Vous n'y croyiez plus, hein ? Avouez XD (mais vous aviez tort, me revoilà, envers et contre tout !)

Excuse pour le retard : Mmh. La rentrée scolaire ? Le… Les fêtes de fin d'année ? Mes partiels ? Mes… autres partiels ? Oh, gomen…

Blague à part. Je rame sur ce chapitre depuis, quoi… cinq mois, au bas mot… Ce qui explique en partie le retard, et surtout qu'il atteigne les 35 pages Word… Donc, cette fois-ci impossible d'y échapper, je sépare la bête en quatre parties. (Dont la première et la plus ancienne, celle que vous avez sous les yeux, ne me satisfait pas vraiment… elle n'est pas assez… vive ? Par rapport à la suite… Enfin bon.)

Warnings : Chani se déchaîne.


Robin rangea son livre sur le vaudou dans la bibliothèque avec un soupir d'aise. Elle ne se souvenait pas à quant remontait une lecture aussi passionnante et enrichissante.

Son regard glissa sur les étagères impeccablement ordonnées.

« Oh, » murmura t-elle avec une légère surprise en avisant l'absence flagrante d'un livre au milieu d'une rangée.


« Sandy, » susurra la jeune femme en se penchant sur l'oreille du cuisinier.

Le jeune homme abandonna aussitôt les carottes qu'il était en train de peler et pivota un visage irradiant de bonheur vers la nouvelle-venue.

Il considérait comme un fait extrêmement positif qu'une jeune femme se penche sur lui pour lui susurrer dans l'oreille.

« Oui, mon Amour au Sirop de Réglisse ? » s'écria t-il, une nuance d'espoir vibrante dans la voix.

Robin lui sourit gentiment en plissant les yeux.. « Tu n'as pas pris mon livre de cuisine, » assura t-elle avec fermeté.

Silence.

Sandy fit ce qu'il pouvait pour conserver son visage irradiant de bonheur.

« Heu… Non, ma Petite Pomme en Cage… »

« Je le savais. »

« Tu… Tu lis des livres de cuisine, Robin-Chérie ? »

Sans répondre à sa question, la mystérieuse archéologue lui fit un petit signe entendu de la main et s'éloigna, laissant le blondinet en proie à sa perplexité et à ses carottes pelées.


« On pourrait lui faire boire, non ? »

L'escrimeur saisit la fiole que lui présentait Pipo et la leva dans les rayons dorés du soleil matinal. Le liquide azur qu'elle contenait se superposa au bleu du ciel, ce qui fit ressortir avec encore plus de netteté les bulles d'un rouge écarlate qui tournoyaient paresseusement sur elles-même, se fondant et se divisant en une danse hypnotique.

« … Et, qu'est-ce que ça donnerait, exactement ? »

« Ben, on saurait en lui faisant boire, non ? »

Zorro posa un regard circonspect sur son compagnon.

« Pourquoi tu tiens absolument à lui faire boire ? »

« Ben, à moins que tu veuilles essayer, toi ? »

Grands yeux pleins d'espoir.

« Non. »

« Bon, bah, alors… »

« Non. Une Chani avec un deuxième bras ou une troisième tête, je crois que ça serait encore plus invivable. »

« Et sur Scouic ? »

L'image d'un rat mutant de deux mètres de haut et de trois mètres de large s'imposa à l'esprit du sabreur.

« Non. »

« Et… »

Pipo n'eut pas le temps de finir sa phrase, quelqu'un venait de lui taper sur l'épaule.

Il se retourna et fit face à une Robin qui souriait et qui plissait les yeux.

« Ce n'est pas toi non plus qui a pris mon livre de cuisine, » affirma t-elle d'un ton sans réplique.

Silence.

Pipo se gratta lentement le haut du crâne.

« Hum… non… » finit-il par confirmer sous le regard un peu trop chaleureux de la jeune femme.

« Je m'en doutais. »

Elle jeta un vague coup d'œil à l'escrimeur, mais sembla douter fortement de la capacité de Zorro à trouver de l'intérêt à un livre, du moins autrement que pour caler un pied de table.

