Bonjour à tous,
Nouveau chapitre : "Conclusion trop hâtive"
J'ai écris ce chapitre en deux jours. Il est un peu plus long que les précédents. En fait, il est composé de deux parties : une ciblée sur Durin et la seconde sur Thalin. J'aurais voulu que ce soit plus court mais je ne suis étalée. Bon, je ne pense pas que cela vous dérange, mais j'avais prévu de ne faire que 3 - 4 chapitres sur la période "Moria-Durin". J'en suis déjà à 4 et je suis loin d'avoir fini. Je suis pas prête de reprendre mon histoire là où je l'ai laissé chapitre 28, sachant que j'ai encore plein de choses à vous raconter avant.
Je vous souhaite une bonne lecture.
Merci à Venin du Basilik, Julindy, SchottishBloodyMary, BibiCool360 et La plume d'Elena pour leur review.
- Je me ferai une joie de répondre à vos questions et à vous ouvrir les yeux sur les beautés qui vivent de l'autre côté de cette porte, dit-elle en montrant la trouée. Car il ne faut pas croire que seul le mal réside dehors. Et sachez que le fléau qui vous vaincra ne viendra pas de l'extérieur mais des profondeurs de la terre.
Ce fut sur ces paroles à la fois rassurantes et pessimistes que l'oracle passa pour de bon la porte dont les portes se refermèrent derrière, plongeant ainsi dans l'obscurité les galeries de Khazad-dûm.
Un rire puissant résonna dans toute la vallée. Ce n'était pas un rire forcé, mais un élan du cœur.
- Il essaya de se relever mais à chaque fois une vague venait le faucher, raconta une voix féminine tout en rigolant. Il finit par rejoindre la berge trempé jusqu'aux os, la bouche remplie de sable.
Le rire reprit de plus belle.
- La tentative de séduction de cet homme est tombée à l'eau, continua celui qui esclaffait de nouveau.
- Prince Durin, j'ignorai que vous vous y connaissiez en humour.
Ils continuèrent dans un fou rire jusqu'à réussir à se calmer.
- Arrêtons nous ici pour ce soir, proposa la jeune femme encore toute riante.
Le petit groupe s'installa sous un éperon rocheux à l'abri du vent et d'une éventuelle pluie. Les quatre nains et l'humaine formaient une troupe fort peu commune.
- Mon amie, vos histoires sont incroyables, s'exclama le jeune nain. Vous avez vécu et vu des choses à la fois fabuleuses et effroyables. Comme j'aimerai pouvoir admirer ces cités et ces paysages grandioses que vous me décrivez.
- Mais vous pouvez le faire. Profitez de votre jeunesse, répondit-elle en posant son paquetage. Tant que votre grand-père règne, il n'y a rien qui vous oblige à vous enfermer dans la Moria.
Il ne répondit rien mais son regard était rêveur.
- Apprenez à connaitre vos montagnes avant, et un jour je vous emmènerai avec moi vers l'Est. Mais pour l'heure, préparons un bon repas chaud !
Cela faisait cinq jours que le petit groupe avait quitté la sécurité de Khazad-dûm.
Amarthêl, malgré la relation désormais glaciale entre elle et le Roi Narvi, était revenue quelques mois plus tard. Elle n'avait eu aucunes difficultés à convaincre le Prince Durin de l'accompagner à l'extérieur. Et cette fois-ci sans escorte démesurée. Trois solides guerriers nains s'étaient joints à eux pour assurer la sécurité du jeune prince et c'était le strict nécessaire.
Pour la première « véritable » sortie du prince, Amarthêl avait prévu de se rendre de la porte Ouest à la porte Est, mais en passant par-dessus les montagnes. Un voyage qui durerait deux semaines. Voilà une riche expérience pour Durin habitué à vivre dans le confort et l'oisiveté. Mais comme tout bon Nain, il s'adapta rapidement et jamais il ne se plaignit des conditions. Il fallait dire que l'oracle prenait à cœur à l'instruire sur la géographie, la faune, la flore de la région qu'ils traversaient. L'attitude de Durin avait quelque peu troublée l'oracle car il se montrait ignorant de choses aussi communes que la pluie, les nuages mais aussi la lumière des astres.
