Bonsoir à tout le monde o/

Ce chapitre arrive pile à temps (vu que j'ai un peu modifié mon rythme de publication, maintenant c'est le mercredi !), grâce à encore une fois un aprèm de travail (j'aime bosser sous la pression) ! Merci à toutes les personnes qui m'ont laissé des reviews, je vous promets d'y répondre dans les prochains jours 3

Bonne lecture !

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Dites-le avec des fleurs, partie 5

Après être passés voir un Aphrodite occupé à veiller sur Athéna ("j'irais voir Shion quand je serais certain de pouvoir la laisser seule"), Camus et Milo mangèrent en silence au huitième Temple. Une averse diluvienne se déclencha brutalement à la fin de leur repas. De grosses gouttes frappaient le toit, le sol, les fenêtres, meublant le silence. Le Verseau termina un yaourt aux fruits distraitement, visiblement absorbé par le paysage et cette pluie qui tombait sans discontinuer. Milo débarrassa la table discrètement, puis se rassit.

- Oh... réagit enfin Camus. J'aurais dû t'aider...
- Pour mettre deux assiettes et quelques couverts au lave-vaisselle ? Vraiment, ne t'inquiète pas... Tu aimes toujours autant la pluie, hein ?
- Surtout quand je suis à l'intérieur et au chaud, en effet. Le bruit est apaisant.

Le Scorpion hocha la tête.

- J'avoue que j'ai un peu plus de mal. Quand j'étais apprenti, mon maître trouvait pédagogique de nous faire nous entraîner plus dur dans des conditions difficiles. Soi-disant qu'il fallait profiter de cette opportunité exceptionnelle d'apprendre. Enfin, tu dois comprendre de quoi je parle, vu que tu t'es retrouvé en Sibérie.
- La valeur pédagogique d'une température moyenne de zéro en été... Mais je ne peux rien dire, j'ai reproduit ça avec Hyoga et Isaak.
- Tu regrettes ?

Silence.

- Ça n'a plus d'importance, si ? finit par répondre Camus.
- Je ne sais pas.
- Hmm. Je crois que je regrette, oui. C'était irresponsable de ma part.
- C'était la tradition.
- Ce n'est pas une excuse.
- Non, mais c'était une explication.

Ils se turent à nouveau. La paix et leur résurrection obtenues par Athéna avaient été l'occasion de remettre en cause le fonctionnement du Sanctuaire, notamment sa façon d'aborder la formation des nouvelles générations. Ce bouleversement éveillait des sentiments variés chez les personnes qui étaient passées par le vieux système : soulagement de savoir qu'elles seraient les dernières, jalousie, mépris lié à la conviction que seule leur éducation "à la dure" leur avait permis d'atteindre leur niveau de compétence, culpabilité d'avoir participé au maintien de ce système cruel. Mais cahin-caha, tout se mettait en place.

- Je ne crois pas qu'ils t'en veulent, murmura Milo.
- Ils me l'ont dit, oui. Ils sont vraiment adorables, tu sais ?
- Tu me l'as dit assez de fois pour que je l'ai gravé dans le crâne !
- Et encore, il me semble avoir été plutôt discret sur ce sujet.

Ils se sourirent et se sentirent un instant flotter, coupés du monde.

- Bon, fit Camus en mettant fin à ce moment. On bosse ? Il est presque deux heures.
- À tes ordres, plaisanta Milo. On commence par quoi ?
- La plume, je dirais.

Le Scorpion hocha la tête et sortit la plume de sa poche. Elle était enfermée dans une pochette plastique hermétique et pulsait toujours doucement, animée d'une vie propre. Ils la fixèrent quelques minutes, fascinés. Elle était blanche, d'un blanc éclatant, céleste, comme si rien ne pouvait la salir. Ses barbes étaient parfaitement disposées, symétriques, presque trop parfaites pour être honnêtes. Camus n'arrivait pas à imaginer un oiseau avec des plumes pareilles. Ou alors, c'était un oiseau divin.

- Je suppose qu'on peut déjà éliminer Aphrodite. Il est doué, d'accord, mais ça... Athéna avait raison, c'est une divinité qui veut attenter à sa vie.
- Et pourquoi pas Aphrodite ? suggéra Milo.