Son vague coup d'œil glissa sur la fiole qu'il tenait toujours à la main, et se fit perçant et brillant d'intelligence.

« Cela ferait une très jolie lampe de chevet, » assura t-elle en s'en emparant.


Sur le pont du Vogue-Merry se trouvait un gros rouleau de cordes. On trouve toujours de gros rouleaux de cordes sur les ponts des bateaux. Sans qu'on puisse leur définir la moindre utilité, en général ; m'enfin, il sont là.

En l'occurrence, l'utilité de celui-ci était de procurer une cachette à Chani. Un repaire. Lorsque Nami avait l'audace de travailler dans sa chambre et que la pauvre enfant ne pouvait plus se blottir tranquillement sous le bureau.

La fillette tourna les pages jaunies du livre de cuisine avec agacement.

Elle ne trouvait pas ce qu'elle cherchait.

Elle voulait quelque chose de spécial.

Quelque chose d'original.

Qui lui serait propre.

Et elle ne trouvait pas.

Elle arracha pensivement la recette de la soupe aux fraises des bois et aux abricots, et la tendit à Scouic, dont la tête sournoise et pelée venait d'émerger par-dessus le rempart de cordes. Il la déchiqueta sans entrain.

Elle adossa sa petite tête délicate et blonde contre les fils râpeux des cordes, et scruta le bleu intense du ciel d'un regard mécontent. Une légère brume grise ne tarda pas à apparaître, traduisant le malaise de l'observé.

Tant pis. Après tout, toute sa vie n'avait jamais été qu'éléments improvisés, son expérience et sa science étaient basées sur l'improvisation, et jusqu'ici ça ne lui avait jamais fait défaut. Alors autant s'en remettre à l'improvisation.

Parce que le gentil monsieur méritait vraiment quelque chose de spécial en remerciement.

Et parce qu'elle avait envie de jouer à la dînette.


Pipo s'appuya sur la rambarde et scruta le gros rocher dans la mer avec attention.

Ils avaient accosté la baie environ une heure auparavant. Il fallait refaire le plein d'eau potable, et puis de toute façon Luffy avait vu l'île.

Passer à côté d'une île sans que Luffy ne se mette à regarder fixement Nami jusqu'à ce qu'elle accepte de l'aborder relevait du caractère improbable, impossible, anormal et alarmant.

C'était une petite baie comme toutes les baies, en croissant de lune, avec une plage bordée de palmiers et de l'eau turquoise. L'une de ses extrémités se prolongeait dans la mer, et était constituée d'une multitude de rochers polis par les vagues, qui émergeaient de l'eau comme de gros crânes informes et grisâtres.

Il y en avait un qui était plus gros que les autres.

Tellement gros qu'on aurait pu cacher un bateau derrière.

Le jeune canonnier plissa les yeux, tentant d'apercevoir à nouveau l'éclat blanc qui lui avait fait penser à des voiles un instant auparavant.

« C'est drôle, » murmura t-il. « J'aurais juré… »

« Dégaze de là. »

Le canonnier tourna lentement la tête derrière lui, aperçu Chani, saisit le regard qu'elle lui lançait, et s'empressa d'obéir.

La blonde fillette tenait à la main une mince cordelette dont l'extrémité était enroulée autour du ventre grassouillet de Scouic. Le rongeur fixait sa Petite Maîtresse d'un regard de servitude éperdue.

Chani le saisit, le posa sur la rambarde, et le poussa pour qu'il tombe les moustaches les premières dans l'océan cristallin.

Impassible, Pipo se pencha par-dessus bord et observa la petite silhouette grise remuer ses pattes au fond de l'eau. Chani tirailla le bas de son pantalon pour qu'il la fasse asseoir sur la balustrade.

Un sentiment contradictoire explosa comme une bulle de savon dans l'esprit du jeune homme, mélange détonnant d'espoir et d'incrédulité.

