Bonjour à tous,

J'espère que vous êtes prêts pour lire ce nouveau chapitre. C'est un chapitre éprouvant. Âmes sensibles s'abstenir.

La fin vous chamboulera sans doute, et vous vous demanderez pourquoi j'ai fait cela.

C'est un chapitre que j'ai imaginé très tôt dans la création de ma fic. Je n'ai que peu modifié son déroulement.

Inclus dans ce chapitre, un petit flashback, première rencontre entre Azru et Thranduil. J'ai également ajouté des petites explications en fin de page, pour certains noms et lieux que je cite.

Bonne lecture.

Chapitre relu et corrigé en février 2022.


Merci à Elena, Julindy, aliena wyvern, Maurore, Naewenn76 et Mathde pour leur review.


- Vous n'êtes pas en position de refuser, et je vous le prouverai, entendit Azruphel avant d'être embarquée par les gardes.

Sans ménagement, elle fut traînée jusqu'à la pièce qui lui était réservée. Jetée sur le sol, elle n'eut pas la force de se relever et resta allongée par terre.

Son esprit enivré ne tarda pas à plonger dans un sommeil lourd.


A son réveil, Azruphel était allongée dans le lit de la petite pièce qui lui était réservée, et ses poignets étaient à nouveau libres. On avait dû l'y installer pendant son sommeil, car elle n'avait pas souvenir de s'y être allongée d'elle-même.

La petite bougie avait également été renouvelée et grâce à sa lueur, Azruphel remarqua qu'un repas l'attendait sur la table.

Elle se sentait faible et sa tête la faisait souffrir. Elle avait la désagréable sensation qu'on lui serrait le crâne entre des machoires d'acier. La lente torture que lui promettait Thranduil avait commencé.

Après s'être relevée en douceur, Azruphel rejoignit la chaise devant la table. Une assiette contenant de nombreux fruits et légumes, accompagnés d'une galette de céréales, se révéla être son repas. Typiquement elfique. Avant de manger, elle se remplit l'estomac avec une grande quantité d'eau, histoire d'éliminer les dernières traces d'alcool.

Tout en dégustant son assiette, Azruphel remarqua que les cordes avaient laissé des traces sur la peau de ses poignets. De simples éraflures, pour le moment.

§

Durant les dix jours qui suivirent, son quotidien fut identique. Chaque jour, on venait la chercher pour un entretien avec le roi. A chaque fois, il se montrait tantôt amical, tantôt inquiétant. Entre les menaces sur ses compagnons et celles sur son possible avenir dans les geôles de la cité, Thranduil prenait un malin plaisir à lui rappeler sa condition d'humaine immortelle et des répercussions néfastes que cela a eu sur sa vie : pertes des êtres chers, échecs de ses tentatives à contrer le court du temps, solitude…

Thranduil avait bien changé durant ces derniers siècles. La peur l'avait rongée de l'intérieur et le fait d'avoir dû fuir devant l'ombre menaçante venant de Dol Guldur, était pour lui ressenti comme un déshonneur.

Pourtant Azruphel l'avait prévenu et la prédiction qu'elle lui avait énoncée, ne pouvait pas être à l'origine de son changement. Avait-il oublié la seconde partie du message ?

Azruphel se souvint de leur première rencontre. C'était en l'an 772 du Troisième Age.

§

Cela faisait plus de 500 années qu'Azruphel avait pris connaissance de ses dons. Elle avait fui le monde des Hommes et élu domicile au Lórinand. C'était dans cette forêt qu'on lui avait appris la vérité sur son immortalité et sur ses visions. Le roi elfe Amroth l'avait recueillie et acceptée parmi son peuple. Elle y apprit les us et coutumes elfiques, se perfectionna au maniement des armes et on lui raconta les faits marquants de ses prédécesseurs. Car elle eut confirmation que des elfes furent, avant elle, dotés de cette capacité. Elle était la première fille des Hommes à être choisie par Mandos pour tenir le rôle de prophète sur la Terre du Milieu.

