Bonjour à tous,
Nouveau petit chapitre, toujours centré sur les aventure d'Azru avec les Nains de la Moria : "La colère de l'oracle"
Je n'ai pas grand chose à vous dire sur ce chapitre, alors je vous souhaite juste une bonne lecture.
Merci à Julindy et Venin du Basilik pour leur review.
Amarthêl, embarrassée par cet aveu, se leva pour fermer correctement le battant. Elle constata en même temps qu'aucun garde ne la surveillait.
Mais avant de clore la porte, elle observa celui qui venait de partir. Même s'il était devenu que l'ombre de lui-même, il restait un nain au charisme indéniable.
- Oh Prince Thalin, pardonnez-moi. J'ignorais tout cela, murmura-t-elle troublée.
Durant les quelques jours qu'elle passa dans la Moria, Amarthêl n'eut pas l'occasion de revoir le Prince Thalin. Elle ne chercha pas à savoir où il était car elle se doutait qu'il n'oserait plus se montrer devant elle après cette révélation.
Amarthêl ne chercha pas non plus dans ses visions à connaitre la suite des événements concernant Thalin. Mais elle était perturbée. Elle n'avait jamais entendu de récits relatant un rapprochement entre un nain et une humaine. Cela avait-il déjà existé ? N'est-ce pas contre nature ?
Néanmoins elle ne laissa pas paraitre le moindre trouble et fut chaleureusement reçu par le Roi Narvi et son petit-fils Durin. Le jeune nain, âgé d'une petite trentaine d'années, était déjà d'une belle carrure. Il avait hérité de son père sa grande taille et de sa mère une chevelure blonde dorée. Toujours collé à son grand-père, il avait montré beaucoup de curiosité envers l'oracle. C'était la première fois qu'il voyait une autre race, car Narvi ne l'autorisait pas à sortir en dehors de la cité et plus aucuns Elfes ne traversaient la Moria.
« Pas avant ses quarante ans » avait dit la Roi, qui jouait véritablement le rôle du père pour Durin. Il était bien trop précieux pour que les Nains prennent le risque de le perdre dans une quelconque escarmouche. Mais le jeune nain ne semblait pas très intéressé par le monde extérieur.
Amarthêl comprit la peine que pouvait ressentir Thalin. Il avait perdu sa femme - même si il ne semblait pas lui avoir pas donné son cœur - il ne voyait plus son fils qui ne le considérait pas comme une figure paternel. Et il était directement exclu du rang d'héritier au trône de Khazad-dûm.
Mais personne ne lui parla du Prince Thalin, comme si il n'existait plus ou ne comptait plus parmi les personnes importantes du royaume. Cela était bien dommage et intérieurement elle se jura de faire changer les choses. A savoir, redonner une place notable à Thalin et faire en sorte que père et fils se retrouvent.
Lorsqu'elle quitta la Moria, elle promit de revenir quatre ans plus tard. Narvi, qui avait une grande confiance en l'oracle, avait fortement insisté pour qu'elle accompagne le Prince Durin lors de sa première expédition à l'extérieur des Montagnes. Elle accepta volontiers.
§
Durant ces quatre années, Amarthêl sillonna du Sud au Nord les Monts Brumeux. Elle observa le comportement des Gobelins qui, depuis Gundabad, colonisaient chaque grotte, caverne et excavation de la chaîne montagneuse. L'influence néfaste d'Angmar se rependait petit à petit dans les territoires libres ou qui n'opposaient que peu de résistance. Elle pensait avoir laissé derrière elle les conflits des Hommes, mais la même menace semblait la suivre.
Finalement, serait-elle porteuse de malheur ? Cette idée ne partit jamais de son esprit.
§
Au printemps de l'année 1777 du Troisième Age, l'oracle se présenta devant la porte Ouest de la Moria qui témoignait de l'amitié qui avait existé jadis entre les Nains de Khazad-dûm et les Elfes de l'Eregion.
Accompagnée, elle fut conduite jusqu'au Roi.
La fête battait son plein. La grande salle de réception était pleine à craquer. Vin, bière, sangliers et oies sauvages composaient le banquet. L'ambiance était chaleureuse et festive. Toujours escortée par deux gardes, Amarthêl traversa la salle en prenant garde à éviter les jets de nourriture qui fusaient d'une table à une autre. Le brouhaha ambiant agressait les oreilles de l'oracle qui avait passé les quatre dernières années dans la quasi solitude. L'heure étant tardive, l'ivresse avait atteint une bonne partie des convives. De cette façon elle put presque passer inaperçue. Cela était relativement rare en temps normal, en raison de sa grande taille.
