Bonsoir bonsoir !

Comme d'habitude, j'ai dû complètement arrêter d'écrire, entre les TDs, les partiels, la fatigue, etc... (sachant que ça a été difficile de reprendre l'écriture, j'avais oublié pas mal de trucs et retrouver le fil n'a pas forcément été simple)

Cependant ! Cette partie est un peu plus longue que les précédentes (pour me faire pardonner) et j'en ai profité pour réfléchir à la fin de la fic ! Donc, normalement, je sais où je vais :D (mais on n'y est pas encore... je ne veux pas résoudre les - gros - problèmes que j'ai allègrement créé en un tour de main, je trouve que ce serait inintéressant et franchement décevant ; toutefois, on se rapproche sérieusement de la fin ! peut-être même que la partie 14 sera la dernière)

Je suis encore une fois navré de cette absence, et tout aussi navré de mon silence (notamment en terme de réponses aux reviews... je m'y colle dans la semaine, j'ai hâte de vous lire 3) ! J'espère que cette partie 13 vous plaira !

Bonne lecture :)

OoOoOoOoO

Dites-le avec des fleurs, partie 13

Athéna était revenue sur l'immuable Olympe, dans son palais. Avec un peu de chance, ce serait sa dernière visite pour cette incarnation. Elle avait déjà assez respiré l'air immobile qui y paressait. Elle souffla. Son père ne la recevrait pas avant le lendemain, elle avait donc quelques heures à occuper – et, malheureusement, elle n'avait pas du tout envie de dormir. Une balade s'imposait. Elle chaussa des sandales d'or et sortit. Il faisait sombre dehors, mais la température était douce. Comme toujours.

"Le temps passe-t-il sur l'Olympe ?"
"Te voilà de retour."

La déesse n'était pas mécontente d'entendre de nouveau sa réincarnation. Elle se sentait un peu seule. Tout était silencieux, on entendait à peine quelques échos provenant du palais de Dionysos. Les déités traînaient rarement dans les « rues » de l'Olympe la nuit.

"Il y a donc bien une nuit," fit remarquer Saori.
"Pas vraiment."
"Tu viens de le dire. Enfin, de le penser."

Athéna fit la moue :

- C'est plus compliqué que ça.
- Tu parles toute seule, maintenant ?

De toutes les divinités, il avait fallu que ce soit lui qui ait l'idée saugrenue d'errer dans le même coin qu'elle.

- Je croyais que tu voulais qu'on fasse la paix ? Et je te rappelle que mon palais est tout près du tien. Ce n'est pas de ma faute si on se croise.
- Je m'étonne que tu ne sois pas chez Dionysos.

Hermès haussa les épaules, continuant de marcher à sa hauteur :

- Apollon m'a invité, mais je n'ai pas la tête à ça. Et toi ? Tu n'as pas envie de te distraire quelques heures avant le verdict ?
- Pas vraiment, non.

"Il n'a pas l'air si méchant."
"Il est versatile. Quand il se met en colère, et bien, il est cruel. Comme toutes les divinités. Mais il peut aussi être d'une grande bonté."
"C'est étonnant."
"Comment cela ?"

- Avec qui parles-tu ? demanda soudainement Hermès en se penchant vers elle, une lueur curieuse au fond de ses prunelles.
- Avec… Saori, répondit Athéna après un instant d'hésitation.
- Saori ?
- Ma réincarnation. Enfin, son âme humaine.

Le dieu fronça les sourcils :

- Parce qu'elle n'est pas morte ?
- Non.

"D'habitude, on meurt ?" interrogea Saori d'un ton inquiet.
"C'est plus compliqué que ça."

Athéna sentit l'irritation de la jeune fille comme une vague de petites piqûres brûlantes, gagnant peu à peu en intensité.

"Tu me dis encore ça ! Tu es toujours évasive, comme si tu me répondais en passant, sans y penser, sans vouloir y faire attention. Mais je suis là ! Je suis là et"

- Je veux des réponses !

Hermès eut l'air surpris, puis sourit :

- Bonsoir… Saori, c'est ça ?