Le prince retenait chaque leçon et avait développé une curiosité du monde extérieur, chose qui lui faisait défaut auparavant. De ce fait il avait poussé l'oracle à lui parler du reste de la Terre du Milieu, des autres royaumes, des autres montagnes, des autres peuples. La curiosité de Durin avait forcé la jeune femme à raconter des événements personnels de sa propre vie. Mais elle cacha tout de même certains détails au jeune prince.
- J'aimerai également voir cette mer dont vous m'avez parlé, dit Durin. Cette immense étendue d'eau m'intrigue.
- La mer n'est pourtant pas le milieu où excellent les Nains, mais si nous en avons l'occasion je vous y conduirai avec plaisir, confirma-t-elle.
Satisfait, Durin prit l'initiative de préparer le feu de camp lorsqu'un des soldats revint les bras chargés de bois. Amarthêl, quant à elle, commença à vider les petits gibiers chassés durant leur journée de marche.
La soirée se déroula chaleureusement et l'oracle, qui avait parlé toute la journée, laissa le soin à l'un des guerriers de conter d'anciennes légendes naines. Puis à tour de rôle, ils prirent leur tour de garde et la nuit passa paisiblement.
Au petit matin, Amarthêl prit à part le gradé et lui conseilla d'être particulièrement attentif de ce jour-ci. Le message circula jusqu'aux deux autres soldats, sans que Durin soit mis au courant. Il était inutile de le prévenir car cela l'aurait inquiété plus que de raison.
La matinée se déroula à l'identique, mais l'oracle orienta la conversation sur un sujet qu'ils n'avaient encore jamais abordé.
- Avez-vous déjà tué, Prince Durin ? questionna-t-elle de but en blanc.
- …tué ? répéta-t-il hésitant.
- Vous avez eu une éducation militaire j'imagine. On vous a enseigné le maniement des armes et les techniques de combats ?
- Oui, bien sûr. J'ai eu d'excellents professeurs.
- Mais vous n'avez jamais pu mettre à l'épreuve vos capacités offensives ?
- Face à un vrai ennemi vous voulez dire ?
- Oui. Un Gobelin par exemple.
- Non, jamais, répondit-il honteusement.
L'oracle arrêta la marche avant d'arriver en haut du col qu'ils gravissaient depuis deux bonnes heures. Elle fit un signe au gradé et aussitôt les trois guerriers, armes à la main, franchirent les derniers mètres jusqu'au col. Durin regarda étrangement leurs manœuvres.
- Quelle est votre arme favorite, Prince Durin ? demanda l'oracle tout en sortant sa propre lame.
Elle avait murmuré sa question.
- La hache, évidemment, confirma-t-il sur le même ton.
- Et bien, sortez là. Vous allez me montrer comment vous vous en servez.
Puis elle rejoignit les soldats et Durin resta coi devant l'évidence de ce qui allait se dérouler. Mais il ne trembla pas et avec tout son courage il se saisit de sa hache puis marcha jusqu'au col.
Allongés à même le sol pour éviter de se faire repérer, ils observèrent. L'autre versant du col était du côté Nord et donc constamment plongé dans l'ombre. Cela en faisait un repère plaisant pour les immondes Gobelins, et avec les nuages permanent dans ces hauteurs ils n'avaient pas trop de soucis pour sortir en plein jour.
- Ils sont une trentaine, pas plus, annonça en chuchotant le gradé.
- Ce sont des éclaireurs. Ils viennent inspecter chaque recoin des monts dans le but de trouver des cavernes accueillantes, expliqua l'oracle. Ils n'opposeront pas beaucoup de résistance.
- Comment allons-nous opérer ? questionna Durin.
- Nouvelle leçon pour vous aujourd'hui, murmura-t-elle. Attaquer de front ne serait pas judicieux car la distance est trop grande et ils nous verront arriver.
