Bonjour à tous,

Je m'excuse auprès de vous, car je devais publier ce weekend, mais en relisant mon chapitre, j'ai trouvé qu'il manquait quelque chose et que sa compréhension n'était aisée et trop lourde. Alors je l'ai retravaillé et du coup je me suis laissée emporter. Voici un très gros chapitre. Il fait plus ou moins le double de mes chapitres habituels.

En fait, j'ai ajouter un gros flashback. Il aurait dû être un chapitre à part entière, mais j'ai préféré le glisser dans un autre, car ça correspondait au court de l'histoire. Le flashback est séparé du texte principal par des "§" et il est écrit en italique. Attention à la fin, car j'ai fait une coupure un peu bizarre.

J'espère que la longueur ne vous dérangera pas.

Chapitre Révélation - Partie 2. Beaucoup d'infos, mais chapitre relativement différent du précédent, car plus orienté sur Azru et les Nains.

Bonne lecture.


Merci à aliena wyvern, Naheiah, Lacrymosa Lorne, Julindy (pour ses 2 reviews qui m'ont fait énormément plaisir), TsuchiiChan, Nimiria, Vanariane, PaulinaDragona et Miyi pour leur review.

Encore désolée, mais il n'y a pas eu de relecture sur ce chapitre, donc excusez moi pour les fautes.


Thorin était perdu. Il y avait trop d'information d'un seul coup. Il se passa les mains sur le visage pour se revigorer un peu. Il fallait dire que la nuit était bien avancée et que sa soirée avait été bien arrosée. Thorin résistait bien à l'alcool, comme tous les Nains, mais son esprit n'était pas au maximum de sa capacité de compréhension.

- Pour faire simple, Thorin, Mandos a fait de moi la prophète, l'oracle de cet Age, l'auteure des prédictions et des prophéties. Le jour où je suis arrivée en territoire elfique, j'ai reçu en mémoire tous les événements, tous les détails des actes des grands comme des petites gens. J'ai le pouvoir de connaître à l'avance les aléas de l'histoire. Et mon rôle est de guider sur le bon chemin ceux qui le mérite, ceux qui sont voués à faire de grandes choses.

Azruphel fit une pause. Elle ne lâcha pas du regard Thorin. Puis, elle lui annonça avec le plus grand sérieux:

- Comme toi… Thorin.


Thorin s'apprêtait à répondre, mais il se reprit.

Ils restèrent un long moment à ne rien dire, fixant les flammes.

Thorin en profita pour faire le tri de toutes les informations qu'il avait reçu. Il s'était toujours senti supérieur à la plus part des personnes qu'il avait rencontré – que ce soient des Nains, des Hommes ou des Elfes - mais là, il se sentait ridiculement « petit » à côté d'Azruphel. C'était un sentiment qu'il n'avait pas ressenti depuis de très nombreuses années. Les dernières personnes envers qui il avait ressenti la même chose, avaient été son père et son grand-mère.

Il finit par rompre le silence.

- Tu sais alors comment va se terminer notre quête ? demanda Thorin.

Elle acquiesça d'un signe de la tête.

- Mais je ne peux pas te donner de détails. J'ai fait en sorte de dérouler sous tes pieds un chemin jusqu'à Erebor, car telle était ma tâche. Et même si ma présence à tes côtés n'est désormais plus nécessaire, je continuerai de guider les Héritiers de Durin, comme je l'ai fait depuis plusieurs siècles maintenant.

- Attends. Je ne comprends pas tout, l'interrompit Thorin. Tu… ta présence n'est plus nécessaire ?

- Tu as bien entendu Thorin. Vous irez seuls jusqu'à la Montagne. Il n'y a pas de raison à être inquiet. Je t'ai ouvert la voie. Tu n'as plus qu'à suivre la carte, répondit-elle en souriant.

« La carte ? » pensa Thorin circonspect.

Mais à aucun moment, il n'avait parlé de la carte devant elle.

- Tu es au courant pour la carte ? Est-ce Gandalf qui t'en a parlé ? questionna Thorin suspicieux.

- Est-ce que Gandalf m'en a parlé ? ironisa Azruphel. Bien sûr que non, Thorin. Si je connais l'existence de cette carte, c'est parce que j'ai moi-même conseillé à ton grand-père, Thror, de créer un passage caché depuis l'extérieur de la Montagne jusqu'aux salles souterraines. En fait, lorsque les cités des Ered Mithrim furent dévastées par les dragons et qu'une partie de la population naine est venue se réinstaller à Erebor, j'ai à plusieurs reprises rendu visite à Thror.

Elle lui expliqua qu'elle se rendit à Erebor, à la naissance de son père, Thrain, et que ce fut à ce moment qu'elle indiqua au Roi sous la Montagne, de creuser le passage secret.

Thorin se renfrogna en disant qu'il était fort peu probable que son grand-père se soit laissé conseiller par une femme, qui plus est, une fille des Hommes.

- Mon cher Thorin, sache que je suis en très bon terme avec ton peuple depuis que je leur ai annoncé la naissance du sixième Durin. Ce n'est que depuis les deux cents dernières années que je me suis éloignée de la lignée principale. J'ai connu le faste et la grandeur de la Moria sous le règne de Durin VI, et j'ai acquis le respect des Nains en me battant à leur côté.

Thorin se souvint alors de son arme. Son épée, en alliage de mithril, forgée par le dernier Durin. Une épée qu'elle avait alors acquise par de hauts faits d'armes. Il se surprit à en être presque jaloux.

- Tu es le premier Descendant de Durin à m'avoir traité d'une manière fort peu honorable, Thorin, déclara Azruphel avec un petit sourire en coin.

Il se tendit et lui lança un regard sombre.

- Mais je ne t'en veux pas, le rassura-t-elle. Tu ne savais pas qui j'étais et la dernière fois que je suis venue à Erebor, tu devais avoir huit ans, tout au plus.

Elle se mit à rire.

- Quel mignon petit Nain tu étais à cette époque !

Thorin était gêné et n'avait qu'une envie, la faire taire. Mais elle se calma d'elle-même.

- La perte de la Montagne t'a bien changé.

Le Prince Nain se renfrogna et baissa les yeux. Il repensa à la tragédie qui avait entraîné son peuple à l'errance et un déclic se fit dans sa tête.

