Et re-re-la suite X3
Zorro soutint avec vaillance les regards accusateurs de ses camarades.
« Non. C'est pas moi. J'ai tué personne. »
Nami dû faire preuve d'un calme olympique pour ne pas se jeter sur lui.
« Zorro. Ta carte se trouvait dans le petit sachet noir. Donc tu es l'assassin. »
« J'ai tué personne. »
« On sait ! C'est qu'un jeu, pauvre abruti ! »
« Et pourquoi c'est toujours ma carte qui s'y retrouve ? »
« Le hasard, bordel ! »
(« Voyons, Nami de mon cœur. Ne sois pas vulgaire, ma Princesse. »)
Le hasard semblait pourtant n'avoir qu'une place peu importante dans l'affaire, au vu du sourire pleinement satisfait de Robin. Elle entreprit à nouveau, avec un amusement croissant, de mélanger les cartes. Le docteur Olive – Chopper – observa avec une certaine lassitude la carte du colonel Moutarde glisser pour la quatrième fois dans le petit sachet noir.
Ses compagnons n'avaient pas l'air de bien saisir la gravité de la situation. Dans tous les cas pas Robin.
Dans la demi-heure précédente, Zorro avait successivement tué Pipo (le nombre de carte insuffisant et le degré de nervosité du canonnier ayant largement contribué à lui donner le rôle du mort) avec la clé anglaise dans la cuisine, le couteau dans la bibliothèque, et la corde dans la salle à manger.
« Et y'a pas une carte avec des sabres, au moins ? »
Lourd et long regard.
Luffy fixait placidement l'une des cartes qu'il tenait à la main.
« Mais pourquoi je suis une femme, moi, hein ? » lança t-il en brandissant la carte de Mme Leblanc.
« Luffyyyyy ! Je t'ai déjà dit de ne pas montrer tes cartes ! »
Mme Pervenche tentait désespérément de retenir une Melle Rose enragée, qui essayait de se jeter sur une Mme Leblanc paisiblement en train de fouiller toutes les cartes à la recherche de celle du colonel Moutarde, lequel grommelait à l'adresse du cadavre et du docteur Olive que non, il avait jamais tué personne, du moins pas un innocent, il en était à peu près sûr, le tout sous l'œil enchanté d'un professeur Violet qui se jurait de bientôt sortir ses autres jeux de société, lorsque Chani choisi d'entrer en scène.
Personne ne la remarqua tout de suite. Ce fut lorsque Pipo se retourna et tomba nez à nez avec elle que sa présence sauta aux yeux de tout le monde, le cri de l'adolescent attirant irrémédiablement le regard.
« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! »
Zorro lui plaqua une main sur la bouche, intérieurement ravi d'avoir un plus grand contrôle sur ses nerfs. Il sentait néanmoins des sueurs froides envahir son dos.
La fillette le fixa de ses grands yeux candides. Elle semblait aux anges de le retrouver.
« T'as dormi, auzourd'hui, hein ? »
« O-oui. »
Coup d'œil circulaire. Sandy avait adopté des allures de statue, Nami, blafarde, s'agrippait à Robin, et Chopper était introuvable – parce qu'il se trouvait derrière lui, constata le sabreur en entendant le froufroutement d'une boule de poils dans son dos. Zorro secoua son bras droit, avec lequel Pipo tentait visiblement de ne faire qu'un. (Luffy était toujours en train de fouiller les cartes.)
« Z'est vrai ? »
« Oui. »
L'aspect de l'enfant expliquait clairement la douloureuse panique qui planait chez les pirates. Elle était couverte de sang de la tête aux pieds. Près d'elle, Scouic ressemblait à une peluche trempée dans de la sauce tomate.
Le contraste avec la paisible tranquillité dont ils faisaient preuve était traumatisant.
Nami fut la première à se reprendre.
« CHANI ! Que s'est-il passé, ma puce, tu es blessée quelque part... ? »
L'interpellée la couva d'un long regard où nageaient étonnement, tentative de comprendre, et léger mépris.