Le Verseau le regarda, surpris. Le Scorpion rosit :

- Tu vas trouver ça bête, mais j'y ai pensé quand tu as parlé d'Aphrodite... le Chevalier, je veux dire. Lui ne pourrait pas posséder une plume pareille - franchement, je n'étais pas vraiment convaincu de sa culpabilité - , mais la déesse, elle... C'est différent.
- La colombe est un de ses emblèmes, indiqua Camus en hochant la tête. Cependant... il nous manque un motif. Pourquoi s'en prendrait-elle à Athéna ? J'ai beau chercher, je ne me rappelle pas d'un mythe qui les opposerait...

Milo rit :

- Je ne sais pas si les explications aux conflits divins se trouvent dans nos mythes. Mais si tu cherches par là... Il y a la Pomme d'Or. Pâris a préféré Aphrodite à Athéna et Héra. Bon, ça n'explique pas pourquoi Aphrodite en voudrait à Athéna, puisqu'elle a gagné, mais ça nous indique au moins qu'elles ne s'entendent pas forcément très bien.
- Oh ! Tu as raison, ça m'était complètement sorti de la tête ! Et tu as aussi raison sur le fait que nous ne pouvons pas nous fier à la mythologie. C'est dommage, je la connais bien.
- Je suis sûr que tu sauras utiliser d'autres de tes atouts...

Camus retint un rougissement. Ses "atouts"... Milo n'avait probablement pas voulu sous-entendre...

- Oui, mes atouts, répéta le Verseau d'un air absent. Mes... atouts.

Le Scorpion acquiesça :

- Exact ! Peut-être que tu ne peux pas juste réciter des mythes pour trouver la solution, mais tu es intelligent, astucieux, tu réfléchis vite... Tu es la personne parfaite pour le job, acheva-t-il, un peu gêné.
- La personne parfaite ? Loin de là... Une personne parfaite n'aurait pas fait autant d'erreurs dans sa vie...

Rappeler à ce moment qu'il n'avait complimenté Camus sur sa perfection que dans le cadre de leur mission actuelle aurait été mesquin. Et peut-être pas tout à fait vrai. Toutefois, Milo avait le sentiment que leur conversation était en train de dériver, loin de leur boulot. Pour leur défense, ce n'est pas comme s'ils avaient grand chose d'autre à discuter. Ils avaient une hypothèse pas trop mauvaise pour la plume et dépendaient d'Athéna pour agir ; ils n'avaient rien de nouveau sur les bouquets explosifs. Tout ce qui leur restait à faire, c'était de se renseigner sur les allées et venues de la nuit, ou ratisser encore une fois le Sanctuaire et particulièrement le palais du Pope à la recherche de bombes - ce que devait déjà faire les gardes. Milo estima donc qu'ils pouvaient prendre une pause.

- D'accord, tu n'es peut-être pas parfait, lança-t-il. Ceci dit, tu peux pas nier que tu es plein de qualités - et pour moi, elles sont vachement proches de la perfection. Écoute, je sais que ça a été... difficile entre nous, ces derniers mois, mais...

Le Scorpion s'interrompit, embarrassé. Il ne voyait pas trop comment continuer. Il leva les yeux vers Camus, attendant une réponse. Il rougit aussitôt. Le Verseau le dévorait du regard, les prunelles brillantes. Il ne lui avait pas vu une telle expression depuis longtemps.

- Milo, finit par souffler le Chevalier. Merci. Et... oui, ça a été dur. C'était de ma faute.
- De notre faute. Tu as fait des choix certes discutables, mais qui ont été pardonnés - et moi je suis resté avec cette espèce de rancœur. Sans réussir à en parler, même quand tu essayais.
- On a réussi à en parler. Hier. Avant... tout ça.
- C'est vrai.

Camus hésita, puis demanda :

- Et maintenant ? Cette rancœur ?

Milo sourit :

- Je crois qu'elle va mieux.
- En deux jours ? interrogea le Verseau en haussant un sourcil dubitatif.
- Rassure-toi, elle n'a pas encore complètement disparu et je t'en veux toujours. Mais moins. Et surtout, je crois que je comprends.
- Hmm.

Camus laissa passer quelques secondes, puis lâcha :

- Moi aussi, je comprends. Je comprends vraiment pourquoi tu m'en veux. Avant... je ne sais pas, je me rendais bien compte que je te blessais, mais je ne comprenais pas vraiment. Je me trouvais quand même des justifications tout à fait rationnelles, qui balayaient objectivement toute culpabilité. Maintenant, j'ai le sentiment que ces explications ne sont pas si absolues. Et je comprends.
- Et tu ne m'en veux pas ?
- De t'en vouloir ?

