Réponse aux reviews :
Mû – Chevalier d'or du Bélier : Ben voui je suis méchante je sais mais c'est tellement bon de els torturer tous les deux lol Et pis le Lulu, je l'aime bien, je le garde pour moi lol Pas encore accro ? (musique de l'oeil du Tigre de Rocky) Faut que ça change ça, il faut que je te convertisse, ça va pas aller ça lol
Lilirara : Tous les chapitres... Arf faudra déjà que je els écrive lol Mon challenge : finir la fic (les 2 chapitres manquants (sans compter les parties les composants)) avant le 17 juillet, date où je pars en vacance 1 mois sans ordi... La prochaine fois, ne te couche pas trop tard, je culpabilise là :'(
Gabrielle : Voui c'est pas sérieux, écrire du stage ! Rahlala, mais où va notre bonne jeunesse ma pauvre dame, hein ? lol Je préviens, je ne paye pas de stage de désintoxication de fic :D Un yaoi entre Aphro et DM, ben je t'avais que c'était la seconde idée que j'avais eu, en réfléchissant au scénario (après avoir pensé d'aboir à du Sion-Mû mais la fic avait rien à voir) et je me suis dit : "tiens, ça serait marrant si je les..." ... Pour la suite, motus et bouche cousue :D Merci en tout cas pour ta review et pour ton gentil mot sur mes dessins, ils ont des défauts mais bon... Te serre pas trop à Aphro hein ! J'en ai encore besoin pour la fic !
Genre : Drame psychologique, death-fic, biographie ( ou connerie suprême gagatisante, c'est au choix ), angst, un peu de yaoi. Un genre de conte cruel.
Persos : Les Bisounours lol :D
Précaution : Violence psychologique, physique ( sur enfant entre autre ), verbale peut-être ? Mais pas de quoi se relever la nuit…
Disclaimer : Malgré mes incessantes prières et autres rituels vaudous, tous les persos et l'univers de cette fanfic issus de StS appartiennent encore à Masami Kurumada, je n'ai donc aucun droit dessus. Pour les quelques créations qui se perdront dans cette histoire, elles sont tatouées et fichées chez Isatis, donc merci de ne pas les ré-employer sans accord ( surtout Lucas, mon petit Lulu, il est sacré, bas les pattes hein ? ).
Notes : Allergiques aux scènes de violences diverses (meurtre, torture mentale ect), je vous conseille de bien vous accrocher à votre chaise et votre peace-maker. Rien de vraiment explicite, mais le sous-entendu est quelque fois bien plus pervers dans ses effets :D (auteure sadique aux anges) J'ai moi-même chialé en écrivant la fin du chapitre (mais faut dire que je susi hyper sensible alors forcément...)
UN OISEAU BLEU
Chapitre 3 : L'Empyrée Noir
Partie 3 : Die Rache
(le Déclin)
Saga respira, satisfait, et embrassa du regard le Domaine Sacré qui s'étendait au pied de son palais. Le temps filait à une telle vitesse. Déjà 4 années avaient passé. Il lui semblait que c'était la veille qu'il avait pris le pouvoir. C'était bon. A présent, il avait bien assis son autorité et surtout, ses quatre assassins étaient tout à fait opérationnels. Le dernier arrivant, Milo du Scorpion, prenait son rôle très au sérieux. Il ressemblait à Shura dans son dévouement. Il était si fier d'œuvrer pour la sauvegarde et la gloire d'Athéna, si impitoyable avec ses ennemis, qu'il s'était attiré des compliments du Capricorne, ce qui était plutôt rare. Au début, il avait craint que son amitié avec le Verseau le gêne et le freine, mais il avait été agréablement surpris de constater que Camus ne cherchait pas à inculquer une moralité au petit Grec. Il le laissait faire ce qu'il voulait sans s'en soucier outre mesure. Si tout pouvait être aussi simple… Le Français était un autre petit souci à lui seul.
