Oyez oyez, bonnes gens : NON, rassurez-vous, Bouchou n'a rien contre les rats, elle sait que c'est un animal très mignon, elle a même une amie qui en a eu plusieurs.

Mettons seulement que le chouette copain de Chani est davantage une espèce de… d'hybride de caméléon mutant et de ptérodactyle atrophié qu'un véritable rat.

Cinquième chapitre !


« ZE L'AI APPELE SCOUIC ! » s'exclama bruyamment l'enfant en plaquant presque le monstrueux rongeur contre le nez du jeune homme aux cheveux verts.

Les regards de l'Homme et de l'Animal se croisèrent.

Zorro recula avec prudence.

Il cligna des yeux, observant le paysage autour de lui. Chani l'avait violemment tiré d'un profond sommeil.

…Il était toujours sur la Vigie.

« Com… COMMENT TU AS FAIT POUR ARRIVER JUSQU'ICI ? » hurla t-il en se relevant brusquement.

« En grimpant sur les cordes, » assura fermement la fillette avec un petit hochement de menton.

Incrédule, l'escrimeur contempla, par-dessus la rambarde de bois, l'immensité enchevêtrée des cordes maintenant les voiles et qui permettaient, avec beaucoup de force, d'habilité et d'expérience, d'accéder à la vigie.

Il fit glisser son regard sur le minuscule petit bout de gamine qui le fixait depuis le bas de son pantalon.

Elle éleva le rat dans les airs, le tenant à bout de bras.

« Scouic ! » scanda t-elle sur un ton sans réplique.

« Scouic ? » murmura faiblement l'escrimeur.

Elle hocha vigoureusement la tête.

« Scouic ! parce que tout à l'heure, quant il z'est jeté sur une mouette qui z'était pozée sur le pont, et ben za a fait 'scouic' ! »

« S…Scouic… »

« Vi ! Il a prit son cou entre zes dents avant qu'elle puisse z'envoler, comme za, » (elle ouvrit grand la bouche, faisant mine de saisir quelque chose entre ses dents) « et za a fait scouic ! » (Elle ferma la bouche en faisant violemment claquer sa mâchoire)

« Ah… Scouic… »

L'individu fraîchement baptisé Scouic toisa le jeune homme d'un regard malsain.

« HHHSSS… » fit-il en retroussant ses maigres et noires babines sur ses deux dents incrustées de sang caillé.

Le rongeur se balançant toujours au bout de ses bras, Chani fit un petit bond dans les airs, en direction du visage de l'escrimeur.

« Tiens ! prends-le dans tes bras ! » ordonna t-elle avec un grand sourire.

Zorro et Scouic se dévisagèrent. Longuement.

Zorro recula de nouveau prudemment.

« Allez-heu ! Prend-le dans tes bras ! » insista la fillette.

Le jeune escrimeur se mordit les lèvres, cherchant désespérément ce qui pourrait bien le sauver.

« Je… Je ne me sens pas bien… Je crois qu'il faut que j'aille manger quelque chose… » marmona t-il d'une voix faible.

« Dans tes bras ! » répéta durement la petite peste.

« …Je… J'ai envie de dormir. »

Chani se pétrifia, écarquillant les yeux.

Silence.

« Si tu manges, tu vas pas dormir, hein ? » demanda t-elle prudemment.

« Non, » assura l'escrimeur.

« …Bon, alors vas-y. »


Le jeune homme poussa la porte de la cuisine, se tenant contre le battant pour ne pas s'écrouler par terre.

« Zorro ? Ça a pas l'air d'aller ? » fit judicieusement remarquer Pipo.

L'interpellé le foudroya du regard.

Il se traîna jusqu'à une chaise et s'y écroula, fermant les yeux en expirant lentement, comme s'il essayait de se décharger de toutes les pulsions négatives qui pesaient sur sa poitrine.

« Je suis fatigué… » expliqua t-il d'une voix sourde. « Je n'ai pas eu mon quota de sommeil pour la journée… Si ça continue comme ça, vous n'aurez bientôt plus qu'à vous trouver un nouvel escrimeur… Parce que ce sera ma perte… »

Silence.

Zorro ouvrit les yeux, contemplant d'un air fatigué ses compagnons rassemblés autour de la table. Leurs visages étaient fermés.

« C'est sympa de vous inquiéter pour moi, mais vous êtes pas obligés de faire ces tronches de déterrés, vous savez… » murmura t-il, méfiant.