Plus tard, elle fut amenée devant Círdan, seigneur et protecteur des Havres Gris, au Lindon. Ce fut à partir de ce moment que son existence fut révélée et qu'on lui donna le nom d'Amarthêl, l'Étoile du Destin, car Círdan vit en elle un cadeau des Valar pour guider les êtres voués à une grande destinée sur le bon chemin.

A partir de là, Amarthêl sillonna la Terre du Milieu pour délivrer ses prédictions et apporter son aide et ses conseils aux différents peuples. Étant considérée comme précieuse par les elfes, ceux-ci décidèrent de lui adjoindre des gardiens pour assurer sa sécurité. Mais avec les années, le poids des ans devint de plus en plus lourd et elle se détacha progressivement des peuples elfiques.

En 772, ses pas la portèrent pour la première fois vers le Nord, dans la forêt de Vert-Bois le Grand, royaume d'un autre seigneur elfe, indépendant des autres royaumes elfiques. A cette époque, le bois était resplendissant et il était agréable de s'y promener.

Reçue de façon princière, l'oracle délivra son message au roi Thranduil. Lui, le seigneur Sinda, avait connu les Grandes Guerres du passé, et depuis le décès de son père, Oropher, il offrait à son peuple une vie douce et festive.

Amarthêl, car tel était son nom lorsqu'elle officiait en tant qu'oracle, expliqua au roi Thranduil qu'il devra guidé son peuple plus encore vers le Nord car une menace s'étendra sur Vert-Bois, obligeant les elfes sylvains à vivre sous terre.

« Durant des siècles, la lumière des étoiles adorées vous sera confisqué,

Et ce sacrifice en appellera un autre. Mais quand viendra la fin de cet Age,

Seul Seigneur Elfe demeurant, la paix sous égide, prospèrera. »

Thranduil ne sut comment interpréter le message. L'oracle lui prédisait un futur tellement sombre et pernicieux, qu'il ne se focalisa que sur ces détails et oublia presque la dernière phrase. Amarthêl put lire le doute et la peur dans le fond de ses yeux. Quelque chose dans l'esprit du roi avait été brisée et seule la volonté de protéger son peuple - et seulement son peuple - commença à le ronger.

Comment être confiant en l'avenir lorsque l'on reçoit un tel augure ?

Il vit la réponse sous ses yeux en regardant la prophétesse. Avec un tel pouvoir à ses côtés, il n'aurait plus rien à craindre, car tout lui serait révélé et l'inconnu qu'il appréhendait tant ne le tourmenterait plus.

Le doute et la peur firent place à la convoitise et la duplicité. Amarthêl fut stupéfiée de pouvoir lire autant d'émotions dans un être tel que le roi des elfes sylvestres. Les elfes qu'elle avait côtoyés n'étaient pas aussi avides d'expression. Cela eut pour effet de la rendre méfiante.

Les discussions entre l'oracle et Thranduil lui confirmèrent son intuition. Il enviait ses dons et ne convoitait rien d'autre que la garder à ses côtés, pour bénéficier de son aide et de ses conseils. Son envie était noble car il désirait protéger son peuple.

Quel seigneur serait-il s'il ne faisait pas tout pour y parvenir ?

Après plusieurs jours de festins et de fêtes en tout genre, Amarthêl mit fin à son séjour et s'évanouit dans la nuit, s'éclipsant comme elle était arrivée… sans un bruit et sans une trace, laissant uniquement derrière elle, le sillage d'un souvenir et d'une prophétie.

§

De nouveau, deux gardes vinrent sortir de ses songes Azruphel. Poignets attachés face à elle, la jeune femme ne supportait plus le contact des cordes. Les légères éraflures étaient devenues des entailles sanguinolentes. Pour supporter les paroles du roi, elle n'avait rien trouvé d'autre que de reporter son attention sur les liens qui la tenaient prisonnière. Ainsi, à chaque entrevue, nerveusement elle jouait avec ses poignets, forçant contre les rugueuses entraves. Cette douce souffrance physique occultait une partie de la torture psychique.