C'était un remarquable espion malgré son jeune âge, mais il avait un peu trop tendance à faire du zèle et à exercer ses talents au Sanctuaire. Saga n'était pas idiot : s'il pouvait l'informer des comportements suspects de gardes ou chevaliers, il ne faisait nul doute que Camus surveillait aussi son comportement à lui. Mais, toujours drapé dans son indifférence glaciale, on n'arrivait pas à savoir le fond de ses pensées. Le Pope le traitait avec un peu plus de faveurs que les autres Saints et le rouquin semblait s'en contenter. Peut-être lui confierait-il des apprentis s'il le souhaitait, Camus était un bon professeur quand il le voulait.
Le Pope s'en retourna dans son bureau. Il avait aussi pu régler plusieurs autres problèmes qui le tracassaient. Tout d'abord, il y avait eu ce Japonais qui avait pris contact avec Guilty et d'autres Saints. Ses espions avaient finalement retrouvé sa trace. Mitsumasa Kido, un homme d'affaires avec une fortune assez considérable. En plus de ses activités dans la haute technologie, il avait fondé la Fondation Graad, qui gérait entre autres un vaste orphelinat au Japon. L'endroit était surprotégé d'ailleurs. Le Pope avait envoyé quelques émissaires en apprendre plus sur les raisons de son intérêt aux chevaliers. Apparemment, ce brave touriste avait assisté par hasard à la poursuite d'Aioros par Shura 6 ans plus tôt, et grâce à sa fortune, avait pu en apprendre plus sur les Saints. Le secret était bien gardé, mais non hermétique malheureusement. Néanmoins, ce Kido n'avait pas l'air de vouloir divulguer ce qu'il savait, il tenait simplement à ce que les enfants dont il avait la charge puissent suivre un entraînement auprès des Saints. Si cet homme voulait tant que ces gamins meurent… Le Pope réfléchissait encore à la proposition. Cet homme ne lui inspirait pas confiance, mais il n'avait rien pu apprendre de suspect sur son compte, ni découvrir quoi que ce soit de vraiment gênant. Il avait peu de famille, sa fille étant morte dans un accident quelques années plus tôt. Il avait naturellement recueilli sa petite-fille, une certaine Saori. Saga était songeur. Après tout, peut-être que dans le lot des gamins de la Fondation Graad, certains avaient un cosmos éveillé ou un potentiel intéressant… Il plaça le dossier étiqueté "Kido" dans son casier "réponse positive". Il reviendrait dessus plus tard pour vérifier les détails et veiller à ce que le Japonais n'oublie pas qu'il serait un vassal du Sanctuaire, et non l'inverse.
L'autre souci qui avait trouvé une conclusion satisfaisante était Mû. Finalement, le gosse avait changé de cachette en se sachant repéré, et avait trouvé refuge sur son ancien lieu d'entraînement, Jamir, au Tibet. Ses pouvoirs mentaux lui étaient presque totalement revenus, mais il ne semblait pas hostile pour autant au Sanctuaire. Il refusait toutefois de revenir au Domaine Sacré, ainsi que de rendre son armure pour qu'elle soit en sécurité au Palais. En échange, il ne faisait pas de difficultés et acceptait de réparer les armures qui en avaient besoin, si leurs possesseurs parvenaient jusqu'à lui. Si ça l'amusait, soit, il en serait ainsi. Au moins, en restant au fin fond du monde, il n'aurait pas l'occasion d'être trop bavard. Le Pope avait fait lever la surveillance sur le Bélier quelques jours plus tôt, mais il le garderait à l'œil encore un certain temps, pour éprouver sa bonne foi.