Rompue aux batailles en tout genre, Amarthêl prit la décision sur la tactique qu'ils allaient employer. Grâce à ses connaissances du terrain et à son expérience, leur victoire sur l'ennemi fut rapide. Durin expérimenta pour la première fois la mise à mort d'un ennemi. L'oracle avait constamment gardé un œil sur l'héritier et elle fut grandement rassurée de voir que malgré son inexpérience il n'avait pas hésité une seconde à agir.
- Vous avez le combat dans le sang, Prince Durin. Je pourrais vous confier mes arrières sans hésitation.
- Je préférerai attendre encore quelques années avant que vous me confiez cette tâche, mais je vous remercie pour votre confiance.
Ce fut ainsi que Durin et Amarthêl établirent une amitié sincère et cordiale.
Par la suite, ils rencontrèrent deux autres patrouilles de Gobelins et ils finirent par arriver comme convenu à la porte Est.
- Quelle est cette forêt qui s'étend par au-delà des Monts ? demanda Durin lorsqu'ils étaient encore en hauteur.
- Ce sont les bois du Lórinand, royaume elfique du Roi Amroth, expliqua Amarthêl avec une pointe de nostalgie.
Durin le remarqua.
- Vous semblez attristée à cette évocation. Y avez-vous vécu ?
- Oui j'y ai séjourné pendant de très nombreuses années, mais je ne dirai pas que je suis triste. Je suis plutôt mélancolique en y pensant. C'est un endroit qui m'est particulièrement cher et c'est un lieu où règne la paix. J'aimerai pouvoir m'y cacher, loin des conflits.
- Vous avez vécu plus de combats que je ne connaitrai jamais. De ce que j'ai pu en voir je comprends parfaitement votre aspiration à la paix.
- Vous êtes sage malgré votre jeune âge, mais sachez qu'il ne suffit pas de vouloir la paix pour l'avoir. Il vaut également œuvrer à son maintien.
Ce fut une nouvelle leçon pour Durin et bien d'autres suivirent par la suite.
A leur retour à Khazad-dûm, nulle trace de Narvi comme cela avait été le cas la première fois. La colère de l'oracle avait obligé le Roi à se modérer sur son attitude protectrice envers son petit-fils. Amarthêl aurait cru que cette tache se serait révélée plus ardue mais il n'en fut rien, tout comme le fait de développer l'intérêt de Durin au monde extérieur.
En fait, il lui restait encore une épreuve à surmonter et celle-ci concernait le père de Durin.
Thalin.
§
Le cas de Thalin était complexe. D'une part, elle devait se rapprocher de lui pour pouvoir agir. Mais depuis son aveu, le Prince mettait tout en œuvre pour l'éviter.
Amarthêl décida d'adopter la même technique que pour les chevaux traumatisés. La comparaison n'était pas flatteuse mais devant le caractère buté du nain elle n'avait pas d'autre solution.
Pour cela elle allait avoir besoin de temps et de patience. Ce ne serait pas elle qui agirait, et tout ce qu'elle aurait à faire, au début, serait de se montrer inoffensive et calme. Si Thalin voyait qu'elle ne le menaçait d'aucune manière, il finirait par se détendre et accepter sa présence.
Alors à chacun de ses séjours dans la cité souterraine, Amarthêl fit exprès de croiser plusieurs fois Thalin. Au début elle l'ignora complétement, puis au fil des mois elle essaya de croiser son regard mais elle gardait toujours une attitude neutre et impersonnelle. A aucun moment, ils n'échangèrent de paroles.
Plusieurs années furent ainsi nécessaires pour que Thalin l'accepte non loin de lui sans qu'il recherche à tout prix à se soustraire de sa présence.
Ce fut le jour où Thalin lui adressa enfin la parole qu'Amarthêl décida d'inverser les rôles. Ainsi ce fut elle qui se mit à fuir Thalin. Le nain fut dans un premier temps irrité par son comportement et se remit à vouloir l'éviter.
Mais le plan de l'oracle fonctionna à merveille.
