Bonsoir !

Partie 9 publiée en catastrophe (à presque une heure du matin... je vais être frais demain matin T^T), un peu plus courte que les précédentes mais ça va, ça reste correct... C'est une partie de transition (l'occasion de parler des personnages secondaires... je devrais arrêter de parler des personnages secondaires, je finis toujours par me perdre ToT). Aussi, je n'ai pas pu résister à l'idée de placer une petite référence nulle à un ship très personnel et très particulier (oui c'était un crackship à l'origine) : Aiolos/Myu UwU

Bref, j'espère que ce "chapitre" vous plaira ! Bonne lecture o/

PS : merci aux personnes qui m'ont laissé des reviews, j'y réponds dès que possible !

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Dites-le avec des fleurs, partie 9

- Elle n'allait pas bien, hein ?
- Non, non... Pas bien du tout.

Aiolos hésita. Shion avait le regard fermé, la mâchoire sévère et crispée, les traits tirés.

- Grand Pope... commença-t-il. Vous devriez peut-être...

L'ancien Bélier tourna violemment la tête vers lui, grimaça horriblement. Il se massa les cervicales pour faire passer la douleur aiguë provoquée son faux mouvement. Celle-ci ne dura pas.

- Je devrais peut-être quoi ? reprit-il d'un ton agressif.

Devant lui, le Sagittaire restait silencieux, comme s'il cherchait le meilleur comportement à adopter face à un objet fragile et capricieux. Shion se sentait horripilé par cette lueur de pitié qu'il distinguait dans ses yeux. Il avait vu la même dans les pupilles de Saga, des années auparavant, avant qu'elle ne disparaisse, engloutie par la cruauté et l'ambition qui dévoraient le Gémeau. Mauvais souvenirs. Parfois, il aurait souhaité les perdre au fur et à mesure. Il n'avait pas une vie assez tranquille pour supporter sa mémoire.

- Ça suffit, Aiolos, asséna-t-il, plus pour lui-même que pour le Sagittaire, en vérité. J'ai des choses à faire, tu ferais mieux d'y aller. Va vérifier à l'infirmerie, si on s'occupe bien des gamins. Et puis si tu te sens d'humeur à prendre soin de ton prochain, va donc rendre visite à Shura. Il est un peu instable, ces derniers jours.

Le Chevalier hésita, les lèvres pincées. Le Capricorne n'était pas la seule personne instable du Sanctuaire. Il parcourut le bureau des yeux. Pour une fois, il était quasiment vide et bien rangé. Shion s'était enfin mis à jour dans ces dossiers. Il avait demandé aux archivistes de lui amener tous leurs vieux papiers, année par année, pour les numériser et les reclasser de façon plus claire. "Des années que je voulais faire ça, je n'ai jamais trouvé le temps", avait-il commenté. Le Pope travaillait donc sans relâche. D'ailleurs, les documents de l'année 1568 l'attendaient. Shion y jetait de fréquents coups d'œil impatients. Visiblement, la comptabilité et les nécrologies du Sanctuaire dans la deuxième moitié du XVIe siècle étaient passionnantes.

- Aiolos ? interrogea Shion avec une pointe d'agacement. Tu as autre chose à me demander ?

Le Sagittaire lui renvoya un long regard, sans que le Pope ne réagisse autrement qu'avec ce visage impassible et sérieux. Il soupira, puis abandonna :

- Non. Je vais aller voir Shura. Je suis certain que Shun fait de l'excellent travail à l'infirmerie.

Shion hocha la tête avec indifférence, puis attrapa la première feuille de la pile d'archives. Aiolos sortit du bureau et referma doucement la porte derrière lui. Saga, Mû et Aldébaran l'attendaient, le Taureau tenant un plateau de nourriture - des petits gâteaux, des mini-sandwichs... bref, des choses qu'on pouvait grignoter d'une main sans arrêter son activité.

- Alors ? demanda le Gémeau.

Le Sagittaire haussa les épaules :

- Il dissimule tout. C'est bien son genre. Il a toujours été comme ça. Il ne veut pas nous inquiéter, mais il n'est pas assez bon acteur pour nous cacher qu'il...

Le Sagittaire s'interrompit, se força à respirer profondément. Il avait toujours éprouvé beaucoup d'affection envers Shion, qui l'avait pris sous son aile dans l'espoir qu'il lui succède. Peu à peu, le Pope était devenu une sorte de père pour lui, plus que l'ancien Sagittaire, un homme distant et distrait, ne l'avait jamais été. La barrière qu'érigeait le Pope entre eux le blessait plus qu'il ne voulait l'admettre. Parfois, il se sentait si profondément en colère... Il se maîtrisa enfin et reprit :

- Je pense qu'il n'a pas de nouvelles d'Athéna. Il travaille. Les archives de 1568.
- Passionnant, commenta Saga avec ironie.

Le Gémeau se tut quelques instants, puis ajouta :

- Il est pire qu'il y a treize... non, quinze ans maintenant. Enfin, avant que je... avant sa... ma...
- Oui, interrompit charitablement Aiolos.

Tout le monde avait compris.

- Il était seulement fatigué à l'époque, très fatigué, continua le Sagittaire. Mais là...

Il baissa le ton, superstitieusement, pour que leur Pope ne les entende pas depuis derrière l'épaisse porte de son bureau :

- Ils venaient à peine de se retrouver...

Mû hocha la tête d'un air sombre. Il se tourna vers Aldébaran :

- Amène-lui ce que tu as préparé.
- Je ne sais pas si... protesta Aiolos.
- Moi non plus. Mais autant essayer. Il faut qu'il mange.

Le Taureau acquiesça :

- Je suis d'accord avec Mû. On ne peut pas le laisser en plan comme ça. Et ce qui est certain, c'est que si on ne lui amène rien, il n'ira rien chercher.
- Bon... Bonne chance.
- Merci, sourit faiblement Mû.

Le Bélier et le Taureau rentrèrent dans le bureau. Saga et Aiolos s'éloignèrent, silencieux.

- Au fait, Saga... commença soudainement le Sagittaire.

Le Gémeau lui lança un regard interrogateur.

- J'aurais dû te le dire plus tôt. Merci pour Aiolia.

Saga haussa les épaules :

- C'est normal. Et puis, franchement, j'ai pas eu vraiment le temps de réfléchir. Je le sentais mal, mais quand tout a explosé... J'avoue, j'ai été surpris. Je pensais qu'un terrain d'entente avait été trouvé, en fait.
- Techniquement, c'est le cas, non ?
- Hmm... Tant qu'Athéna ne nous aura pas donné de nouvelles, on peut craindre le pire. Mais, vu qu'Hermès lui en veut personnellement, je suppose que tant qu'elle reste... là où elle est, on ne craint rien. C'est déjà ça.
- Ce n'est pas de la faute d'Athéna si Hermès s'en est pris au Sanctuaire !

Saga lui lança un long regard, avant d'admettre :

- Oui, Hermès est allé trop loin. Après tout, c'était la guerre. Que Thanatos meurt... je vois mal comment on aurait pu l'éviter. Par contre, malgré tout le respect et l'amour que j'ai pour elle, Athéna a manqué de diplomatie.
- Tu fais référence à... ?
- Bah, Hermès a tout fait exploser lorsqu'il appris qu'elle avait demandé à son auguste père d'empêcher Hypnos et Thanatos de revenir.
- Oh. Oui, vous en aviez parlé. Mais Hermès n'était pas au courant de ça, si j'ai bien compris.
- Exact. Et heureusement. Je n'ose pas imaginer ce qu'il nous aurait fait subir. Il n'est pas complètement déconnecté de la réalité ; je pense qu'il savait bien que la mort de Thanatos était explicable... même si, comme n'importe quelle divinité, l'idée que des humains tuent une déité lui hérisse le poil. Mais l'opposition d'Athéna à son retour ?

Aiolos grimaça :

- Oui, c'est encore pire.

Saga hocha la tête, puis lâcha :

- Bref, toute cette digression pour dire que tu n'as pas besoin de me remercier pour Aiolia. C'était normal. J'étais juste à côté de lui. Jamais été aussi heureux d'avoir des réflexes aussi rapides que la lumière, les bombes étaient plus lentes. Je l'ai attrapé et j'ai déclenché l'Another Dimension. Et j'ai évité de nous envoyer à des années-lumière.
- Les toits du Dôme de Milan, c'est pas non plus la porte à côté.
- Bah, c'était joli. J'aurais bien visité, franchement.

Aiolos étouffa un rire :

- Ne me dis pas que tu as suggéré ça à Aiolia !
- J'étais tenté... mais il est parti aussitôt en direction du Sanctuaire. Enfin, "aussitôt", dès qu'il a repris ses esprits. Du coup j'ai suivi.

Ils sortirent du palais du Pope. Ils clignèrent légèrement des yeux. Un soleil absolument magnifique brillait dans le ciel, tempéré par une agréable brise. Cette météo insolente contrastait avec l'ambiance lugubre qui pesait sur le Sanctuaire comme une chape de plomb.

- N'empêche, lâcha le Sagittaire, je me demande comment les Spectres ont pu faire aussi bonne figure alors qu'Athéna avait refusé la résurrection des jumeaux infernaux...
- Je ne sais pas si Hypnos et Thanatos étaient si proches des Spectres ? Et puis, c'était peut-être de la comédie...

Aiolos fronça les sourcils, arborant une étrange expression blessée :

- De la comédie ? Non, quand même pas ! Je l'aurais su... Ta première hypothèse doit être la bonne...

Saga hésita. La réaction de son... collègue le surprenait. Il prenait la chose un peu personnellement. Il aurait bien posé une question, mais soudainement il ne se sentit pas en position de le faire. Aiolos et lui recommençaient doucement à se supporter, à se voir. Ils n'étaient pas... non, plus si proches. Il était encore trop tôt pour les questions personnelles.

- Peu importe, lâcha-t-il pour changer de sujet. Tu comptais faire quoi, maintenant ?

Le Sagittaire eut une petite moue :

- Shion m'a donné une mission.
- Ah.
- Ouais, passer à l'infirmerie, et aller voir Shura.

Saga hocha la tête :

- Shura a besoin de voir quelqu'un, commenta-t-il. Il est dans un sale état.
- Tu l'as vu ?
- Non. Mais je le sais. Aphrodite et DeathMask ont disparu, comment pourrait-il aller bien ?

Aiolos le fixa quelques instants :

- Tu les connais bien.
- Oui, ils me soutenaient. Enfin, ils auraient suivi n'importe qui, ces sales gosses, plaisanta Saga sans conviction.
- Ils sont... étaient très proches, tous les trois.

Le Gémeau resta silencieux quelques secondes, puis répondit :

- "Très proches"... On peut dire ça, oui. C'est un peu faible, mais on peut le dire comme ça.
- Tu sais quoi ? lança Aiolos. Tu devrais aller le voir.
- Qui ?
- Shura. Il y a toujours une forme d'inconfort entre lui et moi, mais toi... C'est différent.
- Ouais, je suis le tyran qui l'a manipulé et qu'il a aveuglément suivi pendant des années. Excellente idée, je suis très bien placé pour le réconforter !

Le Sagittaire secoua la tête :

- Arrête, Saga. Aphrodite et DeathMask savaient qui tu étais. Tu penses vraiment que Shura n'était pas au courant ? qu'il était une oie blanche, une marionnette ? Allons, ils se sont forcément parlé. Va le voir, insista-t-il. Va le voir. Il sera mieux avec quelqu'un qui les a bien connus.
- Tu es sûr ?
- Ouip ! Fais-moi confiance, Saga.

Celui-ci se mordit la lèvre, hésitant.

- En plus, tu fais partie des dernières personnes à les avoir vus.
- Ouais, enfin je ne sais pas si Shura veut connaître les détails de ce qu'on a vu avant qu'Hermès ne fasse tout exploser.
- Certes, mais toi tu les as vus. Tu sais ce qui s'est passé. Ça compte, non ? Moi, de mon côté, je n'ai rien vu, rien entendu, et je ne les connaissais pas si bien. Va le voir, Saga. Sérieusement.

Finalement, le Gémeau acquiesça.

- D'accord. Je m'en occupe. Et toi... tu continues jusqu'à l'infirmerie ?

Imperceptiblement, ils étaient arrivés jusqu'au seuil du temple du Capricorne. L'atmosphère de la cour semblait s'accorder avec l'humeur du propriétaire : malgré le beau temps, les pierres exsudaient des relents lugubres et mélancoliques. Même la gigantesque statue d'Athéna avait l'air en deuil.

- Oui. Je vais aller voir si les deux gamins se réveillent. Au passage, je passerais au temple du Lion. J'aimerais vérifier comment se sent Aiolia.
- Mal, si tu veux mon avis.
- Certes, certes.

Aiolos eut un pauvre sourire :

- Je suis mort un peu trop jeune pour expérimenter ce que ça faisait de perdre des camarades. Ça n'a pas dû être facile.
- Oui, il y a eu tellement de pertes lorsqu'Athéna a repris le pouvoir... Un miracle que le Sanctuaire ait tenu face à Poséidon, puis Hadès...

Le Sagittaire grimaça :

- Hadès a dû être l'horreur aussi. Trahir Athéna...
- Ne m'en parle pas ! Le pire, c'était le sentiment de déjà-vu.

Saga secoua la tête pour chasser ses pensées noires :

- Enfin bon, c'est comme ça ! Je suis désolé que tu aies à vivre ça, Aiolos. Franchement, tu méritais mieux.
- Tout le monde méritait mieux, Saga. Tout le monde.

Le Gémeau posa la main sur la porte du Capricorne, pensif. Il se retourna une dernière fois vers son ami :

- Tu sais que tu es d'une gentillesse extraordinaire ?
- C'est un compliment ou de l'ironie ?
- Un compliment. Je suis admiratif, tu sais. Et... tu as peut-être raison, même si c'est dur à croire.
- Tu crois en une déesse antique pourtant ?
- Qui s'incarne en chair et en os. Mon "mieux", je l'attends encore.

Aiolos grimaça :

- Tu devrais en parler à quelqu'un, tu sais.

Saga haussa négligemment les épaules en poussant la porte. Il entra rapidement dans le temple, laissant le battant claquer derrière lui. Resté seul, Aiolos soupira. Tout cela était d'une tristesse... Il contourna lentement le temple du Capricorne, poursuivant sa descente.

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Dans son bureau, Shion était de nouveau seul. Mû et Aldébaran étaient partis après un dernier regard noir, laissant derrière eux un plateau de nourriture. Tout y était appétissant, mais le Pope n'avait pas faim. Les problèmes actuels du Sanctuaire phagocytaient à présent toutes ses pensées, l'empêchant de faire quoi que ce soit d'autre. Même le nettoyage-tri-reclassement des archives auquel il s'attelait péniblement. Ce n'était ni fait, ni à faire. Il faudra s'y replonger. Plus tard. S'arracher les cheveux sur ses propres choix peu inspirés et pertinents, se désespérer de la mauvaise qualité des numérisations : voilà des problèmes qu'il laissait à son lui du futur.

Mécaniquement, il attrapa un gâteau et mordit dedans. Une bouchée. Deux bouchées. Un genre de confiture, plutôt pas mal. Trois bouchées. Quatre bouchées. Fini. Il s'essuya soigneusement le menton et les lèvres. Miam. Aldébaran était toujours un excellent cuisinier. Le plateau lui faisait envie, maintenant. Dommage qu'il n'ait pas faim. Dommage que cet unique gâteau lui pèse sur l'estomac comme une tonne de briques. Il soupira. Mû et Aldébaran allaient revenir, ils seraient très inquiets si le plateau était trop plein. Il comprenait leur angoisse, mais elle l'agaçait tellement ! N'avait-il plus le droit d'aller mal ?

Quelques claquements de doigt lui permirent de faire disparaître une partie du plateau. Les deux gamins n'y croiraient pas si tout disparaissait, mais ils seraient rassurés s'il "mangeait" une quantité raisonnable. Il regarda une dernière fois le plateau, se laissa tenter par un mini-sandwich, grignota une petite bouchée - essentiellement du pain - avant de le reposer. Non, vraiment, il n'avait pas faim. Et les petits avaient raison de s'inquiéter, dans l'absolu. Le seul truc, c'est que Shion avait bien trop sujets d'inquiétude que sa santé.

D'abord, où était Athéna ? que faisait-elle ? et Hermès ? est-ce que l'espèce de marché auquel les deux divinités avaient abouti tenait toujours ? fallait-il se préparer à un nouvel assaut sur le Sanctuaire ? comment allait-il s'en sortir sans Dohko ? Autant de questions qui demeuraient sans réponse, terribles dans leur silence. Il avait beau les tourner différemment, insister, les torturer, elles persistaient dans leur attitude réfractaire. Ça le tuait. Il étouffa un hurlement de frustration et de douleur mêlées. Il était le Pope. Il devait garder la tête sur les épaules. Et reclasser ces vieilles archives du XVIe siècle.

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Athéna ouvrit lentement les yeux. C'était une sensation étrange que se trouver à nouveau sur l'Olympe, dans une enveloppe humaine en plus ! Son corps n'était pas adapté à l'atmosphère céleste, qui pesait sur ses poumons et lui donnait l'impression de flotter dans une sorte de brouillard. Sa vision était claire, pourtant. Elle avait le sentiment d'avoir trop bu. Elle se leva prudemment, écartant le fin drap pourpre qui la recouvrait. Son lit. Son vieux, si vieux lit. Et son vieux drap. Elle l'avait choisi des millénaires plus tôt.