Maintenant, restaient les problèmes de chevaliers rebelles… Daidalos et son frère sur l'Île d'Andromède, l'intenable Guilty à l'Île de Death Queen, la belle Geist et sa bande d'enragés, ainsi que quelques autres étaient rebelles au joug du Sanctuaire. Ils ployaient l'échine sans tenir leurs langues et souvent, lui faisaient front. Heureusement, ils avaient trop d'orgueil mal placé pour avoir l'idée de se liguer, et assez de jugeote pour ne pas risquer une guerre perdue d'avance à l'attaquant. Saga les laissait faire pour le moment. Au moins, ils le distrayaient de son ennui. Lorsqu'ils l'agaceraient vraiment, il déclencherait une offensive qui en calmerait certains. A présent, il avait 4 beaux pantins dévoués à la mort sous la main, cela encourageait les rebelles à la prudence.
Chacun avait finalement développé des qualités propres, au-delà de ses espérances.
DM du Cancer, la force pure, un taureau que rien n'arrêtait. Il avait pris l'habitude de récupérer la tête de ses victimes pour en décorer son Temple. La première qu'il avait ramenée, avait été celle de Cortez, après que la police d'Asgard ait identifié le cadavre formellement. Il aimait beaucoup la peur que ça engendrait chez les autres Saints et apprentis.
Shura du Capricorne optait toujours pour des attaques techniques et précises, il ne faisait rien au hasard ni en vain, et se plaisait à éviter de faire d'autres victimes que celles qu'on lui désignait. Malgré son air peu affable, il avait un grand respect de ses adversaires, surtout quand ceux-ci luttaient avec l'énergie du désespoir. Il s'était mis en tête d'apprendre la sculpture. Cela avait surpris Saga mais après tout, les Saints d'Or avaient le droit de décorer leurs Temples comme ils l'entendaient depuis qu'il leur avait redonné un peu plus de liberté.
Aphrodite des Poissons… Comme il s'y attendait, le Suédois répugnait les contacts physiques et avait assis ses attaques sur ses roses, mais il cultivait également une curiosité certaine pour les poisons. Il s'était aménagé une sorte de petit laboratoire dans son Temple, où il distillait et fabriquait une quantité honorable de poisons. Il ne s'en était jamais encore servi, mais peut-être qu'un jour, il y aurait recours. Ses duos avec DM l'avaient rendu plus sûr de lui, comme l'avait espéré le Pope, voire même un peu orgueilleux. Le pauvre Shaka était dépassé par son comportement. Il avait été bien avisé de refuser les demandes de retour au Sanctuaire de Lucas. Le Poissons avait presque atteint sa maturité de tueur.
Milo du Scorpion, quant à lui, était un véritable épervier, qui adorait la mise en scène. Il était devenu très vite aussi efficace que les trois autres malgré son âge, et son attaque empoisonnée, l'Aiguille Ecarlate, l'amenait à parfois discuter avec un Aphrodite peu enthousiaste. Dommage que le Scorpion soit trop fier pour tolérer de faire équipe avec quelqu'un dans une mission. De l'équipe des assassins, c'était malgré tout le plus sociable et le plus ouvert, peut-être le plus apprécié aussi du reste de la Chevalerie. Il était agréable et d'un naturel joyeux. Saga avait dû souvent le rappeler à l'ordre après quelques débordements sans trop de gravité. Il valait mieux lui garder une bride autour du cou. Camus lui-même l'avait conseillé, sachant l'impulsivité du petit Grec.
Saga soupira en posant les yeux sur la lettre qui venait de lui parvenir. Un chevalier rebelle menaçait apparemment de divulguer la vérité sur le Sanctuaire et le Pope à des civils, s'il ne démissionnait pas. Pour qui se prenait cet avorton ! Un certain Raphaël, dont n'avait jamais entendu parler Saga ; il ignorait même quelle armure il avait. Il prenait des renseignements sur lui à l'heure qu'il était, via ses fidèles espions. Il était au Sanctuaire depuis un certain temps, et le Pope n'avait pas encore pu mettre la main sur son dossier. Aucun doute que ce Saint soit dévoué à Athéna cependant. Il aurait mieux fait de l'être en silence. La seule chose qu'il savait sur lui, mais qui demandait confirmation, était que ce Raphaël était connu pour être incapable de frapper une femme, fusse-t-elle une femme-chevalier aussi belle que redoutable. Ça pouvait lui servir. Il n'avait pas envie de perdre du temps avec ce problème mineur.
