part de ses provisions. Artoria lui fit signe de garder ses réserves, elle n'était pas venue les mains vides. Elle partagea son repas, et la viande séchée avec ses compagnons. Les chevaliers instaurèrent un tour de garde, et bien entendu, sa majesté n'eut point le droit de participer.
Elle s'endormit contre le tronc d'un arbre, un craquement dans la forêt la réveilla. Elle dut plisser les yeux tant les lumières de Merlin scintillaient, si l'ennemi les trouverait aisément, l'intensité aveuglante des étranges fleurs du mage devait les dissuader de s'approcher. Le sorcier discutait avec Sir Tristan. La mélancolie ne quittait jamais bien longtemps son chevalier, malgré le temps et la distance, Artoria était persuadée que l'amour qu'il ressentait pour Iseult n'avait malheureusement pas faiblit. Merlin lui fit signe de se rendormir, d'ailleurs il avait ôté sa cape blanche pour couvrir Artoria. Le roi têtu refusa, le mage aux fleurs vint s'asseoir à côté d'elle. Dans une voix à peine audible, il lui demanda comment elle se sentait. Lui mentir étant inutile, à demi-mot elle avoua dans un murmure :
« Mieux...ai-je dormi longtemps ?
-Seulement quelques heures, et sans ronfler qui plus est, un vrai petit ange... »
Elle le foudroya du regard. Merlin avec son sourire malicieux lui tendit une sucrerie, celle qu'elle aimait tant et qu'il lui donnait jadis lorsqu'il lui rendait visite chez Sir Hector.
« J'ai passé l'âge... se contenta de répondre Artoria. »
« Il n'y a pas d'âge pour les bonnes choses, rétorqua-t-il en avalant la friandise avant d'en placer une autre dans sa main. »
Artoria accepta la douceur sucrée; Merlin attendit quelques minutes et ajouta :
« Vous devez reprendre des forces, nous nous rapprochons du portail. C'est une véritable épreuve qui nous attend demain, alors profitez de ses quelques heures pour récupérer un maximum d'énergie.
-Ça va aller, murmura le roi en examinant son épée Caliburn.
-Ceux ne sont pas des hommes que nous allons affronter mais des créatures ténébreuses, avertit le magicien en l'observant.
-Vous aussi vous devriez vous reposez. Je ne voudrais pas vous faire blanchir d'autres cheveux...
-A la réflexion, cela ne me poserait pas de problème, ma sublime chevelure immaculée fait craquer toutes les femmes...
-Je vous ai répété mille fois d'éviter les ennuis avec la gent féminine. Vous n'apprenez donc jamais.
- Jamais, je suis une fleur épanouie qui laisse les merveilleuses abeilles dévalisaient son cœur. »
Artoria étouffa un léger rire, se détendit et s'installa confortablement prés de son mentor. Elle se rendormit contre son épaule. Merlin ne la quitta pas de la nuit éloignant ainsi toutes menaces contre sa protégée. A ses cotés, le sommeil du roi semblait plus profond, presque réparateur, comme si la présence du magicien l'apaisait. Il la réveilla une fois le groupe prêt à prendre la route.
Comme prévu, ils localisèrent une sorte de brèche sombre près d'un marais. Une dizaine de créatures errantes occupaient la zone. Artoria reconnut immédiatement celle qui plus imposante que les autres l'avait déjà attaquée. Artoria prit le temps d'observer ces spectres, ils ne semblaient pas communiquer entre eux, ni même être organisés. Les chevaliers suivirent le plan du roi. Sir Tristan fit diversion avec ses flèches enflammées tandis que Merlin et elle s'approchait du portail. Le plus gros des troupes ennemies se dirigeait vers l'archer protégé par Sir Gawain. Seul le spectre le plus imposant semblait ignorer les deux chevaliers. Ils semblait attirer inexorablement vers le roi. Artoria l'attaqua grâce à son épée sainte enflammée tandis que le mage examinait le portail de plus prêt. Une langue inconnue chantait aux oreilles des chevaliers. Ces mots oubliés altéraient la brèche. Une créature se détourna de Sir Gawain en faveur de Merlin. Ce monstre, une fois à proximité du magicien fut prisonnier de multiples lierres lumineux. Artoria se positionna entre cette nouvelle créature et son mage tout en repoussant l'énorme spectre qui voulait l'absorber. Le portail se dilatait mais de toute évidence Merlin puisait dans son énergie pour le refermer. Ce dernier prit une étrange couleur rougeoyante, comme si quelque chose s'opposait au sort du mage. Un bras immense jaillit de l'ouverture et saisit le magicien grimaçant. Plus lumineux et concentré que jamais il continuait ses incantations.