- Mais alors, si tu as conseillé à mon grand-père de construire ce passage, c'était que tu savais ce qu'il allait arriver, intuita Thorin. Tu savais que Smaug allait venir nous chasser de nos terres, s'enflamma-t-il. Mais pourquoi n'as-tu rien fait ? Pourquoi ne nous as-tu pas prévenus ? Nous aurions pu être mieux préparés !

- Oui Thorin, je savais tout cela, lui répondit-elle calmement pour apaiser la colère du Nain. Thror aussi, était au courant de ce qu'il allait se produire. Mais tu sais très bien comment il était. Comment la pierre l'a rendu. Son esprit avait fini par occulter « ce détail ». Il faut que tu saches que certaines choses, bonnes ou mauvaises, doivent obligatoirement avoir lieu. Ce n'est pas dans mes capacités, de pouvoir changer le court des événements. Je suis navrée, mais ce qui est arrivé à ton peuple était un mal… nécessaire.

Le sang de Thorin ne fit qu'un tour.

- Je n'arrive pas à croire ce que tu me dis ! rugit Thorin qui s'était levé pour menacer de toute sa hauteur Azruphel. Comment as-tu pu laisser un peuple, MON peuple, se faire tuer, sans avoir le moindre remord ? Tu étais la seule personne qui aurait pu éviter ce massacre, mais TU n'as RIEN fait ! Finalement, tu es comme ce Roi des Elfes, qui se cache dans sa forêt et qui…

- Tu ne sais pas de quoi tu parles, Thorin ! le coupa Azruphel dont la voix avait elle aussi monté d'un niveau.

- AH ! Tu le couvres, continua Thorin toujours aussi emporté. Qu'a-t-il bien pu te dire durant notre séjour chez eux ? Car, après tout, tu n'étais pas dans les geôles avec nous. Tu as eu le droit à un traitement de faveur, dit-il avec un air condescendant. Il était, en tout cas, bien au courant de certaines choses sur toi. Bien plus que je n'en savais moi-même.

Azruphel n'avait pas quitté des yeux Thorin. Elle était abasourdie par son discours et son comportement. La rancœur et la haine l'aveuglaient et dénaturaient son esprit. Elle ne le reconnaissait plus.

- Pourquoi le protèges-tu ? Que t'a-t-il promis ? Il a bien dû te faire une proposition en échange de notre liberté, sinon pourquoi t'aurait-il gardé aussi longtemps avec lui ?

Azruphel se leva d'un bond. L'attitude de Thorin était déplorable et elle ne pouvait le continuer de dire de telles choses.

Elle lui prodigua une gifle monumentale qui eut, au moins, l'effet de le taire.

Azruphel était furieuse après Thorin. Il ne se rendait pas contre, de tout ce qu'elle avait fait pour lui.

- Comment oses-tu dire de pareilles choses à son sujet et sur le mien ? lui dit Azruphel d'une voix forte. Tu ne vois les choses que de ton seul point de vue. Mais qu'aurais-tu fait à sa place ? Aurais-tu risqué la vie de tes soldats, en sachant pertinemment que la bataille était perdue d'avance ? Tu n'es qu'un Prince, Thorin ! Tu n'es PAS Roi !

Face à Thorin, Azruphel le dominait en taille et en autorité. Il l'avait poussé à bout et en payait à présent le prix. Ce qu'elle lui disait était criant de vérité et l'aura qu'elle dégageait était aussi puissante que le courroux de Mahal.

- Aucune gloire n'attend le Souverain qui dépense sans réfléchir les vies de ses soldats. Thranduil a connu des guerres et des batailles, dont les abominations dépassent tout ce que tu as pu connaitre. Il est le Roi d'un Royaume continuellement agressé depuis plusieurs siècles. Il fait ce qu'il juge le mieux pour son peuple, car telle est sa principale préoccupation. Je doute fort, Thorin, qu'un jour, tu sois le quart du Roi qu'il est.

Ses paroles agissaient comme des poignards pour Thorin. Il était blessé par son discours.

Azruphel fit une pause dans son monologue, puis elle continua. Sa voix se fit plus faible, mais tout aussi percutante.

- Je ne le porte pas dans mon cœur, mais j'ai essayé de me mettre à sa place et j'ai compris pourquoi il agissait ainsi. Je ne le protège pas, comme tu le dis… je le comprends, comme une Reine peut comprendre un Roi.

Thorin se tut. Elle avait raison et il n'avait pas à lui faire la leçon, car après tout, il n'était pas Roi. Pas encore. Azruphel, elle, avait connu le poids de la couronne sur sa tête, avec toutes les conséquences et responsabilités qui en découlaient.

- En ce qui concerne la proposition qu'il m'a faite, tu as raison. Thranduil m'a bien proposé un marché. J'ai fini par l'accepter. J'ai beaucoup donné pour que toi et tes compagnons puissent être ici aujourd'hui. Je ne souhaite aucun remerciement ni dédommagement pour ce que j'ai fait, car c'était mon rôle.

Azruphel se détourna et marcha jusqu'à la table où était disposé de quoi l'abreuver. Sa gorge était endolorie par la blessure et le fait d'avoir haussé le ton, l'avait rendue plus sensible. L'eau fraîche l'adoucit et elle put continuer.

- Je me suis jouée de Thranduil, tout en acceptant sa proposition. A l'heure qu'il est, il doit croire que je l'ai trahi, au vu de notre évasion. Mais il n'en est rien, lui expliqua-t-elle.

- Mais il n'a pas hésité à te trancher la gorge, lui répondit-il amèrement.

- Oui, et c'était ce que je voulais, car c'était le seul moyen pour que je puisse de nouveau être avec vous et m'échapper. Ne t'avais-je pas prévenu ? Te souviens-tu de ce que je t'avais dit ?

Azruphel se retourna vers Thorin. Le Prince ne comprenait pas en quoi le fait de s'être laisser tuer, pouvait être un moyen d'évasion, mais il se souvenait parfaitement de ce qu'elle lui avait dit avant qu'ils ne se fassent capturer par les Elfes. Ainsi elle avait tout prévu à l'avance.

- Thranduil savait pertinemment que m'ôter la vie, n'allait pas me tuer et que j'en survivrais. Il n'avait pas l'intention de se salir les mains, mais je l'ai forcé à le faire. De toute façon, j'avais consenti à rester près de lui et je lui avait personnellement conseillé de m'utiliser dans vos négociations. Il souhaitait plus que tout te faire souffrir Thorin, et il a été tellement aveuglé par ce fait, qu'il n'a pas réfléchi qu'en me mettant avec vous dans les geôles, il remplissait la condition nécessaire pour notre fuite.

