Bouchou, The Retour.
...Je sais, je sais, ce retard est intolérable. En fait j'avais perdu le début du chapitre et... Non, ce n'est pas une excuse bidon, c'est vrai.
Bon, pour me faire pardonner, voici un long, loooong, sixième chapitre. Très long. (Trop ?) (Beaucoup trop ?) (...J'en ai peur. é.è°)
La brune archéologue s'accouda contre la rambarde, auprès d'un escrimeur baillant à s'en faire ressortir les mâchoires et fixant l'horizon d'un regard ennuyé, le vent dans les cheveux.
« Tu ne veux pas savoir ce que j'ai raconté à la petite pour qu'elle te laisse tranquille ? »
Zorro se tourna vers elle, méfiant.
« …Pourquoi ? »
« Je ne sais pas, tu devrais avoir envie de le savoir, non ? »
« …Je pense qu'il vaut mieux pas que je sache. »
« Je lui ai dit que quant tu dormais, ton esprit se baladait dans un monde parallèle sous la forme d'un monstre gigantesque se repaissant de chair fraîche. Et que si tu n'avais pas ta dose minimum de viande par jour, tu risquais de faire un malaise et de mourir. Par manque de vitamines. »
« …Je t'ai dit que je n'avais aucune envie de sav – tu lui as dit QUOI ? »
« Pitit… Pitit pitit pitit… Viens voir tonton Luffy… »
L'adolescent élastique émietta quelques grains de riz devant lui, recula doucement, continua à en émietter, et recommença à appeler la Créature.
« Pitit pitit… Allez viens par ici… Tu as faim, hein ? Alors viens voir papa Luffy… Mange le bon riz… » murmura t-il doucement, toute son attention captée par le rongeur qui, à quelques mètres de là, l'observait d'un regard dangereusement fixe.
Le capitaine recula encore un peu en direction de la cuisine.
« Tu vas voir, on va passer un bon moment, ensemble… Pitit pitit… »
« Pourquoi tu donnes du riz à manzer à Scouic ? »
Chani venait de surgir à côté de l'animal. Elle le prit dans ses bras et commença à darder un regard intensément soupçonneux sur Chapeau de Paille, un peu comme si elle le suspectait d'avoir dans l'idée de faire frire Son Meilleur Ami.
« Je te promet que je voulais pas le manger, » la détrompa le jeune pirate avec toute la franchise dont il était capable.
Quelques secondes d'un silence pesant passèrent, puis la fillette tourna les talons et s'éloigna, jetant de temps à autres des regards chargés de venin au jeune et affamé capitaine.
Scouic feula son mécontentement à l'égard de Luffy par dessus l'épaule de l'enfant.
Il attendit qu'elle ait disparu pour s'adosser contre le battant de la porte de la cuisine, visiblement à bout de force.
...Totalement à bout de force. Il ne prit même pas la peine de réagir lorsque son cuisinier ouvrit la porte de l'intérieur, et s'affala lamentablement sur les chaussures du blondinet.
Tout là-haut, dans son champ de vision, la tête exaspérée de Sandy se pencha sur lui et l'observa avec fatigue.
« Tu veux bien dégager de là, crétin ? »
Pas de réponse.
« ...Je t'ai dit de dégager. »
« ... »
Le jeune homme se pencha et scruta son capitaine avec attention. Le regard de Luffy avait de quoi rivaliser avec celui des têtes de veaux qu'on trouve dans les étals de boucherie.
Il tenta de lui pincer le nez pour l'empêcher de respirer.
...Toujours pas de réaction.
« Et, oh ! Luffy ! T'es mort ? »
« ... »
« LUFFY ! »
Silence.
Il lui lâcha le nez, se releva et lui enfonça violemment un pied dans les côtes.
« ... »
Sans résultat.
« ...Tu veux du riz ? »
« T'EN AS ENCORE ? » hurla joyeusement le jeune homme en sautant vivement sur ses pieds.
Il croisa le regard ironique du cuisinier. Et se laissa glisser derechef sur le sol.
« T'es cruel, Sandy... »
« Oh mais pas avec tout le monde, pas vrai Nami Petite Pomme d'Amour ? »
Nami Petite Pomme d'Amour, qui se dirigeait vers eux, les yeux rivés sur une carte, ignora le cuisinier et son auréole de petits cœurs écarlates en suspension pour se tourner vers l'esquisse bovine d'être humain affalée sur le sol.
« Luffy, on va aborder l'île dans très peu de temps, j'aimerais savoir par quel côté tu souhaiterais l'accost... »
Elle se tut, contemplant d'un visage impassible la place vide qu'occupait le semi-cadavre très peu de temps auparavant. Elle avait sentit une flèche noyée de bleu et de rouge la frôler lorsqu'elle avait commencé à articuler le mot « île ».
La rouquine ouvrit la bouche, s'apprêtant à dire quelque chose, puis la referma sans prononcer le moindre son. Sandy lui tapota gentiment l'épaule.
« Il me fatigue, si tu savais, il me fatigue... » chuchota t-elle, un désespoir latent vibrant dans sa voix.
Chani se haussa sur la pointe des pieds et fixa, par dessus la rambarde de bois, le monticule brumeux qui émergeait de l'horizon.
Elle glissa un regard indéchiffrable en direction de l'équipage de Chapeau de Paille, qui, à quelques mètres de là, tentait d'empêcher ledit Chapeau de Paille de se jeter à l'eau et de nager en direction de l'île.
Ils ne Lui prêtaient pas d'attention.
Et Elle avait envie de tartes à la fraise.