Artoria se précipita et abattit de toutes ses forces son épée sur ce bras qui ne ressemblait en rien aux créatures éthérées. Le monstre gourmand qui affrontait auparavant la jeune femme, profita de l'occasion pour drainer une partie de l'énergie du roi. Artoria ne s'effondra pas, son épée plus lourde et rayonnante que d'ordinaire libéra Merlin. Artoria repoussa de toutes ses maigres forces restantes son assaillant. Elle perdit l'équilibre sous les yeux de ses chevaliers qui malgré tout leur courage ne pouvaient voler à son secours. Deux autres errants d'Izanami abandonnèrent Gawain pour charger sur le roi. Tristan les ralentit d'une nuée de flèches enflammées. Artoria puisa dans ses réserves, une énergie inconnue l'envahit, son épée lui brûlait les mains. Toutefois le roi ne lâcha pas sa prise, le pourvoir qui émanait de son épée sainte dépassait l'entendement.
Artoria, dont la lueur égalait celle de Merlin brandit Caliburn sur le monstre qui s'embrasa. Il recula aussitôt et se consuma. Artoria dans son élan frappa la créature que Merlin avait piégé dans ses lierres. Le portail se mit à vibrer, un sifflement sur aigu mit à genoux les deux chevaliers. Merlin, le plus proche du portail, sentit un liquide rouge coulait de son nez et ses oreilles. Artoria voulut se rapprocher de lui, mais une onde de choc propulsa le magicien à une dizaine de mètres. Par réflexe le roi planta son épée dans le sol et résista. Elle jeta un coup d'œil au mage apparemment sonné puis reporta son attention sur le portail et ses pulsations surnaturelles. Pour Artoria, ce rythme s'apparentait à celui d'un cœur. Sans hésitation, elle rassembla ses forces, se positionna face au portail, concentra tout son pouvoir dans sa lame et l'abattit au travers de cette brèche ténébreuse. Malgré la douleur, le sang bouillant de ses veines, elle continua d'insuffler à sa fidèle épée toute la puissance de son âme, ses cheveux se détachèrent, l'air autour d'elle brûlait toutes les créatures qui l'approchait. A cet instant, son pouvoir n'avait plus rien d'humain, une pression écrasait quiconque oserait l'approcher, une aura quasi surnaturelle l'enveloppa. Elle savait que fermer ce portail aurait un prix à payer. Toutefois, elle n'hésita pas un instant. Par sa puissance à l'état brut, elle parvint à trancher de part en part la brèche qui se consuma sous son énergie. Artoria sentit soudainement sa force, son mana comme déborder, devenir incontrôlable. Sa lame, sa précieuse épée qui l'avait fait roi se fissurait. Le temps lui sembla comme suspendu lorsque son épée Caliburn se brisa en trois morceaux.
Essoufflée, exsangue, elle tomba à genoux à la seconde où le portail disparut. Elle jeta un bref regard en arrière. Soulagée, elle vit Merlin se redresser. Elle voulut vérifier l'état de ses chevaliers à priori sains et saufs, mais sa vue se troubla, non pas de larmes, mais de fatigue. Ce ne fut qu'à ce moment qu'elle sentit le sang qui coulait de ces oreilles et de son nez depuis déjà plusieurs minutes. Elle vacilla, planta le reste de son épée dans le sol pour conserver le peu de prestance qu'il lui restait. Elle se mordit la lèvre pour réprimer toute émotion à la vue certes floue de son épée symbole de sa royauté brisée.