La jeune fille cligna des yeux, interloquée. Comment… Elle regarda autour d'elle. Le paysage lui apparaissait clairement. Le vide sombre, les hauts bâtiments aux arêtes parfaites, comme taillés dans une pierre unique, qui devait étinceler au soleil, la voie soigneusement pavée, les quelques plantes qui poussaient çà et là dans un harmonieux hasard, et Hermès qui la regardait avec affabilité. Il n'avait pas du tout l'air méchant, comparé à ce qu'elle avait perçu auparavant. Au contraire.

- Oui, répondit-elle, encore un peu désorientée.

D'habitude, les choses lui parvenaient de façon plus floue, plus lointaine, par l'intermédiaire de la déesse. Elle pouvait d'ailleurs toujours sentir sa présence au fond d'elle, attendant patiemment et avec… curiosité ? Oui, de la curiosité émanait de la conscience d'Athéna. L'agacement brutal de Saori l'avait repoussée au fond de leur corps, permettant à la jeune fille d'émerger complètement.

"Je te laisse un peu t'amuser."
"Quoi ? Mais…"
"Je reviendrai au matin, ne t'inquiète pas."

Saori sentit la conscience de la déesse s'engourdir. Elle était maintenant presque seule dans son corps.

- Tout va bien ? lui demanda Hermès.
- Heu… Je crois ? Athéna a dit qu'elle me laissait les commandes.
- Ah.

La jeune fille soupira.

- Je voulais juste obtenir des réponses, moi.
- Oui, j'ai cru comprendre quand tu l'as quasiment crié tout à l'heure, s'amusa le dieu.
- J'ai crié ?
- J'exagère peut-être un peu. Disons que tu t'es un peu exclamée. Mais, puisque tu es là, que je suis là… quelles étaient tes questions ?

Saori le fixa quelques instants, un peu méfiante. Hermès lui retourna un grand sourire :

- Allez, je suis de bonne humeur parce que je ne vais pas tarder à récupérer mon compagnon. Tu devrais en profiter !
- Et bien… D'abord, est-ce que les réincarnations meurent ? Je veux dire, quand les divinités prennent possession d'elles.
- D'habitude, oui. En fait, ça dépend de beaucoup de facteurs, dont la… disons, la personnalité de la déité. Les miennes meurent, mais pas celles d'Athéna ou d'Apollon. Après, la majorité d'entre nous ne s'embarrasse pas de l'âme de nos réincarnations, donc…
- Elles meurent.
- Oui.

La jeune fille sourit :

- J'ai eu de la chance de tomber sur Athéna, alors. Et ma seconde question c'est, est-ce que le temps passe sur l'Olympe ? Et est-ce que ça, ajouta-t-elle en désignant le ciel sombre qui se déployait au-dessus de leur tête, c'est une vraie nuit ?
- Le temps ne passe plus sur l'Olympe depuis que Cronos en a été banni, indiqua Hermès. Mais même quand il passait, ça ne servait pas à grand-chose le vieux se consacrait surtout à la Terre, c'était bien plus intéressant. Et ça, c'est une fausse nuit. On suit le cycle jour-nuit terrestre pour des raisons pratiques, même si on pourrait très bien vivre dans un jour perpétuel.
- Merci. Elle aurait pu me dire ça directement, soupira Saori.
- Athéna a ses raisons que la raison ignore, pour reprendre un de vos dictons.

"Hermès n'est éloquent et spirituel que pour mentir et tromper son prochain. Si son discours est atterrant, il est sincère," lâcha ironiquement Athéna depuis les profondeurs de sa conscience.
"Je croyais que tu hibernais jusqu'à demain," répondit Saori en retenant un sursaut de surprise.
"Je n'arrivais pas à dormir tout à l'heure, et perdre le contrôle de mon… de notre corps n'y a rien changé. Il va te falloir me supporter."

- C'est une si mauvaise reprise que ça ?

La jeune fille fronça les sourcils :

- Comment…
- Tu as fait une de ces grimaces, c'était impressionnant, rit le dieu.
- Ah ! Non, pas du tout, c'est juste que… commença Saori avant de se sentir attrapée par le col puis refoulée avec douceur. Que c'était une vraiment très mauvaise reprise, mon frère.