Elle posa de nouveau un regard d'une intensité dramatique sur la Terre Promise.
Ils ne Lui prêtaient pas d'attention, et Elle avait envie de tartes à la fraise...
Pavillon pirate baissé, voiles repliées, bateau amarré, l'ancre avait à peine heurté le fond sablonneux des eaux du port que Luffy courrait déjà à trente mètres de là.
Nami scruta d'un œil morne sa silhouette qui s'éloignait de plus en plus.
« Nan. C'est pas possible. Il va nous attirer des ennuis, c'est sûr. Que quelqu'un le suive, par pitié... »
« Tu sais que je ferais tout pour te faire plaisir, ma Jolie Merveille En Sucre, mais je crois qu'il est urgent que j'aille faire les courses... »
« Oui, ben, de toutes façons, là où tu trouveras de la nourriture, tu trouveras Luffy, alors... »
« Evidemment, tu as raison, comme d'habitude, mon Petit Sucre d'Orge ! »
« Nan mais, si tu tiens tant que ça à le récupérer, pourquoi t'y vas pas toi-même ? »
« Je t'interdis de parler sur ce ton à la Lumière de ma Vie, pauvre bouseux dégénéré ! »
« Je ne peux pas y aller parce que moi, figurez-vous, je reste pour m'occuper de la petite. Moi, j'y pense, à Chani ! Pas comme vous autres, qui êtes incapable de vous préoccuper un tant soit peu d'elle ! Moi, je lui montre que je l'aime ! Que je suis auprès d'elle, et qu'elle peut compter sur moi ! C'est très important pour un enfant ! Je m'occupe d'elle, je ne fais pas comme si elle n'existait pas ! Je... Quoi ? »
La rouquine se tourna vers Robin, qui lui tapotait l'épaule depuis déjà plusieurs secondes.
« Je ne la trouve pas, » expliqua posément l'archéologue. « Je la cherchait, et je ne la trouvais pas, alors j'ai pensé qu'ils faudrait peut-être vous prévenir. »
Silence.
« Je parle de Chani, » précisa la jeune femme.
« ... »
Très loin de là, au cœur de la ville portuaire, parmi les étalages des marchants, les magasins de toutes sortes, la grande diversité des passants, les maisons basses d'où s'échappait les commérages des habitants, les fils de linges tendus de part et d'autre de la rue...
...Chani déambulait.
Tout petit bout de chou à l'apparence fragile, aux cheveux d'un blond si pâle qu'il en donnait l'impression d'être irréel, aux grands yeux d'un bleu plus profond que le ciel d'une fin de soirée d'été et qui lui mangeaient presque la moitié du visage, minuscule enfant qui atteignait à peine le haut des bottes des personnes qu'elles croisait...
Elle errait parmi cette foule hétéroclite, trottinant au beau milieu de la voie publique d'un pas aussi ferme que décidé.
A la recherche de tartes à la fraise.
« Tu m'as marché sur le pied, petit connard, » gronda le lourd colosse vêtu de cuir en saisissant par le col le malheureux qui l'avait malencontreusement bousculé.
Le pauvre homme bégaya de faibles excuses, et rentra sa tête dans ses épaules lorsqu'il se sentit écrasé contre un mur par la poigne de fer de l'armoire à glace. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front, le goût âcre de la peur se répandant insidieusement sur sa langue. Le regard d'acier de son agresseur était suffisamment explicite sur la valeur qu'il accordait à une vie humaine : autant qu'à une boîte vide de pâtée pour chat.
C'était une mort inéluctable qu'il voyait se refléter dans le gris de ses pupilles.
Il ferma douloureusement ses paupières, dans l'attente du coup qui lui serait fatal.
Un rictus sournois s'étalant sur son visage, le monstre levait lentement un poing et visait avec attention la face contractée de sa cible, lorsqu'il sentit une légère pression sur le bas de son pantalon. Croyant à un quelconque animal errant, il le repoussa sans douceur du pied et visa de nouveau le nez de sa victime.
La pression revint et se fit de plus en plus insistante.
Le colosse se décida enfin à baisser la tête, une expression rageuse déformant ses traits. Bien décidé à écraser le sale cabot qui osait...
Deux grands yeux d'azur le dévisageaient, impassibles et indéchiffrables.
De longues minutes d'un silence pesant passèrent. Dans le cercle de passants curieux qui s'était formé autour de l'homme agressé, personne n'osait laisser un souffle s'échapper de se lèvres. Le temps s'était comme arrêté.
Sans qu'il ne s'en rende compte, sa poigne se desserra du cou de sa victime, qui, n'ayant pas aperçut l'enfant, se dégagea prestement et fila plus vite que la lumière.
...Personne ne l'avait jamais fixé de cette manière-là. Sans peur, sans hésitation, et sans ciller. Il se sentait incapable de détacher son regard des deux globes cristallins de la fillette, qui donnaient l'impression de vouloir l'aspirer dans un gouffre sans fond. La petite menotte rose était toujours serrée sur le bas de son pantalon.
Du bleu. Un bleu d'une pureté insoutenable, qui envahissait toute sa vision. Il ne voyait plus que ce bleu, le bleu d'un ciel avant que des nuages lourds de pluie ne viennent l'envahir et qu'un violent orage ne se déchaîne. Plus rien d'autre n'existait. Tout l'univers y était concentré.
« Des tartes à la fraise. »
Les mots se frayèrent un chemin difficile dans son esprit, et tout ce que ses fonctions cognitives furent capable de commander à ses cordes vocales, ce fut d'émettre un borborygme inarticulé. Dans un état second, il réalisa avec un certain amusement que c'était à peu de chose près ce même borborygme qui s'évacuait de la gorge de ses victimes lors du dernier stade de leur étranglement.
