Bonjour à tous,

Suite du chapitre précédent : "Le début de la fin - Partie 2"

C'est le dernier flashback.

Le prochain chapitre reprendra à la suite du chapitre 28. On va retrouver les aventures d'Azru après qu'elle ait quitté Thorin à Esgaroth.

Bonne lecture.


Merci à aliena wyvern, ScottishBloodyMary, Venin du Basilik et Lana Hale pour leur review.

Merci à Lunagarden pour sa relecture.

réponse à Lana Hale :

Que de question tu me poses... Je vais y répondre dans l'ordre :

Oui il y aura un chapitre sur la capture et la détention d'Azru par Bolg (ce chapitre est très attendu)

Concernant Thranduil : il sera très présent par la suite et ce jusqu'à la fin. Elle passera la fin de cet Age à ses côtés. Alors peut être que je ferai intervenir Legolas car il semble avoir beaucoup de fans.

D'où vient son méprit des elfes? Azru est à la base une humaine. Elle n'est pas faite pour être immortelle, mais plutôt pour vivre au jour le jour en profitant de chaque instant. Mais les années et les siècles passant, elle s'ennuie et ne trouve plus sa place ni chez les Hommes (car ils se fanent aussi rapidement que des fleurs), ni chez les Elfes car leur comportement ne colle absolument pas au sien. Les Elfes ont aussi la fâcheuse habitude de donner des leçons et des conseils. Cela l'étouffe. Et puis ils lui donnent l'impression d'être complétement déconnectés du reste de la Terre du Milieu et elle ne supporte pas leur indifférence. Glorfindel est différent car il s'intéresse à ce monde et il a de la curiosité. Et Amroth est bienveillant et elle le considère comme son père.

Pour Sauron, je n'ai pas l'intention de le faire intervenir. Mais si il t'intéresse, dans mon autre fic Nossëfinwë j'ai déjà prévu de parler de lui. Il faudra attendre un peu car j'ai mis en pause cette fic.

A bientôt.


- Ma mission ? dit-elle hargneusement. Dites-moi, Maître des Songes, quel est le nom de votre frère ?

- Oh. Est-il nécessaire de le nommer ?

- J'ai besoin de l'entendre, siffla-t-elle.

Elle n'était guère plus impressionnée par l'inconnu. Amarthêl avait reçu une éducation remarquable et ses siècles d'existence lui avait permis d'apprendre un grand nombre de récits. Bien que la probabilité d'une telle rencontre soit nulle, il n'y avait pas d'autre explication à son délire.

Une tempête effroyable se préparait au large et les deux seuls êtres vivants présents se regardaient fixement. Amarthêl sentait monter en elle une rage sans nom, comme jamais elle n'avait connu.


Le début de la fin - Partie 2

- Il n'a jamais souhaité ton malheur, reprit l'être irréel. Son choix s'est tourné vers toi car toi seule était apte à ce rôle.

Amarthêl grinçait des dents.

- Il savait que ton chemin se révélerait chaotique et le courage dont tu as fait preuve nous a prouvé que tu étais bien la personne de la situation, continua-t-il en reprenant son sourire amical.

- Moi, j'ai fait preuve de courage ? reformula-t-elle nerveuse. Je n'ai jamais rien fait d'autre que de subir. Mes propres choix, les actions que je pensais être de ma volonté, j'ai fini par comprendre que tout ceci n'avait rien de vrai. Le cours de nos vies a été décidé bien avant notre naissance.

- En partie, oui. Chacun est libre de choisir le chemin qui mène à sa destiné. Mais cette dernière n'est jamais de notre volonté.

- Dans ce cas pourquoi avoir créé les oracles ? Si quoi que l'on fasse le résultat est le même, pourquoi donner à une unique personne ce fardeau ?

Le Maitre des Songes ne répondit pas. Il souhaitait la laisser parler, lui faire sortir tout ce qu'elle avait dans le cœur. Car il était parfaitement au courant de son hostilité envers son frère et de sa rancune parce qu'il lui avait volé la vie qu'elle aurait dû avoir.

Autour d'eux, la tempête approchait. Les vents tourbillonnants ne les atteignaient pourtant pas, comme s'ils étaient dans une bulle protectrice à l'intérieur de laquelle ils étaient à l'abri.