Le Verseau fronça les sourcils :

- En vouloir à quelqu'un parce que cette personne nous en veut... C'est absurde, non ?
- C'est humain, je dirais.
- Ah. Et bien, non, je ne t'en veux pas. Cela me frustre de voir que nous ne sommes pas exactement d'accord sur tout, cela me frustre de voir que nous avons des désaccords insurmontables, mais je ne t'en veux pas. Tu es comme tu es. Et tu es... parfait comme tu es.
- Nos désaccords ne sont pas insurmontables, intervint Milo avec précipitation.

Il se leva de table et se rapprocha de son... ami.

- Ils ne sont pas insurmontables, répéta-t-il. C'est normal de ne pas penser la même chose. Et je suis sûr qu'aujourd'hui, maintenant qu'on arrive à mieux l'accepter... Ce n'est plus insurmontable.
- Cela ne l'a même jamais été, murmura Camus. On a été complètement idiots, têtus, indifférents.

Il rit, puis dit, sorti brutalement du petit monde qu'il partageait avec Milo :

- Enfin, on parle, on parle, mais on devrait plutôt bosser, on va se faire encore engueuler par Shion sinon.
- Tu es motivé ?
- Pas du tout, admit le Verseau en se levant de sa chaise, s'étirant un peu.
- Et bien, moi non plus.

Ils se tenaient face à face, à quelques centimètres l'un de l'autre. Camus pouvait sentir l'odeur du parfum de Milo - elle lui avait tant manqué. Le Scorpion passa une main hésitante, presque maladroite, dans les longs cheveux vert d'eau - un geste habituel mais ancien, familier et étrange. Leurs yeux se croisèrent, brillants d'une même lueur. Ils s'embrassèrent doucement, timidement. Camus enlaça son Scorpion, délaissant ses lèvres pour mieux embrasser le creux de son cou. Les mains de Milo vinrent à leur tour entourer le Verseau, l'attirant plus fort contre lui.

Ils s'étaient retrouvés - enfin.

OoOoOoOoO

Athéna dormait paisiblement dans son lit, toujours inconsciente mais hors de danger. Aphrodite, qui attendait dans une salle attenante, porte ouverte pour garder un œil sur la blessée, n'avait plus grand chose à faire, et tout le temps du monde pour cogiter. Il ne savait pas ce qui le mettait le plus hors de lui : qu'on ait tenté d'assassiner sa déesse, ou bien que ses amis et lui soient apparus comme des suspects, parfaits, naturels. Certes, Camus et son équipe avaient reconnu leur bêtise, mais cela n'empêchait pas le Poisson d'avoir peur : cette liste infâme révélait les préjugés des Chevaliers, qui seraient probablement incapables de mener une enquête objective. Pire encore, il ne savait pas trop si Shion et Athéna arboraient les mêmes défiances - même si le Pope semblait lui faire confiance, le chargeant de prendre soin de leur déesse blessée.

- Aphro ? Tout va bien ? lui demanda DeathMask qui arrivait avec Shura. On s'est dit que tu apprécierais un peu de compagnie.
- Mmh hmm.
- Toi, tu as une idée derrière la tête, soupira le Capricorne. Par pitié, dis-moi que ça n'a rien à voir avec cette histoire de bouquets.

Aphrodite resta silencieux. DeathMask laissa échapper un juron.

- Je te l'avais dit, énonça Shura d'un ton sentencieux. Aphrodite, c'est à cause de cette stupide liste ?
- Ils me soupçonnent, grogna le Poisson. Et ils soupçonnent Death. Je ne peux pas laisser faire ça.
- Ils ne trouveront rien sur moi, sourit l'Italien. Parce que je n'ai rien fait. Et pareil pour toi. D'accord, on t'a volé des roses, et alors ? C'est toi, la victime. Tu vas voir, ça va se tasser.

Le Poisson se leva et se mit à faire les cent pas :

- Ce n'est pas juste, lâcha-t-il. Et tu sais très bien qu'ils ne nous jugent pas équitablement...
- Ce qui serait bien hypocrite de la part de Camus, glissa le Cancer.
- Peu importe ! Ce n'est pas que lui. C'est tout le monde. On nous soupçonnera toujours. Cette fois, on y échappera - surtout si on découvre qui est vraiment derrière tout ça. Mais la prochaine fois, ce cirque recommencera !
- Et que veux-tu y faire ? demanda doucement Shura. On ne peut rien changer au passé, on ne peut pas les forcer à nous comprendre.
- Mais on peut leur montrer que nous sommes prêts à nous impliquer dans la défense de notre déesse !