« Ze veux des tartes à la fraise. »
« ... »
« Où esse qu'il y en a ? »
« ... »
« Répond-moi, vilain-meuzieur-pas-bô. »
« ...Heu... Oui, bien sûr... Heu... La boutique du vieil André fait de très bonnes pâtisseries...
Tu... Tournes au coin de la rue, là-bas, là où il y a la fontaine, après c'est la troisième sur ta droite, et normalement tu vas tout de suite tomber sur un salon de thé avec le motif d'un flan au caramel peint sur la vitrine... »
« Merzi beaucoup. »
Et le petit concentré cosmique s'éloigna en trottinant gentiment, la foule s'écartant précipitamment pour le laisser passer.
Le géant fixait toujours le dos de l'enfant de ses petits yeux porcins, lorsqu'un renflement surgit sous le T-shirt de la fillette. Avant même qu'il n'ait eut le temps de s'interroger sur la nature de cette bosse, une petite tête sournoise, au museau râpé et au regard de braise, émergea du col du bout de chou et le fixa en feulant d'un air affamé.
Le colosse émit un nouveau borborygme incompréhensible et ses jambes s'affalèrent sous lui. Il se demanda vaguement s'il réussirait de nouveau à les contrôler un jour.
Nami courait à travers les rues de la ville, bousculant les passants. Elle avait instamment décidé pour l'équipage que la meilleure façon de retrouver Chani, c'était de se séparer.
...En y réfléchissant et après avoir entraperçut, au détour d'une ruelle, Zorro qui se battait joyeusement contre des officiers, et, au détour d'une autre, Pipo planté devant un magasin de farces et attrapes, elle se disait que ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça, après tout.
Des sanglots étouffés parvinrent à ses oreilles et elle tourna vivement la tête, pour observer une fillette brune se faire gifler par sa mère. Ce qui fit qu'elle ne vit pas le pavé mal joint qui se haussait hors du sol pile poil au milieu de son chemin, et ne tarda pas à se retrouver la figure baignant dans une flaque d'eau croupie.
Elle releva la tête et cracha, les rires moqueurs qui fusaient autour d'elle faisant douloureusement crépiter ses tympans. Elle ouvrit les yeux.
Dans son champ de vison, une main, élégante et baguée. Impeccablement manucurée. Et, plus haut, un visage souriant qui la dévisageait avec tranquillité et amusement.
...Un dragueur des rues.
Génial.
Autour d'elle, les ricanements s'étaient tus. Les passants observaient respectueusement le jeune homme qui s'était penché pour aider la maladroite à se relever. Plus question de rire de cette fille, si le plus jeune et surtout le plus important seigneur de la ville avait jeté son dévolu sur elle.
« Besoin d'aide, jeune demoiselle ? » murmura t-il avec l'assurance de ceux qui n'ont jamais entendu parler de la signification du mot « égalité ».
Nami sauta sur ses pieds avec la souplesse d'un chat sauvage et saisit le veston de l'opportun de ses mains pleines de boue. Elle le souleva de quelques centimètres au-dessus du sol et planta anxieusement son regard dans le sien.
« Est-ce que par hasard tu aurais vu une petite fille ? Avec des cheveux blonds ? Et de très grands yeux bleus ? »
Abasourdi et se demandant vaguement s'il n'était pas entré dans une dimension parallèle, où les gens auraient oublié que la logique consistait à lui parler en baissant les yeux – et éventuellement à ne pas le hausser au-dessus du sol par ses vêtements, il se contenta pour toute réponse de mouliner des pieds dans le vide.
La jeune rouquine le secoua violemment.
« Répond, est-ce que tu as vu une toute petite fille blonde ? »
« ...N...Non... »
Elle étouffa un cri de rage, le lâcha et s'enfuit à toutes jambes, sous les regards éberlués des passants.
Zorro soupira et s'éloigna, laissant les quelques commerçants qui avaient assisté à la bataille se charger des corps inertes de ses assaillants.
Il rejoignit l'avenue principale en fixant les pavés d'un œil morne.
Pourquoi est-ce qu'il perdrait du temps à cherchait cette... Petite peste insolente et insupportable ? Ce petit monstre de prétention et de cruauté ? Cette sale gosse machiavélique et arrogante qui avait décidé qu'il était vital de l'empêcher de vivre tranquille ? Il se porterait beaucoup mieux sans elle. D'ailleurs il ne serait pas le seul. Le monde entier se porterait mieux sans elle. Avec son espèce de bestiole préhistorique, là... Au fond, la rouquine avait raison sur un point, il mettrait sa main au feu que Scouic avait un goût prononcé pour la chair humaine bien fraîche. Il lui avait bien arraché un énorme bout de peau, l'autre jour, dans le cou...
Non, sincèrement, à quoi bon passer son temps à courir après cette gamine cinglée ? Si elle voulait partir, et bien qu'elle parte, et l'humanité pourrait à nouveau exister en paix ! Personne ne l'empêchait de se casser ! bien au contraire !
...Cette détestable mioche... Après tout, aucun d'entre eux ne la connaissait vraiment, ça ne rimait donc à rien de s'affoler autant pour une inconnue, et insupportable, de surcroît...
Qu'elle aille donc se perdre dans un endroit infesté de personnes louches et de sales cabots... de bêtes... En tout genre... Ça tiendrait compagnie à sa chose, tiens... Et puis elle disparaîtrait complètement... Elle et la bestiole... On n'entendrait plus jamais parler ni de l'une, ni de l'autre...