« Chani a parlé de son père à Robin, Luffy et Pipo. D'après ce qu'elle en a dit, il ne porte vraiment pas les pirates dans son cœur, » expliqua la rouquine.

L'escrimeur cligna des yeux.

« …Mais… Aucun civil ne porte les pirates dans son cœur… C'est pas une nouveauté, ça… En quoi ça vous inquiète ? »

Profonde réflexion.

« …C'est vrai, ça, Nami, en quoi ça nous inquiète ? » demanda Luffy d'un ton neutre.

« Mais, ça nous inquiète dans le fait que… »

« C'est pas grave, je m'en fiche, j'ai faim, Sandy, quant est-ce que c'est prêt ? »

« MA QUICHE AUX OIGNONS ! »

Le cuisinier se rua brutalement vers ses fourneaux, dont s'échappait un large filet de fumée noire et dense.

« Chic, j'adore les oignons ! » s'exclama joyeusement Boule de Poil.

« Si c'est cramé, tu pourras me passer le plat ? Je pourrais essayer de le distiller pour mes mixtures, voir ce que ça fait… »

« MAIS… Dîtes tout de suite que vous vous en fichez, que le père de la petite nous déteste ! » s'exclama la rousse jeune femme tandis que Sandy jetait un regard noir à Long-Nez.

« Je crois effectivement qu'ils s'en fichent, Nami… » fit doucement remarquer la belle archéologue.

Zorro glissa encore un peu plus contre le dossier de sa chaise, plongeant doucement dans un sommeil réparateur. Un ronflement ténu s'échappa de ses lèvres entrouvertes.

Nami le contempla, le visage crispé.

« REVEILLE-TOI ! » hurla t-elle en le giflant avec violence.

« AH ! Mais… Mais ça va pas ! Qu'est-ce qui t'a pris ? Je… Je dormais ! Pourquoi t'as fais ça ? » s'écria t-il en se tenant la joue, complètement désespéré.

« J'avais besoin de passer mes nerfs sur quelqu'un. »


Au moins, la nuit, la petite peste partageant la chambre des filles, il pouvait dormir en paix. C'était toujours ça.

Il s'avança dans la pièce plongée dans une obscurité rassurante en baillant, passa une main dans ses cheveux encore mouillés par la douche en baillant, repoussa Luffy qui s'apprêtait à tomber de son hamac en baillant, s'approcha du sien en baillant, et s'y glissa en baillant à s'en décrocher littéralement la mâchoire.

Mmmmh. Enfin dodo.

Il se pelotonna avec plaisir au creux du tissu rugueux, ayant déjà presque sombré dans sommeil profond. Do-do.

« AAAAAHHH ! »

Il se redressa brutalement, bondissant hors de son hamac, et le fixa comme s'il s'agissait d'un serpent venimeux sur lequel il aurait malencontreusement marché.

Ses compagnons de chambrée, réveillés en sursaut, se relevèrent tant bien que mal.

…Luffy tomba de son hamac.

« Zorro… ? P… Pourquoi tu fais tant de bruit ? » marmonna Pipo d'une voix embrumée de sommeil. « T'as fais un cauchemar ? »

« Crétin ! …Il y a quelque chose dans mon hamac. »

« …Dans ton hamac ? »

« Ouais. Et ça m'a mordu la nuque. Jusqu'au sang ! » ajouta t-il en se frottant la base du cou.

« SSSHHHSSSSHHHHH… »

Long silence.

« C'est la Créature… » chuchota Pipo.


La porte de la chambre des filles s'ouvrit à la volée, dans un fracas épouvantable.

Nami se releva en sursaut, fixant, stupéfaite, le flot de garçons qui se déversait dans sa chambre, au beau milieu de la nuit.

Un rictus terrifiant crispa son joli visage.

Robin s'assit doucement sur son lit, observant tranquillement les nouveaux arrivants en allumant une bougie.

Chani ne tressaillit même pas dans son sommeil.

« Qu'est-ce que vous foutez là qu'est-ce que vous voulez je vous prie de croire que c'est la première et la dernière fois que vous nous faîtes un coup pareil bande de pauvres abrutis dégénérés qui ont de la moisissure à la place du cerveau parce que sinon les requins auront le ventre bien plein la prochaine fois… » marmonna t-elle d'une seule traite et sans reprendre son souffle, un tic nerveux secouant dangereusement le coin droit de sa bouche environ toute les deux secondes.