(…) Ils triomphent, en voyant leurs rites fous si tant réputés…
–Que ce Mosmos ne t'importune, dit Isis, pour ce que le destin
a ordonné de vicissitude des ténèbres et de la lumière.
Mais le Mal est (…) qu'ils tiennent pour certain d'être dans la lumière.
Giodano Bruno - Spaccio della bestia trionfante
Il aimait la mer. Ses mouvements lents, calmes, jamais pareils. Et surtout, sa solitude. Même si le Sanctuaire était doté d'une large côte et de plages paradisiaques bordées d'oliviers, bien peu de monde venait s'y égarer. Peu lui importait pourquoi après tout, il avait l'illusion que cet endroit était tout à lui. Un refuge. Il s'arrêta juste au bord de l'eau, laissant l'embrun caresser son visage. Comme c'était agréable. Le soleil n'était pas encore très haut dans le ciel et la température se faisait douce. On n'entendait rien à part les vagues et les mouettes. Il aurait pu rester ici des heures. Il ouvrit les yeux en se rendant compte qu'il y avait un autre son. Un murmure. Il chercha du regard d'où il pouvait venir et trouva assez rapidement. Son compagnon était aussi matinal que lui apparemment. Il le rejoignit en veillant à rester silencieux ; il ne voulait pas le déranger, juste entendre mieux le son de la petite voix, si cristalline et apaisante. Simplement pour sentir sa présence.
La voix de l'Hindou se suspendit quand il sentit le Poissons s'approcher. Le Suédois s'assit sur le sable à côté de lui, sans un mot. Shaka ignorait pourquoi, mais Aphrodite venait souvent le rejoindre quand il méditait à l'extérieur et que leurs routes se croisaient. Il s'asseyait et restait avec lui un petit moment avant de repartir. Difficile de dire ce qui l'attirait mais après tout, voulait-il vraiment le savoir ? Il sourit doucement en reprenant sa méditation, psalmodiant encore et encore ces chants qui les apaisaient tous les deux.
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– Je suis contente de te voir, ça faisait un bail.
– On ne fait pas toujours ce qu'on veut, tu le sais.
– Maître Lucas, on peut s'éloigner avec Argol ?
Cassiopée jeta un regard à Estia, qui haussa doucement les épaules en signe d'assentiment. Les deux enfants les remercièrent et allèrent jouer un peu plus loin, laissant les adultes entre eux.
– Au moins quelques minutes, laissons-les être des enfants, souffla la rouquine.
Lucas acquiesça.
– Le Pope t'a fait des difficultés pour te laisser rentrer alors ? C'est ce que tu avais l'air de dire…
– Il désire que Misty ne lui soit présenté que lorsqu'il s'approchera de son plein potentiel… Ce qui a pris 4 ans, son cosmos n'était que très peu éveillé, et lui, intéressé… Ton apprenti semble plus concerné.
– Argol est un petit amour, il se débrouille bien c'est vrai. Allez, entre, boire quelque chose ne nous fera pas du mal, proposa-t-elle en ouvrant la porte de sa modeste maisonnette. Les petits ne risquent rien ici.
– Tu es maîtresse de mes actes, ma chère, sourit-il.
Deux femmes-chevaliers qui passaient à ce moment-là regardèrent leur comparse avant de détourner la tête avec mépris. Estia ne s'en formalisa pas et suivit Cassiopée.
– Tu n'as toujours pas la côte avec elles, n'est-ce pas ? remarqua le Suédois qui avait vu la scène.