...Disparues... A jamais... Personne ne serait au courant de ce qui aurait bien pu leur arriver... On ne saurait pas si cette peste avait souffert atrocement avant de disparaître...
Zorro attrapa brutalement un passant au hasard et l'obligea à lui faire face.
« Toi ! T'as pas vu passer une gamine blonde avec des yeux bleus, dans la journée ? Avec une espèce de rat mutant sur l'épaule ? »
Terrorisé, et songeant que décidément le destin devait vraiment lui en vouloir pour qu'il se fasse saisir de la même manière par deux espèces de Hercule musculeux dans la même journée, le pauvre homme secoua négativement la tête.
« EST-CE QUE L'UN DE VOUS AURAIT VU UNE GAMINE BLONDE ET UN MONSTRE ? UNE TOUTE PETITE FILLE ? AVEC UN ENORME RAT ? » hurla Hercule en s'adressant à la foule aux alentours.
Les gens posèrent des yeux écarquillés sur le colosse qui les scrutait du regard, les mains crispées sur la chemise d'un homme au regard fataliste.
Une commerçante leva timidement un bras tremblant et pointa du doigt le bout de la rue.
« Je... Je crois... Par là... la ruelle à droite... »
L'escrimeur lâcha le malchanceux passant et s'éloigna à grandes enjambés.
« Ma doué, qu'est-ce qu'il avait l'air anxieux, » fit remarquer la commerçante une fois qu'il eut tourné au coin de la rue.
Robin marchait d'un pas à la fois tranquille et décidé sur l'avenue principale, se fondant avec discrétion dans le monde mouvementé aux couleurs chatoyantes qui l'environnait. Lorsqu'elle vit la masse de muscle impressionnante affalée contre un mur, entre deux étals de marchandises, le regard fixé sur un paysage lointain et qui ne devait pas être visible par beaucoup de personnes sur cette planète.
La jeune femme s'approcha, s'accroupit, et lui tapa gentiment sur l'épaule.
« ...Monsieur ? »
Les lèvres de l'homme remuèrent silencieusement, son regard toujours aussi fixe et exorbité.
« Monsieur ? Vous m'entendez ? »
Les lèvres craquelées remuèrent de nouveau. Certaine d'avoir saisit un son, Robin se pencha en avant et tendit l'oreille.
« ...Bl... »
« ...Bl ? »
« ...Bleu... »
Elle attendit quelques secondes, mais rien de plus ne vint. Elle se redressa, posa ses mains sur ses épaules, et planta son regard dans celui totalement perdu et décomposé de l'être qui lui faisait face.
« Oui, bleu, mais quoi d'autre ? »
« Bl... Bleu... »
« Bleu. Oui. Et ? »
« Bleu ! »
« ... »
« Bleu ! Bleu ! »
« Bien. Nous sommes d'accord. Bleu. Maintenant, vous allez faire ce que je vous dis. Vous allez calmement inspirer, puis vous allez doucement expirer l'air de vos poumons. Bien. C'est cela. Recommencez. Voilà. Encore une fois. Maintenant, vous allez me regarder : vous me voyez ? Devant vous. Je suis juste devant vous. Vous voyez mes yeux ? Concentrez vous sur mes yeux. Et sur ma voix, aussi. Concentrez vous sur ma voix, et sur mes yeux. Bien. Maintenant, dîtes-moi : qu'est-ce qui est bleu ? »
« Bleu... Les... Les... Ils sont bleus ! »
« Quoi donc ? »
« Les... Les... »
Il articula quelques secondes dans le vide, ses yeux ne quittant plus ceux de la jeune archéologue. La douceur et le calme de ses paroles avaient procuré quelques apaisements aux troubles de son esprit.
« ...Les yeux ! » finit-il par sortir dans un chuchotement rauque. « Tout bleu ! Les yeux ! »
Robin sourit avec satisfaction.
« Des yeux bleus ? Y avait-il également des cheveux blonds avec ces yeux bleus ? »
L'armoire à glace horizontale hocha vigoureusement la tête.
« Oui... Blond... Bleu... »
« Bien. Très bien. Parfait. Et dans quelle direction sont-ils partis, ces cheveux blonds et ces yeux bleus ? »
Le colosse leva un doigt tremblant et le tendit en direction de la fontaine qui jaillissait au bout de la rue.
« Par là... A tourné... Avec la... la Bête... »
Robin se leva, abandonna la loque humaine à ses divagations, et partit dans la direction indiquée.
« Robin ! »
« Nami ! »
« Zorro ! »
Les trois pirates se fixèrent un instant en silence, bousculés par les promeneurs qui encombraient le croisement.
Un soupir exténué s'échappa des lèvres de la rouquine.
« Je suppose qu'aucun d'entre vous ne l'a retrouvée... »
« Comme tu peux le voir, nous sommes seuls. Et je te promets qu'on ne l'a pas abandonnée dans un caniveau après l'avoir retrouvée. »
« S'il te plaît, Zorro. Ne sois pas sarcastique. Je suis suffisamment inquiète comme ça. »
« On m'a plus ou moins expliquée qu'elle était venu de ce côté, » intervint Robin.
« Ah ? A moi aussi. »
La navigatrice leva un regard plein d'espoir vers ses compagnons.
« C'est vrai ? Des passants l'ont aperçue ? »
« Je ne sais pas si le terme "apercevoir" est vraiment approprié, » fit remarquer la brune jeune femme dans un léger sourire.
Nami se leva d'un bond, revigorée.