L'attitude fuyante de la jeune femme signifia à Thalin qu'il était désormais en position dominante, et cela changeait la donne. Plus elle le fuyait et plus il avait envie de se rapprocher d'elle.
Amarthêl savait que Thalin avait été élevé pour un jour être roi. Malheureusement elle lui avait fauché toutes ses aspirations. Le nain fier qu'il avait été n'avait plus sa place dans la société et il s'était lui-même mis à l'écart. Mais elle ne doutait pas que ce nain existait encore au fond de lui. Thalin avait eu beau cacher sa fierté, Amarthêl savait qu'elle n'avait pas disparu.
La fierté est un sentiment qui va de pair avec l'orgueil. C'est justement cet orgueil qui pousserait n'importe quel nain fier à obtenir la place qu'il pense être la sienne et ce, principalement, lorsqu'il se sent en position forte.
Amarthêl avait progressivement mis en place les conditions qui pousseront Thalin à agir.
§
Comme à chaque retour d'expédition à l'extérieur, un festin les attendait.
Durin était robuste désormais. A soixante ans passés, il avait l'allure d'un solide guerrier et déjà une barbe bien fournie. Le dîner s'éternisait et Amarthêl, fatiguée, prit congés pour profiter du confort d'un lit moelleux et d'un repos bien mérité. Elle n'était plus considérée comme un visiteur, et elle avait désormais une place notable dans la société de Khazad-dûm. De ce fait, elle pouvait aller et venir comme bon lui semblait sans avoir besoin d'être accompagnée.
L'excès d'alcool n'avait jamais été son fort et couplé à la fatigue elle eut du mal à rejoindre sa chambre. Du moins c'est ce que pensèrent tous les nains et naines qu'elle croisa sur son chemin. Mais la vérité n'était pas tout à fait ce qu'elle laissait paraitre. Durant l'expédition à l'extérieur, ils avaient dû éliminer une foule de Gobelins. Ils se faisaient de plus en plus nombreux et menaçants. Les Nains avaient plus de difficultés à en venir à bout et il y eut des blessés. L'oracle en fit parti mais elle cacha sa plaie pour ne pas priver de soins les nains qui en avaient besoin, car elle, elle survivrait quoi qu'il arrive.
Du repos, voilà la seule médecine dont elle avait besoin.
Sa chambre attitrée était désormais dans les quartiers royaux. Durin aimait la savoir non loin de lui au cas où il aurait besoin de conseils ou pour répondre aux nombreuses questions qu'ils se posaient.
Amarthêl se sentait de plus en plus mal. Elle n'avait qu'une hâte c'est d'arriver à sa chambre. Sa blessure à l'abdomen avait dû s'infecter et la fièvre l'assommait un peu plus à chaque pas. Les quartiers royaux n'étaient pas très fréquentés et l'oracle, inattentive, se croyait seule. Elle arriva enfin dans le couloir qui menait à sa chambre. Sa vue se brouillait de plus en plus. Sa démarche de plus en plus chancelante, l'obligea à se maintenir aux murs. Au fond d'elle, elle espérait pouvoir tenir jusqu'à son lit.
Encore une dizaine de mètres.
La porte tant désirée fut enfin à sa portée, mais lorsqu'elle tendit le bras pour actionner le verrou, une forte poigne l'obligea à se retourner.
- Pourquoi m'évitez-vous ? rugit une voix qu'elle reconnut malgré son état.
- Thalin… Prince Thalin, parvint-elle à dire.
Mais ce fut le choc de trop et un voile noir glissa irrémédiablement devant ses yeux.
Toujours consciente mais incapable de contrôler son corps qui devint aussi mou que celui d'une poupée, elle sentit les bras puissants du prince qui l'empêchèrent de tomber à terre.
Thalin était désemparé. L'oracle avait toujours eu une santé de fer et jamais elle n'avait montré la moindre faiblesse. Il ne savait trop quoi faire car il était pris au dépourvu. Ce n'était pas ce à quoi il s'était imaginé lorsqu'il décida de la suivre.
- Que vous arrive-t-il ? s'exclama-t-il inquiet.