…Pipo et Chopper reculèrent lentement dans le couloir, avant de se ruer du plus vite que leurs jambes le permettaient en direction du dortoir des garçons.

Luffy hésita, puis décida lui aussi qu'il serait bon d'aller courir dans le couloir. Mais en direction de la cuisine.

« Pardon, mon petit Bouton de Rose, j'ai essayé de l'en empêcher, mais je n'y suis pas arrivé… » s'excusa piteusement Sandy.

L'escrimeur agita avec fureur quelque chose sous le nez plissé de la rouquine.

…Il fallut un certain temps à la jeune femme pour qu'elle s'aperçoive qu'il s'agissait de la « jolie souris ».

Elle se rejeta brusquement en arrière, articulant faiblement un petit couinement de terreur pure.

« Enlève-ça je t'en supplie Zorro enlève-moi-ça je vais me sentir maaal… »

Le jeune homme jeta violemment Scouic sur la fillette toujours endormie, lovée contre le dos de la rouquine.

Elle se réveilla doucement lorsque l'animal lui mordilla avec appétit le lobe de l'oreille.

« OOOOH SCOUIC ! » s'écria t-elle, ravie.

Elle leva les yeux vers l'escrimeur qui la fixait, bouillonnant de fureur.

« Je suis sûr que tu as fais exprès de le mettre dans mon hamac… » murmura t-il d'une voix blanche de colère, un tremblement convulsif parcourant tout son corps.

« Ah vi ! » s'exclama t-elle avec joie, un immense sourire illuminant son joli minois. « Z'était za mission ! Il devait t'empêsser de dormir. Ze peut pas être tout le temps là pour te zurveiller, alors il m'aid-heu. »

« … »

« ZORRO ! Je t'interdis de la frapper, ce n'est qu'une petite fille ! »

« MAIS JE VAIS FINIR PAR CREVER DE FATIGUE, TU COMPRENDS ÇA ? »

« Elle croit qu'elle fait ça pour ton bien, » explique la navigatrice en repoussant le bras du pirate. « Il va juste falloir lui expliquer que ce n'est pas parce que tu dors les… trois quarts de ton temps, que tu risques de tomber malade ou de mourir ou quoi que ce soit du même genre. »

« Mais z'est pas normal ! » intervint la petite fille en jouant avec la Créature qui rampait sous son pyjama, « Ze zuis zûre qu'il va mourir z'il continue ! »

« Chani… »

La fillette tourna vers la séduisante archéologue un visage fermé et méfiant. La jeune femme lui souriait doucement, l'incitant d'un mouvement du poignet à venir s'asseoir à ses côtés.

Réticente, Chani obéit.

Sous les regards suspicieux des trois autres, Robin se baissa et murmura quelque chose à l'oreille de l'enfant.

Ils virent, lentement mais sûrement, le visage de la petite fille s'illuminer d'une lueur intérieure, ses yeux bleus brillant soudainement avec toute l'intensité d'une centrale électrique.

Zorro déglutit.

« C'est vrai ? » s'exclama la fillette en scrutant attentivement le visage de la jeune femme.

Elle hocha la tête et lui sourit d'un air complice.

« Trop fort ! » s'écria le petit monstre en écarquillant les yeux d'incrédulité.

Elle sauta du lit et se précipita vers l'escrimeur qui recula précipitamment.

« Fallait le dire plus tôt, tu zais, » dit-elle sérieusement, fixant l'escrimeur qui se demandait s'il avait une chance de se faufiler par la porte en plongeant brutalement sur le côté, « Ze t'aurais pas empêssé de dormir alors, vilain petit cassotier. »

Elle lui fit un grand sourire et retourna se pelotonner sous les couvertures de la rouquine. La Créature émergea de dessous son haut de pyjama et les fixa, silencieuse et immobile, pendant cinq minutes. Puis, apparemment satisfaite de les avoir un tant soit peu traumatisés, elle poussa son feulement rauque et habituel avant de plonger rejoindre sa Maîtresse sous les draps.

La navigatrice se crispa dans le dos du blondinet.

« …Je ne dors pas avec cette chose dans mon lit. Elle va me bouffer. Je l'ai lu dans son regard. »

« Tu peut venir dormir dans mon hamac, si tu veux, mon petit Rossignol en Sucre ! » s'exclama le cuisinier d'une voix pleine d'espoir.