- Pourquoi avoir choisi une humaine comme moi ? Un homme aurait été sans doute plus capable de le supporter. Mais je suis certaine que l'immortalité lui aurait également pesé, réfléchit-elle. Pourquoi ne pas avoir repris un elfe ? La vie éternelle, ils connaissent. Ça ne les perturbe pas de voir le temps passer sans les atteindre.

- Non, ce devait être toi. Ta sensibilité et tes émotions sont tes forces.

- Mes forces ? Mais c'est ce qui me fait le plus souffrir, clama Amarthêl rageusement.

- Oui c'est vrai et c'est également ce qui te permet de t'impliquer dans ta tâche. Sans cette capacité à t'investir corps et âme, bien des destins auraient été différents, poursuivit-il.

- en mieux… j'en suis certaine, murmura-t-elle en baissant les yeux.

Le souvenir des êtres perdus et des moments tragiques de sa longue vie revint à la charge mais de manière bien plus violente. Jamais elle ne s'était retrouvée aussi bouleversée. La perte d'Estelmo, de ses fils et plus récemment de Thalin, Durin et Amroth avaient été bien douces comparé à ce qu'elle ressentait désormais. Tout était exacerbé, multiplié par cent et au-delà de ce qu'elle pensait pouvoir supporter.

Toutes ses peines furent rapidement rejointes par les blessures que son corps avait subies. La douleur fut telle que ses jambes ne purent plus la porter et elle tomba à genoux. Son être tout entier n'était plus que souffrance mais aucune plaie n'était visible, seule la sensation des traumatismes était présente. Une impression de tomber dans un gouffre de tourments sans fond où elle n'avait plus aucun repère.

Amarthêl ne put retenir ses larmes et en pleurs elle s'abandonna. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas pleuré de cette manière, jusqu'à s'en rendre malade et nauséeuse.

Complétement ébranlée par le torrent de peine, d'affliction et de douleur, l'oracle ne remarqua le changement autour d'elle. Le vent avait faibli et une averse l'avait remplacé. Le ciel chargé de lourds nuages qui se délestaient de leur fardeau, était toujours aussi menaçant et présageait encore bien des agitations.

Pendant un temps interminable, la jeune femme pleura toutes les larmes de son corps, recroquevillée genoux à terre et front posé sur le sol. Contrairement au vent, la pluie les touchait. Amarthêl fini par être entièrement trempée, tandis que les gouttes ne faisaient que glisser sur l'être merveilleux.

Lorsque la douleur fut plus supportable elle reprit la parole, sa voix éraillée par son chagrin.

- Pourquoi me faites-vous subir cette épreuve ?

Dévastée et le cœur en ruine, elle se redressa faiblement pour regarder le Maitre des Songes, mais ce ne fut pas lui qui répondit.

- Irmo n'est en rien responsable, annonça une voix cristalline.

Apparu alors de derrière lui une autre créature toute aussi irréelle. Longs cheveux d'un blanc nacré et même yeux aux iris bleu translucide, les deux Valar ne pouvaient cacher leur parenté. Le visage de la nouvelle n'avait néanmoins pas la même gaieté que son frère. Elle était emplie d'une profonde mélancolie qui se voyait sur son si beau visage et sur sa façon de se tenir. Un lourd fardeau pesait sur ses épaules.

Toute aussi majestueuse que son frère, la Pleureuse, s'approcha d'Amarthêl.

- Je suis Nienna, se présenta-t-elle.

- J'avais deviné qui vous étiez, répondit l'oracle en s'essuyant les larmes qui perlaient encore sur ses joues.

- Non, laisse-les couler, dit-elle en prenant le visage de la jeune femme dans ses mains. Elles vont te permettre de transformer ta souffrance en un sentiment bien plus bénéfique.

Amarthêl était hypnotisée par la présence calme et rassurante de la Valië. Le contact avec la fàna de Nienna était hors du commun. Ce n'était en rien comparable au toucher de la peau, mais c'était plutôt comme si sa douleur et sa peine étaient soulagées. Une sensation de réconfort et de consolation qui peu à peu se répandait dans tout son corps. Pourtant ses larmes continuaient de couler.

Mais l'Arata ôta ses mains et à nouveau la douleur et la peine ressurgirent. Toujours agenouillée, Amarthêl regarda complétement désœuvrée les Valar. Elle voulait que tout cela s'arrête. Elle en avait assez de ce supplice.

- Je peux t'enseigner le moyen de remplir ton cœur de quiétude et faire de tes chagrins une force.