« Nan. Pourquoi ? »
« Tu es couverte de sang ! »
La fillette jeta un coup d'œil surpris à ses menottes sanglantes.
« Oh. Z'est pas le mien. »
Elle leva la tête et ajouta, à la grande horreur de Pipo et de Chopper :
« Z'est parze que z'ai cuiziné les chevaux. »
« Des... chevaux... ? C-combien ? »
La douce enfant fut sur le point de répondre, mais se reprit rapidement à la vue de l'escrimeur et se confina dans un silence lourd de mystères.
« Chani ? »
Ignorant la supplique de Nami, elle se dirigea vers l'archéologue, se hissa sur la pointe des pieds et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Les yeux de Robin s'enrichirent d'un éclat étrange.
« Oh, mais je sais où tu pourrais trouver ça, mon trésor. Dans ma chambre, sur ma table de nuit. Ça devrait faire ton bonheur. »
La barque de Tashigi interdisait le passage aux cannibales. La jeune femme s'y tenait, plus droite qu'un piquet, le regard résolu rivé sur la tribu.
« Vous n'aviez pas à faire ce que vous avez fait. C'était très malpoli. Nous avons beaucoup de problèmes, à bord, maintenant. »
Ils la fixaient en retour. Tashigi aurait été moins aveuglée par sa colère roronoesque qu'elle aurait remarqué la lueur affamée qui planait dans les yeux de ses opposants.
Et alors, elle se serait souvenue qu'il est relativement compliqué de combattre avec des sabres sur une barque. Et elle aurait fait demi-tour aussitôt.
Et elle n'aurait pas eu à appeler à l'aide.
Et elle n'aurait pas eu à être sauvée par cette personne-là.
L'équipage de Chapeau de Paille observait la jeune femme, trempée et affalée sur le pont, reprendre son souffle. Zorro s'appuyait nonchalamment sur l'un de ses sabres, une expression exaspérée sur le visage. Il n'en revenait pas de ce qu'il avait dû faire.
Sauver l'imposteuse.
C'était ce qui s'appelait un réflexe désagréable. A présent, il était rongé par l'envie puissante de fuir avant qu'elle ne rouvre complètement les yeux ; mais dans le regard de Robin se lisait toujours la froide résolution de ne pas le laisser s'éloigner du plateau de jeu. Il commençait à se demander ce qui lui prenait, à l'archéologue.
Sandy, momentanément débarrassé de sa hantise chaniesque et culinaire, tendait un verre d'eau fraîche à la jeune femme, ravi de faire la connaissance d'une nouvelle Jolie Fille – qu'il se rappelait d'ailleurs vaguement avoir déjà rencontrée.
La Jolie Fille envoya valser le verre, se redressa d'un bond vigoureux, sortit son sabre et le pointa sur la gorge du sabreur.
« Eh... On se calme, la folle... »
« RORONOA ! C'EST PAS PARCE QUE JE SUIS UNE FEMME QU'IL FALLAIT VENIR ME SAUVER ! »
Zorro dévia la lame d'un coup de coude, de mauvaise humeur.
« Ouais, ben désolé. La prochaine fois j'attendrai que tu sois un mec. »
« TE FICHE PAS DE MOI ! »
« Tu la connais, Zorro ? »
Long regard ennuyé vers la rouquine.
« Ben ouais. De toute évidence ouais. Marrant que tu l'ais pas remarqué. »
Nami se renfrogna. Les remarques acerbes du sabreur l'irritaient parfois encore plus que les surnoms dégoulinants du cuisinier.
« JE VOUS ARRÊTE TOUS POUR PIRATERIE, BRIGANDAGE, ESCROQUERIE, ET INSULTE AUX FORCES DE L'ORDRE ! »
« Mais tu vas la boucler, oui ? »
« Une minute... Cette fille fait partie de la marine ? La marine est là ? »
« Cool ! Y sont où ? Une bonne bagarre… »
« Je vous assure, Mademoiselle, qu'aucun de nous n'est responsable des affronts que cet être infâme a pu commettre à votre égard. »
« Le jeu. Il faut reprendre le jeu, maintenant. »
« Aaah ! Elle est là ! »
« Aaah ! Pas elle ! »
« Z'est prêt. »
Un silence fragile se suspendit un instant dans l'atmosphère.