Mais cela avait trop duré. Thorin et ses compagnons ne pouvaient rester plus longtemps enfermés. Alors en ce jour, Azruphel céda à la proposition de Thranduil.

- Il faut que vous les laissiez partir, maintenant, murmura Azruphel devant Thranduil.

- Je vous demande pardon, répondit le roi stupéfait par la demande de la guide.

- Ils ne peuvent rester plus longtemps ici. Si vous ne les libérez pas, vous n'obtiendrez pas ce que vous désirez le plus.

Thranduil s'approcha de la jeune femme, la menaçant à nouveau de la haute stature.

- Dans ce cas, donnez-moi ce que je désire.

Azruphel tourna son visage pour ne pas faire face à l'elfe et rentra légèrement sa tête entre ses épaules. Une attitude de soumission qui plaisait énormément au roi. Il sentait qu'elle allait céder. Il l'espérait.

- J'accepte, marmonna-t-elle dans un soupir.

Les yeux de Thranduil s'écarquillèrent. Avait-elle réellement accepté ?

- Qu'avez-vous dit ? Demanda-t-il pour avoir confirmation.

- Vous avez très bien entendu ! s'exclama Azruphel en le regardant dans les yeux, le regard noir.

L'elfe se recula, un sourire de satisfaction sur les lèvres. Néanmoins, il resta un peu sceptique.

- Quelle preuve me donnez-vous de votre bonne foi ?

- Une preuve ? Que voulez-vous de plus ?

- Je ne sais pas, dit-il en se détournant d'elle, comme si elle ne l'intéressait plus. Surprenez-moi.

Azruphel s'attendait à son petit manège malfaisant, mais elle savait comment le convaincre. Elle fit semblant de réfléchir quelques instants.

- Hormis ma présence et ma collaboration, vous désirez des objets qui sont actuellement hors de votre portée, commença-t-elle à expliquer.

L'attention du roi se reporta immédiatement sur Azruphel.

- Je connais la source de votre conflit avec les nains d'Erebor. Je sais comment faire pour vous rendre vos gemmes.

Thranduil ne cacha nullement sa surprise en se retournant rapidement vers la jeune femme.

- Comment ?

- Profitez de l'occasion d'avoir le descendant de Durin sous votre main et utilisez l'attachement qu'il a à mon égard pour les obtenir. Il ne cédera pas alors je vous autorise à employer tous les moyen qui seront utiles.

L'elfe fronça des sourcils.

- Mon don de voyance n'est pas la seule capacité que les Valar m'ont doté, vous le savez, n'est-ce-pas ?

Il sourit en comprenant de quoi elle parlait.

- Alors utilisez-moi. Et par la même occasion, prenez plaisir à torturer Thorin Ecu-de-Chêne. Êtes-vous satisfait d'être gagnant sur tous les points : l'oracle de cette Age à vos côtés, regagner vos gemmes étincelantes et voir l'effroi dans les yeux du prince nain déchu.

Azruphel avait pris un ton plein d'assurance et de conviction pour parler au roi. Il ne pouvait refuser une si belle offre, et sans le savoir, il tombait dans son stratagème. Même si Thranduil allait se sentir trompé, il finirait tout de même par avoir ce qu'elle lui avait dit. Car Azruphel avait une autre promesse en cours et elle ne pouvait la briser. Elle faisait ainsi d'une pierre, deux coups.

- Allez chercher le nain ! Ordonna Thranduil sans lâcher du regard Azruphel, jouissant intérieurement de sa future victoire.

§

Thorin n'en pouvait plus de rester enfermé dans cette cellule. Il ignorait depuis combien de jours, lui et ses compagnons étaient prisonniers, car aucune lueur du jour ne parvenait jusqu'à eux. Mais cela avait trop duré.