- Nous pouvons t'aider à retrouver ta sérénité, annonça Irmo toujours aussi souriant. Mais pour cela il faut que tu le veuilles.

L'oracle ne comprenait pas. Pourquoi insinuait-il qu'elle ne souhaitait pas retrouver la paix intérieure ?

- Oui, il te faut le vouloir, continua le Vala. Je t'ai offert un lieu paisible pour que tu puisses te reposer mais ton esprit a rapidement retrouvé son chemin vers le passé. En l'état actuel tes souvenirs sont ton plus gros défaut.

- Tu ne peux vivre sans, car ce sont eux qui t'ont construit. Mais au lieu de les laisser te ronger, apprend à en tirer l'essentiel, expliqua Nienna. Tu pourrais en bénéficier d'une grande sagesse.

La jeune femme buvait littéralement les paroles des Saints. Progressivement la pluie cessa mais les nuages noirs étaient toujours menaçants au-dessus de leur tête.

- Mais c'est de votre faute si je suis ainsi. Je n'ai rien demandé. Je veux bien apprendre toutes les leçons que vous m'enseignerez, mais pitié faites cesser ce calvaire, demanda-t-elle en reniflant.

- Il n'y a que toi qui peux le faire, précisa Irmo.

- Sois attentive à tes souffrances. Entend les cris de ton âme, écoute-les bien attentivement. Cherche dans leur cacophonie les quelques accords mélodieux, expliqua la Valië.

- Dans chaque chose est caché un élément positif. Sert-en pour en sortir plus forte.

Les explications n'avaient pas complétement convaincu Amarthêl mais éreintée elle essaya tout de même. Elle ferma les yeux et comme un coup de fouet apparurent les images les plus abominables des événements qu'elle avait vécus. Chercher le positif dans un champ de cadavre était inimaginable. Seuls les sentiments de tristesse et de douleur émergeaient de ce chaos.

- C'est impossible, hurla-t-elle avec colère.

Elle ne pouvait en supporter plus. Son esprit dérailla à nouveau et il s'emballa dans un élan de fureur. Le vent se remit à souffler encore plus terriblement. Étonnement elle sentit la douleur s'apaiser et elle put se relever. Chancelante elle réussit à se tenir sur ses pieds, puis resta immobile, tête baissée, face en direction du sol. Son visage était dissimulé par ses cheveux trempés.

Les deux Valar observèrent avec inquiétude l'humaine. Irmo avait perdu son sourire et Nienna semblait encore plus triste. Les choses ne se déroulaient pas comme elles auraient dû. Ils pouvaient sentir que l'oracle avait réussi à surmonter ses tourments mais son esprit était toujours aussi tumultueux. Ils en avaient pour preuve la tempête qui les entourait. Car le lieu où ils se trouvaient était un songe créé par Irmo. Pour faire simple, ils étaient dans l'esprit d'Amarthêl et le climat était un indicateur de son humeur. Le grondement lointain n'indiquait rien de bon.

Ses yeux étaient désormais secs. Un sentiment de puissance l'envahissait. Elle se sentait capable d'affronter des armées entières. Dans quel but vouloir tant de violence ? La raison vint d'elle-même.

Tous ses souvenirs malheureux, cet excès de chagrin, avec la souffrance qu'ils engendraient, tout ce mélange dévastateur avait atteint son paroxysme. Au lieu de l'accepter pour pouvoir continuer à vivre dans la désolation, Amarthêl avait choisis une autre voie. Celle de la vengeance.

Les larmes s'étaient toujours révélées inutiles, quoi qu'en dise Nienna.

Et la seule joie bénéfique à un malheur était de faire subir des représailles à ceux qui l'avaient blessé. Lórien avait-il songé à cette éventualité ?

Un rire mauvais s'échappa de l'oracle qui releva la tête vers les deux êtres merveilleux. Son visage n'était plus le même. Auparavant si doux bien que fatigué, il était désormais dur et haineux. A cette vision, les Valar comprirent qu'ils avaient échoué.

- Non, ne cède pas à la facilité, pleura Nienna. La violence et la colère ne sont pas des chemins qui mènent à la sagesse.

- Il est inutile d'insister. Jamais elle ne portera la sagesse en elle, gronda une voix grave derrière Amarthêl.

Il était là, derrière elle. La source de son malheur. Mandos.

- Námo, soit clément, lança Nienna. Elle peut apprendre.