On se mit à fixer Chani.
« Z'est prêt, » répéta la fillette.
« Ch... Chani ? »
Le regard de l'enfant croisa celui de Tashigi.
Elle fronça les sourcils, ouvrit les lèvres, et poussa un hurlement strident.
Noyées dans le cri assourdissant de la petite, les paroles de Nami se frayèrent un chemin difficile jusqu'aux oreilles de Tashigi :
« Tu la connais ? Dis-nous qui c'est ! »
La jeune femme décolla légèrement les mains de ses tempes.
« Mais, oui... C'est... »
Le hurlement redoubla. Lorsqu'il se tut enfin, quelques minutes plus tard, chacun put observer le minois froissé et boudeur de la petite tornade sur pattes, réfugiée derrière une des bottes de l'escrimeur.
Elle ne semblait pas ravie de rencontrer Tashigi.
« Chani ! Eloigne-toi de lui, il est dangereux, il... »
Bref hurlement strident en guise d'avertissement. Tashigi choisi de se taire et plaqua un regard brûlant de haine sur le sabreur.
« Me regarde pas comme ça. C'est qui ? Ta gosse ? Ta sœur ? Si tu veux la récupérer, pas de problème. »
« Aller jusqu'à enlever une pauvre enfant innocente... Espèce de monstre... »
« EH ! Ça va pas, non ? C'est elle qui se tape l'incruste ! »
« Je suis entièrement d'accord avec vous, Tendre Damoiselle. Cet... homme est un monstre. »
« DIS-DONC, TOI ! »
Robin observa Sandy et Zorro s'incendier mutuellement, en laissant échapper un profond soupir. Ils n'avaient même pas pu finir la partie. Quelle déception.
Elle avisa Chani, toujours agrippée au bas de pantalon du sabreur. La fillette sanglotait.
Robin se rapprocha et se pencha vers elle.
« Ne t'inquiète pas, trésor. Je suis sûre que Zorro ne laissera pas la vilaine dame t'emmener. »
(« Mais z'est pas za... Z'ai fini, et perzonne veut venir goûter... »)
La vilaine dame détourna son attention des deux pirates et fixa Robin, scandalisée.
« Comment cela ? Mais bien sûr que si, il faut que je la ramène ! C'est la fille du commandant Smocker. Son père ne sait même pas qu'elle est là, j'en suis sûre. Il serait horriblement inquiet, sinon. Vous pouvez me croire que ça ferait longtemps qu'il vous aurait attaqué. »
« La fille de Smocker... Ah... »
Pipo et Peluche furent les seuls à saisir leur conversation. (Nami étant trop occupée à essayer de faire taire les deux abrutis, qui se crachaient des insultes avec une force plus destructrice que celle qu'ils déployaient pendant les combats – encouragés par un Luffy aux anges dans le rôle de l'arbitre.) Ils plaignirent le pauvre commandant de toutes leurs forces.
Robin sourit à Tashigi.
Il existe une espèce de gens contre laquelle il est aussi utile de résister que d'espérer voir Luffy partager un petit pain chaud à la viande.
Le sang avait violemment giclé. Il s'étalait sur les murs de la cuisine en grandes arabesques écarlates. Sur le sol traînaient çà et là des morceaux d'os et d'animaux morts, qui donnaient à la pièce une ambiance toute particulière. Les carcasses de chevaux, entassés derrière la table, ajoutaient une petite touche encore plus personnelle.
Tashigi se sentait étrangement mal à l'aise.
Lorsque Robin lui avait exposé les faits, elle avait dit d'accord. L'équipage goûte le dîner préparé par Chani, et après la petite rentre avec elle. (Et éventuellement elle convainc Smocker d'attaquer avant que les pirates n'aient mis les voiles.) Chani, après quelques mines boudeuses, suppliantes, colériques, et autres hurlements perçants, avait fini par accepter aussi le marché, avec l'inébranlable promesse qu'elle reverrait l'escrimeur très bientôt. (Tashigi espérait que ce serait dans le parloir d'un cachot.)