Elle prit une profonde inspiration, pour calmer son âme et son cœur qui hurlaient en elle. Merlin et ses chevaliers se rapprochaient, elle ne pouvait se permettre une quelconque fragilité. Elle ferma ses paupières et se concentra sur son souffle. Gawain affolé fut le premier à la rejoindre et à s'enquérir son état. D'un signe de main elle freina son élan, elle plongea son regard dans le sien, rassembla ses dernières forces pour se relever et déclarer à ses trois camarades :
« -Je vais bien, et vous mes amis ?
-Mon Roi, votre épée... bredouilla Sir Gawain à la vue de Caliburn brisée. »
Sir Tristan, un pas derrière Gawain semblait également affligé par la perte de Caliburn. Merlin s'avança et passa une main sous les cheveux du roi pour observer ses oreilles et prendre son pouls. Il chercha en vain, le regard de son roi. Il sentit qu'elle était plus bien fragile qu'elle daignait le montrer. Il resta près d'elle afin de la rattraper si nécessaire.
-Vous avez un peu forcée... détruire un tel portail avec votre seule énergie... c'était inconsi.. commenta le magicien.
-J'ai fait ce que j'avais à faire. Je n'ai pas de regret, coupa le roi, en plongeant cette fois-ci son regard résolu dans celui du magicien.
-Mais votre épée, elle est … renchérit Sir Tristan.
-Ce n'est qu'une épée... le plus important c'est que vous alliez tous bien, déclara le roi en observant ses trois amis. Ses paroles certes sincères masquaient toutefois un incommensurable déchirement d'avoir perdu sa précieuse arme. Inconsciemment son poing ensanglanté resserrait encore son emprise sur le pommeau de Caliburn.
-C'est bien trop d'honneur votre majesté, rétorqua Sir Gawain avec admiration.
-Pourrait-elle être reforgée ? interrogea Sir Tristan en ramassant les morceaux de ladite épée pour son roi.
Artoria récupéra les segments de cette épée qui l'avait fait roi avec un calme olympien. Au fond, son cœur pressentait la réponse, mais à cet instant elle n'avait plus la force d'énoncer à haute voix cette cruelle vérité. Elle lança un bref regard à Merlin, qui resserra sa prise dans le dos du roi.
« -J'ai bien peur que non, Messire Tristan, ce n'est pas une épée ordinaire, elle est ...comment puis-je vous l'expliquer ? L'épée sainte de Caliburn est... enfin était presque vivante. Ce qui est perdu, l'est à jamais. »
Merlin avait confirmé ce qu'elle avait ressenti, il n'émanait nulle énergie des fragments de Caliburn. Artoria songeuse garda le silence. Merlin demanda à Sir Gawain et Sir Tristan d'apporter un peu d'eau fraîche et quelques plantes. Le roi et le magicien se retrouvèrent seuls. Merlin posa sa main sur celle d'Artoria. Il dut attendre quelques minutes pour que son roi sous son insistance lâcha son épée, enfin ce qu'il en restait. Le manche n'atteignit pas le sol. Merlin l'attrapa, le mit dans sa sacoche puis saisit la main tremblante de sa protégée. Lui seul savait ce que représentait cette épée pour elle. Artoria ne fondit pas en larme, elle se mordit la lèvre pour se contenir puis posa son front contre l'épaule de son mentor. Merlin la prit dans ses bras. Lorsqu'il sentit le poing du roi le frapper à trois reprises de ses maigres forces, il ne bougea pas et encaissa en silence la détresse tacite de sa protégée. Cette étreinte ne dura pas plus de deux minutes. Artoria prit une profonde inspiration, puis lui souffla que lui aussi avait mauvaise mine. Sans un mot, mais avec des regards complices, Merlin aida son roi à ôter une partie de la cuirasse de son armure. Il soigna les brûlures qui tapissaient le bras du souverain de sa main à son épaule droite. Il fit également boire un nectar étrange qui apaisa ses migraines. Lorsque les deux chevaliers les rejoignirent, Artoria revêtait de nouveau son armure royale à l'exception de ses gants. Apaisée, ses mains couvertes de bandages ne tremblaient plus.