- Non, tonna-t-il. Si j'ai accepté de vous laisser lui parler, c'est uniquement dans le but que vous constatiez par vous-même que le cœur des Hommes peut difficilement être racheté.

Il parlait d'elle comme si elle n'était pas présente. Quel manque de respect ! Sa colère monta un cran au-dessus en même temps que les premiers éclairs frappèrent le sol. Plus de larmes, plus de pluie. L'orage, signe d'agressivité et de hargne.

Amarthêl se retourna alors vers le nouveau venu.

Hormis les mêmes yeux d'un bleu irréaliste, il n'avait rien de semblable avec son frère et sa sœur. Vêtu entièrement de sombres vêtements, Mandos portait un capuchon qui se confondait avec ses cheveux noirs. Son faciès était également d'une beauté ténébreuse et inquiétante. Tout son être transpirait la rigueur et l'inflexibilité.

Mais loin de se laisser impressionner, Amarthêl avança en sa direction. Elle ne baissa pas le regard devant lui, au contraire, elle avait pleine confiance en elle.

- Il me semble que nous avons tous deux une chose en commun, déclara la jeune femme sans se démonter.

Le Vala ne répondit pas.

- Nous nous détestons mutuellement, siffla-t-elle.

- Tu es la première oracle qui me déçoit autant et je sais que malheureusement tu vas continuer sur cette voie, annonça très sérieusement Mandos.

- Vous saviez d'avance à quoi vous attendre, ironisa-t-elle. Car je ne suis qu'une fille d'Homme et qui plus est d'origine nùmenoréenne. Si je comprends bien, vous m'avez choisi pour prouver que ma race est faible, méprisable et indigne.

- Non, dit-il d'une voix qui n'appelait pas la discussion. Tu as été choisie car ton âme défunte est arrivée à moi à dans des conditions très précises. Ton heure n'était pas encore venue.

- Des conditions ? Quelles conditions ? s'exclama-t-elle.

- Je t'ai donné le don de prédire l'avenir mais certaines choses te resteront à jamais dissimulées.

Amarthêl rageait. Le Vala était intransigeant et il gardait ses petits secrets.

- J'ignorai que les Dieux étaient aussi arrogants.

Ses paroles emplis de haine qui ne choquèrent pas le Juge des Morts.

- Le don dont je t'ai fait le présent est infaillible. Ne cherche plus à aller contre ma volonté, tu n'en gagneras rien de bon, annonça Mandos d'une manière qui signifiait qu'il souhaitait conclure leur rencontre.

- Je n'ai que faire de vos présents et d'ailleurs votre don de prédiction n'est pas le pire cadeau que vous m'avez fait, continua-t-elle sur le même ton haineux.

Le Juge la regarda avec un regard encore plus sombre.

- Où est l'intérêt de connaitre l'avenir si on ne peut pas le changer ? protesta-t-elle.

- Le but des oracles n'a jamais été de changer le cours du destin. Ils doivent seulement mettre sur le bon chemin certaines personnes. Vous n'êtes que des guides, rien de plus.

Amarthêl fulminait. L'orage redoubla d'intensité. Les éclairs frappèrent avec une telle puissance que leurs impacts détruisirent tout ce qu'ils touchèrent. Des pans de falaises commencèrent à se détacher. Les constructions du port s'effondraient les unes après les autres. L'esprit de l'oracle démolissait le songe de Lórien et le Vala ne pouvait plus contrôler sa création.

- Les oracles précédents ont tous considéré leur condition comme un honneur, reprit Nienna qui s'était approchée. Pourquoi n'acceptes tu pas le précieux don que notre frère t'a offert ?

- Mais je n'ai rien demandé ! Je n'ai jamais eu prétention à être plus qu'une simple batelière. Reprenez votre cadeau et offrez-le à une personne avide de notoriété, continua la jeune femme.

- C'est impossible et tu le sais bien, dit Irmo compatissant.

Elle serra fortement des poings. Leur environnement continuait de se délabrer et Irmo se préparait à mettre fin à ce songe dès que son frère lui en donnerait l'ordre. Mais en attendant, un chaos effroyable détruisait tous.

- Nous sommes conscients que ton âme a souffert outre mesure, bien plus que ce qu'un Homme devrait endurer. Mais tu peux en tirer une grande force si tu acceptes de….

