- Ah… Le cavalier, ce sportif qui s'ignore.
Melany, vêtue d'un polo et d'un pantalon au blanc plus tout à fait blanc, posa sa barquette de frites sur la table et s'assit en face de Steve.
- Mais que serait un concours sans une bonne barquette de frites ? se justifia l'adolescente en observant la frite qu'elle venait de tremper dans son ketchup avant de la gober.
Elle picora encore deux ou trois frites.
- En tout cas, c'est gentil de m'avoir accompagnée, remercia-t-elle la bouche pleine. Ma mère ne vient jamais me voir en concours.
- Ah ouais ? Pourquoi ? demanda Steve en prenant une bouchée de son hot-dog.
- Je pense qu'elle a trop peur.
- Pourquoi a-t-elle peur ?
- À cause du cross. C'est très dangereux. Des gens se tuent sur le cross.
Steve avala de travers. Melany disait ça avec une telle… légèreté ?
- Mais c'est ce qui fait la beauté de notre sport, non ? ajouta-t-elle dès que Steve eut fini de tousser.
- Oui, oui. Si tu le dis, répondit Steve, pas vraiment convaincu.
- Tout ça pour dire que je suis contente que vous m'ayez réservé votre week-end.
- Je n'avais rien à faire. Et Catherine n'est pas là.
Steve essayait d'adopter un ton neutre et détaché, de faire croire que son geste n'était pas grand chose. Mais en réalité, il avait tenu à accompagner sa fille à cette compétition, la première depuis leur rencontre.
- Ah oui, réagit l'adolescente. Où est-elle ?
- Chez ses parents, sur le continent. Son petit frère a eu une permission de quelques jours. Elle est allée le voir.
- Comme chez les McGarrett, être militaire c'est de famille chez les Rollins ?
- On peut dire ça comme ça. Le père de Catherine est général dans la Navy.
Melany hocha la tête, impressionnée.
- Son frère est dans la Navy aussi ?
- Non, Lucas est Rangers.
- Il fait des infidélités, on dirait, rit Melany.
Steve rit également.
- Dites-moi, vous avez arrêté beaucoup de méchants cette semaine ? demanda-t-elle.
- Un petit nombre. Moins que la semaine où tu as été enlevée. Cette semaine-là avait été… folle. Mais un petit nombre quand même.
- Le héros de Hawaii, sourit Melany. Chaque jour, il rend l'archipel plus sûr pour tout un chacun.
Ils continuèrent à bavarder des exploits de Steve avant de bifurquer sur les cours et les lectures de Melany. Ils furent interrompus par l'arrivée d'une cavalière, aussi vêtue de blanc, que Steve ne connaissait pas.
- Tiens Melany, voici tes protocoles.
Elle tendit plusieurs feuilles à Melany.
- J'ai vu que tu les cherchais tout à l'heure alors je te les ai apportés dès qu'ils sont sortis.
- Merci Steph.
Steph repartit. Melany se mit à lire les feuilles, passant de l'une à l'autre.
- Oui, sur ça on est d'accord, commenta-t-elle en fourrant une frite dans sa bouche. Ah, là, les juges ne sont pas d'accord. Cinq. Mérité. Sept ! Bah ils ont été gentils sur cette figure. Moi j'aurais mis quatre. Hm, faudra retravailler cette figure. Ah j'ai quand même obtenu un huit sur l'arrêt final. Et les notes d'ensemble sont plutôt correctes.
Elle ajouta quelques commentaires supplémentaires.
- Oui, même constat qu'en sortant du carré. On n'a pas brillé. Mais on n'a pas éteint la lumière non plus.
Steve ne put s'empêcher de sourire. Melany usait parfois de ces expressions.
- Ce qu'on fait, c'est bien, c'est propre. Mais c'est le strict minimum. Si on veut accrocher les premières places, il va falloir aller chercher les notes avec un peu plus d'expression sur le carré.
Melany faisait l'analyse de la reprise de dressage qu'elle avait déroulée dans la matinée avec une passion et une maturité qui impressionnait Steve. Il ne comprenait pas grand chose aux termes techniques. Mais il comprenait que Melany avait travaillé dur, avec beaucoup de sérieux, pour en arriver là et qu'elle ne comptait pas se contenter de ça.
- Tu obtiens quel score ? demanda Steve.