A mi-chemin elle observa la table royale vers laquelle elle se dirigeait. Le Roi Narvi, imposant sur son trône massif, présidait la réception. A sa gauche, son épouse, discrète et renfermée. Tout naturellement le Prince Durin était assis à la droite du roi. Sa position d'héritier direct était ainsi bien visible aux yeux de tous.
A cette même tablée, des cousins et neveux, généraux et conseillers, tous festoyaient avec appétit et personne n'avait remarqué la présence de l'oracle.
Mais parmi cette royale assemblée, une personne ne semblait pas se réjouir autant que les autres. Une stature fixe et rigide tranchait au milieu des convives enivrés. Un regard sombre et haineux était bien le seul à avoir aperçu la silhouette encapuchonnée qui cheminait vers eux. Il n'avait eu aucun mal à reconnaitre cette silhouette qui dépassait allégrement tous les Nains qu'elle croisait. Il se raidit plus qu'il ne l'était déjà.
- Ah, mon amie ! Vous voilà enfin ! s'exclama de sa voix grave Narvi lorsqu'il remarqua sa présence.
Elle s'inclina devant lui.
Tout guilleret, Narvi se précipita vers l'oracle et d'un geste brutal la serra dans ses énormes bras. Amarthêl fut gênée par sa démarche et l'odeur de l'alcool lui monta au nez.
- Venez manger avec nous, proposa-t-il en la lâchant.
- Merci Roi Narvi, mais je préférerai me reposer, s'excusa-t-elle.
- Allons. Partagez ce festin en notre compagnie. Vous n'avez que la peau sur vos os. Vous faites peine à voir.
Il était vrai qu'elle n'était guère rondelette comparée aux naines. Sa vie dans les Monts n'avait été faite que de maigres repas et cela se voyait sur le tour de sa taille. Déconcertée elle se laissa mener par Narvi jusqu'à la table. Elle prit soin d'éviter de croiser le regard du Prince Thalin, histoire de ne pas lui rajouter de l'embarras. Sans qu'elle s'en rende compte, l'épouse de Narvi avait quitté la table, ce qui lui laissait une place libre.
Enivré et joyeux, Narvi rempli l'assiette de l'oracle d'une quantité faramineuse de viande et purée. Il fit de même pour son verre. Amarthêl, pour ne pas contrarier le roi, accepta de grignoter un peu.
- Nous vous attendions plus tôt, lança le Prince Durin sur un ton un peu sec.
- Sachez Prince, que je n'ai pas pour habitude d'arriver en retard, ni même en avance. J'arrive précisément à l'heure qu'il faut, répondit-elle en se penchant sur la table pour mieux le voir.
Elle afficha un léger sourire en coin montrant qu'elle n'était pas contrariée par sa remarque. Cela eu pour effet de calmer Durin qui sourit à son tour.
- En tout cas, je n'aurais pour rien au monde manqué votre anniversaire. Alors je vous souhaite un très bon anniversaire, Prince Durin, déclara-t-elle en tendant son verre vers lui.
Toute la tablée profita de sa déclaration pour boire une nouvelle tournée de bière, et la soirée continua ainsi jusqu'à tard dans la nuit.
§
Le lendemain, pas très fraîche, Amarthêl intégra le groupe de soldats qui allait accompagner le Prince à l'extérieur de la Moria. La jeune femme trouva le dispositif exagéré : vingt guerriers en armure et munis d'armes toutes plus tranchantes que les autres. Il n'aurait tenu qu'à elle, elle serait allée seule avec Durin.
Elle ne comprenait pas pourquoi Narvi protégeait à ce point son petit-fils. Durin n'était pourtant pas fait de sucre. Son héritage faisait de lui le nain le plus puissant de sa génération, mais aux yeux du Roi il demeurait l'équivalent d'un diamant d'une grande pureté que l'on se devait de garder sous clé. Narvi n'ignorait pourtant pas que les diamants sont des gemmes indestructibles et Durin était exactement cela.
- Avez-vous déjà senti la fraicheur d'une averse de printemps sur votre visage, Prince Durin ? demanda Amarthêl en arrivant dans le dos de l'héritier.
Le Prince se retourna prestement vers l'oracle. Il semblait quelque peu angoissé.
- Non, je n'ai jamais eu l'occasion, répondit-il.
- Ni le souffle du vent dans vos cheveux ?
- Non plus. Ce sont des choses dont j'ignorais presque l'existence et je vous avouerai qu'elles ne m'attirent pas plus que cela.