- Je n'ai que faire d'acquérir une grande force, coupa-t-elle Nienna. Je veux seulement que tout cela cesse. J'en ai assez de voir disparaitre mes amis tandis que la mort salvatrice m'est refusée.

- C'est une condition fondamentale à chaque oracle. Il ne pourrait en être autrement, clama Mandos. Mon jurement te sera interdit jusqu'à ce que je décide de te libérer de ta condition.

- Dans ce cas, je viendrai frapper à vos portes jusqu'à vous harceler. Alors, vous finirez par écourter mon délai. J'ai passé bien trop de temps à parcourir cette terre.

La tempête avait emporté la quasi-totalité du port. Il ne restait presque rien. Les vagues se fracassaient contre les morceaux de la digue démolie. Un tourbillon d'ombre les entourait progressivement, dissimulant le paysage dévasté.

- Notre rencontre s'achève ici, annonça Mandos. Sache que lorsque cette Age s'achèvera, une place te sera accordée au Royaume Béni… si tu le souhaites…

Le Vala coupa cours à la conversation et Amarthêl n'eut pas le temps de répliquer. Le Juge fit un rapide signe à Námo et un éclair aveuglant remplaça les ombres.

§

Dans un sursaut, Amarthêl se réveilla brusquement. Son rêve lui avait semblait tellement réel que son corps ne comprenait pas pourquoi il était allongé alors que l'instant d'avant elle était debout. Cela lui donna l'impression de chuter et elle se rattrapa à la première chose qui lui passait sous la main, à savoir l'avant-bras d'Elrond. L'elfe qui était à son chevet ne bougea pas et bien qu'il ne s'attendait pas à un réveil si brutal, il ne montra pas sa surprise.

La jeune femme était parfaitement alerte et à peine quelques secondes après son réveil elle sortit précipitamment de son lit. Elle trébucha une première fois. Elrond la regarda faire sans réagir. La réaction de l'humaine était des plus étranges et il n'avait pas encore tout vu.

Il la vit se précipiter vers la fenêtre de sa chambre qu'elle ouvrit violemment. Il la suivit jusqu'à l'extérieur, sur le balcon. La chambre donnait directement sur l'océan. Vêtue d'une longue robe de nuit blanche l'oracle monta sur la balustrade au péril de sa vie. Elrond prit peur qu'elle ne perde l'équilibre et il voulut la faire redescendre.

- Restez où vous êtes ! cria-t-elle.

- Vous avez été plongée dans un sommeil durant trois mois. Vous n'êtes pas dans votre état normal, expliqua le guérisseur.

- Oh que si je suis parfaitement saine d'esprit.

Elle se redressa et se positionna en direction de l'Ouest. Puis elle prit une grande inspiration et sa voix portée par le vent résonna dans tous les environs.

- Vous êtes les êtres les plus méprisables que j'ai pu rencontrer. Vous nous manipulez depuis le début, nous faisant croire au mirage du libre arbitre. Je connais désormais la vérité sur nos vies. A quoi bon se soucier du bien fondé de nos actes lorsque l'on sait que nous n'avons aucune emprise sur notre destin. Je vous maudis et dès que j'en aurai l'occasion je n'hésiterai pas à vous porter préjudice.

La tirade de l'oracle troubla Elrond qui était le seul spectateur de cette scène. Il ne comprit pas d'où lui venait cet élan de colère. A qui s'adressait-elle ?

Elle conclut son discours par un cri déchirant qui lui fit perdre son équilibre et Elrond la vit dangereusement se pencher vers le vide. Grâce à ses réflexes, il put la tirer du bon côté de la balustrade. Dans ses bras elle se débattit comme une furie, parlant dans sa langue natale et tenant des propos incompréhensibles. Le Seigneur d'Imladris n'eut pas d'autre choix que d'utiliser sa magie pour la calmer.

Glorfindel arriva le premier et trouva Elrond qui portait l'oracle inanimée dans ses bras pour la ramener dans son lit. Le guerrier avait entendu les paroles de son amie et il s'était précipité à sa rencontre. Il n'eut pas le temps de se réjouir de son réveil.

Les fondateurs du Royaume de l'Eregion vinrent à leur tour, ainsi qu'un grand nombre de curieux qui s'inquiétaient. L'accès à la chambre fut réservé aux seigneurs Elfes ainsi qu'au maître de Tirith Aear, Adabâr.

- A qui étaient adressées ses paroles malveillantes ? demanda Adabâr.