« Merci, Sandy. C'est vraiment gentil. »

« TU… TU VEUX BIEN ? »

« On va l'installer dans le couloir, devant la porte de la chambre. Comme ça je serais sûre que cette bête immonde ne viendra pas me grignoter un orteil durant mon sommeil. Toi, tu n'auras qu'à utiliser des couvertures pour te faire un matelas dans votre chambre. Merci beaucoup. »

« … »

« …Mais… Quelqu'un pourrait-il sérieusement m'expliquer pourquoi elle traîne ce truc partout ? » soupira l'escrimeur en se massant la nuque, ses doigts frôlant la blessure encore ouverte que Scouic lui avait joyeusement faite.

« Les enfants ont tous besoin d'un doudou, voyons, c'est tout à fait normal, » expliqua le cuisinier d'un air exaspéré. « Ça… leur tient compagnie… »

« T'as pas l'air convaincu. »

« Il n'a aucune raison d'être convaincu. Je suis contente que Chani se soit fait un ami, mais j'aurais préféré que ce soit un… un… un poisson rouge. »

« …Où est Luffy ? » demanda Sandy au bout d'une minute de silence compréhensif, fronçant les sourcils.

« Je l'ai vu courir dans la direction de la cuisine, il y a dix minutes. »

« DIX MINUTES ? MAIS ROBIN-D'AMOUR, IL FALLAIT LE DIRE TOUT DE SUITE ! »


Plus/une/seule/miette/de/nourriture.

Attéré, le cuisinier contemplait le garde-manger entièrement, complètement, désespérément vide. Tandis qu'un certain capitaine rasait les murs en sifflotant, scrutant Sandy avec attention, cherchant à se rapprocher du plus vite qu'il le pouvait de la porte de la cuisine.

« LUFFY ! » hurla rageusement le jeune homme alors que l'interpellé avait presque atteint la sortie de secours.

L'adolescent s'immobilisa et crispa ses paupières en grimaçant, prêt à recevoir la tornade qui allait sous peu lui tomber dessus.

Trente secondes passèrent.

Luffy rouvrit prudemment les yeux, interloqué.

…Le blondinet se tenait cinq pas devant lui, tête baissée, deux de ses doigts pinçant l'arrête de son nez, visiblement dans la pose de quelqu'un essayant de rassembler toutes ses forces et facultés pour s'empêcher de commettre un meurtre.

« LuffyLuffyLuffyLuffyLuffy… » marmonnait-il en secouant la tête de droite à gauche. « Aurais-tu réellement un estomac à la place du cerveau pauvre demeuré congénital ? »

« …Ça veut dire quoi congénital ? »

Sandy releva lentement la tête, posant sur lui un regard rappelant vaguement celui d'une jeune japonaise ayant croupit dans un puit pendant des années et des années et tuant allègrement les gens à coups de K7 vidéo.

« Il a pas tout bouffé, ça va ? Il reste quelque chose à grignoter ? » demanda l'escrimeur d'un ton neutre en entrant dans la pièce, suivit de près par les deux filles.

Sandy tourna la tête vers lui.

« …Change de regard, s'il-te-plait. Je t'assure que c'est pas rassurant. » murmura le jeune homme aux cheveux verts après quelques secondes.

« Il ne reste rien. Rien. Rien. De toutes les provisions qui devaient nous tenir six mois. Il n'y a plus la moindre petite miette à avaler sur ce bateau. Et je n'ai absolument pas l'intention de faire cuire Scouic. Je ne suis pas un empoisonneur. »

« Dans ce cas c'est lui qui va nous manger ! » s'affola la rouquine. « Imaginez un peu, s'il n'a plus rien à se mettre sous les incisives ! »

« Tu te calmes, oui, c'est qu'un gros rat… »

Nami plaqua un regard glacial sur l'escrimeur.

« Il va tous nous bouffer. Jusqu'au dernier. Je l'ai lu dans son regard, je vous dis. »

Robin et Zorro détournèrent la tête.

Je ne la connais pas…

« Nami-Chérie, combien de temps nous reste t-il avant la prochaine escale ? » demanda faiblement le cuisinier en se laissant tomber sur un tabouret.

La jeune femme fit silencieusement le compte dans sa tête, essayant d'écarter l'image de la Créature.

« …Environ trois mois et demi. »

« Parfait ! » s'écria le blondinet en écartant les bras d'un geste fataliste. « dans ce cas d'ici une semaine, on sera tous morts de faim ! Sauf Luffy, bien sûr. Il a fait ses provisions, il va pouvoir hiberner, lui, » ajouta t-il en coulant un regard meurtrier vers son capitaine.