« Très bien ! Dans ce cas, elle doit être dans les environs ! On va se séparer à nouveau, on cherche, et on se donne rendez-vous dans une demi-heure, d'accord ? »
Une demi-heure plus tard...
« Je ne l'ai pas trouvéééééée ! » s'effondra désespérément la jeune femme en se laissant tomber à genoux.
« Moi non plus, Nami. »
« Moi non plus. Et pourtant j'ai fait toutes les boutiques de sucreries des environs. C'est dingue le nombre de mioches qu'on peut trouver dans ce genre d'endroit, » ajouta pensivement l'escrimeur. « Je n'ai jamais réussit à comprendre pourquoi... »
« Ah ? Tu n'aimais pas les bonbons, quant tu étais petit ? »
« Beûrk. Nan. C'est écoeurant, ces trucs-là. »
« Les meringues de Sandy sont délicieuses, pourtant, tu sais... »
« Ecoeurantes et pleines de sucre, oui. J'en donnerais ma main à couper. »
« Tu devrais y goûter. »
« Tu parles. Faudrait que je me transforme en fille, pour qu'il m'en offre. »
Le jeune homme accorda quelques secondes de réflexion à cette idée.
« ...Et ce serait complètement absurde, » conclut-il
« On n'est pas obligé d'aller jusque là. Si tu veux, la prochaine fois qu'il m'en fera, je t'en donnerais quelques u... »
« VOUS AVEZ FINIT, OUI ? Chani est peut-être en danger à l'heure qu'il est, et vous, tout ce que vous trouvez à faire, c'est de parler de meringues ! »
« Bah... »
« Et bien... »
« Il faut qu'on cherche plus longtemps. Rendez-vous ici dans deux heures. »
Deux heures plus tard...
A peine arrivée, Nami nota l'absence flagrante de petite fille blonde aux côtés des deux autres.
« Pas trouvée ? Bon ! Rendez vous dans trois heures ! »
Et elle repartit aussi sec.
Robin et Zorro échangèrent un long regard indéchiffrable.
« Elle va nous péter un câble. C'est clair. »
Trois heures plus tard...
« Elle s'est fait enlever, c'est sûr, elle s'est fait enlever, il aurait fallut que je m'occupe plus d'eeeeelle... C'est de ma faute... ma faute... Pauvre petite chériiiiie ! »
Sa voix se perdit dans d'affreux sanglots lourds d'angoisse, et la jeune rouquine se laissa pesamment glisser sur le sol.
« Tu vas te calmer, oui ? C'est pas en pleurnichant que les choses vont s'arranger ! »
« Soit plus compréhensif. Elle se sent responsable. »
« Pourquoi ça ? C'est complètement crétin ! C'est pas parce qu'elle s'était auto-déclarée mère adoptive de cette gamine qu'elle doit se sentir plus responsable que nous ! On est un équipage, bordel, et on partage les... »
« T'as entièrement raison ! J'ai aucune raison de me sentir coupable ! C'est de votre faute, à tous ! Vous ne gardiez jamais un œil sur elle, vous la laissiez tout le temps de côté, et vous voyez où ça nous a mené ! Vous n'êtes vraiment que des gamins débiles et irresponsables ! »
« ...responsabilités. Eh, oh, c'est pas ce que j'ai voulu dire, hein ! Je voulais dire que... »
« Ici dans quatre heure et demi. »
« ZOOORROOOO ! ROOOBIIIIN ! NAMIIIIIIII ! COUCOOOOOOOOOU ! »
Les trois pirates se pétrifièrent, Zorro lâcha le T-shirt de Nami qui cessa de chercher à courir de toutes ses forces dans la direction d'une troupe de policiers, et Robin se tourna lentement pour poser un regard indéchiffrable sur la terrasse d'un salon de thé intitulé « Chez André » qui faisait face au croisement, de l'autre côté de l'avenue bondée.
« L... Luffy ? » déglutit péniblement l'escrimeur en avisant son élastique de capitaine qui leur faisait de grands signes de la main, son habituel sourire crétin-inconscient-insouciant-tout-va-pour-le-mieux-dans-le-meilleur-des-mondes scotché sur le visage.
« QU'EST-CE QUE VOUS FABRIQUIEZ ? ÇA FAIT DES HEURES QUE VOUS ARRÊTEZ PAS DE PASSER ET DE REPASSER PAR ICI ! »
Une lueur d'espoir dans le regard, Nami mit ses mains en porte-voix.
« ON CHERCHE CHANI ! ELLE A DISPARUE ! SI TU ES LA DEPUIS TOUT CE TEMPS, TU L'AS PEUT-ÊTRE VU PASSER, NON ? »
« BAH, OUAIS. ELLE EST AVEC MOI DEPUIS CE MATIN. »
Et il désigna avec enthousiasme la fillette tant désirée qui, impassible, se léchait ses petits doigts couverts de crème pâtissière, au beau milieu d'un monticule de petites assiettes vides.
Les épaules de Nami s'affaissèrent lentement.
« C'est... C'est pas vrai... Dîtes-moi que je rêve... Je vais le tuer... »
« Vous êtes la personne responsable de ces deux-là ? Je vous en prie, par pitié, faîtes-les sortir d'ici Ils sont là depuis le début de la matinée, et ils m'ont complètement vidé mon stock de pâtisseries ! Ils n'arrêtaient pas de commander des tartes à la fraise ! »
Nami sourit gentiment à monsieur André et desserra la main sèche qui se crispait sur son bras.
« Je vais m'en occuper. »
« Et vous allez me payer, hein ? » ajouta t-il désespérément lorsqu'elle eut tourné le dos.
Il la vit se figer avec raideur.