- Soixante-cinq pourcent. C'est un résultat honorable. Ça nous place milieu de tableau. Si j'ai les yeux bien ouverts cet après-midi sur l'hippique, ça nous mettra en embuscade pour un classement.
- Tant mieux, sourit Steve.
- Et le cross va être une formalité. Vivaldi est un véritable avion de chasse sur cette épreuve. Il sauterait des montagnes si je lui demandais.
- Vous avez l'air d'avoir une belle complicité.
- On y travaille. Mais ça n'a pas toujours été ainsi.
- Ah oui ?
- On a eu des débuts plus que compliqué. Je tombais souvent. Tellement souvent que le Coach a conseillé à ma mère de le revendre et d'en acheter un autre. Mais il parait que l'amour, ça se construit. Du coup j'ai continué à poser mes briques et aujourd'hui on en est là, raconta Melany fièrement. Après, je ne dis pas que tout roule. Encore maintenant, il nous arrive de nous chamailler et d'avoir quelques petits accrochages. Rien de bien méchant. Je dirais que Vivaldi et moi partageons le même genre de relation que vous et le Lieutenant Williams.
Steve ne put s'empêcher de sourire. Il aimait bien cette comparaison.
- Comment a commencé votre histoire ? voulut savoir Steve.
- À la naissance de Vivaldi, déclara Melany. Vous devez sûrement savoir que petite, j'étais vagabonde.
Steve hocha la tête et Melany poursuivit.
- On vivait en banlieue de Sacramento, en lisière de forêt. Un jour, j'avais peut-être six ans, je me promenais seule et j'ai décidé de prendre le chemin de gauche, pas le chemin de droite que je prenais tout le temps. Je me suis perdue. La nuit est tombée. La pluie a commencé à tomber, vraiment fort. Je me suis réfugiée dans une grange, qui était en fait une écurie. A l'intérieur, il y avait un vieux monsieur, un éleveur de chevaux de course, au chevet d'une jument, Sky Song, qui était en train de pouliner. Il m'a invitée à approcher et j'ai assisté à la naissance du poulain alors que le tonnerre grondait dehors. Nous ne sommes ressortis de l'écurie que le lendemain matin. Il faisait alors grand beau et j'ai plaisanté que c'étaient les quatre saisons. Le vieux monsieur a ri et a dit que le père du poulain s'appelait Beethoven et qu'il allait du coup l'appeler Vivaldi.
- C'est une jolie histoire, s'émut Steve. Comment est-il devenu ton cheval ?
- Après sa naissance, je suis allée voir Vivaldi très souvent. C'était un poulain très dégourdi, curieux, joueur. Ça a duré trois ans. Dans un même temps, j'ai rencontré un homme. Comme vous et moi, nos chemins se sont croisés parce que j'étais témoin dans une affaire de meurtre.
Steve se souvenait de Cindy évoquant le sujet lorsque le 5-0 enquêtait sur la disparition de Melany.
- Entre lui et moi, le courant est passé instantanément. Il avait perdu sa fille et sa femme dans des circonstances tragiques. Je n'avais pas de père. Chacun à trouver chez l'autre le substitut de ce qu'il n'avait pas. Ou plus.
Melany marqua une pause, sa conscience se replongeant avec nostalgie dans ses souvenirs.
- Puis le vieux monsieur est mort. Ses chevaux ont été vendus et Vivaldi a été acheté à prix d'or avant de passer de main en main. Je n'ai plus eu de nouvelles de lui, reprit-elle avec mélancolie. Jusqu'à ce que Maman et moi soyons sur le départ pour Hawaii. L'homme, qui a perdu sa fille et sa femme, a réussi à retrouver la trace de Vivaldi, l'a racheté à son propriétaire de l'époque et me l'a offert.
- C'est très généreux de sa part. Tu as toujours des nouvelles de cet homme ?
Steve sentait bien que cet homme occupait une place importante dans le cœur de Melany. Ce devait sûrement être le même homme que celui sur la photo posée sur la table de chevet de Melany.
- Non. Quand on a quitté la Californie, il était toujours sur les traces du responsable de la mort de sa femme et de sa fille. Il m'a fallu du temps pour lui faire admettre que ce n'était pas lui. Aux informations, j'ai entendu dire que le responsable avait été appréhendé. Mais je ne sais pas ce qu'est devenu cet homme.
- Comment s'appelle-t-il ? demanda Steve.