L'oracle ne releva pas son manque d'attrait pour l'extérieur et passa son chemin. Elle arriva au niveau de Narvi qui était en train de donner ses dernières consignes au responsable de la troupe.
- Confirmez-moi qu'il n'aura pas d'incident durant cette sortie, supplia le Roi.
Amarthêl fut surprise par la peur qu'elle put lire dans les yeux de Narvi. Bon sang ! Elle n'aurait jamais cru voir ce sentiment chez cette race.
- Il ne passera rien je vous l'assure. J'ai nettoyé la zone avant mon arrivée. Vous pouvez vous détendre jusqu'à notre retour.
Le Roi soupira mi de réconfort mi de résignation.
- D'ailleurs j'aimerai que vous m'autorisez de poursuivre la sortie jusqu'au matin.
- Hors de question ! se rebiffa Narvi sévèrement. Il devra être rentré avant que la nuit tombe.
Cette fois ce fut au tour de l'oracle de soupirer. La peur de Narvi était disproportionnée et il était arrivé à la transmettre à son petit-fils. Elle ne cacha pas son mécontentement, et avec un regard froid elle rabattit son capuchon puis se dirigea vers la porte.
La grande porte de pierre s'ouvrit devant elle, laissant d'engouffrer une rafale de vent à l'intérieur de la montagne. Énervée, elle prit sur elle pour ne pas secouer un grand coup ce Roi qui perdait l'esprit. Elle attendit sur une roche à l'extérieur que la troupe se décide enfin à partir.
Dans un tintamarre digne des Nains, le convoi princier se mit en route. S'est excédée qu'elle suivit à l'arrière.
Tout ceci n'était qu'une mascarade. Comment le Prince pouvait apprécier sa première sortie lorsque la seule chose qu'il entendait était le pas lourd de ses soldats ? Comment pouvait-il apprécier le paysage lorsque le seul but était d'aller d'un point A à un point B pour finalement revenir au point A ?
A aucun moment elle ne vit le Prince lever le nez de ses bottes. Résignée elle continua la mission qu'elle avait accepté, à savoir accompagner Durin lors de sa première sortie.
Le soleil n'était pas encore passé derrière les montagnes que le convoi fut de retour. Quatre heures tout au plus, voilà le temps que cela avait duré. Quatre heures pour quarante années passées sous terre.
A croire que Narvi était resté sur le pas de la porte à attendre le retour de son petit-fils, car ce fut lui qui accueilli la troupe à son arrivée. Les soldats se dispersèrent dans les galeries alentours, tandis que le Roi serrait Durin dans ses bras. Pensait-il sincèrement que sa vie avait été en danger ?
- Comment cela s'est passé ? Tu vas bien ? Il ne t'est rien arrivé ? questionna Narvi.
- Non, tout c'est bien déroulé. Nous avons marché dans la montagne puis nous somme revenu, expliqua le Prince. Mais je n'ai pas trouvé cela très passionnant.
Amarthêl, qui était restée dans l'encadrement de la grande porte, entendait parfaitement la discussion. Bien sûr que cela n'avait pas été passionnant, même elle était de cet avis. Mais comment cela aurait pu en être autrement ?
- Bien, conclut Narvi. Au moins tu as vu de quoi est fait l'extérieur. Ainsi est le monde dehors. Et je peux t'assurer que rien de bon ne t'y attend.
- ROI NARVI ! tonna une voix puissante qui résonna comme un écho dans la galerie.
Narvi, Durin ainsi que chaque nain présent, tous se retournèrent vers la source de ce cri. La silhouette encapuchonnée de l'oracle se dessinait telle une ombre auréolée de lumière. Jamais l'oracle n'avait prononcé un mot plus haut que l'autre et ils n'étaient pas certains que ce soit vraiment elle qui ait crié.
Cela avait été la phrase de trop pour Amarthêl.
- Comment osez-vous dire une telle chose ? gronda-t-elle.
Ils étaient dorénavant sûrs que c'était bien l'oracle qui avait parlé. Elle marcha d'une allure menaçante vers le Roi et le Prince.
- Pensez-vous sincèrement ce que vous venez dire ? Pensez-vous réellement que tout ce qui vient de l'extérieur est mauvais ? Mauvais pour qui ? continua-t-elle à rugir tout en marchant.
Elle semblait être dans une rage folle. Sa menace fit réagir des soldats qui accoururent pour protéger les nobles. Mais Amarthêl ne leur prêta pas attention et continua.
- Expliquez-moi le fond de votre pensée, Roi Narvi.