Mais il n'eut aucune réponse.
Il lui redressa la tête d'une main pour mieux voir son visage. Elle avait les yeux clos, alors en première précaution il vérifia si elle respirait encore. Heureusement son souffle ne l'avait pas quitté. Il remarqua néanmoins qu'elle était brûlante et recouverte de sueur. Bien qu'il ne soit pas guérisseur, Thalin savait reconnaître la fièvre. Il ne pouvait la laisser ainsi.
Après avoir ouvert la porte de sa chambre, il la porta jusqu'à son lit. C'était la seconde fois qu'il la touchait et là encore ce n'était pas de cette façon qu'il aurait souhaité que ça se déroule.
- Êtes-vous malade ? Êtes-vous blessée ? lui demanda-t-il en lui tapotant légèrement les joues. Je ne peux vous aider si vous ne me dites rien.
Mais toujours aucune réaction.
En désespoir de cause et ne voulant pas la perdre, il fit glisser son regard sur son corps à la recherche d'un indice. Mais rien de visible. C'est alors qu'il se souvint de son retour il y avait de ça quelques heures. Dans l'agitation qui y régnait, entre les nombreux blessés et la nouvelle de la menace plus présente des Gobelins, il lui avait semblé apercevoir la belle se tenir douloureusement le ventre, un instant seulement, puis reprendre une attitude normale. Étant donné qu'il était le responsable de la sécurité interne de la Moria, Thalin dut organiser ses troupes de manière plus efficaces et il n'eut plus le loisir de repenser à cet infime détail. De plus, elle ne semblait guère souffrante.
Thalin observa nerveusement la zone suspectée. Il n'osait pas regardé sous les tissus de ses vêtements. Il n'était pas guérisseur, il n'était pas son mari, ni même un ami. Il n'était rien pour elle. Il n'avait donc aucun droit d'ainsi la découvrir. Mais si son intuition était la bonne et qu'il n'agissait pas, il ne se le pardonnerait jamais. Elle pâlissait à vue d'œil et sa respiration s'accélérait.
- Pardonnez mon indélicatesse, chuchota-t-il.
Avec attention et minutie, Thalin dénoua chaque lien qui maintenait fermé l'épaisse tunique faite d'un riche tissu mordoré. Il fut un moment rassuré lorsque la blancheur de la fine chemise de lin fut visible. Il continua son inspection de façon à être certain de son état.
Délicatement - du moins le plus doucement qu'il put le faire, car rappelons que nous avons à faire à un nain et que la délicatesse n'est pas dans son registre - il releva le pan de la chemise qui était passé sous la ceinture de son pantalon.
La peau claire de son ventre se dévoila petit à petit, centimètre par centimètre, jusqu'à ce qu'un autre morceau de tissu apparu. Relevant alors plus brusquement la chemise, il finit par s'arrêter, interdit, devant la présence d'un bandage grossier.
- Ce n'est pas grave.
La faible voix de la belle rompit le silence de la pièce.
Thalin s'écarta alors vivement du lit, honteux de s'être fait découvert. Mais en voyant qu'elle ne bougeait pas, il se demanda s'il n'avait pas eu une illusion auditive. Il se rapprocha alors pour vérifier.
- De quoi souffrez-vous ? demanda-t-il pour savoir si elle l'entendait.
- Ce n'est pas grave, répéta-t-elle faiblement, les yeux toujours clos.
Thalin eut la confirmation de deux choses. Un, elle était consciente. Deux, elle était véritablement blessée. Mais dans ce cas, pourquoi n'avait-elle pas réclamé de soin?
- Vous êtes au plus mal. Laissez-moi vous aider.
Les Nains connaissaient l'immortalité de l'oracle. Étant donné qu'elle ne leur avait jamais parlé de sa nature, les Nains la croyaient semblable aux Elfes. Ces êtres magiques que la maladie ne peut tuer mais dont une flèche bien placée pouvait conduire dans les cavernes de Mandos. Thalin ignorait donc la capacité de guérison d'Amarthêl, et c'est tout naturellement qu'il s'inquiéta pour son sort.