D'un côté, Chani venait de faire basculer Scouic par-dessus bord. D'un autre côté, la Créature était toujours reliée au bateau par une p…..n de corde.

D'un côté, il avait perdu toute illusion sur l'innocence et la pureté de l'enfance. D'un autre côté, Scouic allait peut-être quant même se noyer.

D'un côté, il n'oserait jamais envoyer Chani rejoindre Scouic. D'un autre côté, Nami n'était pas dans les parages…

Il fixa longuement le dos de la petite fille. Et détourna la tête lorsqu'il eut la sensation que le dos le fixait longuement en retour.

Un silence écrasant alourdit l'atmosphère matinale. Chani, assise, immobile, couvait de ses yeux froids d'enfant le rongeur qui émergeait pesamment cinq mètres plus bas. Elle tenait fermement la cordelette entre ses mains rosées.

Pipo toussa pour attirer son attention – mais pas trop fort, au cas ou elle l'entendrait.

« Heum. Tu… fais quoi ? »

Chani tourna lentement un regard neutre vers lui, avant de revenir à Scouic et d'agiter la petite corde.

« Ze pêche, » déclara t-elle d'un ton qui proclamait une évidence flagrante.

« Oh ? »

L'espoir naquit.

« Et Scouic, c'est l'appât, c'est ça ? »

Chani le regarda à nouveau et haussa un sourcil.

« Nan. »

L'espoir vacilla.

« Scouic z'est le chasseur. »

L'espoir s'éteignit.

Pipo respira un grand coup, réprima les tremblements qui avaient envahi ses genoux et pris l'air le plus dégagé possible pour demander :

« Et, il chasse quoi ? »

« Le requin. »

« Mais. Y'a pas. De requins. Par ici. »

« Zi. »

« Mais. Heu. »

Coup d'œil par-dessus la rambarde. L'animal sournois avait replongé, et son ombre fugitive se tenait recroquevillée dans le creux d'un rocher, où elle donnait la désagréable impression d'être tapie. A l'affût. A attendre quelque chose. Définitivement comme un prédateur doté d'une implacable confiance en soi.

L'œil de Pipo dériva lentement vers l'horizon.

Non, il n'y a pas de requin, dans une baie. C'est trop petit, une baie. C'est trop proche du rivage, une baie.

Alors il évita de se demander comment Chani avait fait pour attirer par ici la chose sombre qu'il voyait se mouvoir au loin.

Elle se rapprocha encore, inéluctablement, et, sous l'eau, Scouic bondit.

Jusqu'à la fin de sa vie, Pipo ne serait jamais capable d'expliquer avec précision comment ça avait pu se produire.


Chopper tendit un comprimé à Sandy, qui le fit tomber dans un verre de vin chaud et tendit le tout à Pipo. L'adolescent l'avala d'une traite, ce qui ne suffit pourtant pas à réprimer la rafale de tremblements convulsifs qu'était devenu son corps.

Ses yeux semblaient deux trous noirs plantés dans un visage plus livide qu'un linge de pub pour une marque de lessive.

Sandy lui reprit prudemment le verre des mains avant qu'il ne le laisse choir sur le parquet.

« J'ai… J'ai tout vu… tout vu… »

« Je vais t'administrer un tranquillisant, Pipo. »

« Il y avait… du sang… dans la mer… plein.. comme… des grands tourbillons… »

« Ça fait pas mal, les piqûres. Ne bouge pas. »

« Le sang… C'est rouge… »

« Oui, Pipo. »

Sandy alla poser son front contre la vitre de l'infirmerie. A l'extérieur, les rayons du soleil balayaient le pont de leur lumière encore fraîche, ainsi que l'immense carcasse de requin qui gisait sur les planches trempées de sang. De gros morceaux de chair y avaient déjà été découpés.

Luffy tournait autour, hésitant de toute évidence à demander à Sandy si la cuisson est une option obligatoire quant on désire ingérer un aliment.

Le cuisinier soupira, ouvrit la fenêtre et lui cria que oui.