Il avait espéré que leur guide vienne enfin les sortir, et il avait longtemps réfléchi à ce qu'elle lui avait annoncé avant qu'ils ne soient capturés.

Thorin ne comprenait pas tout le sens de ce message, hormis la première partie qui affirmait qu'ils ne croupiront pas éternellement dans ces geôles. Mais que signifiait le reste ?

Il fut tiré de sa réflexion par le bruit des gardes venant dans leur direction. Depuis le début de leur détention, les visites des gardes étaient régulières et ponctuelles – pour les repas et les tours de gardes – mais là, ce n'était pas l'heure habituelle. Cela intrigua le prince qui observa avec attention leur arrivée.

Un elfe chargé de garder les clés s'arrêta devant la cellule de Thorin et après un rapide coup d'œil mauvais, il ouvrit la porte.

- Le roi requiert votre présence, lui dit-il.

Sans un mot, Thorin sortit de son cachot et, entouré de quatre gardes armés, il fut conduit devant Thranduil.

Les autres nains espéraient que l'audience se déroule pour le mieux et que leur chef revienne avec une bonne nouvelle.

Alangui sur son trône, Thranduil attendait l'arrivée du nain. Intérieurement, il se réjouissait d'avance à ce qui allait suivre.

Sur la plateforme devant le trône, Thorin se positionna proche du centre, juste avant les marches qui permettaient de monter jusqu'à la place du roi. Les gardes se postèrent de part et d'autre du nain et les gardes personnels du seigneur sylvestre, tels des statues, étaient disposés aux alentours.

Thranduil et Thorin se dévisagèrent un long moment avant que l'elfe ne prenne enfin la parole.

- Avez-vous réfléchi à ma proposition ?

Le nain fronça des sourcils. Sa haine envers les elfes ne s'était pas attendrie durant les derniers jours, au contraire.

- Si c'est pour me parler de cela, ce n'était pas la peine de me faire sortir de vos prisons, répondit Thorin d'un air hautain.

- Je constate que votre séjour n'a pas dû être suffisamment pénible pour vous faire changer d'avis. Et je ne pense pas que vous garder indéfiniment enfermés, changera quoique ce soit.

Un sourire malsain s'afficha sur le visage de Thranduil, et Thorin se demanda où il voulait en venir.

D'un geste nonchalant, le roi fit signe à un des gardes qui quitta la plateforme, pour y revenir peu de temps après avec une personne que reconnut immédiatement Thorin.

Le cœur de Thorin rata un battement lorsqu'il aperçut Azruphel. Elle semblait lasse, les cheveux décoiffés, l'air triste et surtout ses poignets ensanglantés et liés, preuve de sa captivité. Elle ne paraissait pas surprise de le revoir. Le garde l'emmena à côté du trône et d'un geste brutal l'obligea à se mettre à genoux.

- Hé ! s'exclama Thorin, furieux du comportement de l'elfe.

Mais le garde ne prit pas en compte la remarque du nain et se plaça derrière Azruphel, la main sur la poignée de son épée, attendant un ordre qui viendrait de son roi.

- Intéressant, remarqua Thranduil. Vous vous inquiétez pour cette jeune femme ?

- C'est notre guide, se reprit Thorin qui regretta d'avoir montré son inquiétude. Et en tant que chef de cette compagnie, c'est mon devoir de veiller au bien-être et à la sécurité de mes hommes.

Thranduil se leva de son siège et s'approcha de Thorin. Tout en tournant autour de lui, il continua de parler.

- Bien. Comme je le disais, vous garder dans mes geôles ne serait pas une motivation suffisamment grande pour vous. Nous allons donc passer à un niveau supérieur.

- Que voulez-vous dire ? Demanda Thorin qui se doutait légèrement de quoi parlait l'elfe.

- Pour faire simple, je ferai exécuter vos compagnons les uns après les autres, en commençant par votre guide, jusqu'à ce que vous me donniez enfin ce qui m'est dû, expliqua Thranduil qui s'était penché vers Thorin.

Le prince pâlit en entendant la menace. Il ne croyait pas les elfes capables de tels actes.

- Vous n'oseriez pas, répondit-il décontenancé.

- Oh, vous croyez.

Thorin serra fortement les poings, se retenant d'aggraver la situation qui devenait particulièrement délicate. Il ne pouvait accepter qu'il arrive quoi que ce soit à Azruphel par sa faute, pour un simple coffre de pierres précieuses, alors que les sous-sols d'Erebor en contenaient des milliers d'autres.

- Je réitère ma demande. Que répondez-vous ?

Au moment où Thranduil posa sa question, le garde derrière Azruphel tira son épée hors de son fourreau. Le son métallique fit reporter l'attention de Thorin sur la jeune femme et sur la menace qui pesait sur elle.

Azruphel ne parlait pas. Elle ne semblait pas apeurée et ne tremblait pas. Au contraire, elle avait le visage fermé et un regard dur envers le nain. Ils se regardèrent longuement. Thorin hésita et Azruphel le vit, alors elle fit un léger mouvement de tête qui signifiait au prince de ne pas accepter.

- Pourquoi hésitez-vous à me répondre ? Que vaut la vie de cette personne pour vous ?

- La vie de mes hommes n'a pas de prix, dit Thorin agressivement.

- Mais, ce n'est pas un de vos hommes. C'est une femme. Une humaine. D'ailleurs, que savez-vous d'elle ?

En entendant la dernière question, Azruphel ne put retenir un hoquet de surprise. Elle ne s'attendait pas à ce que Thranduil parle d'elle à Thorin. Le nain n'était pas au courant de son passé et ce n'était pas encore le moment pour le lui dire. Les deux hommes remarquèrent son état.

- Je sais juste qu'elle connait les chemins qui sillonnent la Terre du Milieu, et pour la tâche qu'on lui demande, cela me suffit.

- C'est tout ? Vous ne connaissez pas ses origines ? Continua Thranduil faussement innocent.

- Ses origines ? Non je ne les connais pas, mais je devine une ascendance noble, une Dùnadan.

- Une Dùnadan. Hum… Pourquoi en déduisez-vous cela?

Les questions de Thranduil commencèrent à agacer Thorin qui ne voyait pas où il voulait en venir.

- La première fois que je l'ai rencontrée, remonte à plus de cent années. Aucun humain ne vit aussi longtemps, sauf les Dùnedain, les descendants des rois de Nùmenor, déclara Thorin, en relevant haute sa tête, fier de sa réponse.

- Oh. Une centaine d'années ? murmura Thranduil, et se retournant vers Azruphel lui dit. Il ne sait donc pas.

Azruphel baissa la tête honteusement.

- Et bien, sachez nain, que pour ma part, je connais cette charmante personne depuis plus de deux milles années.

Thorin fut abasourdi et ne crut pas les paroles de Thranduil. Il était impossible qu'une humaine puisse vivre aussi longtemps. Impossible. Seuls les elfes le peuvent. Seuls les elfes peuvent vivre aussi longtemps, sans que le temps n'ait d'emprise sur eux.

- Cela ne se peut, réussit à prononcer Thorin médusé par cette révélation.

- Demandons confirmation à la principale intéressée, dit Thranduil satisfait de l'incompréhension du nain.

Ils posèrent tous les deux les yeux sur Azruphel, toujours agenouillée et mains liées, une arme menaçante derrière elle.

- Je suis navrée Thorin. Je ne voulais pas que tu l'apprennes ainsi… mais ce qu'il dit est vrai, annonça-t-elle embarrassée et regrettant de décevoir autant Thorin.

- Non, ce n'est pas possible ! Cria l'héritier de Durin. Aurais-tu du sang elfique dans les veines ?

Thorin se sentait trahi.

- Non ! Non, je suis humaine. Mais c'est… plus compliqué.

- Bon, arrêtons là cet intermède et revenons au sujet principal, coupa l'elfe qui s'ennuyait déjà.

Thranduil revint face à Thorin.

- Votre réponse ?

Un silence de plomb plana entre eux. Thorin ne savait plus qui croire, que croire. Il ne savait pas qui elle était et il ne s'en était pas soucié plus que cela auparavant. Mais à ce moment-là, il avait mille questions en tête. Il avait besoin de réponses. Son esprit était assailli de pensées contradictoires, il n'arrivait pas en faire le tri.

Thorin fut sorti de sa réflexion par la voix du roi sylvestre.

- Je considère alors votre silence comme un refus.

Le prince déchu releva brusquement la tête à la fin de la phrase, puis les événements se déroulèrent au ralenti.

Il aperçut le reflet de la lumière sur la lame du garde derrière Azruphel. Thorin regarda alors dans sa direction et fut sous le choc de la scène.

La pointe de l'épée était dirigée vers le sol au-dessus de l'épaule droite de la jeune femme, au visage si placide et calme, tranchant avec la situation. Thorin cru même y voir un faible sourire.

Dans un geste lent, puissant et précis, le bourreau enfonça le tranchant de son arme dans la chair d'Azruphel.

Thorin qui avait entamé un mouvement en direction de la guide, fut immédiatement stoppé dans son élan, et tout en hurlant un « NON » déchirant, il fut mis à terre par deux gardiens. Il se débattit un instant, puis à travers ses longues mèches brunes, il jeta un regard de désespoir vers Azruphel.

Non, il n'avait pas rêvé. Un sourire ensoleillait son visage. Comment pouvait-elle être aussi paisible en cet instant ?

Thorin fut relevé et fermement maintenu par les sentinelles.

Le bourreau ôta, aussi lentement qu'il avait enfoncé, sa lame du corps d'Azruphel.

Elle ne put alors maintenir son calme et ferma ses yeux fortement. La douleur était intense, vive et gagnait rapidement en intensité. Puis, elle sentit son poumon se remplir de son propre sang.

Elle rouvrit les yeux et croisa le regard Thorin. Il était complétement désemparé et terrifié.

Sa respiration se fit de plus en plus difficile et dans un spasme, le sang remonta jusqu'à sa bouche, d'où il s'écoula en grande quantité.

Thorin cria une nouvelle fois et tenta de se débarrasser de son escorte, mais il ne put rien y faire.

Il cessa de se battre, lorsqu'il entendit la toux d'Azruphel, qui vomissait son liquide vital. Il ne pouvait plus voir son visage car ses cheveux lui barraient la vue. Désespéré, il tomba à genoux. Il s'imaginait la souffrance et la douleur qu'elle subissait et il regretta de lui faire endurer cette mort lente.

De son côté, Thranduil jubilait entièrement. Quel spectacle poignant et exultant !

- Vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même, lui dit-il. Voilà ce qui attend le reste de votre compagnie, si vous ne cédez pas.

Le mot « cédez » raisonna dans l'esprit de Thorin.

Cédez. Ce mot lui disait quelque chose, mais quoi ?

- Libre à vous de continuer sur cette voie.

- Vous êtes un monstre, dit Thorin les dents serrés par l'affliction et la colère, tout en se relevant.

- Je n'ai rien à me reprocher. Vous seul, êtes l'auteur de cela, répondit Thranduil vexé par le qualificatif.

Pendant ce temps, Azruphel agonisait, mais tenait encore plus ou moins droite. Le feu de la lame la brulait de l'intérieur. Elle discernait, tout de même, encore la conversation entre Thranduil et Thorin, et quand elle entendit l'elfe demandait une nouvelle fois au nain, de lui céder une part du trésor d'Erebor, elle trouva la force de parler.

- Thorin, réussit-elle à prononcer dans un râle.

Thranduil et Thorin furent surpris de l'entendre et s'arrêtèrent de discuter pour l'écouter.

- Thorin, n'oublie pas ce que je t'ai dit dans la forêt.

Azruphel avait prononcé sa phrase entre deux respirations sifflantes et douloureuses. Le nain se rappela alors les paroles de la guide :

« Ta compagnie trouvera la sortie de la Forêt,

Mais à aucun moment, tu ne devras céder.

Malgré le chagrin qui t'affligera,

Ne laisse personne derrière toi. »

Céder ! Il ne devait pas céder aux attentes de Thranduil. C'était donc de cela qu'il était question.

Et le chagrin ? Le chagrin de sa perte ? Sa mort ?

«A-t-elle pu savoir à l'avance ce qu'il allait se passer ?

A-t-elle la capacité de connaître les événements avant même qu'ils se déroulent ? » Se demanda Thorin.

- Je t'ai fait une promesse, Thorin, continua de parler Azruphel qui, tremblante et vacillante, avait réussi à redresser son buste et faisait de nouveau face aux deux antagonistes.

Les yeux de Thorin s'agrandirent. Elle se tenait fière et digne devant eux, malgré la blessure mortelle qu'elle avait subie et le sang qui perlait de sa bouche.

Thranduil ne comprit pas de quoi parler l'oracle, et il se sentit mis à l'écart. Il eut rapidement l'impression qu'elle jouait un double-jeu. Qu'elle l'utilisait pour parvenir à ses fins avec le nain. Pourtant Thorin était à deux doigts de céder à sa requête, il le savait. Mais elle s'était interposée et elle défaisait, brin par brin, le travail qu'il avait réalisé.

« Elle gâche tout. Pourquoi ? » Pensa –t-il.

C'était pourtant son idée à la base. C'était elle qui lui avait soumis l'idée de l'utiliser ainsi, pour lui permettre d'arriver à récupérer ses précieuses gemmes.

« Pourquoi tout ruiner maintenant ? »

- Et je tiendrai ma promesse, acheva-t-elle.

Thranduil regarda Thorin et vit que celui-ci avait repris confiance et qu'il ne semblait plus vouloir accepter le marché.

Alors dans un élan de rage, l'elfe rejoignit l'humaine et son bourreau. Elle ne le regarda pas car elle savait d'avance ce qu'il allait faire, et elle préféra se concentrer une dernière fois sur Thorin.

- N'oublie pas mes paroles, Prince d'Erebor !

Tels furent ses derniers mots, avant que Thranduil qui s'était saisi d'une courte dague, ne lui tranche la gorge sans une once d'hésitation.

Le regard d'Azruphel se voila presque instantanément, et elle chuta lourdement face contre sol, son sang se répandant autour de son corps sans vie.

Thorin ne lâcha pas des yeux le corps d'Azruphel. La peine, le chagrin et la tristesse l'envahirent. Il ne vit ni entendit Thranduil qui le menaçait une dernière fois, lui et ses compagnons. Incapable de bouger et même de penser, accablé par l'effroi, il se laissa reconduire jusqu'à sa cellule.

Les autres nains avaient entendu ses cris et ils ne savaient à quoi s'attendre. Lorsqu'ils vfirent leur chef revenir, sans aucune expression sur son visage, aussi pâle d'un linge, ils se turent et attendirent que les elfes soient partis pour commencer à lui poser des questions.

- Que s'est-il passé ? Demanda Balin.

Mais Thorin ne répondit pas. Il était resté figé, tête basse, au milieu de sa cellule.

- Nous avons entendu des choses. Nous sommes inquiets, réponds nous.

- Mon oncle, reprit Fili dans une cellule plus éloignée. Comment ça s'est passé ?

Ce fut sous leur regard stupéfait, que Thorin se laissa tomber à genoux. Il ne pouvait plus supporter la douleur que la perte d'Azruphel représentait. Il n'entendit plus ses compagnons s'inquiétaient pour lui et pendant un long moment il resta dans cette position, incapable de faire autre chose.

Il avait joué avec la vie de celle qu'il aimait. Car oui, il ne pouvait mentir en disant que son cœur appartenait à Azruphel. Cette femme singulière et atypique, qui avait tourmenté son esprit depuis leur première rencontre.

Il repensa à leur baiser échangé dans la maison du changeur de peau. A la texture de sa peau douce et parfumée, aux boucles affriolantes de ses cheveux… à son sourire alors qu'elle savait la mort proche.

Sans qu'il s'en rende compte, une larme coula sur la joue. Une seule.

Thorin fut tiré de ses pensées par le cri désespéré de Kili, lorsque les gardes revinrent en trainant le corps d'Azruphel jusqu'à la cellule vide à côté de celle de Thorin. Sans aucun respect pour elle, ils la suspendirent à un crochet au plafond, par les liens qui tenaient encore ses poignets entre eux.

Thorin les regarda faire. Une provocation de Thranduil, destinée à le faire encore plus souffrir.

Puis les gardes repartirent.

Les nains comprirent d'eux-mêmes ce qu'il s'était passé. Kili s'énervait contre les barreaux d'acier, hélant son oncle pour obtenir des explications.

Mais Thorin ne répondit toujours pas. Il garda son regard fixé sur le corps d'Azruphel, suspendue telle une prise de chasse, les dernières gouttes de son sang glissant jusqu'au sol pour former une flaque sombre.

Ainsi, pendant près de deux jours, Thorin resta plongé dans son mutisme, ne pouvant détourner son regard d'Azruphel.

C'était sa punition pour n'avoir pas pu la protéger.


Alors?

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Explications :

Lórinand : « Vallée d'Or », ancien nom de la Lothlórien, avant que Galadriel et Celeborn n'en deviennent les seigneurs, après le départ d'Amroth.

Amroth : Il fut le roi de la Lothlórien, après son père Amdír, mort lors de la bataille de Dagorlad, où il faisait partie de la Dernière Alliance des Elfes et des Hommes. Amroth avait prévu de quitter la Terre du Milieu et rejoindre Valinor avec sa fiancée Nimrodel, mais elle se perdit et il la chercha en vain.

Círdan : Le plus ancien elfe encore vivant en Terre du Milieu. Il fait partie des elfes Teleri, un des trois groupes d'Elfes avec les Vanyar et les Noldor, qui ont choisi de venir en Aman après leur éveil. Ce sont des elfes naviguateurs, amoureux de la mer. Mais Círdan fait partie des Teleri qui sont restés en Terre du Milieu. Au Premier Age, il aida Eärendil (père d'Elrond et Elros), à construire son navire Vingilot, avec lequel il partit pour Aman, provoquant la Guerre de la Grande Colère et la déroute de Morgoth. Au Second Age, Círdan créa les Havres Gris et il se chargea de construire les nombreux navires pour que les elfes qui le désiraient puissent voyager jusqu'à Aman. Au Troisième Age, il fut l'un des porteurs d'un des trois anneaux elfiques, Narya, qu'il confia à Gandalf à son arrivée en Terre du Milieu.

Lindon : Région de la Terre du Milieu, seule partie du Beleriand qui n'a pas été submergée à la fin du Premier Age par les cataclysmes de la Guerre de la Grande Colère et est restée attachée au continent. Située sur la côte nord-ouest de l'Eriador, et délimitée par les Montagnes Bleues. Les Havres Gris sont l'un des trois principaux ports du Lindon.

Oropher : Elfe Sinda et ancien seigneur des elfes sylvains. Père de Thranduil, Oropher est mort lors de la Guerre de la dernière Alliance.