L'oracle fronça des sourcils, signe de douleur, alors Thalin n'attendit pas sa réponse et trancha net de son couteau le bandage qui ceignait son abdomen.
Une plaie large d'une petite dizaine de centimètre barrait la surface blanche de son ventre. Il n'y avait plus de sang, ce qui montrait que la blessure avait été nettoyée. Mais ce qui inquiétait le plus Thalin était la profondeur et la rougeur qui s'étendait tout autour.
Thalin serra ses poings devant l'étendue des dégâts et le mauvais pronostique. Même un nain robuste avec des soins appropriés n'était pas sûr de survivre.
Thalin n'osa plus la regarder et détourna les yeux. Il se mit à se maudire de ne pas être intervenu avant. Il allait la perdre pour de bon, alors qu'il avait choisi d'admettre ses sentiments controversés et d'accepter cet amour à sens unique.
Une main moite vint se poser sur sa main.
- Thalin
Il osa alors la regarder à nouveau. Elle avait réussi à ouvrir ses yeux à moitié et son visage rayonnait encore malgré sa faiblesse. Par Mahal, qu'il avait envie de l'étreindre avant qu'elle ne referme pour de bon ses yeux bleus.
- Ce n'est pas aussi grave que cela parait, dit-elle pour le réconforter.
- Inutile de me mentir. Je sais que la blessure est mauvaise.
Thalin approcha son autre main de la plaie. Il n'eut pas besoin de poser sa main pour sentir la chaleur anormale qui s'en dégageait.
- Mais je ne peux pas vous laisser ainsi sans rien tenter, dit-il en se relevant. Je m'en vais quérir un guérisseur. Il pourra peut-être soulager la douleur.
Amarthêl n'eut pas le temps de répondre car Thalin disparu aussitôt.
De trop longues minutes – aux yeux de Thalin - après être parti, il revint accompagné du premier guérisseur qu'il croisa. C'est avec effroi qu'il retrouva sa belle recroquevillée par terre. En fait Amarthêl avait tenté de se lever pour verrouiller sa porte et empêcher quiconque de rentrer, mais elle fit un nouveau malaise.
Thalin s'empressa de la remettre sur son lit. La fièvre avait encore augmenté et elle était parcourue de frissons. N'étant pas d'une grande aide, il s'écarta pour laisser le guérisseur agir. Comme il était de notoriété publique que Thalin et l'oracle ne s'entendaient pas, il se garda de trop montrer son angoisse de la perdre. Mais comme elle était une personne précieuse, il pouvait se permettre un minimum d'inquiétude.
Le guérisseur ausculta la jeune femme tremblante et désormais inconsciente. Il prépara une sorte de pâte composée de plantes et de poudres qu'il appliqua ensuite sur la plaie en couche épaisse. Le vieux nain recouvrir le tout d'un linge propre, puis se retourna vers son prince.
- J'ai fait tout ce que je pouvais, mais je n'ai guère d'espoir. Peut-être que la médecine elfique pourrait la guérir. Malheureusement le temps de rejoindre la forêt… il sera trop tard.
Le cœur de Thalin se brisa.
- C'est une catastrophe, continua le guérisseur.
- Merci d'avoir essayé, réussi à dire Thalin.
- Si vous le souhaitez j'enverrai ma petite-fille s'occuper d'elle. Elle changera le bandage et se chargera de lui faire baisser la fièvre pour qu'elle ne souffre pas trop.
Thalin acquiesça d'un signe de tête et le vieux nain sortit de la chambre. Le prince resta à l'écart à l'observer.
Beaucoup de pensées se bousculèrent dans l'esprit de Thalin.
Comment allait-il annoncer à son fils et à son père l'agonie de l'oracle ?
Allait-il pouvoir survivre à sa mort ? Elle avait été la cause principale de son malheur et même son décès allait le faire souffrir. Mais avait-il déjà été heureux ? Thalin avait la désagréable impression de ne l'avoir jamais connu. Il se rappela une des rares paroles qu'elle lui accorda :
« Le bonheur n'est pas acquis à tous, alors satisfaisez vous de ce que vous avez. »
Dans un profond soupir Thalin verrouilla à clé la porte de la chambre. Il souhaitait rester seul avec elle.