« Il y a quelque chose que je ne comprends pas, quant même, » fit-il en refermant la vitre, « comment est-ce qu'un rat, même aussi gros que Scouic, a t-il pu déchiqueter de la sorte un animal quinze fois plus gros que lui ? »

Les pupilles du canonnier se contractèrent.

« Mais je sais pas, justement ! » articula t-il tandis que son corps redevenait la proie de tremblements convulsifs.


Nami marchait sur le pont d'un pas vif en étudiant l'une de ses cartes. Elle releva vaguement les yeux en entendant leur blondinet de cuistot enguirlander leur goinfre de capitaine à propos de malaises d'estomac provoqués par de la viande crue, avant de les replonger sèchement dans son monde merveilleux de lignes droites, de numéros et de côtes détaillées avec précision.

Et de les relever tout aussi sec. Son cerveau venait de lui signaler que quelque chose de désagréable et de sanglant envahissait le pont.

Ce n'était pas comme si elle n'était pas habituée à ce genre de spectacle, bien sûr. Au cours de leurs nombreuses pérégrinations et encore plus nombreuses batailles, elle avait fini par se blaser royalement quant aux diverses créatures voire êtres humains couverts de sang, qu'il s'agisse du leur ou non, que son regard pouvait rencontrer.

Elle fit néanmoins un très large détour, yeux écarquillés d'indignation et nez plissé de dégoût sous l'odeur infâme qui commençait à transpirer de l'atmosphère, pour atteindre ses deux compagnons.

« Sandy… »

« Oui, bon, d'accord, je me fiche des maux d'estomac que ça peut bien te provoquer, je l'avoue, mais je ne veux pas que tu manges de la viande crue. La viande, c'est fait pour être cuisinée. Espèce de crétin profond. »

Durant le silence qui suivit, le blondinet prit conscience que son élastique de capitaine avait ostensiblement continué de s'empiffrer en l'écoutant, et que la douce voix qui venait de prononcer son nom appartenait à une représentante féminine de l'espèce humaine.

Nami, de surcroît.

« Tu as compris que je ne faisais pas allusion à toi, ma Petite Tarte aux Oignons Frits ? »

« C'est quoi, cette horreur qui traîne sur le bateau ? Ça met du sang partout ! Si tu n'as plus de place dans le garde-manger, rejette-moi ça à la mer, bon sang ! »

Sandy, inconscient de la bonté miséricordieuse dont faisait preuve la rouquine en ne relevant pas ce à quoi il venait de la comparer, eut un petit sourire coupable.

« J'y songeais, mon cœur. Je disais justement à Luffy… Luffy. Qu'est-ce que tu fais ? »

Il arrivait parfois que la navigatrice soit vraiment impressionnée par le blondinet. La voix de Sandy pouvait escalader les octaves de voix les plus douces et les plus pures, et dégringoler le quart de seconde suivant dans les plus dures et les plus tranchantes.

Luffy leur fit un petit geste amical de la main.

« Je vous laisse discuter. Je vais explorer l'île ! »

« Et pourquoi t'emporte le requin avec toi ? »

« Bah. Vous vouliez vous en débarrasser, non ? Je vous en débarrasse. »

Et de sauter par-dessus la balustrade en entraînant la carcasse derrière lui.

Les deux pirates l'observèrent pesamment bondir par-dessus les quelques mètres d'eau qui les séparaient de la plage et s'étaler avec joie sur le sable doré. Il ne tarda pas à se relever et à s'enfoncer dans les profondeurs verdoyantes de la jungle qui recouvrait l'île.

« Il ne… va pas manger ça, quant même ? »

« Humrph. Qu'il ne s'attende pas à ce que je lui garde quelque chose pour ce midi, en tout cas. »

La rouquine hocha vaguement la tête et posa un regard mécontent sur le sang poisseux qui continuait à s'infiltrer dans le plancher.