« Bon, ça va, hein, pardon, je suis désolé, » grommela celui-ci.

« C'est pas tes excuses qui vont nous empêcher de crever de faim, crétin. »

« Si le Monstre ne nous pas dévoré avant, » affirma la rouquine d'un air sombre.

Silence.

« …Ne t'inquiète pas, Nami-chérie, je serais toujours là pour te protéger. Même dans la mort. »

« Si seulement il pouvait te bouffer à ma place. C'est tout ce que je te demande. »

Re-silence.

« Bon, » décida la navigatrice en reprenant ses esprits, « Le meilleur moyen, ce serait de faire demi-tour. On a croisé une île, il y a peu de temps, on devrait pouvoir s'y réapprovisionner. Et on pourrait même retourner sur celle où on a embarqué Chani. Avec un peu de chance, ses parents s'y trouvent encore. »

Elle fronça les sourcils.

« D'ailleurs je me demande pourquoi on y a pas pensé avant… » murmura t-elle d'un air songeur.

(Tiens, c'est vrai, ça, pourquoi ils y ont pas pensé plus tôt ? se demande Bouchou en haussant un sourcil au-dessus de son clavier.)

« Tu es un vrai miracle d'intelligence, ma petite Mandarine d'Amour ! » s'écria le blondinet en lui faisant un sourire éclatant. « Et dans combien de temps on l'aura rejointe, cette île ? »

« Cinq jours. »

« …Ah. »


« Du riz, du riz, et encore du riz ! » s'écria le blondinet d'une voix furieuse le lendemain matin.

Zorro se laissa aller contre le dossier de sa chaise en fixant le jeune homme suspicieusement.

« Je croyais qu'il n'y avait plus une seule miette à avaler sur ce bateau ? » fit-il d'une voix sarcastique.

Sandy faillit lui envoyer une cuillère de riz bouillant et collant sur la figure. Il se ravisa et la plaqua violemment dans l'assiette de Pipo, qui se recroquevilla sur lui-même, jetant un coup d'œil peu rassuré au cuisinier.

« Pose la question à ton capitaine, pauvre crétin, » gronda t-il en remplissant l'assiette de Chopper avec la même brutalité.

Zorro haussa les sourcils en se tournant vers le gamin élastique. Sans relever l'insulte du blondinet. Car aujourd'hui, l'escrimeur était de bonne humeur. Il avait dormi.

Luffy lui fit un pauvre petit sourire.

« J'avais caché un sac de riz près de mon hamac. Pour mes petits creux, la nuit… »

« Un sac de riz qui va nous permettre de tenir deux semaines. Pour ses petits petits creux la nuit, » grinça le jeune homme avec mauvaise humeur.

« Ben ça va, je te l'ai rendu, hein… »

Sandy ne répondit pas et plaqua violemment une poignée de riz dans l'assiette de Zorro.

« Je ne te suis pas, » murmura ce dernier, « on a à bouffer, alors qu'est-ce qui te met dans cet état ? »

Splash. L'assiette de Nami.

Splash. Celle de Robin.

Les deux filles s'entre-regardèrent.

« Euh… Sandy ? » tenta faiblement la rouquine.

« Qu'est-ce-qu'il-y-a-mes-petits-cœurs-d'amour-vous-en-revoulez ? »

Splash/Splash.

Nami baissa prudemment la tête vers le monticule gluant qui trônait dans son assiette.

« Je t'ai posé une question, Sourcils-en-Vrille, » répéta le pirate aux cheveux verts.

« Je n'ai que du riz à cuisiner pendant cinq jours ! Que du riz !Il n'y a rien de plus facile à préparer ! J'en déprime d'avance ! »

Chani contemplait les grains collants et jaunâtres qui la défiaient depuis le fond de son assiette. Avec méfiance.

« Z'aime pas le riz. » Asséna t-elle d'une voix tranchante.

« Désolé, Petit Chou. Il n'y a que ça. »

« Z'aime pas le riz. »

« Si t'en veux pas, je peux le manger à ta place, hein ! »

« Z'aime pas le riz, » répéta t-elle en frappant néanmoins d'un implacable coup de fourchette la main rampante du capitaine.

« Mais-aïe-heu… »

Chani repoussa lentement son repas au milieu de la table.

Posa Son Nouveau Compagnon devant.