« ...Je vais sérieusement m'en occuper. »
Sa voix avait des affinités avec le sourd grondement qu'émettent les chiens enragés avant d'attaquer.
Elle rejoignit ses compagnons à grands pas, interrompant un escrimeur qui essayait à la fois de sermonner son capitaine et de décoller Chani du bas de son pantalon.
« Combien de tartes avez-vous mangé ? »
« Hein ? Ah... Euh... Ben... »
Le regard de Luffy glissa vers les gigantesques piles d'assiettes qui envahissaient une grande partie du plancher en complément de trois tables environnantes.
« ...Un peu ? »
« Bien. Très bien. Je vais payer le propriétaire de ce salon de thé. Et une fois qu'on sera de retour sur le bateau, tu me rembourseras. »
« ...D'accord. »
« Par dix ce que j'aurais dépensé. »
« ... »
Une fois ce point important éclaircit, la rouquine se jeta sur la petite fille perdue et la serra contre elle en pleurant toutes les larmes de son corps.
« Comment tu l'as retrouvée ? » demanda placidement l'escrimeur.
« Bah, chuis passé devant la terrasse, et je l'ai vue en train de manger des tartes à la fraise, alors ça m'a donné envie d'en manger aussi. »
« ...Bien sûr. »
Un cri perçant leur fit tourner la tête.
« Nami ? »
« Enlevez-moi ça enlevez-moi ça enlevez-moi çaaaaaa ! » bégaya la jeune femme en se débattant avec la Créature, qui semblait avoir bel et bien décidé de faire son nid dans ses cheveux.
...Zorro remarqua avec fatalité que Chani en avait profité pour disparaître. Devinant les pensées du jeune homme, Robin lui posa une main sur l'épaule.
« Allons-y, elle n'a pas pu aller bien loin. »
« Où-est-ce que vous allez ? » s'informa Luffy en laissant sa navigatrice se dépatouiller toute seule avec la Bestiole.
« A la recherche de Chani. Encore. »
« Elle doit être dans l'animalerie, en face. Elle voulait y aller, tout-à-l'heure. »
Confirmant l'affirmation de Luffy, le courant d'air ambulant apparut sur le pas de la porte de ladite animalerie et, ses petites menottes en porte-voix, hurla :
« SSSCOOOOOOUUIIIIIIIIIC ! VIIIIEEEENS VIIIIIIIITEEEEEE ! »
...La plupart des passants présents sursautèrent violemment et se bouchèrent les oreilles en fixant d'un air éberlué le minuscule petit machin blond qui venait d'émettre ce cri infernal. Un silence pesant s'installa, uniquement troublé par les pleurs des enfants les plus jeunes. Qui redoublèrent lorsqu'ils aperçurent une sorte d'énorme flèche grise leur filer entre les jambes.
Les quatre membres de l'équipage de Chapeau de Paille s'empressèrent de suivre la flèche en question, la navigatrice soutenue par l'archéologue.
La boutique, sombre et poussiéreuse, résonnait des cris de divers oiseaux et animaux, tous plus exotiques les uns que les autres. Ils vous fixaient de leurs petits yeux perçants ou globuleux, derrière des barreaux parfois à demi rongés – voire aux trois quarts.
« Je n'aime pas cet endroit, » affirma catégoriquement la rouquine.
« Pauvre chochotte. »
« Eh ! »
« Elle est là-bas, » fit remarquer Robin en désignant Chani plantée devant une gigantesque cage dorée, toute en volutes et en fer forgé, au cœur de laquelle trônait l'oiseau le plus majestueux que Nami ait jamais vu. C'était une sorte de perroquet immense dont les plumes chatoyaient dans la noirceur des lieux, captant d'infimes éclats de lumière et les renvoyant en petites particules dorées sur les barreaux de sa cage et le bois des meubles, en une danse légère et envoûtante. L'animal faisait bien plus d'un mètre cinquante de haut, sans prendre en compte la crête bleu nuit qui jaillissait élégamment au dessus de sa tête, et retombait avec souplesse sur les plumes émeraude de son dos.
Il fixait Chani de son regard profond et indéchiffrable, immobile.
Un long silence s'installa. Chani soutenait patiemment le regard de l'oiseau.
Au bout d'un certain moment, le perroquet commença à s'agiter. Il tendit son cou, son corps parcouru de soubresauts nerveux. Il finit par déployer entièrement ses ailes, ouvrit son bec et lança un cri rauque en direction de la fillette. Dans ce qui semblait être une manœuvre d'intimidation.
Chani se tourna vers ses baby-sitters, un grand sourire aux lèvres.
« Il est zoli. Ze le veux. »
« Je peux vous aider ? La petite demoiselle a fait son choix ? »
Un vieillard en costume trois pièces, une longue barbe impeccablement taillée se balançant jusqu'à ses genoux, s'avança en souriant gentiment vers les pirates.
Nami inspira et expira profondément (se référant de par ceci aux conseils de Robin), et tourna vers le nouveau venu un visage à peu près paisible.
« Heu... Oui. Je crois que ma... que notre... que la petite fille souhaiterait prendre cet oiseau comme animal de compagnie. »
Zorro attrapa vivement la navigatrice par le bras.
« Tu veux lui acheter ? T'es malade ? Ce truc est immense, il va nous encombrer, sur le bateau ! »
« Bah si on en a marre, on pourra demander à Sandy de le faire cuire. »
« Luffy ! »
Le vieil homme s'approcha de la cage et glissa un doigt à l'intérieur, gratouillant le bec de l'oiseau.