DeathMask fronça les sourcils :

- Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement ?
- Ça veut dire que nous allons enquêter.
- Avec Camus et les autres ? interrogea le Capricorne.
- Non ! protesta Aphrodite. En parallèle. Et nous les devancerons.
- Vraiment ?

Le Poisson eut un sourire ravi :

- Tout à fait ! Car nous bénéficions d'un avantage extraordinaire : ce sont mes roses qui ont été utilisées pour les bouquets !
- Minute. Je croyais que tu n'avais pas reconnu tes roses dans nos bouquets, intervint Shura.
- J'ai menti, soupira Aphrodite. Enfin, pas vraiment. Au début, je ne les ai pas reconnues. Puis j'ai découvert qu'il me manquait des rosiers entiers. Alors je suis retourné discrètement dans la salle où les bouquets sont gardés, cette nuit. Et je me suis concentré. Ce sont bien mes roses. Ma connexion avec elles était extrêmement endommagée, comme si la part de mon cosmos qui les enveloppait avait été dévorée par une autre entité.
- Une entité... puissante ?
- Oui. Probablement une divinité, si c'est là où tu veux en venir Shura.

Le Capricorne hocha la tête, puis déclara :

- Tu dois le dire au Pope. Ou à Camus.
- Pour me retrouver au cachot ? Non merci ! Je n'aurais jamais tenté de tuer Athéna, mais je doute que ces enflures me croient ! Et je suis sûr que le soupçon me poursuivra pendant des années... Non, je vais plutôt démasquer moi-même le ou la coupable.

DeathMask et Shura se regardèrent, puis se tournèrent ensemble vers Aphrodite :

- D'accord, dirent-ils avec un bel ensemble.
- Comment tu veux t'y prendre ? demanda l'Espagnol.
- Et qu'est-ce qu'on peut faire pour t'aider ? compléta l'Italien.

Le Poisson sembla presque surpris de leur réaction positive, puis sourit. Soulagement et bonheur de voir les deux personnes les plus importantes de sa vie le soutenir.

- Mes roses étaient dénaturées, expliqua-t-il. Imprégnées d'un cosmos étranger, puissant, très caractéristique. Cette divinité a probablement passé du temps avec elles, pour les transformer. Peut-être qu'elle en porte encore des traces. Entre ma connexion avec mes roses et mon souvenir de ce cosmos si particulier, je crois que j'arriverais à remonter sa piste.
- On vient avec toi, imposa aussitôt DeathMask. Il est hors de question que tu tentes un truc pareil seul.

Le Poisson secoua la tête :

- Si je suis seul, je serais plus discret...
- Mais ce serait trop dangereux, intervint à son tour Shura. Laisse Death t'accompagner. Et moi, je resterai ici pour veiller sur Athéna - je dirais que tu es rentré te reposer, faire une pause.

Aphrodite hésita quelques instants avant d'acquiescer.

- Merci, dit-il simplement.

OoOoOoOoO

Lentement, Saori ouvrit les yeux. Elle pouvait sentir Athéna remuer au fond d'elle, une présence lourde, bizarrement léthargique. Ces bouquets étaient vraiment faits pour tuer une divinité... Même en s'étant protégée à temps, elle avait été très affectée par l'explosion. Elle se frotta les yeux, regarda autour d'elle. Elle se trouvait dans un lit blanc, installée au milieu d'une chambre impersonnelle. Une petite fenêtre lui permettait de voir le ciel - on était en fin d'après-midi. Elle avait dormi toute la journée.

Progressivement, Athéna se réinstalla en elle, reprenant les commandes. La déesse demeurait groggy, mais son état semblait s'améliorer de minute en minute. Elle se redressa péniblement, émit un son inarticulé. Shura entra en hâte dans la chambre. Le Capricorne avait l'air préoccupé ; si elle avait été dans son état normal, Athéna aurait probablement compris que les soucis de l'Espagnol ne se résumaient pas à son réveil soudain.

- De l'eau, demanda-t-elle avec effort.
- Comment vous sentez-vous ? interrogea Shura en lui tendant respectueusement un verre d'eau.