- Elle ne m'en a rien dit, répondit Elrond.

La Dame Galadriel s'était assise sur le bord du lit et son regard tentait de sonder l'esprit de l'oracle.

- Son âme est terriblement tourmentée, dit-elle d'une voix posée. Notre oracle est lasse. Elle est à un tournant de sa vie.

La belle elfe se releva attristée.

- Dites-nous en plus, insista le Semi-elfe.

- L'humaine a fait une rencontre singulière et le résultat n'eut pas l'effet escompté. Elle ne sera plus la même dorénavant.

- Aurait-elle perdu son don ? s'inquiéta Glorfindel.

- Non, il n'en est rien. Mais nous ne pourrons plus compter sur sa pleine et entière collaboration.

Tous portèrent un regard navré sur la jeune femme. Adabâr ne comprit pas toute la subtilité des dires de l'elfe, mais il en saisit l'essentiel. En bon hôte, il raccompagna ses invités, à part Glorfindel qui resta à côté de son amie.

L'oracle se réveilla le lendemain. Glorfindel ne la reconnu pas. Elle était froide, distante et les traits de son visage étaient figés dans une expression de colère. Elle parla très peu et elle ne raconta à personne de sa rencontre avec les Fëanturi et de leur sœur.

La magie d'Elrond agit pendant quelques jours et ses excès d'énervement étaient contenus. Mais cela lui permit de récupérer et de profiter du faste de la cité portuaire. Adabâr n'avait pas beaucoup de pouvoir mais sa richesse était considérable. Absolument pas avare, toute la Citadelle jouissait de sa fortune.

Amarthêl participa aux banquets préparés en son honneur. L'oracle était connue dans cette contrée et ses talents avaient servi à de nombreuses reprises, ce qui expliquer l'opulence de la cité. Adabâr ne se formalisa pas devant le mutisme de la prophétesse. Ce bon vivant courtois comprenait son comportement, car le récit de la mort du Roi Amroth lui avait été rapporté.

Au troisième jour, lors du dîner d'adieu aux Elfes, la magie d'Elrond se avait été convenu qu'Amarthêl était à nouveau en état pour voyager et qu'au matin du quatrième jour après son réveil, les invités reprendraient la et poissons de haute mer composaient le menu du repas. Musiciens et danseuses animaient les festivités qui étaient bien différentes des habitudes des Premiers Nés.

Assise à la table du maître, Amarthêl faisait uniquement de la figuration et n'était présente que physiquement. Habillée d'une somptueuse robe offerte par Adabâr, qui lui faisait naturellement retrouver son port altier, Amarthêl aurait pu faire de l'ombre à n'importe quelle demoiselle. Mais son visage fermé et non-avenant n'incitait pas à la conversation. Pourtant elle attirait bien des regards, et en particulier celui du fils d'Adabâr, Imrazôr. Ce dernier était différent de son père. Il avait de l'ambition. La richesse de la cité ne lui suffisait pas. Son désir était de gouverner un territoire bien plus vaste que la Citadelle. Qui mieux que l'oracle pour l'aider à construire son rêve.

Les festivités battaient leur plein. Adabâr parlait fortement et proposa de porter un énième toast. Amarthêl suivit le mouvement et pris son verre dans sa main droite, mais elle ne put le lever.

Encore une vision.

Les Valar avaient donc décidé de continuer à la harceler.

La magie d'Elrond se fissura progressivement sous l'effet de l'explosion de rage et la contention ne put bientôt plus retenir sa colère. Le verre de vin qu'elle tenait dans sa main fit les frais de son emportement. Il se brisa entre ses doigts. Le bruit de casse ne passa pas inaperçu et toute l'assemblée posa les yeux sur la jeune femme. Elle n'y prêta pas attention et elle sortit de table avec une démarche agressive.

- Ai-je eu des propos qui l'auraient froissé ? demanda Adabâr à ses illustres invités.

- Non, n'ayez crainte. Notre amie est encore déstabilisée par les événements, tempéra Celeborn très diplomate.

Guilleret, Adabâr passa rapidement à autre chose et la fête continua.

Imrazôr ne perdit pas cette occasion et peu de temps après il disparut également. Il retrouva l'oracle sur une terrasse de la cité.

- Les nuits sont fraîches en bord de mer, dit le fils du maître en s'approchant de la belle.

Elle tourna juste la tête pour voir qui se permettait de la déranger. Le jeune homme ôta son riche vêtement pour le poser sur les épaules de l'oracle. Il s'empressa ensuite de lui offrir son plus beau sourire.

- Ma Dame, votre main, s'inquiéta-t-il en la lui prenant.

La main droite d'Amarthêl était ensanglantée et des morceaux de verre étaient encore figés dans sa paume. Imrazôr enleva délicatement les plus gros éclats.

- Il faut vous faire soigner cette méchante blessure, dit-il d'une voix douçâtre.

Mais elle lui reprit sa main sans ménagement.

- Cessez de me faire du charme, siffla-t-elle.

Il fut troublé par son caractère brut.

- Je sais parfaitement ce que vous attendez de moi. Je connais votre ambition et votre envie de grandeur, continua-t-elle. Mais ce ne sera pas moi qui vous l'apporterais.

- Je… J'ignore de quoi vous me parlez, bafouilla-t-il en se grattant nerveusement la tête.

- Inutile de me mentir. Je sais tout.

Imrazôr arrêta de jouer les innocents et devint incroyablement sérieux.

- Dans ce cas, dites-moi ce que je dois faire.

- Demain à l'aube, vous partirez dans les montagnes. Vous rencontrerez une personne égarée. Grâce à son sang votre descendance sera la plus puissante et la plus respectée de tout le Gondor.

Les yeux d'Imrazôr s'écarquillèrent en entendant l'annonce.

Elle abandonna le jeune homme qui bien trop sonné par la révélation ne remarqua pas son absence.

Amarthêl regagna sa chambre. De nouveaux vêtements de voyage l'attendaient pour son départ, ainsi que ses armes dont sa précieuse épée forgée par Durin. Son humeur était exécrable et elle avait une soif de vengeance terrible. Quitter la civilisation et trancher du Gobelin et de l'Orque étaient maintenant ses priorités.

Aussitôt habillée elle ouvrit la porte de sa chambre. Mais derrière la porte se tenait Glorfindel. Malgré le fait que l'elfe n'exprimait pas ses émotions, elle avait appris à le connaître. Le guerrier était soucieux.

- Nous ne partons que demain matin, dit-il en la voyant ainsi équipée.

- Vous oui, mais je n'ai jamais dit que je venais avec vous, s'emporta-t-elle.

- Vous ne pouvez partir seule.

- Et pourquoi je vous prie ?

- Vous avez vécu des heures très sombres. Cela vous a fragilisé. Inutile de prendre des risques.

Elle appréciait Glorfindel mais l'écouter lui dire quoi faire l'énervait au plus haut point. Elle le poussa pour lui forcer le passage de la porte. Obstiné, il la suivi jusqu'à la cour de la Citadelle. Le Seigneur Elrond pressentant qu'elle allait encore agir excessivement, arriva auprès d'eux. Elle attendait qu'un palefrenier lui apporte un cheval sellé.

- Ne réagissez pas dans la précipitation, tenta-t-il de la convaincre.

- Ne vous fatiguez pas à essayer de persuader.

- Nous avons besoin de vous pour nous occuper de l'avenir du Lórinand.

- Vous n'avez pas besoin de moi ! Vous avez besoin de mes visions, mais elles ne sont que du poison qui encombre l'esprit. Prenez vos décisions par vous-même, s'insurgea-t-elle.

- Amarthêl, dit Elrond pour la tempérer.

- Non, ne m'appelez plus ainsi ! L'Etoile du Destin est une mascarade, un simulacre, s'écria-t-elle. Ce n'est qu'un titre pompeux pour une personne qui n'est ni plus ni moins que le pantin des dieux que vous chérissez.

Galadriel avait raison. L'oracle avait changé, elle n'était plus aussi encline à dévoiler ses visions.

Une monture harnachée lui fut présentée et elle en fit rapidement le tour pour vérifier son état. Satisfaite, elle s'apprêta à monter en selle, mais Glorfindel l'en empêcha et ils discutèrent à l'abri des regards dissimulés derrière le cheval.

- S'il te plait, la tutoya-t-il dans un murmure. Nous nous connaissons depuis 900 années maintenant. Je sais que tu es quelqu'un de réfléchi qui n'agirait jamais de façon inconsciente. Mais depuis ton réveil j'ai peur, tu me fais peur. Tu n'es plus celle que j'ai rencontrée sur cette plage.

- J'ai changé oui. J'ai enfin ouvert les yeux et j'ai découvert la vérité.