« Au fait, » fit-elle en tâtant le sol d'un pied prudent, « Pourquoi est-ce que tu as fermé la cuisine à double-tour ? C'est ridicule, ça ne te ressemble pas. C'est la première fois que tu nous fais ce coup-là. »

Toute cette saleté allait être horriblement difficile à partir, songeait la jeune femme. Il allait falloir que chacun s'y mette.

Et qu'elle les surveille de près.

Sandy la fixa, un soupçon d'hésitation dans son sourire.

« Mais… Oui, c'est ridicule… D'autant plus que j'étais avec Luffy… C'est pour ça que je ne l'ai pas fermée, mon Sucre d'Orge à l'Ananas. »

Regard acéré de qui n'a pas envie d'être contredit.

« J'ai essayé de l'ouvrir, et c'était fermé. »

« Mais non… »

« Traite-moi de menteuse pendant que t'y est. »

« Mais non, enfin, mon Sachet de Sucre Vanillé ! Tu sais bien que je ne dirais jamais une chose pareille ! La porte était peut-être… juste bloquée… »

« Alors je suis tellement faible que je ne suis pas capable d'ouvrir une porte ? C'est ça ? »

« Non, non ! Ma Tartelette à la Banane… ! »

Le cuisinier commençait à s'empêtrer dans une situation qu'il n'aimait pas du tout.

« Ecoute, Nami-Chérie, je te jure que je n'ai pas fermé la cuisine. D'ailleurs regarde, j'ai la clé sur m… »

Non, il ne l'avait pas, réalisa t-il en fouillant toutes ses poches.

Il avait dû la laisser sur le buffet.

Inutile de s'inquiéter.

Paniqua t-il.


Zorro, en cet instant précis, se sentait bien. Il était allongé au pied du mas, A demi-immergé par les limbes nébuleuse du sommeil. Autour de lui, le calme régnait, troublé parfois vaguement par les cris lointains des mouettes. L'air était pur, l'eau cristalline, l'ambiance de la baie apaisante. Ses compagnons se tenaient tranquille.

Oui, tout était merveilleusement calme.

Ce qui inquiétait grandement l'escrimeur.

Il se releva sur un coude et balaya le pont du regard. Rien d'anormal, à priori, et personne en vue ; seul un mince filet de fumée limpide s'échappant de la fenêtre de la cuisine indiquait la présence du blondinet aux fourneaux.

Il plissa les yeux et jeta un léger coup d'œil derrière son épaule, à peu près sûr de découvrir Scouic en train de lui planter un regard vicieux dans le dos. Mais non. Rien.

Il dressa l'oreille, tous les sens aux aguets. Chani allait débarquer et vérifier attentivement qu'il faisait bien la sieste, d'une minute à l'autre. Ce n'était pas possible autrement.

Il se rallongea et ferma les yeux, se concentrant sur l'imitation la plus parfaite d'un profond sommeil. Dans l'attente de la petite.

Lorsqu'il les rouvrit dix minutes plus tard, ce fut avec la certitude qu'un danger attendu qui ne se décide pas à venir est beaucoup plus désagréable qu'un danger qui vous arrive de front. Voire même qu'un danger qui vous arrive par derrière.


Au moins, entre quatre murs et une porte verrouillée à triple-tour, on se sent plus en sécurité. l'air vif du dehors lui manquait, bien sûr, mais tout valait mieux plutôt que se trouver la proie innocente d'une diabolique enfant.

Même si l'escrimeur ne craignait évidemment rien de Chani.

C'était juste par mesure de précaution, voilà.

Zorro navigua entre les hamacs de toiles qui pendaient du plafond, en direction du sien, et heurta un poids mort qui lui barrait le passage.

Il se pencha sur le hamac et observa l'obstacle qui se terrait au fond.

« Pipo ? »

« Chut, non, c'est pas moi. »

L'escrimeur cligna des yeux.

« … Mais si, c'est toi. »

« Non, non, chuis pas là. »

Silence.

Zorro tira un grand coup sur le sac de toile et renversa le canonnier sur le sol.

« AÏE ! Ça va pas, qu'est-ce qui te prend ? »

« Je vérifiais si tu disais la vérité. Apparemment non. »

L'escrimeur observa pensivement Pipo se relever. L'adolescent était d'une pâleur de cire, légèrement tremblant, une lueur vacillante au fond des yeux, comme s'il venait de vivre quelque chose de peu agréable et de peu courant.

« C'est Chopper qui m'a dit que je ferais mieux de me reposer, » expliqua t-il. « alors je suis venu ici. Et j'ai demandé à Chopper de pas dire aux autres que j'étais là. Pour être tranquille. »

« Pour être tranquille ? »

Les genoux de Pipo semblaient donner un concert de castagnettes.

« … Tu t'es fait attaquer par quelqu'un ? » demanda l'escrimeur avec ce que Sandy aurait prit plaisir à appeler un rare éclair de perspicacité.

L'adolescent perdit la maigre contenance qui avait daigné lui rester.

« Pas moi ! » s'écria t-il. « Le requin ! Le pauvre, pauvre petit requin ! »

« Hein ? » Zorro tenta de détacher les mains crispées de Pipo qui s'agrippaient au col de son T-shirt comme si leur existence en dépendait. « Mais on est dans une baie, y'a pas de requin, dans une baie… »

« Je sais ! »

« Lâche-moi… »

« Zorro, je sens qu'elle prépare quelque chose de terrifiant ! »

« Qui ça… ? »

Le sabreur fut frappé d'un second éclair de lucidité avant même la réponse de Pipo.

« Chani ! » murmura t-il en même temps que lui.

Silence.

Pipo plongea son regard dans le sien.

« Toi seul peut encore nous sauver, Zorro, » déclara t-il, une ferveur désespérée dans la voix.


Chani venait d'allumer la cuisinière sous l'œil vigilant de son rongeur de compagnie. Elle observa attentivement les petites flammes qui venaient de naître, et dont la lueur bleuâtre se reflétait dans son regard impassible.

Par mesure de précaution, elles s'élevèrent un peu plus haut.

Satisfaite, la tendre enfant se tourna vers la table ou l'attendaient les morceaux de viande crue découpés dans la carcasse du requin plus tôt dans la matinée. Le sang qui s'en échappait dégoulinait sur le sol avec viscosité.

Elle s'empara d'un ou deux gros morceaux, d'une poêle, et d'un bidon d'huile qu'elle avait repéré sous l'évier.

Elle avait souvent vu faire Sandy. En conséquence de quoi, elle savait ce qu'elle faisait. De toute manière, Chani se considérait comme experte dans tout ce qui touchait à… à ce qu'elle faisait, qu'elle le fasse pour la première fois ou non. Et jusqu'ici, étrangement, personne n'avait tenté de la persuader du contraire.

Chani était donc une experte en matière de cuisine.

La viande baignait dans l'huile, qui peinait à bouillir sous l'action pourtant ardente des petites flammes, et qui débordait de l'espace restreint de la poêle.

Une bonne grosse cuillère de crème allait donner plus de consistance à l'ensemble.

Le garde-manger était vraiment mal pourvu, constata la fillette avec mauvaise humeur en remarquant l'absence flagrante de tartes à la fraise et autres denrées alimentaires tournées vers la merveilleuse frontière du sucre. Ce qui s'avérait être de la mauvaise foi. Il y avait des aliments sucrés. Mais pas assez.

Chani saisit un malchanceux sac de sucre et une innocente bouteille de sirop de framboise et alla les vider entièrement dans la poêle.

… Elle se hâta de sortir une casserole pour recueillir le trop-plein, et, après un petit instant de réflexion, intervertit les deux récipients. Un peu moins propre qu'avant, la poêle retrouva sa place au fond du placard.

La mixture bouillait tranquillement, des tourbillons sirupeux enrobant la viande de leurs lourds grumeaux et la cachant aux yeux de l'enfant. La fillette commençait à se dire que si c'était pour que la sauce détruise la viande, et bien autant ne pas en faire. Elle versa du jus d'orange par-dessus, au cas où.

Non, décida t-elle en avisant le machin boueux qui entreprenait vaguement de prendre la forme d'une pomme de terre mutante, c'était décidément trop épais. Il fallait éclaircir l'ensemble.

Elle ajouta pensivement un paquet de levure avant de se mettre en quête de l'élément essentiel à sa délicate pitance.

Elle le découvrit en furetant derrière le garde manger.

Il s'agissait d'un bidon d'une trentaine de centimètres de diamètre, aux parois d'un blanc laiteux. Il contenait un liquide translucide et bloblotant, doté d'une forte émanation qui frappa l'odorat raffiné de la petite fille. Elle en versa dans une petite coupelle et la tendit à Scouic.

L'animal eut l'air d'apprécier le présent et le lécha avec application.

Ce fut alors qu'elle aspergeait le Repas de sa nouvelle trouvaille que, dans son dos, elle entendit quelqu'un tenter d'ouvrir la porte de la cuisine.

Elle avait pris la précaution de fermer à clé ; qu'on aille pas la déranger alors qu'elle préparait une Gentille Surprise pour le Gentil Monsieur, ça gâcherait tout.

Excédée, elle saisit la casserole par le manche sans trop se préoccuper du résultat de l'ajout de son nouvel ingrédient, et alla ouvrir.


Sandy n'était pas ce qu'on pourrait appeler, disons, relativement inquiet.

C'était vrai qu'il n'aimait pas qu'on lui pique les clés de la cuisine dans sa poche. Même si, il fallait bien l'avouer, c'était la première fois que ça lui arrivait. (Luffy n'ayant indubitablement aucun besoin de clés pour entrer quelque part. Ce qui incitait le blondinet à ne jamais verrouiller la cuisine ; ç'aurait été un geste brillant d'inutilité. )

Il y avait pourtant quelqu'un, sur ce bateau, qui avait jugé utile de lui subtiliser ses clés. Or seule Chani ignorait l'inutilité d'un trousseau de clés sur le Vogue-Merry.

Chani serait donc en train de faire quelque chose dans la cuisine.

Et ce qu'on fait en général dans une cuisine, c'est cuisiner.

Non, Sandy n'était pas inquiet.

Juste un peu paniqué.

Il venait d'arriver devant la porte de la cuisine. Il tenta de l'ouvrir : elle était verrouillée.

Il frappa au battant.

« Hum. Petit Cœur ? C'est toi qui es là-dedans ? Ouvre-moi, s'il te plaît, je… »

Chani ouvrit sèchement la porte.

Elle fixa le cuisinier d'un petit regard irrité et agita la boule de feu qu'elle tenait à la main.

« Qu'est-ze qu'il y a ? »

« … »

« Qu'est-ze qu'il y a ? Z'ai pas que za à faire. »

La boule de feu ronflait délicatement et possédait de beaux reflets d'un bleu fort peu naturel, observa Sandy dans un état second.

« Tu… cuisines, Petit Trésor ? »

« Oui. »

Chani ferma sèchement la porte.

« Ma pauvre casserole, » murmura plaintivement le cuisinier à l'attention du panneau de bois.


Zorro aperçu la silhouette sombre de Sandy qui déambulait sur le pont, les mains dans les poches.

« Ah ! Sourcils en Vrille ! » le héla t-il avec son amabilité habituelle, « Tu sais pas où est Chopper ? Je viens de voir Pipo, là, et il a pas l'air dans son état normal, alors j'aimerais bien savoir ce qui s'est pass… »

Le jeune cuisinier venait de s'agripper à son col.

Le sabreur n'aimait pas qu'on s'agrippe à son col. En particulier quant il s'agissait de quelqu'un qui avait aussi peu l'habitude de s'agripper à son col que Sandy.

« Heu. Sandy ? »

L'interpellé leva un visage blafard vers lui. L'expression de ses yeux reflétait un désespoir plus total que si on avait réussi à le persuader qu'All Blue n'existait pas.