Peut-être pourrait-il faire quelques recherches pour retrouver sa trace. Melany n'eut pas l'occasion de répondre.
- Ah ! Melany, je te cherchais, intervint le Coach McFalls en approchant. Kyoko est irrégulière.
- Ah mince, regretta Melany. Rien de grave j'espère.
- Je ne pense pas. Dans le doute, on préfère ne pas la faire courir ce week-end et le véto passera lundi. Mais du coup, j'ai le temps pour faire une reconnaissance de cross. Alors va changer de bottes et retrouve-moi à la boîte de départ dans dix minutes.
- Bien Coach.
McFalls repartit en direction de la buvette tandis que Melany se levait.
- Je vous prie de m'excuser Commandant, mais le devoir m'appelle.
- Ne t'en fais pas, file. En t'attendant je vais regarder quelques parcours, annonça Steve en désignant d'un signe de tête la carrière remplie d'obstacles bariolés sur laquelle se succédaient nombre de cavaliers et leurs montures.
Melany partit à son tour en direction de l'écurie, non sans avoir oublié de récupérer sa barquette de frites. Il en restait la moitié. Hors de question de laisser ça là !
- Ça a été aujourd'hui ? demanda Cindy lorsque sa fille et Steve pénétrèrent dans la maison.
- Impeccable, se targua Melany. On est huitième au provisoire.
- Dans le classement ? se renseigna Cindy.
- Oui. Dernière. Mais il reste le cross demain en fin de matinée. Avec le parcours qui nous attend, il y a moyen de remonter de quelques places. Je ne pense pas qu'on puisse décrocher la victoire. C'est Steph, avec Kerestor, de Waialua, qui sont en tête. Ils sont d'une régularité cette année. Je suis sûr qu'ils vont décrocher le titre en avril. Mais les difficultés concoctées par le chef de piste nous permettent d'espérer le podium.
- Tant mieux. Je suis fière de toi, félicita Cindy.
- Au moins, je n'aurai pas manqué les cours pour rien aujourd'hui. Et ne t'en fais pas Maman. Je serai prudente sur le cross demain, rassura Melany. Comme toujours.
Cindy sourit en regardant sa fille disparaître dans le couloir pour aller s'enfermer dans sa chambre.
- C'est très courageux de ta part, reconnut Steve.
- Quoi donc ?
- Melany m'a dit que tu as peur quand elle part sur un cross.
- Elle a dit ça ? réagit Cindy, amusée. Certains diraient que c'est de l'inconscience. C'est vrai que ma fille n'a pas choisi le sport le moins dangereux et de surcroît elle s'est spécialisée dans la discipline la plus dangereuse. Mais elle est épanouie dans ce qu'elle fait. Et elle a conscience des risques. Alors je ne vais pas la brider.
- Je persiste. C'est du courage. Pas de l'inconscience.
Un sourire discret apparut sur les lèvres de Cindy, un court instant, avant de disparaître. Steve fronça les sourcils, soucieux. Elle semblait anxieuse, affligée, éteinte. Ce n'était pas la première fois qu'il observait un tel abattement chez la jeune femme. Cela avait commencé à son retour de Chicago, après Thanksgivings.
- Ça va ? demanda Steve, préoccupé.
La jeune femme releva la tête vers Steve, étonnée, comme si l'espace d'un instant elle avait oublié sa présence.
- Oui, tout va bien. C'est juste un coup de mou passager.
Encore une fois, elle balaya la question. Steve n'insista pas. Il savait que le sujet était plutôt délicat à aborder. Steve ne savait pas grand-chose de la famille de Cindy. Il ne connaissait que le surnom de sa mère, Bunny. Il avait déjà entendu le nom de sa sœur et de l'un de ses frères. Mais il ne s'en souvenait plus. Il se rappelait seulement que leurs noms de famille étaient différents à tous les trois. En revanche, la jeune femme n'avait jamais mentionné le nom de son père et ni ses deux autres frères. Il savait juste que ces deux-là étaient jumeaux. Il se souvenait que Bunny n'était pas un modèle d'exemplarité en matière de maternité. Rarement un travail stable, souvent expulsée, peu concernée par son rôle de mère, elle avait contraint ses enfants à grandir dans les rues mouvementées de Chicago. Si Cindy avait réussi à s'en sortir, il avait cru comprendre que ça avait été plus difficile pour sa petite sœur qui était alors tombée dans la drogue et la délinquance. Quelque chose s'était produit là-bas, à Chicago. Peut-être avait-elle appris le décès d'un de ses proches ? Steve n'en avait aucune idée. En revanche, il sentait bien que c'était grave.