La voir ainsi grelotter malgré sa forte fièvre était un supplice. Il entreprit de la recouvrir de toutes les couvertures qu'il trouva dans la pièce, puis il s'installa à côté d'elle.
Thalin ne se cacha plus et d'un geste tendre il dégagea les fines mèches de cheveux collées sur son visage par la sueur. Puis il entreprit de lui éponger les gouttes qui parsemaient sa peau. D'abord son visage avec douceur, jusqu'à descendre plus bas qu'il ne devrait. Mais il fut interrompu par la présence d'un collier. Il tira doucement dessus pour découvrir deux anneaux. Deux bijoux très simples sans pierre ni décor.
Il n'avait jamais émis l'idée qu'elle puisse avoir donné son cœur à un autre.
Pour ne pas aggraver sa peine il remit sans plus tarder les bijoux à leur place, puis replaça les couvertures sur ses épaules.
Thalin resta toute la nuit à la veiller, jusqu'à ce que l'on frappe à la porte. Résigné, il la lâcha des yeux et alla ouvrir. C'était une jeune naine qui se présenta comme la petite-fille du guérisseur. Thalin la fit entrer et la laissa faire ce qu'elle avait à faire. Il demanda à la naine de se faire discrète pour ne pas attirer l'attention, le temps pour lui de trouver les mots pour mettre au courant son fils et son père.
Une réunion sur l'invasion des Gobelins était prévue dans la matinée. Y étant convié Thalin décida d'en profiter pour leur annoncer la tragédie.
En attendant ce moment, il s'isola dans son bureau pour régler des tâches administratives, mais travailler se révéla difficile.
§
- Où est mon fils ? s'interrogea Narvi.
Malgré sa mauvaise humeur constante, le fils de Narvi était toujours très ponctuel.
- Cela ne lui ressemble pas, continua –t-il.
Tous les hauts gradés de Khazad-dûm étaient présents. La salle à colonnade était meublée d'une longue table taillée à même la roche. Des tentures décrivant les hauts faits d'armes d'anciens rois recouvraient les murs et une large cheminée fournissait la chaleur nécessaire.
La porte de la salle s'ouvrit et Thalin arriva enfin.
Le visage décomposé et terriblement affligé du prince ne passa pas inaperçu.
- Que se passe-t-il mon fils ? héla le roi.
Le prince s'avança jusqu'à être à la hauteur de Narvi et de Durin. L'héritier n'avait jamais vu son père dans un tel état.
- Que se passe-t-il Thalin ? Tu m'inquiètes, parla Narvi plus doucement.
- C'est l'oracle, avoua Thalin.
Durin se leva brusquement de sa chaise, allant même jusqu'à la faire tomber. Un silence de plomb régna.
- Elle se meurt.
Les yeux remplis d'effroi Durin demanda où se trouvait l'humaine.
- Dans sa chambre.
Sans attendre plus d'explications, l'héritier sorti en trombe.
- Explique-moi tout, ordonna Narvi qui était lui aussi peiné par l'annonce.
Alors Thalin raconta le funeste événement.
La nouvelle se propagea rapidement dans les mines et lorsqu'il se rendit au chevet de l'oracle, Narvi fut submergé de question. Mais Thalin avait prévu les mouvements de foule et avait sécurisé l'accès aux appartements royaux avant son annonce.
La jeune naine chargée de s'occuper de l'oracle était en train d'apporter des informations sur son état de santé à Durin qui était dans un état de profonde désolation. Il proposa de faire venir un autre guérisseur mais Narvi lui confirma que cela ne servirait à rien. Quand la fièvre se présente, l'espoir de survie s'amenuise.