– Ah, que veux-tu, soupira-t-elle avec un faux ennui. Je passe du temps avec des chevaliers hommes, je ne réside pas au camp des femmes, et pire que tout, j'invite un bel éphèbe chez moi, il y a de quoi alimenter les cancans. Elles peuvent bien être venimeuses, ça ne me fera pas changer d'un iota. J'aime bien ma vie comme elle est, expliqua la jeune femme en posant deux verres sur la table de son petit salon.
Lucas avait toujours connu Estia ainsi. Ils avaient presque grandi ensemble. Lorsqu'on l'avait amené au Sanctuaire, la petite fille qu'elle était alors vivait déjà depuis longtemps au Domaine Sacré. Elle avait un certain traitement de faveur, puisqu'elle n'avait jamais été au camp des femmes, la partie du Sanctuaire réservée aux femmes-chevaliers. Un endroit interdit aux hommes pour leur propre sécurité, où elles avaient leurs baraquements, leurs sanitaires et même un réfectoire et des arènes propres. Elles devaient peu servir étant donné que beaucoup d'entre elles préféraient s'entraîner dans celles au pied du Sanctuaire, au contact des autres chevaliers. Un moyen pour elles de défier plus aisément ceux qui les considéraient comme des faibles, et qu'elles n'avaient généralement aucun mal à corriger. Mais Estia, elle, n'avait toujours vécu que dans cette maisonnette, avec son père, le précédent Chevalier du Cocher. Et par conséquent, elle n'appréciait guère la frontière virtuelle entre les deux sexes de chevaliers, se plaisant à allègrement l'outrepasser quand l'envie lui en prenait.
Son père l'avait enseignée et protégée, car la situation ne plaisait pas à tout le monde. Mais à sa mort, Estia avait très bien su se défendre seule de certains apprentis ou chevaliers qui lui cherchaient des ennuis. Lucas sourit. Elle avait toujours été un vrai garçon manqué. D'ailleurs, leur première rencontre avait été une bagarre, dans les arènes. Il n'avait pas aimé qu'elle le compare à un fantôme à cause de ses cheveux, blancs comme neige à l'époque, et lui, l'avait traitée de sorcière aux cheveux rouges. Des insultes d'enfants qui avaient finalement conduit à une explication aux poings et une prompte séparation par leurs maîtres respectifs. Et petit à petit, ils étaient devenus amis. Certains même leur prêtaient une liaison.
– Lucas, tu es avec moi ? appela Estia en posant une bouteille de glögg(1) sur la table, ainsi qu'une seconde de limonade. Je te préviens, interdiction de penser à une femme en ma présence, Roméo.
– Alors je penserai à un homme, sourit-il.
– Accordé, mais c'est bien parce que c'est toi.
Elle lui tendit son verre, prit le sien mêlé de limonade et s'installa à côté de lui sur le sofa. Il y eut un petit silence. Quatre années à ne pas se voir, et rien à se dire vraiment. Le jeune homme détournait les yeux quand sa compagne soulevait légèrement son masque pour boire une gorgée. C'était un réflexe. Pourtant, l'envie ne manquait pas de jeter un œil sur le visage qui pouvait accompagner la jolie silhouette de la guerrière. Il se résignait à n'en rien faire. Il savait la signification profonde qu'aurait ce geste, et il la respectait trop pour lui faire un tel affront.
– Tu vas rester longtemps ? demanda la jeune femme pour casser le silence.
– Oui. Le Pope veut voir les progrès accomplis par Misty, et s'ils sont suffisants, peut-être passera-t-il l'épreuve.
– Tu auras le temps de voir ton protégé alors. Tu vas voir, il a bien changé.
– C'est ce qu'on m'a dit… malheureusement.
– Lucas… Tu ne peux pas empêcher le Pope d'utiliser son potentiel.