Melany réapparut dans le salon, ramenant avec elle de la gaieté. Elle avait troqué son jean et son tee-shirt pour un legging et un débardeur.
- Tu vas courir ? s'étonna Cindy en la voyant enfiler ses baskets dans le vestibule.
- Oui, répondit l'adolescente en montrant son accoutrement.
- Alors que tu as concouru aujourd'hui et que tu concours à nouveau demain ?
- Il faut bien que je décrasse mes muscles, non ? Pour éviter les courbatures.
Cindy hocha la tête. Sa fille avait plus d'énergie qu'une centrale nucléaire.
- Attends ! interpella Cindy alors que Melany était sur le départ.
L'adolescente referma la porte et revint dans le salon, le regard interrogateur.
- Avant que tu te sauves, je voudrais te donner quelque chose, en attrapant un petit coffret qui trainait sur la table.
Melany fronça les sourcils.
- Tu sais que mon anniversaire c'est demain, s'assura-t-elle, suspicieuse.
- Je m'en souviens parfaitement. Dois-je te rappeler que c'est moi qui t'ai mis au monde ?
- Non, tu me le répètes assez souvent, rit Melany en récupérant le coffret que sa mère lui tendait. Mais pourquoi ne pas attendre demain ?
- Parce que je ne voulais pas attendre plus longtemps pour te le donner, répondit Cindy, une pointe d'excitation dans la voix. Et puis, ce n'est pas tout à fait un cadeau. Vois ça comme un héritage !
Melany ouvrit de grands yeux ébahis et s'empressa d'ouvrir le coffret. L'étonnement se transforma en stupéfaction lorsqu'elle révéla une montre d'homme. Steve reconnut aussitôt le bijou.
- Elle est magnifique ! s'extasia Melany, la voix étouffée par l'émerveillement.
L'adolescente sortit la montre du boîtier pour l'observa sous toutes les coutures. Un bracelet en cuir noir et un boîtier en or certi de petit diamant encerclant le cadran. Enfin, en fonction de l'inclinaison de la montre, un symbole, semblable à des armoiries, apparaissait sur la glace, finement gravé dans le verre. Il représentait une boussole, une boussole à quatre aiguilles qui pointaient en direction du nord-est, du nord-ouest, du sud-est et du sud-ouest. Aussi les points cardinaux étaient remplacés par les symboles des couleurs d'un jeu de cartes : le cœur au nord, le carreau au sud, le trèfle à l'est et le pique à l'ouest. Cette montre n'avait rien d'extravagant, mais elle était d'une somptuosité époustouflante.
Lorsque Melany eut terminé son inspection, Cindy récupéra la montre et l'attacha au poignet de sa fille. De par sa discrétion, le bijou d'homme ne détonnait pas sur l'adolescente. Au contraire, il lui allait à ravir.
Melany prit quelques secondes pour admirer encore un peu son cadeau. Puis la pile électrique retrouva son énergie.
- Merci Maman. Je t'aime.
Elle déposa un bisou sur la joue de sa mère puis sortit de la maison.
- Je crois que je ne m'y ferai jamais, souffla Cindy, déconcertée par l'hyperactivité de sa fille.
- C'est la montre de ton père ? demanda alors Steve.
Cindy acquiesça.
- Je pensais que tu détestais cette montre.
- Effectivement. Je l'ai toujours vu comme un fardeau.
- Alors qu'est-ce qui a changé ?
- J'ai enfin accepté qui je suis.
Cindy dégagea une assurance que Steve ne lui connaissait pas. La jeune femme n'avait jamais manqué de détermination. Mais cette fois, il y avait quelque chose de différent, de plus profond, comme un sentiment de paix intérieure.
- Et surtout, je crois qu'il est temps de révéler à Melany d'où elle vient.
Steve fronça les sourcils.
- En lui annonçant qui est son père.
Steve n'en revint pas ses oreilles.
- Si ça te dit toujours, bien sûr.
- Oui, bien sûr. Oui, bégaya-t-il en retrouvant un usage approximatif de sa voix.
Cindy sourit.
- Tu peux venir dîner à la maison demain soir, pour son anniversaire. Et on lui annoncera à ce moment-là, proposa-t-elle.