« Oui, c'est un oiseau fascinant, n'est-ce-pas ? Je l'ai reçu hier, c'est un navire étranger qui me l'a apporté. Il l'auraient capturé dans une immense forêt vierge et... »
L'oiseau fit claquer son bec et l'homme retira précipitamment son doigt. Il fixa longuement le perroquet, dans un silence insondable.
« ...Enfin bref. Si vous le désirez, il est à vous pour 850 000 Berrys. »
Nami releva précipitamment la tête. 850 000 Berrys ?
« C'est bon, tu vas pas acheter une simple bestiole à un prix pareil. »
« Ouais, ce serait bien plus chouette d'aller lui en cueillir une dans cette forêt ! »
« J'ai pas dit ça, Luffy. »
« ...Mais je peux descendre jusqu'à 150 Berrys, si ça vous arrange, » intervint le marchand.
« ... ? »
« ... ! »
« ... ! ... ? ... ! ... ?»
« ... »
« ...Ze veux le noiseau. »
« ...Voire 80 Berrys. »
Nami leva une main tremblante d'émotion.
« Qu... Quinze Berrys. »
« Marché conclut. »
Le vieil homme saisit la main de la jeune femme et la secoua vigoureusement. Nami eut l'impression que des milliers de papillons prenaient leur envol au creux de son estomac. C'était bien la première fois qu'elle faisait une affaire pareille.
« ...Attend ? Tu vas vraiment lui acheter ? Tu ne trouve pas que c'est un tout petit peu louche ? »
La rouquine pivota vers Zorro et le saisit par le col de sa chemise, son visage renfrogné à quelques centimètres de celui du jeune escrimeur.
« Ecoute-moi bien, toi : personne, tu m'entend, personne ne m'empêchera jamais d'acheter quelque chose d'aussi beau à un prix aussi bas, c'est bien clair ? Et puis surtout, surtout... » Elle glissa un regard en direction de Chani, qui observait avec attention le commerçant déverrouiller la cage. « ...Surtout, si ça peut lui permettre d'abandonner son espèce de monstrueux rongeur, ce qui inclut que je pourrais enfin faire des nuits complètes sans me réveiller en sursaut toutes les dix minutes, je serais parfaitement prête à débourser même un million de Berrys ! »
« ...T'es vraiment une p'tite nature, toi. »
Nami le lâcha en soupirant et reposa son regard sur la blonde et angélique petite enfant, qui saisissait avec ravissement un perroquet battant des ailes à tout rompre.
...Ce qui suivit devait rester à jamais gravé dans la mémoire de la jeune femme.
Elle vit, paralysée, Chani faire sortir Scouic de sous son T-shirt, lui tendre un oiseau deux fois plus grand qu'elle, le tout en souriant tendrement au rongeur. La voix de l'enfant résonna sourdement dans sa tête. « Tiens, z'est pour toi, Scouic ! Bon petit dézeuner ! »
Robin posa obligeamment une main devant les yeux de la jeune femme frissonnante durant le carnage.
Quelques minutes plus tard, Scouic se redressait au milieu d'un océan de plumes vertes et bleues – ou rouge sang, repu, feula son contentement en direction de l'animalier médusé, et retourna prestement se lover sur l'épaule de sa maîtresse.
...Robin retira sa main du visage de Nami.
« Wouhou ! Vous avez vu ça ? C'est dingue, hein ? Je sais même pas si moi j'en aurais été capable ! »
« J'espère bien que non, Luffy. J'espère bien que non, » murmura la navigatrice d'une voix blanche.
« Ça va pas, Nami ? Qu'est-ce qu'il y a ? »
La jeune femme s'accrocha au cou de son capitaine.
« Luffy. Je t'en supplie. Promet-moi qu'on va retrouver ses parents. Promet le moi ! »
« Heu... Ben, ouais, d'accord... Moi, je le dis depuis longtemps, m'enfin bon... »
« Il... Il a... mangé... »
Zorro passa une main inquiète devant le visage du vieillard.
« Monsieur ? Vous allez bien ? »
« ... »
« J'ai combien de doigts ? »
« Il a mangé... L'Ara... »
« C'était le nom de l'oiseau ? »
« L'Ara... L'Ara... Il a mangé l'Ara mangeur d'hommes ! »
« ...Vous vous apprêtiez à vendre un oiseau mangeur d'hommes à une petite fille ? »
« Il... A mangé... C'est la première fois de toute mon existence que je vois... Un simple rat... »
Zorro jeta un coup d'œil en direction de l'animal en question, dont les petits yeux sournois émergeaient entre deux replis de tissus du T-shirt de Chani.
...Et dire que cette bestiole traînait sur le bateau avant qu'ils ne la découvrent...
« Il y a quelqu'un ? »
La sonnette de l'entrée retentit, et toutes les personnes présentes se tournèrent machinalement vers la porte vitrée. Ainsi que les animaux.
Le nouveau venu eut un mouvement de recul involontaire sous la pression inquisitrice des centaines de regards dirigés sur sa personne.
...Du moins jusqu'à ce qu'il croise celui, distant et effrayé, de Nami.
« ...Oh ! Mais ! Vous êtes la jeune fille de tout à l'heure ! Que vous est-il donc arrivé, pauvre trésor, vous êtes toute livide ? Vous m'avez impressionné, vous savez, c'était bien la première fois que quelqu'un me traitait de cette mani... »
Il s'interrompit, s'apercevant de la présence de Chani, accroupie au pied de l'escrimeur et gratouillant le dos de Scouic.
Enfin, il vit d'abord le rongeur. De plus en plus mal à l'aise sous l'intensité du regard de l'animal, il préféra lever la tête.
Et là, il vit Chani.
Il ouvrit la bouche et pointa silencieusement un doigt en direction de l'enfant.
Qui leva la tête et lui jeta un coup d'œil désintéressé.
« Oh. Le monzieur-avec-les-bagues-partout. Tu m'en donnes encore une ? »
L'homme ferma lentement la bouche, hocha vigoureusement la tête, et tendit maladroitement un anneau sertit d'une énorme émeraude à l'enfant. Elle le saisit et le tendit à mordiller à Scouic.
Il se tourna vers les pirates, une expression toujours abasourdie sur le visage.
« Vous... Mais... Qu'est-ce qu'elle fait avec vous ? Dans cette ville ? Elle n'a aucune raison d'être ici ! »
Nami cligna des yeux, reprenant peu à peu ses esprits.
« Vous... Vous voulez dire que vous savez qui elle est ? »
« ...Pas vous ? »
La jeune femme secoua négativement la tête.
Son interlocuteur pâlit brutalement.
Le quart de seconde qui suivit, il avait disparu.
« EH ! »
Zorro se précipita dans la rue et jeta un regard circulaire autour de lui. L'homme s'était volatilisé.
« Rien à faire, il a disparu, » fit-il remarquer en rentrant dans la boutique.
Nami se pencha prudemment sur la fillette, qui tentait de toutes évidences d'apprendre l'art des ombres chinoises à Scouic en lui repliant ses griffes râpeuses dans un rayon de lumière.
« Chani, tu ne sais pas qui c'était, ce monsieur ? »
« Si. Il vient zouvent à la maison pour voir mon Papa. Mon Papa y l'aime pas. Y di que z'est qu'un... Heu... Foutu emmerdeur qui veut s'acheter mon amitié pour ne plus avoir d'ennuis avec les forces de l'ordre. Ce connard de lâche va même jusqu'à faire des cadeaux à Chani pour se faire bien voir. C'est vraiment un pauvre enc- »
« D'accord, d'accord ! Je vois. »
« Z'est ze que mon papa y dit qu'il est. Y me fait plein de cadeaux, à moi. Maintenant faudra qu'il en fasse aussi à Scouic. »
« Chani, c'est qui, ton papa ? »
Chani leva ses grands yeux bleus vers la jeune femme.
« Comment il s'appelle ? »
« Il z'appelle Papa. »
« ...Oui, d'accord, mais il doit avoir un autre nom ? Tu t'appelles bien Chani, toi ! Comment il s'appelle, ton Papa ? »
(« Peut-être qu'il s'appelle vraiment Papa ? »
« Tais-toi, Luffy. »)
« ... »
« Chani... Soit gentille : dis-moi qui est ton Papa. »
« Et zi z'ai pas envie de te le dire ? »
« ...Tu préfères peut-être le dire à Zorro ? Zorro, ramène-toi deux secondes ! »
« Pourquoi ? »
Nami leva la tête et vit l'escrimeur qui, aidé de Robin et d'un flacon d'alcool, tentait de faire reprendre ses esprits au vieil homme. Le pauvre commerçant secouait toujours désespérément la tête de droite à gauche, le regard perdu dans le vide.
« ...Pour rien. Laisse tomber. Chani... »
« Mon Papa, z'est un meuzieur qu'est zamais à la maizon et qui zoue zamais avec moi. »
Un appel... escargophonique, dirons-nous, à quelques milliers de kilomètres de là...
« Allô ! Monsieur ! Vous ne chercheriez pas votre fille, par hasard ? » marmonna une voix saccadée et visiblement étouffée par un mouchoir à l'autre bout du fil.
« Si. C'est pour une demande de rançon ?»
« Non, non, non, pas du tout, non ! » s'affola la voix. « Je tenais juste à vous informer qu'elle est entre les mains d'individus qui m'ont tout l'air d'être un groupe de bandits de la pire espèce ! »
« Tiens donc. »
« Si ! Je vous assure ! Certes, il y a deux très belles jeunes femmes, mais leur regard est diabolique ! Et il y a aussi une brute aux cheveux verts avec trois épées, et... »
« Un type avec un chapeau de paille ? »
« Exactement ! »
« ... »
« ...Heu... Comment avez-vous deviné ? »
Ce fut un des plus francs éclats de rire ayant jamais éclaté qui éclata au bout du fil.
« ...Monsieur ? Monsieur ! Je vous assure, ce n'est pas une plaisanterie ! Votre fille est bien prisonnière ! »
« Mais je te crois, je te crois ! Elle est avec l'équipage de Chapeau de Paille... »
Nouveaux éclats de rire.
Mr Anonyme tritura maladivement ses bagues, se mordant les lèvres et se demandant s'il n'avait pas fait une belle gaffe quelque part.
« C'est donc l'équipage de Chapeau de Paille qui doit la supporter, » reprit Papa. « Ben je leur souhaite bien du courage. »
Et il raccrocha.
...Si quelqu'un est encore là : viii, c'était très long. Mais je voulais absolument faire tenir le passage en ville dans un seul chapitre, je ne me voyais pas du tout le couper en deux... Enfin, bref, toutes mes excuses si c'était trop indigeste...
...Les prochains chapitres retrouveront une longueur normale, promis, juré, craché, parole de Bouchou.
PS : Merci pour vos gentilles reviews, qui comblent le coeur de Bouchou d'un bonheur inégalable, durant les périodes les plus sombres de son existence ! (Il s'agit ici du bac.) (Qui est passé.) ( /réalise avec béatitude ce qu'elle vient d'écrire/ )