Lequel s'en donna à cœur joie et commença à baffrer sans aucune prétention de distinction. (Même Luffy le contempla avec admiration.) Tout en fixant la rouquine, sans qu'un seul clignement de paupière ne vienne troubler la lueur malsaine de son regard.

(…Note de Bouchou : ça a des paupières, les rats ?)

Nami détourna la tête, une main sur l'estomac, abandonnant son plat qui fut aussitôt réquisitionné par un bras élastique.

« Tu veux que je t'accompagne à l'infirmerie, mon Petit Trésor à la Vanille ? » s'enquit gentiment le cuisinier.

« M-Mais pourquoi tu v-voudrais qu-que j-j'aille à l'inf-firmerie, hein ? » marmonna la jeune femme d'une voix saccadée, plus pâle qu'un linceuil.

« … »

« N-Ne me regarde p-pas comme ça… J-je vais bien, je s-suis m-même parfaitement c-cap-cap-capable, de t-tenir une conv-conversation… Regarde… »

Elle inspira un grand coup, puis, se tournant vers la fillette (qui fixait le cuisinier d'un regard plus sombre qu'un morceau de charbon de bois) :

« Alors Chani qu'est-ce qu'il fait dans la vie ton Papa ? » débita t-elle à la vitesse de la lumière, un sourire forcé se crispant sur son visage livide.

« Il manze pas du riz, » répliqua la gamine d'une voix aussi noire que son regard et sans quitter Sandy des yeux.

« …Et à part ça ? »

« Il manze des tartes à la fraise. »

« … »

« … »

« Ze veux des tartes à la fraise. »

Scouic, ayant tout juste finit l'assiette de sa maîtresse, releva son museau rapé et fila lourdement se planter sous le menton de la navigatrice. Il la toisa. Méchamment.

…Nami se releva tellement brusquement que sa chaise en bascula sur le plancher, et se rua hors de la cuisine. Chopper s'empressa de la suivre.

« Ze veux des tartes à la fraise. »

Le blondinet, incapable de détacher son regard des yeux de l'enfant, avait la très désagréable impression d'être irrémédiablement aspiré par deux gouffres sans fond.

« Nanméapudefraiserestequeduriz… » articula t-il difficilement.

« Z'ai pas compris. »

Sa voix était toujours aussi noire que les ténèbres les plus profondes.

« Il n'y a plus de fraise, il ne reste que du riz… »

« Des fraises. Des tartes à la fraise. »

« Oui, j'y vais. »

Il sortit de la pièce d'un pas mécanique, presque en titubant.

Luffy se demanda vaguement où est-ce qu'il pouvait bien aller comme ça, vu qu'ils se trouvaient déjà dans la cuisine, et qu'il n'y avait plus sur le bateau le moindre fruit où le moindre ingrédient susceptible de participer à la fabrication d'une pâte à tarte. Avant de s'apercevoir qui la fillette avait entrepris de le dévisager à son tour.

Il planta son regard dans le sien.

« Whô, c'est incroyable, t'as les yeux plus noirs que du chocolat cent pour cent pur cacao… »

« …Ze veux des fraises et du ssocolat. »

« T'as vu un peu ses yeux, Zorro ? C'est trop fort ! »

« Rrrrrooon… »

« Je crois qu'on va pas beaucoup le voir autrement qu'en train de dormir, les prochains jours, » fit remarquer Pipo en essayant – sans beaucoup d'espoir – d'attraper l'assiette de l'escrimeur avant Luffy.

« Za z'est zûr, » acquiesça Chani en hochant la tête d'un air mystérieux.

Et elle entreprit de gratouiller le ventre de La Créature le plus innocemment possible.

…Même Luffy vit qu'il y avait quelque chose de louche.

« Mmh, il y a baleine sous roche, » fit-il intelligemment remarquer.

« … Anguille sous roche. »

« Même chose, les deux se mange. »

Le jeune canonnier se tourna vers la brune jeune femme.

« Nami m'a dit que tu lui avais raconté un truc pour qu'elle laisse Zorro dormir ; c'est quoi ? »

Sourire mystérieux.


…Ce chapitre me donne l'impression d'être long. Trop long.

J'espère que vous ne vous êtes pas lassés…

... Il est-y pas sympathique, Scouic ? (J'aime ce personnage. Vraiment.) (C'est pas bien de dire ça de ses propres persos. Vilaine Bouchou.) (Mais je l'aime.)

PS : merchi pour les pitites reviews ! Encore encore encore !