Elle prit son temps pour boire.

- Bien, finit-elle par répondre d'une voix éraillée. Où est Mii ? Il me faut de quoi me changer. Je dois immédiatement contacter l'Olympe, ordonna-t-elle.

Toute torpeur s'en était allée. Elle se concentrait sur sa tâche, refusant de se laisser distraire. Elle devait parler à Hermès, puis à Hestia. Séparément, pour mieux comparer leurs propos.

- Est-ce qu'il y a eu de nouvelles avancées dans l'enquête ? demanda-t-elle à Shura qui revenait après avoir envoyé une garde chercher Mii.

Le Capricorne hésita - une réaction bizarre qu'une Athéna plus attentive aurait probablement détecté. Puis il répondit :

- Non. Mais Camus et Milo devaient y travailler cet après-midi.

La déesse hocha la tête, absorbée par ses propres pensées. Enfin, Mii entra dans la chambre accompagnée de deux autres Saintias, amenant le nécessaire pour se changer. Shura s'inclina et s'apprêta à sortir.

- Attends ! le rappela Athéna.
- Déesse ?
- Va voir Camus et Milo, dis-leur de venir immédiatement ici. Je veux entendre leur rapport avant de contacter ma famille sur l'Olympe.

Le Capricorne acquiesça puis la laissa. Avec précaution, Athéna sortit du lit, s'attendant à moitié à ce que ses jambes humaines la lâchent. Elles tinrent bon. Mii lui sourit gentiment :

- Vous vous sentez mieux ?
- Oui, merci.
- Je vous ai pris de quoi vous débarbouiller, indiqua la Saintia. C'est un peu spartiate...
- ... mais cela fera amplement l'affaire. Je n'ai pas beaucoup de temps.

La déesse hésita quelques secondes, puis ajouta :

- Laissez-moi seule, je me débrouillerais.
- Très bien. Nous serons juste à côté.

La porte s'ouvrit et se ferma de nouveau. Athéna soupira. Elle avait un mauvais pressentiment, comme si quelque chose d'important s'était passé pendant son sommeil, quelque chose de terrible. Elle s'habilla après une toilette de chat, rapidement et efficacement. Puis elle se rendit à la porte, vérifia avec son cosmos que Camus et Milo étaient bien arrivés - vu la confusion gênée de leur aura, Shura les avait interrompus assez cavalièrement - , et enfin seulement sortit de la chambre.

- Bonsoir. Étant donné les circonstances, je vais utiliser cette pièce comme bureau. Il n'y a pas de table, mais il y a des chaises, ça fera l'affaire. Il me semble de toute façon que Shion ne supporterait pas que je regagne mes pénates...

Elle sourit, promena son regard sur l'assistance - Shura, Mii et ses Saintias, Camus et Milo, deux gardes.

- Tout d'abord, reprit-elle d'un ton ferme, j'aimerais m'entretenir en privé avec Camus et Milo.

La pièce se vida peu à peu, jusqu'à la laisser avec ses deux Chevaliers.

- Messieurs, est-ce que vous avez découvert du nouveau ?
- Notre adversaire ne vient pas du Sanctuaire, commença le Verseau. Et il s'agit fort probablement d'une divinité.
- À cause des empreintes trouvées chez Aphrodite ?
- Non, intervint Milo. Ce matin, dans les gravats laissés par l'explosion, j'ai trouvé une plume.

Athéna fronça les sourcils :

- Une plume ?
- Oui. La voici.

La déesse s'empara du sachet plastique, les yeux fixés sur la petite plume blanche qui s'agitait, luttant contre sa prison transparente. Voilà qui était... intéressant.

- Qu'en pensez-vous ? demanda-t-elle aux Ors.
- C'est peut-être bête, mais nous avons pensé à Aphrodite, indiqua le Scorpion. La déesse, je veux dire. Le Chevalier est innocent, c'est sûr... mais je me demande où il est, d'ailleurs. Il était censé veiller sur vous ?

Athéna fronça les sourcils. C'était Shura qui avait été là à son réveil, elle n'avait pas vu le Poisson... Il y avait quelque chose de bizarre. Bah, elle réglerait le problème Aphrodite plus tard. Il y avait plus urgent.

- Vous avez pensé à Aphrodite... répéta-t-elle d'un ton songeur. C'est vrai, son emblème est la colombe.