Non, le lieutenant ne se sentait pas dans son assiette. N'était-ce qu'à cause de la petite tête grisâtre qui dépassait du T-shirt de Chani. Et qui dardait deux yeux incandescents dans sa direction.
La navigatrice lui avait expliqué que c'était l'animal de compagnie de la fillette. L'air de souffrance profonde qui accompagnait ses paroles lui avait donné à réfléchir.
Sept petits ramequins patientaient sur la table. Ils débordaient d'une sorte de substance bleuâtre, où surnageaient de grosses bulles visqueuses et rouges. Robin en saisit un avec curiosité et l'observa, satisfaite. Chani avait donc fait bon usage de sa nouvelle lampe de chevet.
Le liquide présentait une opacité vaguement transparente. En plissant les yeux, on pouvait distinguer une masse grise et informe qui en effleurait la surface.
Chani intervint en donnant une petite tape au mollet de la jeune femme.
« Z'est le dézert. Pas tousser. »
Robin obéit. Il était de toute façon beaucoup plus intéressant d'observer l'escrimeur aux prises avec la touchante attention de la fillette.
Zorro fixait son assiette avec une intensité anxieuse, un peu comme s'il faisait face à une bombe à retardement. Chani se rapprocha et lui tendit une fourchette, un sourire plein d'espoir aux lèvres.
« Manze ! »
C'était noir. Rocailleux. Ça s'effritait par endroits. On aurait dit du concentré de carbone. Qui émergeait d'un liquide vert et savonneux. Où flottaient aussi par endroits de minces lamelles vaguement élastiques, d'un jaune tirant sur le gris.
Zorro frissonna.
« T'as… utilisé… quoi, comme ingrédients ? »
(Sandy, blafard, prostré sur un tabouret, esquissa un vague geste de désespoir à la question du sabreur, avant de se boucher les oreilles. Il ne voulait pas entendre ce que la fillette allait répondre.)
Chani resta silencieuse quelques secondes.
« … Z'est quoi, des ingrédients ? »
« … »
« Ze plaizante. Ze doit pas le dire. Za gasserait la zurprise. »
« … »
« Manze ! Z'ai fait tout za pour toi ! Pour te remerzier ! Parze que t'es zentil ! »
L'injonction de l'enfant s'était faite suppliante. Ses jolis yeux bleus, rivés sur l'escrimeur, commençaient à se mouiller de larmes d'appréhension. Il émanait d'elle la sensation d'une tristesse infinie, fragile, celle du bambin qui se voit incapable de réussir à faire plaisir à la personne qu'il aime par-dessus tout, malgré ses efforts incessants.
Quoiqu'on puisse en dire, Chani avait raison : Zorro n'était pas quelqu'un de méchant.
Non, vraiment pas.
Malheureusement pour lui.
Bien entendu, il fallut un certain temps au reste de l'équipage pour réaliser la générosité de Chani.
Il y avait bel et bien sept ramequins de gelée à la menthe sur la table.
Les seuls à échapper au carnage furent : Pipo, qui loua avec ferveur son habilité à mimer l'évanouissement ; Robin, qui prétexta une allergie à la gélatine – retirant par la même occasion cette porte de sortie aux autres pirates ; Chopper, qui avait obstinément refusé de remettre les pattes dans la cuisine et se terrait dans l'infirmerie ; et Tashigi, parce que Chani ne l'aimait pas.
Sandy, Nami et Luffy se retrouvèrent contraint d'accompagner Zorro dans son supplice – Zorro auquel ils trouvaient déjà un teint bizarrement assorti à ses cheveux. Nami porta la cuillère à ses lèvres avec le regret profond de n'avoir pas eu le temps d'écrire son testament. Sandy partagea à peu près les mêmes pensées, mais avec en plus la sensation désagréable de trahir son honneur de cuisinier.
Quant à Luffy, il engouffra avec appétit les ramequins délaissés par leurs propriétaires, en plus du sien.
Chani était introuvable.
Evidemment.
Il avait été stupide de croire qu'elle accepterait de quitter sa nouvelle famille sans rien d'autre que quelques crises de larmes.
Tashigi parcourait donc le pont d'un pas cadencé par la contrariété autant que par l'inquiétude (Chani avait forcément envie de revoir son papa ; c'était donc Roronoa qui la séquestrait quelque part sur le bateau. Même alité avec un teint proche du concombre trop mur, cet homme était capable des pires félonies.) depuis déjà une bonne demi-heure lorsque Robin lui fit signe depuis l'entrée du couloir qui menait aux chambres.
Chani se cachait sous le bureau de la navigatrice (actuellement dans l'infirmerie, en train d'essayer d'empêcher ses organes vitaux de la quitter définitivement). Son petit corps fragile et prostré, visage enfoui au creux de ses bras, était secoué de sanglots. Scouic frottait son museau contre ses cheveux dans un geste d'apaisement.
Tashigi se sentit presque coupable de devoir ramener la petite.
L'aventure se termina plutôt bien.
Le navire de Smocker sortit de sa cachette après force gesticulations du lieutenant Tashigi (dans une barque avec Chani sur les genoux) ; Smocker avait bien commencé à l'ignorer royalement, mais, ses hommes le regardant de travers, s'était résigné à donner l'ordre d'aller la chercher – tout en réfléchissant à un prétexte pour la rétrograder.
Depuis le pont du navire militaire, Chani fit au revoir à l'équipage, les joues dégoulinantes de larmes ; plus particulièrement à Zorro, que Robin obligeait négligemment à se tenir debout (quatre ou cinq de ses mains le soutenant dans le dos). Le jeune homme répondit mollement au geste de la main du bout de chou. Son esprit se trouvait à ce moment dans un monde à part et un peu effrayant.
Après quelques minutes de déprime, la fillette fut finalement plutôt contente de retrouver son Papa, qui (ayant vérifié qu'elle ne cachait pas d'armes dans son dos et ne présentait pas d'autres signes de dégradation du comportement) la serra bien fort dans ses bras.
(L'instant d'après, elle lui présentait Scouic.)
Grâce aux trois rescapés (ou du moins à Robin, l'aide de Pipo restant à démontrer, Chopper étant trop occupé dans l'infirmerie, et Luffy – oui, Luffy, tout le monde connaît les capacités de son estomac – boudant parce qu'il aurait bien aimé une petite bagarre pour favoriser la digestion) le Vogue-Merry put quitter la crique avant que Smocker n'ait réussi à se remettre de la surprise de sa fille. (Tashigi bouda de n'avoir pas pris conscience que Roronoa lui échappait, occupée qu'elle était à essayer d'empêcher Scouic de manger le nez de son supérieur.)
La cuisine, récurée de fond en comble par Pipo, retrouva sa beauté d'antan.
Smocker et ses hommes furent incapable d'expliquer de manière cohérente la disparition des chevaux, ce qui leur valu un blâme et l'impossibilité pour Smocker de licencier Tashigi.
Scouic s'accommoda très bien de son nouvel environnement.
Quant à Nami, Sandy et Zorro, ils se remirent finalement assez vite de leur intoxication alimentaire : trois mois plus tard, leurs violentes nausées ne les prenaient plus qu'une nuit sur deux. (Robin, la seule à avoir assisté aux préparations de Chani, put alors constater à quel point Chopper était un médecin exceptionnel.)
Et, comme dit précédemment, tout fut bien qui finit bien.
10 ans plus tard…
L'équipage de Chapeau de Paille avait sillonné les mers durant de longues années.
De nombreux combats, de dangereux périples, de terrifiantes rencontres ont été pendant longtemps et sont encore leur lot quotidien.
Ils avaient traversé All Blue.
Nami avait dressé la carte du monde la plus détaillée jamais réalisée.
Robin s'était plongée dans l'Histoire de l'humanité avec passion.
Pipo était devenu l'un des hommes les plus courageux que cette Terre ait jamais porté. (A ses dires.)
Chopper était devenu le médecin le plus compétent qu'on puisse trouver. (Aux dires de tout le monde.)
Et, un beau jour, ils avaient trouvé le One Piece.
Luffy était devenu le Roi des Pirates.
Quant à Zorro, s'il y avait un homme que le plus solide et indomptable de tous les mercenaires de la planète aurait refusé de combattre, c'était bien lui. Après tout, il avait désarmé et presque mortellement blessé Mihawk, l'homme aux yeux de faucon, l'escrimeur le plus doué du monde, le sabreur qu'on disait imbattable... Sa réputation le précédait partout où il allait, et il était désormais obligé de cacher son identité s'il avait envie de se battre contre quelqu'un. (La fuite d'un ennemi est quelque chose de très flatteur mais qui peut s'avérer lassant à la longue.)
Dans une toute petite ville côtière…
Zorro gratifia le dernier combattant d'un sourire beaucoup trop large pour être honnête. L'homme, encerclé par les corps étendus de ses compagnons, tremblait déjà de tout ses membres lorsque le sabreur porta les mains à son front pour défaire son bandana noir, libérant des cheveux qui vinrent lui tomber sur les épaules.
Des cheveux verts.
L'homme poussa un cri étranglé et se jeta en arrière, dévalant la rue mi-courant mi-rampant à quatre pattes.
… Plus les années passaient, et plus Zorro était satisfait de la couleur de ses cheveux – quoi qu'en dise l'autre abruti de cuistot. Il est toujours bon d'avoir un signe distinctif lorsqu'on acquiert la célébrité. Ça facilite les choses, parfois. Il était même allé jusqu'à les faire pousser. (Ce dont il était doublement satisfait depuis que Sandy cherchait désespérément et sans succès un aliment doté de longs filaments verts auquel il pourrait le comparer.)
Il soupira de bien-être et leva la tête vers le ciel bleu et clair, fermant les yeux, appréciant la sensation brûlante du soleil sur sa peau et s'étirant avec volupté. Ce que la vie pouvait être agréable.
Lorsqu'il rouvrit les paupières, ce fut pour remarquer une fragile silhouette blonde debout au coin de la rue. Il se souvint vaguement qu'elle avait assisté au combat.
Il l'observa trottiner avec souplesse dans sa direction, un peu étonné qu'elle ne soit pas plus effrayée que cela.
C'était une jeune fille. Frêle, voire maigre, d'une quinzaine d'années. Aux cheveux blonds et courts, qui lui poussaient sur le crâne comme une jolie petite botte de paille. Ses yeux, très (trop ?) grands, étaient d'un bleu rivalisant de pureté avec celui du ciel. La peau pâle. Le visage sérieux, concentré sur d'impénétrables pensées. Elle portait un pantalon de velours richement brodé et une petite veste de satin rose ; à son bras pendait un sac de cuir qui semblait contenir quelque chose de relativement lourd.
Elle fixait l'escrimeur en silence.
Incompréhensiblement, Zorro sentit un frisson lui transpercer l'échine.
Frisson qui fit place à une panique profonde lorsqu'un gigantesque sourire de bonheur illumina la figure de l'adolescente et qu'elle s'écria, dotée de l'éternel zézaiement dont elle n'avait pu se défaire :
« Le zentil monsieur ! Ze t'ai enfin retrouvé ! »
La tête grise et immuablement malsaine de Scouic émergea du sac et fixa Zorro de ses yeux de braise.
… Et alors, l'homme le plus fort du monde, l'escrimeur inégalable, l'un des pirates les plus recherchés de l'univers, poussa, sous les yeux des curieux qui, aux fenêtres, avaient assisté à la bataille, un long et profond hurlement de terreur pure, et fit volte-face, courant de toute la force de ses jambes dans la direction du port.
Dans son dos, Chani frappa des mains, radieuse. Elle prit le temps de gratouiller Scouic derrière ce qui lui restait d'oreilles, et emboîta le pas du Zentil Monsieur en sautillant, un merveilleux sourire aux lèvres.
OoOoO
Fin
oOoOo
(Zorro avec les cheveux longs...)
°bave°
n.n