Hermès haussa un sourcil :

- Tu ne devais pas laisser ta réincarnation tranquille jusqu'à demain ?
- C'était le plan, oui. Mais je m'ennuie trop. Je pense que je vais rentrer et filer quelque chose.
- Une araignée, peut-être ?
- Hermès, je t'en prie…
- Tu n'es pas drôle ! Je t'accompagne ?
- Ce n'est pas la peine.

Le dieu hocha la tête :

- Très bien, très bien… Bonne fin de nuit, moi je continue ma promenade.

"Tu aurais pu me laisser aux commandes plus longtemps !"
"Désolée."
"Tu vas filer quoi ?"
"Je ne sais pas encore. Peut-être une ville ?"
"Moi, je trouve que l'idée d'Hermès n'est pas si mauvaise…"
"J'ai déjà donné, niveau araignée."
"Je comprends. Pourquoi pas un serpent, alors ?"

OoOoOoOoO

Le soleil se levait doucement. Depuis son bureau, avachi sur son fauteuil, une tasse de thé brûlante à la main, Shion était aux premières loges. Après avoir quitté Athéna, la veille, il avait tenté de dormir. Las, son insomnie ne l'avait pas lâché la naissance d'un espoir ténu semblait même l'avoir stimulée. Il avait enfilé ses chaussons, allumé une bougie et s'était rendu dans son bureau. Il ne tenait pas à se promener sans but dans les couloirs, c'était risquer de croiser une personne gentille et soucieuse, qui alerterait probablement le reste de la Chevalerie en découvrant son Pope errant en plein milieu de la nuit. Cependant, il ne se voyait pas reprendre le tri des archives. La poussière accumulée depuis des années le faisait éternuer, et il commençait à avoir en horreur l'odeur de vieux papier. Il avait l'impression qu'elle le collait partout, comme de la poix. En s'installant sur son siège, il avait donc plutôt entrepris de ranger son bureau. Puis d'utiliser enfin les feuilles de brouillon qu'il collectionnait depuis le début de sa carrière, en les recouvrant de griffonnages sans queue ni tête. Il n'avait jamais eu la patience d'apprendre à dessiner et ne commencerait pas à plus de deux cents ans.

Un bruit à la porte le détourna du spectacle qu'offrait l'aube. Il rassembla rapidement les feuilles gribouillées éparpillées sur son bureau propre, aligna une dernière fois ses stylos et crayons, puis lança :

- Entrez.

Mii poussa aussitôt la porte, la refermant soigneusement derrière elle.

- Athéna est retournée sur l'Olympe, annonça-t-elle solennellement. Elle reviendra dans la journée.

Shion hocha la tête. Si les nouvelles étaient bonnes, elle reviendra certainement, oui. Mais si elles étaient mauvaises, rien ne garantissait que la déesse ne recommencerait pas à s'isoler du monde. Pas de nouvelles, mauvaises nouvelles.

- Merci de m'en avoir informé, Mii. Dis-moi, que dirais-tu d'une tasse de thé ?
- Du… thé, Grand Pope ?
- Oui, du thé. J'ai du thé blanc au citron, un thé noir aux épices, un peu fort mais délicieux, surtout le matin pour remplacer le café, et puis une infusion à la camomille et mélisse, mais je ne recommande pas si tu souhaites rester éveillée aujourd'hui.

Mii cligna des yeux, un peu interloquée. L'invitation était tentante, d'autant qu'elle n'avait pas pris de petit-déjeuner, mais… Elle jeta un œil à sa montre :

- Je devais… me rendre à l'entraînement.
- Sans manger ni boire ? s'étonna le Pope.
- C… comment ?

L'Atlante eut un petit rire :

- Il est un peu plus de cinq heures du matin. Quand quelqu'un se précipite dans mon bureau à une heure pareille, c'est soit que l'information est d'une urgence vitale, soit qu'il s'agit d'une personne particulièrement zélée. Parfois les deux. Mais, dans un cas comme dans l'autre, le petit-déjeuner est souvent passé à la trappe.
- Ah. Et bien, je pensais manger un bout au réfectoire après l'entraînement.