– J'aimerais pourtant. J'aimerais…
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Aphrodite écouta le Pope lui exposer les raisons de sa présence. Quand il était revenu à son Temple, en fin d'après-midi, il avait eu la surprise - désagréable - de trouver un messager sur le pas de sa porte. On le demandait au palais. Encore une mission, pas de doute. Aphrodite aimait bien ces voyages finalement, cela lui permettait de quitter un temps les barreaux du Sanctuaire et de ressentir encore et encore cette impulsion, cette force qu'il possédait et qui terrifiait nombre de ses cibles dès qu'elles apercevaient son armure. Il s'était aperçu aussi que plus il semblait sûr de lui, plus, proportionnellement, la peur de ses ennemis augmentait. Alors, il avait pris modèle sur le Cancer, s'inspirant de ses attitudes pour parfaire la sienne. Ce n'était pas difficile, et cela renforçait encore la chaleur de son cœur lors des traques. Il avait toujours un peu de mal à achever les missions en revanche. Toujours un pincement au cœur quand il tuait, une sorte de froid bref mais pénétrant. Peut-être le Pope avait-il ressenti cette chose qui le retenait dans ses rapports, car il lui préférait DM ou Shura. Milo et lui n'étaient en fait envoyés en mission qu'assez rarement par rapport à ces deux-là, et on leur réservait celles qui nécessitaient une vitesse ou une habilité particulière. Le Pope était très intéressé par leur goût des poisons.
Aphrodite savait depuis longtemps extraire le poison de ses roses, mais il cherchait depuis quelques temps à agrandir sa collection et à créer ses propres poisons, une manière de tester ses capacités. Les résultats n'étaient pas encore à la hauteur de ses espérances, malgré l'aide occasionnelle de Milo. Ce gamin avait déjà une bonne connaissance de ces substances franchement peu catholiques, peut-être une conséquence de sa fréquentation de Camus le Verseau. Aphrodite ne l'aimait pas trop celui-là. Il avait les oreilles qui traînaient trop à son goût.
– …Aussi Chevalier des Poissons, il est urgent de réduire à néant cette menace pour le Sanctuaire. Ce Chevalier de Bronze risque de mettre en danger toute la chevalerie, ainsi que ses apprentis, si nous le laissons faire.
Aphrodite tiqua. Il n'avait guère l'habitude de critiquer les ordres reçus, mais tout de même, là, quelque chose le dérangeait.
– Un… bronze, Grand Pope ?
– Cela te dérangerait-il ?
– … Pourquoi un Saint d'Or devrait-il s'abaisser à combattre un simple Chevalier de Bronze ?
Saga sourit sous son masque. L'un des défauts de DM, était qu'il avait un très grand orgueil ; l'une de ses qualités, c'était que cet orgueil était contagieux. Et il avait été très attentif à la manière dont le Poissons avait évolué, ces quatre dernières années : il avait eu une nette tendance à calquer le Cancer pour dépasser ses propres appréhensions. De toute façon, les Saints d'Or avaient tous une assez grande tendance à se démarquer du commun de la chevalerie. Les deux partis se méprisaient assez ouvertement.
– Il ne faut pas sous-estimer ces adversaires, et Raphaël de l'Eridan avait été d'abord pressenti pour revêtir une armure d'argent.
– Il n'en reste pas moins un Chevalier de Bronze. Pardonnez-moi, mais vous m'avez souvent dit que vous donniez des missions à la hauteur du chevalier… Je me sens… un peu déconsidéré.
Oui c'est ça, exprime-toi… pensa Saga.
– Ce n'était pas mon attention. Je connais ta valeur et espérais que tu règlerais cette affaire vite. Tu la refuses, si je comprends bien ?
– Si vous y tenez, je l'accomplirai, Grand Pope, mais un Chevalier d'Argent, ou même un garde suffirait amplement.
Un sourire se dessina sur les lèvres masquées du Pope. Oui, viens dans ma toile. Viens t'y engluer.
– