Chapitre 11 : Le roi qui ne comprenait pas les sentiments humains
L'Angleterre unifiée sous un seul roi commençait sa reconstruction, en particulier les terres jadis saxonnes qui avait particulièrement souffert de la bataille. Artoria concentrait ses efforts sur les Pictes, pour garantir cette paix dument acquise. Avec Sir Tristan, qui connaissait parfaitement cette région, elle multipliait les déplacements, garder un œil sur les seigneurs locaux à qui elle soupçonner de prêter assistance à la sorcière Morgane. La sorcière avait un temps disparu des radars, Artoria reconnut son œuvre lorsque des troubles dans les montagnes du nord apparurent. Des loups démoniaques attaqués les terres d'un vieux seigneur superstitieux qui voyait en cette attaque la marque de son voisin, un vassal crucial du seigneur Artoria. Les troubles du nord pénalisaient le commerce maritime avec les pays allié outre mer.
Confiant Camelot à Lancelot, Artoria, Merlin, Tristan et Bédivère allèrent donc en personne inspectés les montagnes glacées pour mettre un terme au plan de Morgane. Ils découvrirent que le froid glacial qui régnait aux terres nordiques n'avait pour seul mettre un blizzard surnaturel qui figeait dans la glace toute forme de vie. Morgane visait le roi à travers ce cataclysme surnaturel qu'elle contrôlait. Frigorifiées, les troupes d'Artoria n'avaient plus la force de suivre leur souverain. Sur place, la réputation du roi jouait contre elle. Elle ne reçut nulle assistance tant au point de vue logistique que militaire. Comment un roi si parfait pouvait comprendre les hommes des montagnes qui usaient de tous les moyens pour survivre ? Ici, plus qu'ailleurs seule la nécessité faisait foi, bien plus que la noblesse des idéaux que préconisait le roi. Elle continua accompagnée de ses deux chevaliers de la table ronde et de son premier conseiller. Avalon protégeait son porteur du froid, mais Merlin, Bédivère et Tristan ne disposaient pas de la même résistance.
Le plan de Morgane fonctionnait, le roi isolé poursuivait inlassablement sa route vers le centre du blizzard. Au cœur de la tempête gelée, Artoria ne découvrit pas Morgane, mais une créature ailée gigantesque. Cette créature surnaturelle débordait de magie, elle ressemblait aux bêtes des temps anciens. D'un battement d'aile, le rapace gelé faillit figer le roi dans la glace. L'animal visiblement hostile n'appréciait guère la présence d'un intrus sur son territoire. Artoria concentra son pouvoir dans son épée. A l'assaut suivant, son épée s'abattit la créature et lui trancha l'aile. Son attaque n'eut pas l'effet escompté, tel un phénix de glace, l'aile repoussa alors que le hurlement de l'oiseau fit chuter d'une bonne vingtaine de degrés la température. Lorsque ses deux chevaliers et Merlin, inquiets pour le roi arrivèrent enfin au cœur du blizzard Artoria affrontait toujours le monstre. Pour Merlin, il ne faisait aucun doute que la créature était une invocation signée Morgane. Les capacités de régénération d'un phénix se rapprochait du pouvoir d'Avalon. La sorcière avait déniché la parfaite créature pour affronter le roi des chevaliers.
Artoria dut libérer les pleins pouvoirs de son épée sainte Excalibur tandis Merlin protégé par Bédivère et Tristan s'approchait du cercle d'invocation. On ne pouvait vaincre un phénix qu'il soit de feu ou de glace, seulement le confiner, le piéger. Pendant qu'Artoria distrayait la créature mythologique, Merlin cherchait à briser le cercle d'invocation prisonnier des glaces pour renvoyer la créature de là où elle venait. Tristan et ses flèches enflammées permirent d'accéder au cercle. Il tirait en continue empêchant la glace de se reformer. Bédivère et Merlin en profitèrent pour rompre le cercle ce qui fit disparaitre le phénix.
Malgré l'exploit du roi et de ses chevaliers, le ressentiment contre ce dernier perdurait. Le plus offensé par ce comportement ne fut pas le roi mais Bédivère qui ne comprenait pas que l'on puisse traiter avec tant de mépris les efforts et les sacrifices du roi.
Artoria, de retour d'une expédition dans le nord de plusieurs semaines, prenait un bain chaud dans ses appartements, entendit du brouhaha dans le couloir. Elle sursauta lorsque sa porte s'ouvrit sans même que la personne fût invitée. Il s'agissait d'un jeune garde, aspirant au statut de chevalier. Il semblait paniquer, comme si le monde s'effondrait.
«- Mon roi, mon roi, il faut que vous veniez... »
Le jeune homme avait bousculé les deux gardes de sa porte, et avançait dans les appartements royaux. Il se figea lorsqu'il croisa le regard noir du roi dans sa baignoire. Les deux gardes en poste, entrèrent paniqués d'avoir laissé passer cet aspirant. Artoria s'enfonça dans l'eau et leur ordonna de se retourner. Sir Lancelot essoufflé arriva à ce moment, avant même qu'Artoria ne put prononcer le moindre mot, il avait saisi l'impudent par le col et l'avait jeté dans le couloir. Quelques secondes plus tard, ses deux gardes hébétés reçurent le même traitement. Lancelot se retourna et leur regard se croisèrent. Elle pouvait y lire son inquiétude, un affolement qui ne lui ressemblait guère.
« -Je ne saurais tolérer pareil affront à mon roi, je garderai votre porte jusqu'à ce que vous soyez décent majesté. »
Sans attendre de réponse, il se retourna et ferma la porte des appartements du roi. Artoria pouvait entendre son chevalier conspuait à la fois l'idiot qui était entré et les gardes qui l'avaient laissé faire. Tout s'était déroulé si vite, qu'Artoria ne connaissait pas cette urgence nécessitant sa présence à cette heure tardive. Elle sortit de son bain, et s'habilla aussi rapidement qu'elle put. Elle revêtit son armure, ses cheveux encore mouillés faisait ruisseler de l'eau sur cette dernière, lorsqu'elle autorisa Sir Lancelot à entrer. Celui-ci s'exécuta et referma la porte.
Il mit fin à un silence gênant, lui précisant que Camelot était attaqué, par un petit escadron Saxon. Un commando furtif qui visait sans doute à éliminer sous le couvert de la nuit le roi, et ses principaux conseillers s'était infiltré. Ce n'était pas la première tentative d'assassinat, qu'elle avait subi depuis son couronnement. Ceux qui la redoutait sur un champ de bataille, essayait souvent de l'éliminer de manière bien moins honorable. Lancelot précisa que Sir Kay qui avait donné l'alerte, accompagné de Sir Gawain s'occupaient de régler leur compte à ses lâches. Lancelot demanda au roi de rester dans ses quartiers le temps de régler la situation. Sir Perceval, Merlin et lui-même étaient avec Guenièvre lorsque Sir Kay donna l'alerte. La reine ne craignait donc rien avec de pareils joueurs de cartes. Merlin lui avait demandé d'assurer sa sécurité.
Artoria n'aimait pas l'idée de se cacher, mais comme le précisa Lancelot, si par un malheureux concours de circonstances un ennemi parvenait à échapper à la puissance de Gawain, où aux stratagèmes de Kay, il y avait de forte chance qu'il se précipitât justement dans les appartements du roi. Lancelot ajouta, qu'il pouvait veiller son roi dans le couloir, si ce dernier voulait se détendre dans son bain. Il s'occuperait de punir les gardes et ajouta que jamais il laisserait un homme franchir ses portes, précisant que les secrets de son roi ne sauraient être ébruités.
Artoria pâlit légèrement à ses derniers mots. Ils échangèrent un long regard. Lancelot n'avait pas été surpris par le secret du roi, le chevalier aurait simplement préféré qu'Artoria lui fasse suffisamment confiance pour le mettre dans la confidence et alléger ainsi son fardeau. Son chevalier s'agenouilla et déclara en soutenant le regard d'Artoria :
« Vous êtes et serez toujours mon roi.
-Depuis quand savez-vous ?
-Comme beaucoup j'ai eu des doutes, qui ont été confirmés il y a quelques mois.
-Comment ?
-...
-Parlez sans crainte, est-ce l'œuvre de Guenièvre ? »
Lancelot gêné ne répondit pas, mais Artoria comprit.
-Et vous êtes resté à mon service ?
-Oui, cela ne change rien pour moi, je sers mon roi et ses convictions inébranlables, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous protéger ainsi que votre secret. Votre tâche est déjà immense, je regrette simplement que vous soyez contrainte à une telle mascarade.
-Relevez-vous Sir Lancelot, je vous remercie de votre confiance. »
Sir Kay fit plusieurs prisonniers, là où Sir Gawain s'était montré plus expéditif. Contrairement, à ce qu'il avait pensé, l'attaque ne venait pas des Saxons, mais d'un des vassaux d'Artoria. Ce dernier trouvait le roi des chevaliers bien trop dangereux et inhumain. Il avait choisi de se rallier aux Saxons et avait prévu d'offrir la tête de son roi en signe d'allégeance.
Ce n'était pas la première fois, qu'Artoria entendait de telles médisances à son sujet, mais jamais cela n'avait été aussi loin. La décision du roi ne se fit pas attendre, elle marcha dès le lendemain avec ses troupes sur les terres du traître. Elle laissa une chance à l'armée de son vassal de s'écarter. La majorité des gardes ne prit pas parti. Artoria exécuta de ses mains les rebelles, et abattit sa lame sur le traître sans hésitation malgré ces supplications.
Apparemment plusieurs seigneurs partageaient les mêmes doutes sur le roi. Certains chevaliers préfèrent retourner à la gestion de leur domaine. Artoria accepta de les laisser partir, malgré la colère de Gawain et Bédivère.
Depuis la bataille contre Vortigern, le rythme des expéditions militaires avait ralenti. Le roi pouvait enfin profiter de son château. Toutefois, le combat contre les Saxons avait laissé des séquelles à l'île elle-même, comme si le dragon blanc et l'île étaient connectés. Les mauvaises récoltes exaspéraient le peuple. Merlin comme Artoria sentait la vie quittait leur terre, l'Angleterre, ancestrale terre magique agonisait. Artoria lança ses chevaliers à la quête du Graal pour rétablir la prospérité de l'Île.
Pour reconstruire son pays, elle devait encore chasser les derniers envahisseurs et maintenir Rome aussi loin que possible de territoire. Artoria savait que l'empereur Lucius profiterait la chute des Saxons pour essayer d'accaparer leur territoire et ainsi se lancer à l'assaut de l'Angleterre. Elle voulait éviter de combattre un empire. Si seulement elle pouvait le dissuader d'attaquer. Elle confia une nouvelle fois la protection de Camelot à Lancelot. Accompagnée du jeune chevalier Mordred et du fidèle Gawain, elle fit donc une démonstration de force au travers d'une campagne guerrière qui dura plusieurs mois. Malgré son jeune âge, Mordred possédait une technique et une puissance surprenante. Il parvenait à suivre le rythme d'Artoria. S'il manquait encore de sagesse, de maturité, ses prouesses aux combats firent rapidement sa renommée. Il était devenu la nouvelle terreur de l'empire romain. Plus impulsif, et violent que les autres chevaliers, il vouait une admiration sans borne pour son roi, se portant volontaire pour l'accompagner à chaque mission. Seul Artoria parvenait à le canaliser.
Le départ de la table ronde de Sir Tristan, un pilier de la chevalerie surprit tous ces camarades. Artoria n'essaya pas de le retenir, Tristan, n'avait plus le cœur à combattre tant la tristesse l'affligeait. Il luttait contre ses propres démons, sa propre malédiction. Son chevalier esclave de ses sentiments n'avait plus la force de suivre son roi resplendissant qui en semblait exempt. Ce roi parfait ne pouvait mesurer la faiblesse des autres. Lorsqu'il quitta la table ronde, sans mauvaise intention, il murmura quelques mots qui trahissait ce qu'une partie des sujets du roi ressentait :
Le roi ne comprend pas le cœur des hommes.