Shion eut l'air de réfléchir :

- Je dirais que ce n'est pas une mauvaise idée… mais que ça n'empêche pas de manger un peu avant. Donc, veux-tu du thé ?

Mii hésita.

- Tu peux dégager une chaise, l'informa Shion d'un ton aimable. Ces archives prennent beaucoup trop de place, on devrait les brûler.
- Grand Pope ! s'horrifia la Saintia. Ce sont des siècles d'histoire, des générations de Chevaliers et de femmes Chevaliers qui ont vécu pour Athéna et le Sanctuaire…
- … ainsi que des siècles de comptabilité, par exemple la quantité d'huile d'olive livrée à nos cuisines pour l'année 1723, avec son prix, une copie des contrats de vente, et puis quelques notes sur un litige qu'il y a eu avec un certain Manassès, qui n'a pas livré une huile d'assez bonne qualité.
- Tout de même…

Mii souleva une pile d'archives et les posa par terre pour libérer une chaise en face du Pope.

- Attention, il s'agit là de relevés inestimables sur notre consommation de charbon au XIXe siècle !
- Ne vous moquez pas de moi, répliqua la Saintia en contenant un sourire.
- D'accord, pardon.

Le Pope sourit à son tour et saisit le cordon qui lui permettait d'appeler ses domestiques :

- Je vais nous commander quelques trucs à grignoter. Peut-être pas des viennoiseries, vu l'heure, mais il y aura bien quelques restes de la veille. En ce qui concerne le thé, la bouilloire est à côté du registre nécrologique des décennies 1640 à 1670, dont il manque quelques années vers 1665, je ne sais pas pourquoi. Et les sachets sont quelque part à côté, peut-être sous les rapports d'incidents en désordre, je ne les ai pas encore triés.
- Quel bazar…
- Personne ne s'est intéressé au tri depuis un Chevalier du Verseau, en poste en 1914. Il devait s'ennuyer, alors il a passé quelques semaines à essayer de ranger un peu. Ensuite… disons que la situation internationale lui a donné d'autres priorités.

Mii hocha la tête. La porte s'ouvrit brièvement sur un serviteur aux traits fatigués. Shion s'excusa de l'avoir réveillé et demanda « n'importe quoi qui traîne dans les cuisines, tant que c'est sucré et mangeable. » Mais « par pitié, surtout pas de pains aux raisins. » L'homme se retira et la Saintia fit remarquer :

- J'aime bien les pains aux raisins, moi.
- On ne peut pas n'avoir que des qualités, rétorqua le Pope d'un ton définitif. Dohko aussi… commença-t-il avant de s'arrêter net.

Il fronça le nez, ses traits s'assombrirent. Soudainement, l'atmosphère s'alourdit. Mii grimaça. Elle avait trouvé le Pope étonnamment enjoué, en arrivant presque comme s'il allait mieux.

- Je vais bien, lâcha Shion.

La Saintia devint écarlate. Avait-il lu ses pensées ? On disait que les Atlantes…

- Ton expression en dit assez.

Le Pope eut un sourire vide :

- Bref, je vais mieux, un peu mieux. Depuis qu'Athéna est revenue, je suis moins à la dérive. Seulement parfois, je…

Il s'interrompit, inspira profondément, expira.

- Je dois juste éviter d'y penser.
- Je suis désolée.
- Ce n'est pas si grave d'aimer le pain aux raisins, tu sais ? sourit-il tristement. Je te pardonne, même si un tel manque de goût n'est pas très bon pour l'image de marque de notre institution.

Mii se força à rire un peu.

- Je suis sûre que Saori… qu'Athéna va revenir avec de bonnes nouvelles, reprit-elle après un instant de silence, en mettant dans sa voix toute la ferveur qu'elle ressentait.
- Je l'espère, mon enfant, je l'espère…

OoOoOoOoO

- Tu sais, Mii vient de passer ! Elle nous a laissé des croissants avec de la confiture, et puis des pains au chocolat mais Jabu les a mangés. Dommage qu'elle n'ait pas récupéré de pains aux raisins, j'adore ça... Bref, tu veux un croissant ? Il y a de la confiture d'orange avec !
- Je m'en fiche.

Seiya soupira et entreprit d'étaler une dose généreuse de confiture sur une moitié de croissant, sans s'arrêter de parler :

- Tu sais, je comprends que ça n'aille pas fort, mais c'est important de manger. En plus, les cuisines du Sanctuaire font de très bons croissants, même lui le reconnaissait, et il était Français !
- Était, répéta Milo en écho.

Il se replia sur lui-même jusqu'à se remettre en boule, les genoux remontés contre la poitrine, tournant résolument le dos à Seiya et Jabu.

- Merde, marmonna le Pégase. J'ai gaffé, je crois.
- Sans blague, chuchota Jabu en terminant son dernier pain au chocolat.
- Je suppose qu'il ne va pas manger mon croissant…
- Non, probablement pas.
- Je n'aime pas la confiture d'orange.
- Passe. Moi j'aime bien.
- Tu es parfait, Jabu.

Ils s'embrassèrent. Seiya déplaça sa chaise pour la mettre encore plus près de son petit ami. L'infirmerie était calme. Aiolos était allé s'allonger quelques minutes et dormait depuis plusieurs heures. Les deux Bronzes essayaient de ne pas faire trop de bruit afin de ne pas le réveiller : le Sagittaire méritait beaucoup de repos, et il n'y avait pas grand-chose à surveiller. Jabu se sentait mieux et Seiya avait déjà l'impression d'être guéri quant à Milo, il ne faisait rien – c'est ça qui était inquiétant.

- On devrait peut-être lui dire quand même, finit par marmonner Seiya entre deux bouchées de croissant.
- Tu crois ?
- Tu n'est pas de cet avis ?

La Licorne haussa les épaules :

- La chose la plus cruelle qu'on puisse lui faire à ce stade, c'est lui donner de faux espoirs. Mii n'avait pas l'air très sûre d'elle, tout à l'heure.
- Elle ne savait pas quand Athéna rentrerait. Mais ! protesta Seiya, elle était plutôt convaincue quand elle disait que tout le monde reviendrait.
- Je ne sais pas… Franchement, tant qu'Athéna ne sera pas rentrée avec tout le monde, je n'y croirai pas.
- Quel manque de foi ! plaisanta Seiya.
- … Je suppose qu'on peut le dire comme ça, oui, répondit pensivement Jabu.

Le Pégase le fixa quelques secondes, un peu interdit. Son compagnon avait toujours été dévoué envers Saori ou Athéna, sans vraiment différencier l'une de l'autre. Le voir douter comme ça, c'était un peu étrange.

- Elle a vraiment merdé en se barrant comme ça… murmura Seiya.
- Je ne dirais pas qu'elle a « merdé, » hésita Jabu, visiblement peu à l'aise. C'est une déesse, tout de même, on ne peut pas lui faire la leçon comme ça. Mais je n'aurais pas pris cette décision à sa place, termina-t-il très vite.
- Moi non plus, sourit le Pégase. Elle a merdé. Et je suis prêt à parier qu'elle le reconnaîtrait sans problème.

Son petit ami lui lança un regard dubitatif.

- Je te jure ! Elle n'est pas si hautaine et arrogante que ça, elle est capable d'admettre ses erreurs. Elle a beaucoup grandi ces dernières années… je ne l'aurais pas suivie, sinon.

Jabu laissa échapper un petit rire :

- C'est vrai. Tu ne l'aimais pas du tout, quand on était gosses.
- Parce qu'elle était imbuvable.
- Seiya ! C'est une déesse. Un peu de respect !
- C'est vrai. Une puissante déesse. Qui va tout arranger. D'accord ?

La Licorne hésita, puis hocha la tête.

- D'accord, je te crois, souffla-t-il.