- Ça me va.
- Et si Catherine est rentrée, elle est aussi invitée.
- Ça aurait été avec plaisir mais elle ne rentre que mardi malheureusement.
- Ah dommage… Une autre fois !
La voix de Cindy parut étouffée. Steve mit ça sur le compte de la déception. Un sourire illumina bientôt son visage. Enfin. Puis un petit rire lui échappa.
- Qu'est-ce qui te fait rire ? s'enquit Cindy.
- Un détail. Je viens de prendre conscience que l'anniversaire de Melany est le 7 Décembre.
L'amusement de Steve se transmit à Cindy.
- Ah ah, oui. Tu sais que Melany voulait absolument cette date ?
- Ah oui ?
- Elle aurait dû naître en janvier, révéla Cindy. Mais elle a choisi de venir au monde un peu plus tôt, un jour qui compte chez les McGarrett.
Cindy prit alors conscience d'un nouveau détail.
- Et plus effarant encore ? Elle est née à Phoenix. Je n'y étais que de passage. À 10h55.
- Il était alors 7h55 à Hawaii ! réalisa Steve. L'heure à laquelle l'alarme a retenti sur l'Arizona en 1941.
Une coïncidence ? Le destin ? Peu importe. Une chose était sûre. Melany savait soigner ses entrées, et ce depuis toujours !
Une fois l'euphorie retombée, Steve salua Cindy et sortit de la maison. La jeune femme s'approcha de la fenêtre pour observer le père de sa fille regagner sa voiture, guilleret. C'était une chance qu'ils s'entendent si bien.
Elle soupira en laissant retomber le rideau pour retourner à ses tâches ménagères.
Steve sortit de l'eau en trottinant. Il secoua la tête, projetant des milliers de gouttelettes. Il courut jusqu'à sa serviette abandonnée sur l'une des chaises de jardin, s'essuya le visage avec et la jeta sur son épaule. Il récupéra ensuite sa bouteille de bière et son téléphone sur la table. Il avala une gorgée de sa boisson et fronça les sourcils en découvrant qu'il avait quatre appels en absence provenant de Duke. Steve avait le doigt juste au-dessus de son contact pour le rappeler quand il fut devancé par le sergent.
- Oui Duke ? décrocha-t-il, soucieux.
L'échange fut bref.
- J'arrive tout de suite.
Steve raccrocha et se précipita vers la maison. À peine cinq minutes plus tard, il montait dans sa voiture. Il recula le siège conducteur et démarra en trombe.
Steve s'arrêta dans un crissement de pneus, coupa son moteur et sortit avec hâte de sa voiture. La rue était remplie de voitures de police au gyrophares allumés, illuminant alternativement la nuit de rouge et de bleu. Le fourgon de la police scientifique était là aussi, ainsi que le fourgon du…
- Ah, Steve, te voilà !
Duke interrompit Steve dans son analyse des lieux en approchant.
- Où est-elle ? demanda Steve aussitôt, faisant fi des salutations.
Duke ne s'en offusqua pas.
- Dans le salon. Suis-moi.
Les deux hommes se dirigèrent donc vers la maison et franchirent le ruban jaune.
En pénétrant dans le salon, Steve fut immédiatement saisi par l'effervescence qui y régnait. À l'instar de la rue, la pièce était envahie. Policiers en uniforme et techniciens de la police scientifique, dont Barry, allaient et venaient dans tous les sens, prenant diverses photos, effectuant divers relevés. Le Docteur Bergman était là aussi.
- Commandant, le salua le médecin légiste.
Steve salua Max en retour d'un hochement de tête. Lui et Duke s'avancèrent dans le salon, là où était concentrée la majorité des forces de l'ordre.
- Il y a une heure, on a reçu un appel du Central. Une voisine a entendu un coup de feu, expliqua le sergent. J'étais déjà en route quand j'ai entendu l'annonce de la patrouille pour la découverte du corps. Je t'ai aussitôt appelé.
- Je t'en remercie Duke.
Steve s'accroupit à côté du corps étendu à côté de la table, inspira un grand coup puis souleva le drap. Il savait à quoi s'attendre. Il savait déjà qui se cachait sous ce drap. Des cadavres, il en avait déjà vu, un petit nombre déjà. Celui-là n'avait qu'une balle dans la poitrine, tirée à bout portant à en juger les marques de brûlure autour de la blessure. Mais il dut porter son poing à sa bouche pour réprimer le haut-le-cœur qui l'ébranla. Il resta un petit moment, silencieux, immobiles, contemplant avec effroi ce visage inerte. Puis il soupira, se frotta le visage pour effacer les larmes qui menaçaient de couler et replaça le drap.