- Et quelle est cette vérité qui t'a autant transformé ? demanda l'elfe blond.

- Notre destin a été décidé à l'avance. Quoi que nous choisissions de faire, rien n'est de notre propre initiative, lui chuchota-t-elle.

Glorfindel la regarda étrangement. Il ne semblait pas la croire et pire encore, il lui donnait l'impression qu'il doutait de ses paroles.

- Même si ce que tu dis est vrai, est-ce que cela doit nous empêcher de vivre pour autant ?

- Là n'est pas la question, s'énerva-t-elle à nouveau. Je ne veux plus être mêlée à ce mensonge.

- Mais c'est pourtant ce que l'on attend de vous, mon amie.

- Amie ? Je n'ai plus d'amis. Ils sont tous mort il y a bien des années.

Sa phrase blessa fortement Glorfindel. Pensait-elle sincèrement ce qu'elle disait ou bien est-ce une manouvre pour l'éloigner d'elle ?

Elle monta sur sa monture sans un regard pour lui et replaça les pans de son manteau sur sa croupe.

- Le Lórinand ne sera pas perdu, déclara-t-elle sérieusement à l'intention d'Elrond. Je chéris ces bois plus que quiconque et je ne veux pas voir le royaume d'Amroth sombrer, alors j'accepte de vous informer.

Elrond fit un signe de tête pour lui montrer sa reconnaissance.

- Nenya protégera la forêt.

Une courte phrase qui suffisait amplement.

Puis sans un mot elle talonna son cheval et elle quitta la cité fraîchement renommée Dol Amroth en l'hommage du Roi du Lórinand disparu trois mois plus tôt.

§

Amarthêl n'existait plus et elle reprit son nom de naissance, Azruphel.

Après son départ, Azruphel mena une vendetta contre les ignobles créatures qui avaient pris possession des Monts Brumeux. Elle n'avait pas peur de mourir et elle découvrit même que ses blessures avaient un effet positif sur elle. La douleur était le seul sentiment qui lui indiquait qu'elle était vivante. Mais quiconque la blessait était certain de subir son courroux, car elle puisait dedans une force démesurée.

La douleur était devenue comme une drogue, si bien que lorsqu'elle ne combattait pas, elle se mutilait consciemment. D'abord de simples plaies et lacérations non mortelles, puis elle expérimenta les plus fatales. C'était devenu une obsession, son idée fixe. Chaque occasion devenait bonne pour tester toutes les mises à mort possibles, que ce soit de sa main ou par un ennemi.

Comme elle l'avait dit à Mandos, elle le harcelait avec ses innombrables morts mais à chaque fois elle se réveillait irrémédiablement vivante.

Pendant des siècles elle joua à ce petit jeu, mais elle se lassa, et elle reprit son rôle d'oracle bien malgré elle. Sa nature empathique et son altruisme l'empêchèrent de vivre en ermite coupé du monde. C'était plus fort qu'elle, il fallait qu'elle aide. Même si Mandos doutait de sa sagesse, son cœur était bon et généreux. Quitte à vivre encore des siècles, autant les passer en faisant quelque chose d'utile.

Toutefois, Azruphel garda son indépendance vis-à-vis des peuples de la Terre du Milieu, ne passant guère plus que quelques jours au même endroit. A l'exception d'Imladris, car bien qu'elle le cache, la médecine d'Elrond était la seule qui l'empêchait de sombrer dans la folie.


Notes :

Irmo – Lórien : Maître des Rêves, du désir et de la paix, frère de Mandos et de Nienna.

Nienna : Le deuil et la tristesse sont son domaine, sœur de Mandos et Lórien.

Námo – Mandos : Juge des Morts, frère de Nienna et Lórien. Il possède le don de prophétie.

fàna : apparence corporelle que les Valar peuvent prendre à leur guise. Ce ne sont toutefois pas de vrais corps comme ceux des Enfants d'Ilúvatar.

Imrazôr : Nùmenoréen vivant à Belfalas, il épousa l'elfe Mithrellas, servante de Nimrodel. Leur fils Galador fut le premier Prince de Dol Amroth. Le 22ème Prince de Dol Amroth, Imrahil participa à la Guerre de l'Anneau.

Merci wiki


J'espère que ce chapitre vous aura plu.

Une petite review s'il vous plait pour me dire vos impressions :D

A bientôt

Biz

Sacrok