Seiya le prit dans ses bras, ému. C'était le meilleur petit-déjeuner du monde, malgré les circonstances. Sans lâcher Jabu, il se débrouilla pour attraper le dernier croissant, quand on frappa à la porte de l'infirmerie. Le battant pivota, laissant entrer Shiryu, Hyoga et Shun.

- Mii nous a dit qu'elle vous avait laissé des… croissants, acheva le Dragon en haussant un sourcil accusateur.
- Oups, lâcha Seiya d'un ton léger en croquant dans sa viennoiserie. Elle en a laissé, oui, ajouta-t-il après avoir dégluti. Elle n'a pas précisé qu'on devait faire comme elle.
- Comment va Milo ? demanda Hyoga en mettant les pieds dans le plat.

Il n'avait pas la moindre envie de discuter croissants, politesse et estomac de Seiya.

- Mal, rétorqua Seiya du tac au tac.
- Il a mentionné Camus, précisa Jabu.

Hyoga jeta un regard noir au Pégase, qui eut une moue chagrine.

- C'est sorti tout seul, marmonna-t-il. Je lui proposais un croissant et je me suis souvenu que Camus…
- Il disait que le Sanctuaire faisait les seuls croissants mangeables hors de France, soupira le Cygne. Qu'est-ce qu'il pouvait être snob, mon Maître…

Son petit rire s'étrangla. Un silence suivit, inconfortable. L'expression de Shun oscillait entre fatigue et tristesse, Seiya regardait sa viennoiserie et en mâchait une dernière bouchée comme si c'était du plâtre. Il finit par reposer le bout de croissant.

- Vous préférez du thé ou du café ? finit par lâcher Jabu.
- Du thé, répondit Shun. Pour Shiryu aussi.

Le Dragon acquiesça.

- Café pour moi, lâcha Hyoga.
- Ok. Seiya, je te refais un thé ?
- Oui, merci.

Jabu disparut dans la minuscule cuisine de l'infirmerie, plutôt soulagé de s'éloigner quelques minutes. Shun attrapa une chaise et s'installa autour de la table, vite imité par Shiryu et Hyoga.

- Nous quatre dans une infirmerie, fit remarquer Andromède. Ça rappelle des souvenirs…
- D'habitude, on est dans les lits. Je suppose qu'on peut parler de progrès, ironisa Hyoga.
- Oh, franchement, Seiya devrait y être.

Le Pégase secoua farouchement la tête :

- Je suis parfaitement rétabli ! Vous n'allez pas vous y mettre aussi, il y a déjà Aiolos pour me couver !
- D'accord, d'accord. Mais, sérieusement, ça va ?
- Oui. Je reconnais que je ne suis pas en état de me battre, en revanche partager le petit-déjeuner avec mes amis et mon copain, c'est dans mes cordes.
- En parlant de ça, intervint Shun d'un air dégagé, ça fait combien de temps ?

Hyoga et Shiryu appuyèrent la question d'un hochement de tête. Seiya ouvrit la bouche, la referma et décida de botter en touche :

- Combien de temps que quoi ?
- Que Jabu et toi sortez ensemble, pardi ! Quoi d'autre ?

Seiya rougit :

- Et bien… Pas… très longtemps ?
- On a plus ou moins attendu de se retrouver prisonniers à l'infirmerie pour vraiment officialiser, lança Jabu, qui revenait avec cinq tasses posées sur un plateau volé dans un fast-food. Il nous fallait un moment de calme et c'est une denrée qui s'est fait rare ces derniers temps.
- En effet, soupira Shun. Félicitations, en tout cas.
- C'est pas trop tôt, commenta Hyoga en attrapant le café que lui tendait la Licorne.
- Oui, on a bien cru que vous n'y arriveriez jamais, renchérit Shiryu. Merci pour le thé, Jabu !

Celui-ci sourit :

- De rien. Seiya, pas la peine de rajouter du sucre, je t'en ai déjà mis deux morceaux.
- Oooh, merci ! s'exclama l'intéressé en reposant la boîte de sucre. Tu es parfait, Jabu !
- Tu mets autant de sucre dans ton thé ? interrogea Shiryu en grimaçant.