Azruphel put lire dans le regard de Thorin son incompréhension.

- Thorin, ma mort, aussi cruelle qu'elle fut, était le seul moyen pour que nous puissions tous sortir. Sans cela, Thranduil m'aurait gardé auprès de lui et jamais je n'aurais pu quitter la cité. Pourtant il le fallait.

- Pourquoi ?

- D'abord parce qu'il fallait vous libérer, mais aussi parce que je dois aller rendre visite à certaines personnes. La reconquête d'Erebor n'est plus mon affaire. Je vois à plus long terme et certains événements à venir seront capitaux pour le futur.

Thorin était plongé dans le silence, la peine et en même temps dans la déception. Celle qui avait été leur guide, n'était pas ce qu'il avait cru depuis le début. Elle l'avait intrigué, agacé, tourmenté et son cœur était même allé jusqu'à s'éprendre d'elle. Mais maintenant, il la voyait différemment. Il avait l'impression d'être en face un Elfe, au cœur froid, dénué de sentiment et de remord. Ses paroles résonnaient encore dans sa tête. Des mots puissants, riches de sens, qui lui imposaient une autre vérité, bien plus difficile à accepter.

Azruphel se doutait du trouble qu'elle avait insinué dans l'esprit de Thorin. Elle s'en voulait car le Prince n'avait pas besoin de ce tracas en plus. Son voyage était loin d'être terminé et il avait besoin d'être au maximum de ses capacités et de sa concentration.

Elle soupira faiblement et reposa son verre sur la table, pour ensuite s'avancer vers Thorin, toujours debout à côté de la cheminée.

Il ne la quitta pas des yeux, mais elle ne le regardait pas. Avec douceur, elle reprit place sur le matelas et se positionna devant lui. Azruphel voulait l'apaiser et pouvoir partir d'Esgaroth avec l'esprit serein à son propos. Car elle savait que la prochaine – et dernière fois – qu'ils se verront, le temps ne sera plus aux explications.

Thorin était statique et inconsciemment tendu. Il s'en rendit compte lorsque la jeune femme lui offrit un regard plein de compassion. Un regard doux et bienveillant, qui le fit se détendre quelque peu.

- Thorin, je me doute que mes dires t'ont choqué et que la confiance que tu avais en moi, a été ébranlée, lui confia-t-elle d'une voix calme. Je comprends ta colère lorsque je t'ai parlé de mon inaction lors de l'attaque du dragon. Mais je n'aurais rien pu faire pour changer ce qu'il s'est passé. Thorin, j'ai par le passé, souhaité plus que tout, empêcher des catastrophes et des morts inutiles, mais mes actions ont été vaines. Je maudis Mandos également pour cela, car même si je sais à l'avance la tournure des événements, rien de ce que je pourrais tenter ne pourrait empêcher les choses de se dérouler comme le fil du temps l'a décidé.

Le cœur lourd de souvenirs douloureux, Azruphel se remit à caresser les longues boucles de ses cheveux.

- Hormis le fait de survivre aux êtres qui me sont chers, j'ai aussi le malheur de connaitre les conditions de leur trépas. J'ai à chaque fois, fait tout mon possible pour les sauver, mais même mes actes étaient pris en compte dans mes visions. Quoi que j'ai pu essayer, le résultat était à chaque fois le même, inévitable. J'ai fini par, plus ou moins, l'accepter.

Non, Thorin s'était trompé à son sujet.

Non, elle n'était pas aussi insensible aux tourments de son peuple.

Elle n'était qu'une humaine, prise au piège dans un cauchemar perpétuel. Il n'aurait souhaité sa place pour rien au monde.

Azruphel releva ses yeux humides vers Thorin.

Le Nain aperçut à ce moment-là, la longue marque rouge qui lui barrait son cou. Il s'en voulait tellement d'avoir douté d'elle et de l'avoir ainsi maltraité durant tout leur voyage. Elle avait souffert le martyre pour que lui et ses compagnons puissent sortir des prisons de la cité elfique. Elle n'avait pas hésité et avait donné sa vie pour lui.

Et lui, qu'avait-il fait pour elle ?

Avait-il seulement mérité cela ?

- Je suis navrée Thorin, continua Azruphel la voix légèrement tremblante. Je suis navrée d'avoir été aussi dur avec toi, mais avec les années, j'ai changé. J'ai appris à me cacher derrière une façade de froideur et d'insensibilité. Ce n'est que comme cela, que j'ai pu continuer. Mais… mais je suis lasse. Je suis fatiguée. Je veux que tout s'arrête. Je veux pouvoir me reposer maintenant et retrouver les miens.

Les larmes coulèrent d'elles-mêmes de ses joues. Azruphel semblait tellement épuisée, sur le coup, que Thorin s'agenouilla devant elle et lui prit les épaules pour la soutenir.

- Que dis-tu ? N'y a-t-il personne pour te remplacer ? questionna Thorin visiblement affecté par sa déclaration.

- Non, Thorin. Cette tâche m'est affectée et ce jusqu'à la fin de cet Age.

- Quand ? Quand cela adviendra-t-il ?

- Je l'ignore précisément. Mais le jour où cela arrivera, je le saurais, et enfin… enfin je serai libérée.

Thorin fut effaré par le ton qu'elle prit.

- Comment ça ? Libérée ? osa-t-il demander.

- Libre, libre de mes actes. Un choix me sera proposé, mais l'idée même de rejoindre les Terres Immortelles est pour moi inconcevable.

- Et quel autre choix auras-tu ?

- Le premier jour du Quatrième Age, je redeviendrai une fille des Hommes. Alors je compte reprendre à Mandos ce qu'il m'a pris et ce dont il m'a privé durant trois millénaires.

Elle n'eut pas besoin de préciser sa pensée, Thorin avait compris.

« Quelle triste épilogue » pensa-t-il peiné.

Thorin avança sa main vers le visage d'Azruphel et essuya ses joues humides. Un geste tendre qu'elle semblait apprécier. Un maigre réconfort pour une vie de tourment. Il pourrait lui en donner plus si elle le souhaitait, mais il se souvint de comment leur effusion de sentiments s'était soldé la dernière fois.