- Tu sais qui gère l'enquête ? demanda Steve en se relevant.
- Coleman.
Steve grimaça.
- Il est dehors, en train d'interroger la voisine. C'est elle qui a appelé le 911, précisa Duke. Je vais voir si je peux essayer de vous transmettre l'affaire. Mais tu sais comment il est.
Steve hocha la tête. Il ne savait que trop bien. Le Lieutenant Coleman n'était pas un mauvais enquêteur, loin de là. Mais Steve n'appréciait pas le personnage. Et c'était réciproque. Coleman avait des statistiques remarquables. Avec ses états de service, il était pressenti pour obtenir une belle promotion méritée. Puis le 5-0 fut créé. Le nombre d'enquêtes qu'il se voyait confier chuta drastiquement et il s'agissait souvent d'enquêtes de second rang, avec un enjeu public moindre. La promotion lui avait donc échappé. Et depuis, il éprouvait une certaine amertume, justifiée, envers le 5-0. Mais cette amertume nuisait à la collaboration entre le 5-0 et la HPD. Coleman se montrait réticent et par conséquent désagréable dès lors que le 5-0 lui demandait de l'aide ou que lui-même avait besoin de l'aide du 5-0, retardant la transmission d'informations parfois cruciales pour la résolution d'enquête. Cette semaine encore, le lieutenant avait posé problème lorsque le 5-0 s'était vu confier une affaire qui lui avait été préalablement attribuée.
Ils s'éloignèrent du corps. Par la fenêtre, Steve repéra Coleman qui revenait vers la maison. L'enquêteur interrompit son chemin en passant devant la voiture de Steve. Il sembla réfléchir quelques secondes avant de faire demi-tour et héla la voisine qu'il avait quitté après l'avoir interrogée. Quelque nouvelle question devait avoir émergé dans son esprit.
Steve fronça les sourcils et regarda partout autour de lui.
- Tu sais où est Melany ?
- Ça allait justement être ma question suivante, répondit Duke.
- Elle est partie courir, se rappela Steve. Un peu avant dix-huit heures, après que je l'ai déposée ici. Je sais que ça fait plus de deux heures. Mais peut-être est-elle encore en train de courir.
Steve refusait de croire qu'elle ait pu être enlevée. Pas une nouvelle fois.
- C'est probable avec Melany. Mais je ne veux exclure aucune éventualité. J'ai plusieurs patrouilles qui font le tour du quartier, informa Duke. Mais pour l'instant, aucune trace d'elle.
- Non Mademoiselle, vous ne pouvez pas entrer, somma au même moment l'officier qui gardait l'entrée de la maison.
Mais déjà Melany débarquait dans le salon.
- Maman ? appela-t-elle fébrilement alors que Steve s'avançait vers elle.
L'adolescente se figea en découvrant l'armée de personnes en uniforme qui envahissait sa maison. Son regard terrifié se posa sur Steve avant de trouver le corps étendu dans une marre de sang au milieu de la pièce.
- Maman ?! répéta-t-elle, sa crainte grandissant.
Steve l'invita à rejoindre le canapé mais Max souleva le drap à cet instant.
- MAMAN ! s'écria Melany en repoussant Steve.
Steve la rattrapa par le bras juste avant qu'elle ne se précipite auprès du corps sans vie de sa mère.
- Ah Commandant McGarrett ! s'exclama le Lieutenant Coleman en faisant son entrée dans le salon. Pour une fois c'est un plaisir de vous voir. Vous simplifiez mon travail.
- Pas maintenant Coleman, somma Steve.
- Oh si, maintenant.
D'après son sourire, il se réjouissait manifestement déjà de ce qui allait suivre. Il s'en délectait davantage qu'il en serait le principal acteur. Alors que Steve avait le dos tourné, étant focalisé sur Melany dont il tenait dorénavant la main, le lieutenant sortit ses menottes de sa ceinture.
- Coleman, qu'est-ce que vous faites ? s'alarma Duke.
- Steve McGarrett, je vous arrête pour meurtre de Cindy Ortiz.