Une rangée de nains armés se forma face à l'oracle, la pointe de leur lance en direction de l'humaine. Elle continua d'avancer jusqu'à venir toucher plusieurs lances avec son corps. Elle exerça une forte pression pour tester la solidité de la muraille qui ne flancha que lorsque quelques gouttes de sang perlèrent de sa chemise.
- Suis-je quelqu'un de mauvais pour vous ? dit-elle en découvrant sa tête.
Le regard noir de l'oracle figea Narvi. Jamais il ne l'avais vu dans un état pareil.
Durin, quant à lui, fut impressionné par le courage de l'humaine à parler aussi rudement à son grand-père et à ne pas montrer de peur face aux lances aiguisées.
- Votre silence parle à votre place. Vous me décevez, finit-elle par dire d'un ton navré.
Elle s'éloigna des armes dont le bout était teinté de carmin.
- Ignorez le monde extérieur si cela vous chante, mais je peux vous dire que le monde extérieur, lui, ne vous ignorera pas.
Sur ces paroles, l'oracle tourna les talons et s'en alla vers la sortie.
- Attendez, s'écria Durin.
Le Prince accourut vers l'oracle, se plaça face à elle et l'obligea à s'arrêter.
- Sous entendez-vous qu'une guerre est à prévoir ?
Elle resta muette, le regard fixé vers la lumière extérieure qui décroissait progressivement.
- S'il vous plait, répondez. Vous êtes ma seule source d'information de l'extérieur. Et je sens que votre aide me sera d'une grande utilité plus tard, plaida Durin. Si nous devons faire face à une menace de dehors, alors je vous prie de me le dire.
- Mais ne sachez-vous donc pas que votre peuple est déjà en guerre, céda-t-elle en parlant d'un ton plus convenable.
- Vous parlez des Gobelins qui errent dans les montagnes ?
- Ceux-là même.
- Mais ils ne sont pas une grande menace. Ils sont trop faibles et peu nombreux.
- Pour le moment, oui.
A cet instant le Prince Durin, malgré son jeune âge, parut empli de sagesse.
- Les vaincrons-nous ?
- La question n'est pas de savoir si vous vaincrez, car le bien fini toujours par gagner. Mais demandez-vous si votre peuple prospèrera, si vous arriverez à le rendre heureux malgré la mort qui planera au-dessus de vous.
- Ce que vous dites ne me rassure guère, s'attrista le Prince.
- Mon rôle n'est pas toujours d'apporter des bonnes nouvelles. Votre père pourrait vous en attester.
Durin, sous sa lourde armure, semblait s'être chargé d'un énorme fardeau. Le poids de la responsabilité de la couronne qui signifiait, en fin de compte, avoir beaucoup plus de devoirs que de droits.
- Je crains le monde extérieur, avoua à mi mot l'héritier.
- Il est normal de craindre ce que l'on ne connait pas. Mais comment pourrez-vous défendre votre royaume si vous ne connaissez pas chaque pierre, chaque monticule, chaque vallée et chaque cime qui constituent vos montagnes? Je ne parle pas de ces montagnes de joyaux que vous empilez dans vos souterrains. Je parle de la roche qui s'étend au-dessus de vos têtes, car bien avant que des combats ne se déroulent en ces lieux, vous devrez vous battre à l'extérieur. Une connaissance approfondie de la topologie de l'ensemble de votre royaume est un élément capital dont vous aurez grandement besoin.
Le Prince se tourna vers la porte toujours grande ouverte.
- J'entends ce que vous dites et je prends vos paroles comme étant remplies de vérité. M'aiderez-vous à comprendre ce monde et à en connaitre chaque détail ? la sollicita-t-il.
L'oracle se radoucit en voyant que le Prince brisait de lui-même le carcan dans lequel Narvi l'avait enfermé.
- Je me ferai une joie de répondre à vos questions et à vous ouvrir les yeux sur les beautés qui vivent de l'autre côté de cette porte, dit-elle en montrant la trouée. Car il ne faut pas croire que seul le mal réside dehors. Et sachez que le fléau qui vous vaincra ne viendra pas de l'extérieur mais des profondeurs de la terre.
Ce fut sur ces paroles à la fois rassurantes et pessimistes que l'oracle passa pour de bon la porte dont les portes se refermèrent derrière, plongeant ainsi dans l'obscurité les galeries de Khazad-dûm.
J'ai voulu une fin assez abrupte pour montrer l'effet de la dernière phrase d'Azru sur Durin.
A bientôt.
Biz
Sacrok