Durin veilla alors sur son amie. Son père venait régulièrement pour s'informer de l'état de l'oracle et en même temps pour tenir compagnie son fils. C'était malheureux qu'il faille un tel événement pour que père et fils se parlent comme ils auraient toujours dû le faire. Durin raconta à son père les histoires fabuleuses que la jeune femme lui avait narré. Thalin en apprit plus sur le passé de l'oracle durant quelques heures que pendant toute sa vie. Et comme un père, il trouva les mots pour consoler son fils.
La fièvre fut intense pendant deux jours, puis la chaleur se dissipa. Ce n'était guère bon signe car Amarthêl conservait une pâleur extrême.
Tous se préparaient au fatal dénouement. Des parchemins avaient été rédigés, informant les Seigneurs Elfes chez qui l'oracle avait ses habitudes. Des messagers étaient prêts à partir.
Thalin avait pris le relais au chevet l'humaine. Exténué par la situation, le prince s'était installé dans un large fauteuil près du lit. Assoupi dans un sommeil tourmenté, Thalin ne se doutait pas qu'il était à son tour observé.
Réveillée depuis quelques minutes, Amarthêl était restée assise sur son lit. Dans la pièce, seul se faisait entendre le crépitement du bois brulant dans l'âtre. Elle observait le prince endormi dans son fauteuil. Jamais elle n'avait eu l'occasion d'ainsi le détailler. Contrairement aux autres nains, Thalin était grand, très grand, et de ce fait il était plus mince et moins trapu que ses frères. Il avait des cheveux bruns et quelques fins filaments d'argent commençaient à être visibles. Le nain portait une barbe rase, chose relativement rare chez les Nains, mais cela caractérisait son état d'esprit. Sans se mentir, elle trouvait le prince séduisant, peut-être parce qu'il ne ressemblait pas tant que cela à un Nain. Avec quelques dizaines centimètres de plus, il pourrait être confondu avec un Homme.
Amarthêl remarqua que Thalin était entièrement vêtu de noir, sans doute en signe de deuil. Si seulement elle avait eu le temps de lui dire de ne pas s'inquiéter, il n'aurait pas eu à vivre ces derniers jours dans la peine.
Voyant un broc sur la petite table où était également posé un chandelier, elle glissa lentement hors des couvertures et bu à petite gorgée pour apaiser sa gorge sèche.
Puis toujours aussi silencieusement, elle se leva et alla se mettre à genoux à côté de Thalin, toujours endormi. Profitant de l'accoudoir, elle s'avança jusqu'à l'oreille du prince.
Et dans un murmure comparable au souffle du vent, elle chuchota :
- Je vous avais dit que ce n'était pas grave.
Thalin ne réagit pas aussitôt, mais un instant après il porta sa main devant son visage. Il avait l'impression de sortir d'un rêve trop beau pour être réel : il avait entendu sa voix. Mais ce n'était qu'un tour de son esprit.
Il rouvrit les yeux, encore étourdi par son songe.
Le regard tourné vers le lit, il lui fallut quelques secondes pour intégrer que ce dernier était vide. Dans l'incompréhension la plus total, Thalin voulu se lever mais une pression se fit sentir sur son avant-bras.
- Cela ne se peut, bredouilla-t-il.
Elle était là, à côté de lui, aussi vivante que dans ses souvenirs. Il ne pouvait y croire.
- Je ne suis pas un songe, Thalin. Regardez.
Elle lui prit la main et il sentit la chaleur de sa peau.
- Comment est-ce possible ?
- Il y a une explication et je vous propose de partager ce secret avec moi, en gage de mon affection.
Thalin ne put se retenir de porter la fine main de l'oracle à ses lèvres pour y déposer un baiser. Et enfin son souhait le plus cher se réalisa.
Elle lui offrit un sourire.
Pas un sourire feint, non. Un vrai sourire qui se reflétait jusque dans ses yeux. Un sourire qui fit disparaitre toutes ses peines et ses désillusions passées.
Un sourire, préambule de son futur bonheur.
J'espère que vous ne trouver pas la fin gnangnan, mais je voulais montrer le côté princier de Thalin. C'est un nain ok, mais il ne va pas se jeter sur Azru comme ça.
Une petite review please :-)
Biz
Sacrok