Il était peut-être temps de changer de décor : son mobilier et sa décoration d'inspiration "Rome impériale" avaient quelque peu vieilli. Et ne lui correspondaient plus. Après la chute de l'Empire romain, au Ve siècle, le Sanctuaire avait complètement délaissé les usages adoptés sous l'influence latine, revenant à la tradition grecque. D'une certaine manière, elle avait suivi le même chemin. Et puis, au fond d'elle, une certaine Saori Kido réclamait un peu de modernité. Athéna agita négligemment la main, transformant la pièce : quelques références à la culture grecque, mais un mobilier moderne, high-tech, approuvé par l'héritière Kido. Autant lui faire confiance pour ce genre de chose. La déesse, de son côté, n'était pas très motivée.

Elle sortit de la chambre, admirant la transformation se communiquer aux autres pièces de son palais. Seule la façade ne changerait pas, ainsi que le jardin. Les éléments extérieurs étaient assez largement placés sous l'égide d'Hestia et de Zeus, qui insistaient pour avoir leur mot à dire en cas de changement. Hestia tenait à l'harmonie du foyer divin ; Zeus parlait de la qualité de la vue depuis son balcon, mais avait au fond les mêmes motivations que sa sœur aînée. Quoi qu'il en soit, Athéna avait confié à ces deux-là le soin d'aménager sa façade et son jardin depuis longtemps. Un signe de bonne volonté qui l'avait placée dans leurs bonnes grâces, tout en la déchargeant d'une responsabilité olympienne de plus.

"Tu voulais vraiment y passer le moins de temps possible", commenta Saori.

"Ah, tu parles ?"

"Tu as dormi longtemps. Et je me sens... plus forte, ici. Plus indépendante. Nous sommes sur l'Olympe, n'est-ce pas ?"

"En effet. Tu n'es pas ma réincarnation pour rien. Généralement, les humains se sentent mal à l'aise en ces lieux."

"Ah bon."

Petit silence.

"En fait, ce malaise pourrait expliquer que notre séparation plus marquée que d'habitude. Je suis plus déesse sur l'Olympe, du coup je me détache de ce corps. J'ai plus de mal à l'utiliser, par exemple, comme si j'étais à la fin d'une soirée de Dio. Mais toi, ça te permet de recouvrer un peu d'autonomie."

"Ce n'est pas une mauvais théorie. Mais si ça te rassure, je ne peux pas contrôler le corps. Trop fatiguant de bouger, j'ai essayé. L'atmosphère est étouffante."

"Je sais. Mais si tout se passe bien, on ne restera pas longtemps."

Athéna sentit l'approbation silencieuse de Saori se diffuser dans son esprit. Ce n'était pas désagréable, ce nouveau rapport de force. Habituellement, la jeune fille était complètement fusionnée avec elle ; la seule chose qui indiquait qu'elles n'étaient pas tout à fait le même être était les pulsions contradictoires qui agitaient parfois leur conscience commune.

"Tu as l'air d'aller mieux, en tout cas."

La voix mentale de Saori trembla légèrement.

"C'est bien. C'est plus simple pour moi, si tu ne paniques pas."

"Je suis désolée."

"On dort depuis plusieurs jours. Enfin, il a fait clair, puis sombre, puis clair, etc, plusieurs fois."

"D'accord. Merci."

La présence de la jeune fille s'évanouit vers un coin de leur conscience. Athéna soupira et se versa une tasse de nectar agrémentée de café noir. Elle pouvait sentir que Saori était toujours très choquée. L'attaque d'Hermès les avait secouées toutes les deux. Elle avala une gorgée amère. Combien de temps son Sanctuaire était-il resté sans nouvelles, avec rien d'autre que des cadavres à enterrer ? Elle avait vraiment merdé, sur ce coup là. Il était temps qu'elle reprenne les choses en main. D'abord, elle irait voir Zeus. Et en passant, elle mettrait la main sur Iris et l'enverrait porter un message rassurant à Shion.

"Je vais les ramener", lança-t-elle silencieusement à Saori. "C'est une promesse", précisa-t-elle.

La jeune fille ne répondit pas. Athéna soupira de nouveau. Elle n'aurait pas craché sur une confidente, mais elle ne pouvait pas en vouloir à sa jeune hôte encore traumatisée. Elle termina sa boisson, grignota une barre d'ambroisie et sortit de son palais. Il était temps de tenir ses promesses. Toutes ses promesses.