L'hypothèse n'était pas idiote, à un détail près : la plume récupérée par Milo ne ressemblait pas aux plumes des colombes divines d'Aphrodite. Mais Athéna avait déjà sa petite idée... Il fallait juste qu'elle la confirme, ce qu'elle ne pourrait pas faire avec les deux tourtereaux.

- Très bien, conclut-elle donc. Merci pour votre travail, tous les deux. Et... je suppose que des félicitations sont de mise ? Pour votre réconciliation, je veux dire.

Scorpion et Verseau eurent une moue embarrassée, l'un rougissant, l'autre pinçant les lèvres.

- Comment avez-vous su ? demanda Camus.
- Mettez cela sur le compte de l'intuition d'une déesse, rétorqua-t-elle avec un sourire. Et maintenant, allez-y ! Et dites à tout le monde dehors de s'occuper ailleurs, contacter ma merveilleuse et divine famille risque de prendre un peu de temps...

Les deux Ors quittèrent à leur tour la pièce. Athéna l'entoura immédiatement d'une couche épaisse de cosmos, afin de protéger les alentours. Deux divinités coincées dans un espace confiné avaient souvent un impact désastreux sur leur environnement. À présent... par qui commencer ? Elle réfléchit quelques instants avant de se décider : Hermès.

"Voyons ce que mon cher demi-frère aura à me dire", songea-t-elle en dissimulant soigneusement la plume.

Elle projeta son cosmos vers l'Olympe, recherchant le dieu. Elle le trouva assez rapidement. Il se baladait non loin de la Terre, comme s'il attendait d'être contacté.

"Bonsoir, Hermès", pensa-t-elle en projetant ces mots vers son demi-frère.

Celui-ci l'entendit, la reconnut. Il se matérialisa dans la petite pièce.

- Bonsoir, ma sœur.

Il sourit, un sourire espiègle et sournois à la fois. Il était fidèle à lui-même.

- Alors ? lui demanda simplement Athéna.

Le dieu prit une mine chagrine :

- Hélas, ces empreintes appartiennent à Perséphone, la reine des Enfers...

La déesse resta impassible, ne laissant pas filtrer ses émotions.

- Perséphone, murmura-t-elle simplement. Perséphone ? répéta-t-elle d'un ton interrogateur.
- J'en suis absolument certain. Elle doit vouloir venger son époux.

Hermès s'approcha d'elle, ses pieds chaussés d'ailes frémissant au rythme de ses pas. Il posa une main rassurante sur son épaule :

- Ma sœur, il te faut agir. Frapper avant qu'elle ne te frappe... encore plus. Veux-tu que je ramène de l'ambroisie et du nectar ? Notre nourriture te fera du bien. Et j'en ai justement sur moi !

Il la regardait avec une sollicitude sincère. Athéna se surprit à se détendre, à se sourire.

- Avec plaisir, mon frère.
- Parfait ! Tiens.

La déesse s'empara de la barre d'ambroisie recouverte de chocolat et de la bouteille de nectar. Elle en prit une gorgée, une bouchée, une autre gorgée, encore quelques bouchées... jusqu'à finir l'en-cas d'Hermès.

- Désolée, j'avais trop faim, murmura-t-elle.
- Oh, mais je comprends tout à fait !

Le dieu sourit, son visage s'illumina de l'intérieur :

- Je vais te laisser, à présent. Tu as l'air d'avoir besoin de repos, tu es encore un peu pâle.

Athéna hocha distraitement la tête. Elle sentait qu'elle avait du mal à se concentrer. Son demi-frère disparut, s'éloignant apparemment sans regarder en arrière. Dès qu'elle le sentit loin, elle enfonça résolument deux doigts au fond de sa gorge pour vomir. L'enfoiré avait empoisonné la nourriture divine. Elle s'essuya les lèvres. Le poison n'était pas mortel, à peine susceptible de l'affaiblir... mais cela en disait long sur les "bonnes intentions" d'Hermès à son égard. Elle fit rapidement apparaître une copie des empreintes trouvées chez Aphrodite, puis appela Hestia.

Elle eut plus de mal à trouver sa tante, mais celle-ci finit par se matérialiser à ses côtés. Comme à son habitude, Hestia était vêtue d'une robe d'un rouge profond, aux broderies d'or. Malgré le faste de sa robe, la déesse apparaissait sévère, modeste, couronnée d'un diadème sobre posé sur un voile. Des mèches d'un brun sombre, bouclées, s'en échappaient, soulignant ses traits acérés.