« … Sandy ? Lâche-moi, j'aime pas trop que… »

« Il faut que tu fasses quelque chose, je t'en supplie. »

Un ange passa.

« … Hein ? Tu… Tu me supplie… Moi ? Toi ? Tu as de la fièvre, tu veux que je t'emmène voir Chopp… ? »

Le blondinet grimaça.

« Oui, je t'en supplie ! Ça me fait très mal de le reconnaître, mais je crois que je n'ai pas le choix ! »

« De quoi est-ce que tu parles ? Et puis lâche-moi, bordel ! »

« Mais rends-toi compte, enfin ! ELLE EST EN TRAIN DE BOUSILLER MON MATERIEL DE CUISINE ! »

Le blondinet avait hurlé. Une expression dévastée sur la figure, il daigna enfin lâcher un escrimeur un peu abasourdi.

« Elle est dans ma cuisine, Zorro ! »

« Qui ça ? »

Il cligna des yeux.

« Chani, » fit-il en même temps que son compagnon.

Il se fixèrent un instant en silence.

« Comprends-moi, Zorro, Chani est une petite fille adorable… »

« Ça, t'as jamais dit le contraire. »

« … mais, comme toutes les petites filles adorables, elle a tendance à, parfois, faire, et bien, disons, des petites bêtises… Et j'aimerais juste qu'elle n'en fasse pas dans ma cuisine. Voilà. »

Zorro fixa le cuisinier en se mordillant les lèvres.

« … Si je comprends bien, » finit-il par expliquer à la place de son compagnon, « tu me demandes d'aller la déloger de ta cuisine, parce que tu n'as pas le courage de le faire toi-même… Je me trompe ? »

Le blondinet détourna un visage renfrogné en direction de l'océan.

« … Moui. » Grommela t-il d'une petite voix.

« Excuse-moi, j'ai pas bien entendu ? »

« Oui. Zorro. »

« Y'a un p'tit mot magique qui me ferait très plaisir. »

« Oui. Zorro. Connard. »

« Nan, c'est pas ça, nan. »

Long regard exaspéré et légèrement hystérique.

« Tu penses vraiment qu'on a le temps pour ça ? Chaque seconde compte, bon sang ! Le Rat est avec elle ! »

« Et qui te dit que ça ne me déchire pas le cœur, à moi aussi, de devoir embêter une pauvre petite fille aussi mignonne que Chani ? »

« Zorro, il y avait un bidon d'essence derrière le garde-manger. »

Silence.

« … Il y avait ? »

« Il y avait, oui. »

« Et c'est toi qui l'a enlevé ? »

« Non. »

Silence.

« Bon, ben, je crois que je vais aller limiter les dégâts, alors… »

« Merci. »

Le blondinet observa pesamment le pirate aux cheveux verts s'éloigner.

« Eh… Zorro ! » s'écria t-il avant qu'il n'ait tourné à l'angle des cabines. Le jeune homme pivota et haussa un sourcil dans sa direction. « Est-ce qu'il y a une personne à laquelle tu tiens particulièrement, dans ce monde ? »

Zorro écarquilla les yeux et haussa son deuxième sourcil.

« Hein ? Mais non, crétin. Pourquoi tu me demandes ça ? »

Le blondinet haussa les épaules.

« Bah, juste au cas ou tu aurais voulu lui dire quelque chose pour la dernière fois. J'aurais transmis le message. »

Il se fout de moi.

« Ouais, ben non. J'y vais. »

« Zorro ! »

« … Quoi ? »

« Je… Au fond, je… Je suis content d'avoir pu te rencontrer. T'étais… un valeureux compagnon. Ouais. »

« … … … J'y vais. »

« Zorro ! »

« NAN MAIS T'AS FINI DE… »

Quelque chose, dans le regard du cuisinier, le fit taire sur la seconde.

« Tu es notre dernier espoir, Zorro. »

Putain, on dirait qu'il se fout pas de moi…


Oué, je sais... Ça vire au n'importe quoi... J'assume...