Néanmoins, depuis la maison du changeur de peau, la vision d'Azruphel qu'avait Thorin, était changée. Il avait, dans un premier temps, refusé et tenté de faire taire ses sentiments. Puis il y avait cédé et les avait acceptés. Il avait même eu la confirmation de ce qu'il ressentait pour elle, lorsqu'il ne céda pas à Thranduil et que le corps sans vie d'Azruphel lui avait été présenté. Et même maintenant, alors que son passé houleux lui avait été révélé, Thorin restait hypnotisé par ses yeux gris-bleu. Des yeux qu'il avait l'impression d'avoir toujours connus et ce, bien avant de l'avoir rencontré.

- Pourquoi ? murmura-t-il, sans s'en rendre compte.

- Pourquoi quoi ? lui répondit-elle troublée par son ton et sa question.

Thorin n'avait pas voulu dire cela. C'était sorti de sa bouche inconsciemment. Mais il ne pouvait plus faire marche arrière.

- Je me demandais juste pourquoi j'avais cette impression à propos de tes yeux. Cette impression de les connaitre depuis toujours, avoua-t-il.

- Mais c'est parce que c'est le cas, dit-elle en émettant un petit rire. Tu ne t'en souviens pas ?

- Me souvenir de quoi ?

- Je t'ai dit que je t'avais connu alors que tu n'étais qu'un enfant. En fait, depuis ma rencontre avec Durin, sixième du nom, je rends visite à chaque nouveau-né et futur souverain du peuple de Durin. Je suis venue pour toi, peu après ta naissance, mais aussi lorsque tu as eu huit ans, et je pense que c'est ce jour-là.

Thorin se rebiffa légèrement. Il n'aimait pas particulièrement que l'on parle de lui enfant.

- Pourtant je ne me souviens pas de toi.

- Non, mais la seule chose que tu as retenu de moi, ce sont mes yeux. Je suis même sûre que tu ne te souviens pas non plus, de ce que je t'ai dit.

Le Prince Nain plissa légèrement les yeux, signe d'incompréhension.

- Tu eu le droit à deux prédiction de ma part, Thorin. La première à ta naissance, comme pour tout Héritier du trône.

- Quelle est-elle ?

- C'est une prophétie qui a été mal accueillie par ton père. Il ne l'a pas comprise immédiatement. Ce qui était normal, car seul ton grand-père était au courant pour l'avenir d'Erebor. La prophétie n'a jamais été oubliée, mais elle ne s'est pas répandue au sein de ton peuple. Ce sont les Hommes du Lac qui l'on récupéré.

«Le Roi sous la Montagne,

Le Roi de la pierre taillée,

Le Seigneur des fontaines d'argent

Rentrera dans ses possessions.

Sa couronne sera relevée,

Sa harpe remontée,

Ses salles retentiront de l'écho doré

Des chants de jadis rechantés.

Les forêts onduleront sur les montagnes

Et l'herbe sous le soleil.

Ses richesses couleront dans les sources

Et les rivières courront dorées.

Les ruisseaux couleront dans l'allégresse,

Les lacs scintilleront et brûleront,

Tout chagrin, toute tristesse passeront

Au retour du Roi sous la Montagne. »

Azruphel avait récité le texte d'un ton neutre et dénué d'intonation. Thorin avait entendu ce chant durant son séjour à Esgaroth, mais il ignorait que cela lui était directement inspiré par Azruphel. Il n'avait jamais eu connaissance de ses visites aux futurs souverains et il se demandait pourquoi son père ne lui en avait jamais parlé. Mais ses paroles le rassurèrent car ils confirmaient que sa quête ne serait pas vaine.

Thorin la questionna ensuite sur la deuxième prédiction.

Cela s'était déroulé il y a 187 ans, en 2754 du Troisième Age…

§

Son cheval peinait à avancer dans l'épaisse couche de neige. L'hiver était arrivé en avance cette année.

Elle revenait de sa surveillance de l'avancée des Orques dans les Monts Brumeux. Après avoir suffisamment semé le trouble dans les troupes de ses ennemis, elle jugea qu'il était temps de retourner rendre une dernière visite au peuple d'Erebor.

Plusieurs longues semaines de chevauchée à travers la bande de terre qui séparait les Ered Mithrin de la Forêt Noire, et enfin la Montagne Solitaire était en vue.

La neige avait cessé de tomber, mais une brise glaciale soufflait. Elle ne sentait plus ses orteils depuis longtemps et elle était certaine d'avoir de graves engelures. Elle ne s'en inquiéta pas plus que ça.

Contournant la Montagne par son versant Ouest, ce fut avec soulagement qu'elle aperçut enfin l'entrée du Royaume.

Avec ce temps, les abords étaient déserts et les sabots de son cheval n'émettaient aucun son à cause de la neige. Les deux gardes, bien abrités dans leurs postes de guet, furent surpris de voir, devant les grandes portes, un cavalier se présenter.

Ils sortirent brusquement, armes à la main et vinrent encadrer l'immense cheval. Le calme de la monture et de son cavalier tranchaient avec l'attitude des Nains. Ils ne pouvaient savoir qui se tenait devant eux, car le visiteur était bien emmitouflé dans son épais manteau.

- Qui êtes-vous ? Et que voulez-vous ? parla fortement un des Nains.

Une cavale de vent emporta ses mots et les obligea à se protéger le visage du souffle cinglant. Le cavalier, lui, n'avait pas bougé et resta immobile.

- Je me nomme Amarthêl et je suis venue voir votre Roi, répondit la voix féminine.

Les gardes ne connaissaient pas ce nom, et ils se moquèrent d'elle à propos de sa requête.

- Hors de question que nous vous laissions rentrer. Nous n'avons pas reçu d'ordre nous indiquant un quelconque visiteur, déclara un garde.

D'un geste rapide, la cavalière sortit son épée de son fourreau. Les gardes se mirent immédiatement en mode défensif. Mais, contre toute attente, elle tendit vers le garde à sa gauche, le pommeau de son arme.

- Veuillez aller montrer cette arme à votre supérieur, s'il vous plait, demanda-t-elle d'un ton toujours aussi calme.

Le Nain hésita mais finalement accepta. C'était l'occasion pour lui de rentrer un peu au chaud. Il se saisit de l'arme sans y faire très attention et se retourna vers la porte.

- Restez ici bien sagement, ordonna-t-il.

Puis il disparut derrière la petite porte intégrée dans un des battants du grand portail.

L'autre garde, toujours méfiant, gardait un œil sur l'étrangère. Celle-ci avait repris une allure sereine, tout comme son cheval qui n'avait pas montré le moindre signe d'agitation. Ils bravaient le froid sans que celui-ci semble les atteindre.

Dans les instants qui suivirent, le portail s'ouvrit entièrement et laissa passer un Nain imposant, à la longue barbe parfaitement taillée. Il avança d'un pas lourd vers la cavalière, l'épée qu'elle avait confiée au garde, à la main. Derrière lui, le fameux garde et toute une troupe de Nains en armure.

Il arriva au niveau du cheval et il s'inclina révérencieusement devant elle.

- Ma Dame, je vous prie d'accepter mes excuses pour le comportement de mes gardes, implora-t-il avec un accent typique tout en roulant ses r fortement. Ils sont jeunes et ne vous connaissent pas.

- Ce n'est rien, Maître Farin. Je suis plutôt satisfaite de voir que vos frontières bien gardées.

Le dénommé Farin se redressa et rendit avec respect son arme à Amarthêl, qui la remit directement à sa place.

Le pauvre garde qui avait cru faire une bonne action, s'était fait sévèrement réprimandé par le chef de la garde d'Erebor, Farin. Il était resté en retrait, tout penaud.

- Ne restons pas là dans ce froid. Venez, suivez-moi.

Amarthêl acquiesça et fit avancer son cheval à la suite de Farin qui lui ouvrit la marche.

Les lourdes portes se refermèrent derrière eux et la froideur du climat s'évanouit aussitôt.

Un Nain vint timidement pour s'occuper de la monture de l'invitée. C'était une brave bête d'un bai brun et d'une taille supérieure à celles des poneys qu'utilisaient les Nains. Mais il se laissa gentiment approcher.

Amarthêl descendit alors tout en douceur de son cheval, mais sans doute pas assez, car de violentes décharges se firent sentir dans ses pieds. Elle dû se retenir pour ne pas tomber. Ses pieds, coincés dans les étriers durant de longues heures et ce, sur plusieurs semaines, n'avaient pas été correctement irrigués par le sang et le froid piquant avait fait son travail.

Farin s'en rendit bien compte et vint près d'elle.

- Votre voyage semble avoir été épuisant, dit le chef de la garde.

- En effet, répondit-elle en se décollant de son appui qu'était la selle de l'équidé.

- Vous êtes toujours la bienvenue dans notre Royaume, Dame Amarthêl. Je vais informer le Roi de votre venue. Mais avant, je vais vous conduire dans les appartements des invités.

- Merci, Maître Farin.

Le Nain lui proposa son aide pour marcher, mais elle refusa aimablement. Ses pas furent pénibles.

La présence d'une personne de grande taille dans Erebor, fut l'attraction du jour. Toujours recouverte de son capuchon, elle ne laissait que peu de monde voir son visage. Mais sa silhouette caractéristique fut reconnue par de nombreux Nains.

L'oracle était revenue !

Amarthêl suivit Farin dans le dédale qu'était Erebor. Une cité entièrement creusée dans la Montagne. Le style était somme tout assez différent de Khazad-dûm, mais c'était tout aussi luxueux.

Le Nain fini par s'arrêter devant une porte qu'il ouvrit. Il fit signe à Amarthêl d'entrer. Ce qu'elle fit.

Une grande pièce richement sculptée et dorée, où un grand feu brûlait dans la cheminée. Plusieurs chambres comme celle-ci étaient constamment prêtes à recevoir des visiteurs. L'accueil des Nains n'était pas rependu, car peu d'étrangers avaient eu le plaisir d'y gouter. Néanmoins, il existait et n'avait rien à envier aux autres peuples.

- Je vais vous laisser vous reposer et vous réchauffer, lui dit Farin. Vous êtes l'unique invitée du Royaume en ce moment, alors l'accès aux Bains vous est illimité.

- Je vous remercie.

- Vous connaissez la maison, alors n'hésitez pas à nous le demander si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Amarthêl ôta son épais manteau et offrit un visage amaigri au Nain.

- Je vais également vous faire apporter un bon repas chaud.

- Votre accueil m'est toujours aussi agréable, le remercia-t-elle avec un sourire fatigué.

Farin se dirigea vers la sortie.

- C'est toujours un plaisir de vous servir, Ma Dame.

Il la salua et referma la porte.

Amarthêl ne tenait plus debout et elle se laissa tomber sur le moelleux matelas du lit. Son corps n'était que douleur et … puanteur. Elle n'avait pas eu l'occasion de se laver durant son voyage et, elle se rendait maintenant compte, qu'elle sentait aussi fort qu'un Nain qui aurait gardé son armure pendant un mois.

Autant dire que ce n'était guère réjouissant.

Elle s'autorisa un moment de détente avant de quitter sa chambre, pour aller en direction des Bains.

Les Bains d'Erebor étaient construits de la même façon que dans toutes les colonies naines. C'était une succession de plusieurs pièces, où chacune avait une fonction bien précise et une température différente.

La pierre noire de la Montagne et la faible luminosité des torches donnaient à cette endroit un côté très intime et reposant.

Après s'être déchaussée avec moult précaution et délicatesse, elle rentra dans la première grande pièce. Une douce chaleur sèche l'accueilli. Ce fut avec plaisir qu'elle se débarrassa de ses affaires nauséabondes. Elle les laissa à même le sol car elle savait que l'on viendrait les récupérer pour les lui laver.

Puis elle s'assit sur une banquette et entreprit la délicate opération du déchaussage des chaussettes. Avec lenteur elle les fit glisser, tout en serrant les dents. La vision de ses orteils noircis était pénible. Les chairs mortes et nécrosées guériront mais il lui faudra attendre plusieurs jours.

Avec un soupir de lassitude, elle balança ses chaussettes avec le reste de ses vêtements. Puis elle s'enroula dans un tissu grossier à sa disposition et elle passa dans la pièce suivante.

La même chaleur mais cette fois humide. Elle en profita pour faire un premier décrassage, en passant sous une fine cascade d'eau chaude. Cette eau était chauffée par la chaleur des forges et amené dans les étages supérieurs grâce à un astucieux dispositif.

L'eau sur ses pieds abîmés fut douloureux, mais cela passa et fut compensé par l'agréable sensation de l'eau sur son corps. Elle y resta de longues minutes avant de passer dans la pièce principale.

Une pièce encore plus sombre où une épaisse vapeur régnait.

Amarthêl prit place sur une grande pierre polie et s'y étendit. Elle laissa agir la vapeur sur son corps, ramollissant sa peau et dénouant les nœuds de ses muscles.

Elle y serait bien restée plus longtemps, si elle n'avait pas entendu des petites voix dans la pièce précédente. Elle soupira en se relevant et retourna dans la pièce moins chaude.

Deux Naines l'y attendaient. Elle les reconnue immédiatement, car s'étaient-elles qui s'étaient occupées de son confort lors de son précédent séjour. L'une était blonde avec des yeux marron pétillants. L'autre était rousse aux yeux bleus et au visage rond.

- Ma Dame, s'exclamèrent-elles en la voyant arriver vers elles. C'est un honneur de vous servir.

- Je suis ravie de vous revoir, Mesdemoiselles.

Elles la saluèrent.

- On nous a dit que vous aviez fait un long voyage et que vous aviez besoin de repos, dit l'une d'entre-elles.

- Venez. Installez-vous ici, l'invita la blonde vers une zone de la pièce.

- Oh ! Ma Dame ! Vos pieds ! Que vous est-il arrivé ?

La Naine rousse venait de remarquer les orteils meurtris d'Amarthêl.

- Voici ce qui arrive si vous restez trop longtemps dans le froid, expliqua-t-elle.

- Vous devez souffrir. Nous allons nous occuper de vous.

- Détendez-vous.

Amarthêl laissa les jeunes Naines prendre soin d'elle. Avec une douceur extrême, elles la lavèrent, enlevant la saleté que le voyage avait accumulée sur son corps.

Pendant près d'une heure, elle passa entre les mains expertes des jeunes filles. Elle appréciait beaucoup la compagnie de ses jeunes Naines. Leur joie de vivre avait le don de lui enlever tous ses tracas. Bien qu'elle ne parle peu, Amarthêl prenait plaisir à les entendre parler de leur vie et des rumeurs qui circulaient dans la cité.

Une fois entièrement propre jusqu'à la pointe de ses cheveux, qui n'étaient plus le sac de nœuds qu'ils étaient en arrivant, les Naines l'invitèrent à retourner dans les pièces plus chaudes.

Elle passa encore un long moment étendue sur la pierre lisse entourée de vapeur, puis Amarthêl passa dans la dernière salle. Elle était plus petite mais encore plus chaude. La chaleur était telle que la jeune femme s'empressa de s'assoir pour encaisser le changement de température.

Un clapotis d'eau trahissait la présence d'un bassin dans la pénombre de la pièce. Elle se retint de ne pas y plonger de suite. Il lui fallait attendre encore un peu, que la chaleur la fasse bien respirer pour évacuer toutes les mauvaises choses que son corps avait gardé.

Puis n'y tenant plus, elle s'y dirigea.

Elle plongea sa main dans l'eau du bassin. La différence de température était telle, qu'il lui semblait que l'eau - pourtant chaude – était aussi froide que celle d'un torrent. Elle s'y glissa progressivement pour finalement immerger tout son corps. Elle se laissa porter par l'eau et avait l'impression de ne plus rien peser.

Après son bain, elle rejoignit les deux Naines qui l'attendaient dans la première pièce. De douces étoffes lui furent offertes pour qu'elle puisse se sécher. Les jeunes filles étaient toujours aux petits soins avec elle. C'était tellement plaisant de ne pas être considérée comme une curiosité, un phénomène ou une idole. Les jeunes Naines la respectaient juste à un niveau qu'il lui sied le mieux.

Allongée sur un riche tissu, Amarthêl jouissait d'un luxe extrême, avec le délicieux massage à quatre mains qu'elles lui prodiguaient. Toutes les contractures de son corps s'envolèrent et l'huile délicatement parfumée enchantait son âme. Ces Naines avaient vraiment des doigts de fée.

Il n'y avait pas à dire, c'était bel et bien chez les Nains qu'elle bénéficiait d'un tel accueil.

Ce fut avec regret qu'elle quitta les Bains et retourna dans sa chambre, vêtue d'habits propres et sa taille.

Un copieux dîner l'attendait et malgré le sommeil qui l'appeler, Amarthêl prit le temps de déguster son repas.

Repue, elle s'allongea sur le lit et il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour sombrer dans un profond sommeil réparateur et sans rêve.

Elle fut réveillée le lendemain, par un puissant coup à sa porte. Elle prit le temps de s'étrier, puis s'extirpa de son lit, pour aller ouvrir la porte.

- Mes respects, Ma Dame.

C'était Farin.

- Le Roi m'envoie pour dire qu'il est ravi de votre visite et qu'il vous recevra dans une heure.

- Très bien, je serai prête.

- Je viendrai personnellement vous chercher, expliqua l'imposant Nain.

Sans s'attarder, il la salua puis partit. Les discussions avec Farin étaient toujours succinctes, mais elle savait que le soldat la respectait trop pour oser bavarder avec elle. C'était bien une des choses qu'elle n'appréciait pas dans son rôle d'oracle. Les gens la considéraient avec trop révérence.

Amarthêl alluma d'autres chandelles pour lui apporter plus de clarté. On s'était occupé du feu pendant son sommeil et le foyer chauffait sa chambre avec ardeur. Malgré les vêtements à sa disposition, elle préféra remettre ses anciens habits de voyage. Ils avaient été nettoyé, séché et même raccommodé pour certain. C'étaient des habits de bonne facture mais le temps commençait à avoir raison d'eux, contrairement à elle.

Quand l'heure fut venue, Farin vint la chercher. Recouverte de son épais manteau et de son capuchon, elle le suivit jusqu'aux appartements du Roi. Elle ne montrait son visage qu'en de rares occasions et qu'à quelques personnes. A Erebor, les rares qui avaient ce privilège, étaient la famille royale, le chef de la garde Farin, certains conseillers du Roi et les deux jeunes Naines à son service.

Les visites d'Amarthêl étaient toujours imprévues, et jamais elle n'avait souhaité le cérémonial dans la salle du trône. Elle avait toujours demandé à être reçu de manière discrète. Ainsi ce fut dans la salle de travail du Roi qu'elle fut conduite. Une grande table de pierre entourée de chaises de bois sculpté et plusieurs chandeliers en or massif étaient les seuls meubles. Sur la table, nombre de parchemins et livres, ainsi que des caissettes remplies d'or et pierres précieuses.

Le Roi n'était pas encore présent, alors Farin resta avec elle, en l'attendant.

- Comment vont vos fils, Maître Farin ? demanda Amarthêl pour ouvrir la conversation.

- Ils vont bien. Mon ainé s'est marié l'année dernière et son frère courtise une ravissante Naine, répondit fièrement le chef de la garde.

Il avait de quoi l'être, car rare était les Nains qui se mariaient et encore plus rare de pouvoir marier ses deux fils.

- Je suis ravie d'apprendre cela, annonça-t-elle. Je suis certaine que vous aurez de solides petits-fils qui rendront fiers leur famille.

Et elle savait de quoi elle parlait, car plus tard, les quatre petits-enfants de Farin aideront le petit-fils de Thror à récupérer Erebor, des griffes d'un monstre ailé. Mais cela, elle ne pouvait lui dire.

La porte de la salle s'ouvrit à nouveau. Un Nain bedonnant à la barbe finement arrangée et agrémentée de bijoux, entra. Farin baissa la tête sur son passage. Amarthêl, elle, le regarda sous le couvert de son capuchon.

- Dame Amarthêl, annonça fortement le nouveau venu. C'est toujours un plaisir d'avoir votre visite.

Le noble Nain prit délicatement la main de la jeune femme et y déposa un baiser.

- Roi Thror, vous me faites bien trop d'honneur.

Le Roi fit un signe et Farin ainsi que le Nain qui avait accompagné le Roi, sortirent de la pièce.

Thror tenait toujours la main d'Amarthêl entre les siennes. Il avait les yeux pétillants d'envie en la regardant. Il n'osait l'avouer à personne, mais les rares visites de l'oracle étaient pour lui, un grand moment de joie.

D'abord, parce que la jeune femme était ravissante – même aux yeux du Nain – et aussi, parce que son don la rendait aussi précieuse que tout l'or de son trésor. Mais il y avait aussi une chose qu'il appréciait en elle, c'était le fait qu'elle ait connu le grand Durin VI et le faste de la cité de la Moria. A chacune de ses visites, elle lui faisait le plaisir de narrer certains événements du temps passé.

- Que me faut notre rencontre, dit-il en lui rendant sa main.

- Je suis venue pour achever un travail que j'avais commencé lors de ma dernière visite.

Le Roi avait pris place dans son fauteuil richement ouvragé, pendant qu'Amarthêl se mettait à son aise en enlevant son manteau.

Thror ne répondit rien, car il était à la peine à chaque fois elle lui rappelait le funeste destin de sa cité.

- Avez-vous le papier que je vous avais confié ?

Thror soupira en cherchant dans le pan de sa veste, ledit papier.

- J'ignore toujours en quoi un morceau de parchemin vierge pourrait être utile, fit-il remarquer en déposant sur la table l'objet en question, ainsi qu'une grosse clé.

- Ce parchemin n'est pas totalement vierge vous le savez. Seules les personnes compétentes pourront le lire lorsque le temps sera venu. Mais j'avoue que vu comme cela, ce papier n'a pas grande valeur. Je suis donc venue pour le compléter et lui donner son caractère définitif.

Amarthêl prit également place à la table et déplia entièrement le parchemin.

- Ceci sera le seul et unique moyen pour votre petit-fils de retrouver son chemin vers Erebor, expliqua-t-elle.

- Une carte ? Voilà ce que vous allez en faire ?

- Je vois que vous comprenez, Roi Thror, lui répondit-elle amusée.

Le Nain souri sous sa barbe et seuls ses yeux indiquaient à Amarthêl qu'il était satisfait.

- Vous avez du travail qui vous attend, reprit-il en se levant. Je vais vous laisser à votre labeur. Vous avez tout à votre disposition.

- Je vous remercie.

Le Roi se dirigea vers la porte, mais avant de sortir, il lui lança :

- Je vous convie à dîner avec nous ce soir, Dame Amarthêl.

- Ce sera avec plaisir, Roi Thror, accepta–t-elle.

- Nous aurons plus à loisir de discuter.

La lourde porte se referma et Amarthêl se retrouva seule.

Elle s'attela sans plus tarder, à sa tâche. Elle s'installa confortablement et pour cela, elle défit la boucle de ma ceinture qui maintenait son épée. Même si Erebor était sûre, elle ne quittait que très rarement son arme.

Elle se retroussa les manches et prit une plume et de l'encre présentes sur la table. Puis d'un geste précis et assuré, elle traça les premières lignes de ce qui sera l'unique moyen de pénétrer dans la Montagne Solitaire, lorsque le dragon doré aura pris résidence à l'intérieur.

Alors que le calme régnait depuis plusieurs heures dans la salle de travail du Roi Thror, la porte s'ouvrit et se referma presque aussitôt. Amarthêl intriguée, regarda son visiteur.

Adossé à la porte, un adorable petit garçon tentait de reprendre son souffle. Il ne semblait pas l'avoir remarqué et il fut grandement surprit lorsqu'il la vit.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-il sur la défensive.

- Bonjour, je suis une invitée du Roi, répondit-elle d'un ton aimable.

Le petit Nain s'approcha alors d'elle. Il paraissait suspicieux à son encontre, car jamais encore il n'avait rencontré de Grandes Gens à l'intérieur d'Erebor.

Amarthêl était attendrie. Elle pensa qu'il devait être en train de jouer et qu'il avait trouvé une cachette derrière cette porte. Un futur guerrier avec sa petite épée en bois, adaptée à sa taille.

- Vous connaissez mon grand-père ?

- Oui, bien sûr. Mais dis-moi, ne serais-tu pas Thorin ?

- Vous… vous connaissez mon nom ? rétorqua-t-il surprit.

- Oui. Je t'ai vu alors que tu n'étais qu'un nouveau-né. Tu n'as pas à avoir peur de moi, le rassura-t-elle.

Le Prince fini de s'approchait d'elle et il put entièrement la voir à la lueur des chandeliers. Son visage changea radicalement.

- Ouah ! s'exclama-t-il. Êtes-vous une de ces fées qui vivent dans la Grande Forêt par-delà le Lac ?

Amarthêl fut étonnée de sa réplique.

- Non, je ne suis pas une Elfe, regardes, dit-elle en lui découvrant ses oreilles. Qu'est-ce qui t'a fait croire que j'en été une ?

Le petit Nain était maintenant tout gêné.

- C'est… c'est parce que vous êtes très belle, déclara-t-il.

Amarthêl ne put retenir un petit rire, mais elle était en même temps troublée car elle savait que les Nains ne tombaient amoureux qu'une seule fois dans leur vie. Thorin était encore très jeune et elle se dit que cela ne comptait pas.