Le Pégase lui tira la langue :

- Je ne vois pas le problème.
- Il faut de tout pour faire un monde, je suppose, proféra le Dragon avec philosophie. Il ne reste vraiment pas de viennoiserie ?

Jabu secoua la tête d'un air désolé. Il regrettait un peu de s'être jeté sur les pains au chocolat avec un enthousiasme glouton. L'idée que quelqu'un se pointe dans « leur » infirmerie n'avait même pas effleuré son esprit, et puisque Seiya n'aimait pas trop le chocolat… La Licorne plongea le nez dans son café pour cacher son air penaud. Celui-ci était encore un peu trop chaud, mais rien d'insupportable. Il se repositionna au fond de sa chaise, la reculant légèrement. La conversation allait bon train entre les quatre autres, mais lui se sentait trop fatigué pour y participer. Il avait été heureux de quitter le lit dans lequel il était confiné depuis quelques jours cependant il voulait déjà y retourner. Il reprit une gorgée de son café. Le breuvage avait cette fois une température parfaite. Il n'aimait pas particulièrement cette boisson, il comptait simplement sur elle pour rester éveillé.

- Jabu ? Tu veux aller t'allonger ?

Il tourna la tête vers Seiya, à moitié surpris et un peu perdu. Visiblement, le café n'était pas un stimulant suffisant.

- Oui, je crois que j'ai besoin de dormir… J'ai un peu mal, et surtout j'ai l'impression d'avoir couru un marathon.
- Tu es sûr que tout va bien ?

L'air inquiet de son petit ami le fit fondre. Spontanément, il l'embrassa sur le bout du nez.

- Tout va bien, promis, sourit-il. Je vais juste faire une sieste.
- Je t'accompagne. Appuie-toi sur moi.

Jabu n'avait pas vraiment besoin d'une telle escorte, il était quasiment sûr que ses jambes pouvaient le supporter, mais les grands yeux de Seiya le firent céder. Et puis, c'était toujours quelques miettes de temps supplémentaires avec son chéri, il n'allait pas refuser ! Il reposa sa tasse sur la table et se leva doucement. Il se sentait vraiment épuisé.

- Merci, Seiya.
- De rien, c'est normal.

La Licorne s'allongea confortablement et ferma les yeux.

- Aiolos dort toujours ? chuchota-t-il.
- Hmm ? Ah, je vais voir.

Bruit de pas feutrés qui s'éloignent, de rideaux qu'on écarte, puis à nouveau des pas revenant vers lui.

- Il dort toujours, l'informa Seiya. Mais il ne devrait pas tarder à se réveiller, non ?
- Je n'en sais rien, répondit Jabu. Il était vraiment crevé… Il n'a même pas eu le temps de nous parler de la réunion.

Le Pégase eut un petit rire :

- C'est vrai. Il a dit qu'il allait s'allonger et qu'il nous dirait après. Finalement, Mii l'a devancé.
- Hmm.
- Je vais te laisser… Tu m'appelles s'il y a quoi que ce soit, hein ?
- Hmm hmm.

Jabu sentit les lèvres de Seiya se poser doucement sur son front, puis il s'endormit.

OoOoOoOoO

Le ciel de l'Olympe s'éclairait doucement, une aube dorée, rose, aux accents violets. Un spectacle extraordinaire, digne de la demeure de divinités. La lumière pénétra dans le palais d'Athéna, illuminant l'étoffe qu'elle venait de terminer. Cinq portraits, d'un réalisme saisissant un soin particulier avait été apporté aux chevelures qui ondoyaient souplement, emplissant l'espace entre les visages puis se fondant dans un arrière-plan harmonieux avec des nuances plus sombres.

- Je reconnais bien là ton talent, ma fille.

La déesse retint un sursaut. Elle se retourna lentement. Son visiteur était entré sans bruit, sans s'annoncer. Une discrétion surprenante, presque inattendue. D'habitude, son père aimait les arrivées spectaculaires. Elle le salua d'un rapide mouvement de tête et d'un sourire, sans un mot. Elle comprenait mal pourquoi il avait pris la peine de se déplacer : après tout, il était prévu qu'elle vienne le voir plus tard dans la journée. Et, surtout, elle avait cru comprendre qu'il l'avait assez vue.