- Mon enfant, la salua-t-elle.
- Ma tante. Je suis désolée de vous avoir dérangée...
- Inutile. Tu ne m'as pas dérangée. J'aurais refusé ta requête, si tu l'avais fait.

Athéna hocha la tête. Elle se sentait subitement fatiguée.

- Le cosmos que tu m'as envoyé appartient à Apollon, ma chère nièce. Et tu pourras utilement boire ceci, contre les restes de poison qui parcourent ton corps.

Une fiole apparut dans la main enflammée de la déesse, comme née du feu.

- De quoi s'agit-il ? interrogea Athéna avec méfiance.
- C'est une panacée que m'a offerte Apollon il y a longtemps. Étrange paradoxe, ne trouves-tu pas ? Ton ennemi t'offre ton remède !
- C'est Hermès qui m'a empoisonnée, avec de l'ambroisie et du nectar.

La fille de Zeus s'empara de la fiole et la but lentement, sentant ses forces revenir, sa fatigue étrange se dissiper. Hestia n'avait pas menti, c'était une panacée. Hestia ne mentait jamais. Elle était le foyer, sur qui l'on pouvait toujours compter.

- Hermès... Voilà qui complique ta situation. As-tu encore besoin de mon assistance ?
- En effet, ma tante. Je voulais vous montrer ces empreintes de pas. Hermès a dit qu'elles appartenaient à Perséphone.

La déesse se pencha sur la feuille tendue par sa nièce, l'air circonspect.

- Très sincèrement, mon enfant, cela ne ressemble pas aux empreintes de la petite Perséphone. Il me semble que ses pieds sont bien plus menus. Mais en même temps, Hermès est un expert dans le domaine...
- Sauf qu'il m'a probablement menti, comme il m'a empoisonné. Il est très proche d'Apollon, n'est-ce pas ?

Hestia resta silencieuse, puis lança :

- Tu penses qu'il l'aide à s'en prendre à toi ?
- Je ne sais pas... Et il y a autre chose. J'ai trouvé une plume.
- Une plume ?
- J'ai été légèrement blessée par l'explosion d'un des bouquets, tôt ce matin. Et dans les décombres, un Chevalier a découvert cette plume.

Athéna lui montra l'objet :

- Il me semble qu'elle appartient à Hermès, non ?
- En effet, sans le moindre doute. Et si on la relâchait, elle irait aussitôt rejoindre son propriétaire. C'est une plume de ses sandales.
- Il ne fait donc pas que dissimuler les traces d'Apollon ! Les deux sont complices !

La déesse du foyer haussa les épaules, une expression neutre sur le visage :

- Mon enfant, je ne puis prendre part à ce genre de supposition. Mon intervention se limitera toujours à te fournir quelques conseils et répondre à tes questions. Tu sais que je préfère conserver une certaine neutralité - à défaut d'une totale neutralité.
- Je sais, ma tante. Je sais.

Athéna soupira. Les principes d'Hestia... Il ne servait à rien d'essayer de convaincre sa tante, mais la fille de Zeus devait avouer se sentir esseulée. Elle aurait aimé recevoir un soutien franc, pour une fois.

- Merci encore pour vos réponses, ma tante.
- Ce fut un plaisir, ma nièce, sourit la déesse avant de disparaître, comme une flamme soufflée par le vent.

Restée seule, Athéna ferma les yeux. La soirée était largement avancée, à présent. La moindre discussion entre déités prenait si longtemps ! Elle se sentait à la fois victorieuse et lasse. Malgré l'incident de la matinée, elle était parvenue à découvrir qui l'attaquait. Tout n'était pas encore clair, mais au moins elle n'avançait plus dans l'obscurité complète. Elle s'apprêtait à faire une petite sieste, protégée par un bouclier de cosmos, quand on frappa quelques coups à la porte. Elle soupira. Encore.

- Entrez, lança-t-elle.

Le Capricorne s'avança dans la pièce avec hésitation, anormalement agité :

- Déesse, il s'agit d'Aphrodite...

Athéna fronça les sourcils. Oui, Aphrodite... Milo avait déjà relevé son absence étrange.

- Qu'y a-t-il Shura ? Où est Aphrodite ?

L'Espagnol déglutit :

- C'est bien le problème, déesse. Aphrodite et DeathMask ont disparu et je crains qu'il ne leur soit arrivé quelque chose.