- C'est très gentil ce que tu me dis.

- Vous vous appelez comment ?

- J'ai de nombreux noms, mais pour toi je serai…, elle réfléchit un instant puis continua, Irima.

- C'est joli.

- Merci. Dans une ancienne langue des Elfes, cela signifie « belle ».

- Ah, vous voyez que vous êtes une Elfe, puisque vous parlez leur langue, répliqua le jeune Nain.

- Je connais beaucoup de langage, mais ce n'est pas pour ça que je suis de leur peuple.

Thorin, comme tous les enfants de son âge, changea radicalement de sujet de conversation.

- Qu'est-ce que vous faites ? questionna–t-il en essayant de regarder sur la table.

Amarthêl était confuse. Cette carte devait rester secrète et n'être dévoilé à Thorin que dans bon nombre d'années. Mais en y réfléchissant bien, elle avait vu dans ses visions qu'il découvrait la carte que lorsque le Magicien la lui donnera.

Alors elle invita le jeune Prince à venir à côté d'elle.

- Ceci est une carte, expliqua-t-elle.

Thorin lui posa beaucoup de question dessus, mais c'étaient des questions d'enfants qui n'avaient pas vraiment d'intérêt.

Elle continua de travailler pendant qu'ils discutaient. Thorin était debout sur une des chaises et presque allongé sur la table. Il observait la main tracer les lignes de sa Montagne. Puis Amarthêl sentit le regard du Prince sur elle.

- Vous n'avez pas de barbe… mais vous avez des cheveux aussi jolis que ceux de ma maman.

Elle arrêta sa plume pour regarder le garçon, et fixer ses yeux d'un bleu profond. Ils restèrent ainsi un instant qui pour elle dura une éternité, car elle se sentit partir. Une vision scélérate.

Elle voyait le petit garçon devant elle, mais il était adulte. Un Nain fort et de grande taille. Mais son regard était devenu sombre. Elle y vit également un baiser enflammé et d'autres choses qu'elle aurait préféré ne pas savoir.

- Irima ! Irima ! Que vous arrive-t-il ?

Amarthêl reprit conscience, estomaquée par sa vision.

Thorin lui avait rattrapé le bras et le secouait vigoureusement.

Elle le rassura, mais il semblait ne pas croire en son explication.

Ce fut à ce moment, qu'une nouvelle personne entra dans la salle. Une Naine, visiblement la nourrice, car elle fut soulagé de retrouver Thorin. Le garnement avait réussi à se soustraire à sa vigilance.

Après moult excuses, la nourrice récupéra Thorin et sortit de la pièce.

A nouveau seule, Amarthêl replongea dans les images de sa vision. Involontairement, elle porta ses doigts à sa bouche. Le souvenir du baiser était fort et l'avait perturbé.

Non, elle ne voulait pas revivre cela. Elle se prit la tête entre les mains. Elle connaissait le destin de Thorin, et encore une fois, Mandos avait décidé de la faire souffrir.

« Maudit Vala ! » pensa-t-elle.

Ce soir venu, la carte fut achevée. Elle la garda précieusement sur elle, ainsi que la clé, en attendant de confier le tout à Thror.

Comme il en fut convenu, elle dîna en compagnie de Roi, de son fils et de quelques proches conseillers.

Elle ne parla pas beaucoup, et uniquement pour répondre aux questions.

Amarthêl n'était pas à son aise. En face d'elle, le fils de Thror, Thrain, le père de Thorin. Le Prince borgne ne l'appréciait guère pour de multiples raisons et durant tout le repas, elle sentit son regard courroucé.

Le repas gargantuesque s'acheva par un récit d'Amarthêl sur les exploits de Durin VI, comme aimait les entendre Thror.

Ce fut avec soulagement qu'elle rejoignit sa chambre.

Elle resta quelques jours encore aux côtés du Roi. Puis, lorsque les instructions sur l'usage de la carte furent transmises, elle décida de reprendre la route.

Néanmoins, avant de partir, elle voulut parler une dernière fois avec le jeune Prince. C'était un Nain plein de vie, qui aimait rendre folle sa nourrice. Amarthêl savait précisément où le trouver.

- Irima, c'est vous ? cria Thorin tout en joie.

- Bonjour Thorin.

Amarthêl se baissa à son niveau.

- Je suis venue te dire au revoir.

- Vous partez déjà, dit-il déçu.

- Oui, malheureusement. Thorin, j'ai quelque chose à te dire.

Le jeune Prince acquiesça.

- Je suis une personne peu ordinaire et ce que je vais te dire te semblera étrange, mais je veux que tu entendes mes mots. Tu n'as pas besoin de t'en souvenir. Tu dois juste savoir que même si je suis loin de toi, tu n'auras qu'à fermer les yeux pour me revoir.

Thorin se sentit hypnotisé par les yeux bleu-gris de l'oracle. Il l'écoutait mais son esprit état ailleurs.

- Prince d'Erebor, écoutes-moi…

§

« Peu importe le nombre des années,

Peu importe le nombre des alliés,

Le chemin du Roi est écrit.

Le joyau scintillant manipulera,

Cris, pleurs, joie on entendra,

Éphémère règne promis. »

- Que dois-je comprendre ? demanda Thorin.

- La seule chose importante à savoir est que tu n'as pas à douter, le rassura Azruphel. Avances droit devant toi et suis ton instinct. Tu feras des erreurs qui couteront chères, mais elles seront nécessaires.

Des erreurs ? Mais quelles erreurs allait-il faire ?

Thorin n'acceptait pas de savoir qu'il allait commettre des fautes. Il était le chef de la compagnie et encore important, le Souverain des Nains des Montagnes Bleues. Il était impensable pour lui, d'avoir des défauts et de peut-être trahir la confiance de ses amis.

Il regarda Azruphel, mais elle ne sembla pas vouloir lui en dire plus.

Elle fixait le vide, perdue dans ses pensées et ses souvenirs.


Alors?

Ça vous a plu? Comment avez-vous trouvé le petit Thorin?

une review...

Le prochain chapitre sera le dernier avant la pause et la suite des chapitres Flashbacks.


Qui est Farin?

Il est le grand-père commun à Balin, Dwalin, Oin et Gloin.

Pour les Bains, vous aurez remarqué que je me suis inspirée des Hammam (j'adore trop :) donc l'idée m'est venue toute seule)

A bientôt

Biz

Sacrok