- Je n'ai pas voulu te faire attendre plus longtemps, annonça Zeus. Héra m'a rapporté ton anxiété…

Athéna s'empourpra :

- Je suis désolée, je…
- Tu tiens vraiment à ces humains, n'est-ce pas ? À en errer devant ma demeure… et, surtout, à en écouter ma chère épouse.
- Certes, Héra et moi avons parfois des… différends, mais lorsqu'elle a raison, je sais l'admettre.
- Hmm…

Zeus sourit, un air énigmatique flottant sur son visage. Il reconnaissait bien là sa fille, honnête, fière, exigeante.

- Père… le pressait-elle justement. Qu'en est-il de… ?

Elle laissa sa phrase en suspens, les yeux levés vers Zeus, les traits tendus.

- Oui, ta requête. Épineux problème… Tu sais que je n'aime ni te dire non, ni arracher des âmes à l'emprise des Enfers. Et puis, il faut savoir payer le prix de ses erreurs.
- Si je me suis trompée, c'est à moi de payer. Personnellement, insista la déesse avec une colère contenue. Mes Chevaliers n'ont pas à me remplacer.

Le maître de l'Olympe hocha la tête, sans rien dire.

- Je crois, finit-il par déclarer, avec une lenteur qui sembla insupportable à sa fille, que tu as raison. En outre, il me semble qu'Hermès considère votre querelle éteinte. Au final, tous ces événements apparaissent comme un triste gâchis, qu'un peu plus de considération entre vous aurait pu éviter.

Athéna hocha la tête. Si seulement elle avait réfléchi, anticipé, pris en compte d'autres paramètres que sa volonté d'asseoir le plus longtemps possible sa victoire. Elle aurait pu, elle aurait dû travailler avec les autres divinités. Cela n'aurait pas été simple, bien sûr, mais au moins une bêtise aussi grossière que refuser le retour de l'amant d'un Olympien aurait été évitée.

- Je vais parler à Hadès, et tes Chevaliers seront rendus à la vie.

La déesse laissa échapper un profond soupir de soulagement et des larmes de gratitude. Un large sourire éclaira son visage.

- Merci !

Elle se leva, enthousiaste :

- Je ne peux attendre, Père ! Je dois en informer le Sanctuaire !
- Pas si vite, l'interrompit Zeus avec amusement. Ce n'est pas tout.

Athéna fronça les sourcils. Elle se rassit avec calme, légèrement inquiète. Qu'avait donc imaginé son père ?

- Puisque le problème, au fond, est un… cruel manque de communication entre toi et Hermès, il me semble nécessaire de s'y attaquer à la racine. Sinon, cela risque de recommencer il y aura d'autres conflits futiles, d'autres âmes parties bêtement que tu voudras ramener… et je ne pourrai pas toujours accepter. Vider la mort de sa signification, ce n'est pas bien. Et à force, les Moires pourraient décider de venir mettre leur nez dans nos affaires.

La déesse de la Guerre grimaça. Une intervention des Moires était bien la dernière chose qu'elle désirait, elle aussi. Les trois vieilles femmes lui inspiraient une sorte de peur sacrée. Leur peau sombre et ridée, leurs longs cheveux d'un blanc laiteux, presque translucide, leurs yeux perçants, et surtout leur voix, ce timbre immémorial, aux accents presque métalliques, qui parlait à l'esprit autant qu'aux oreilles. Habituellement, ces filles de Nyx demeuraient loin de l'Olympe, dans un lieu reculé, concentrées sur le fil qui courait entre leurs doigts jusqu'à la lame des ciseaux d'Atropos. Mais il arrivait qu'elles sortent de leur retraite, lorsque quelque chose attirait leur attention…

- Je comprends, soupira Athéna. Que proposez-vous, Père ?

Zeus eut un sourire triomphant :

- C'est fort simple : que tu reviennes, ma chère enfant !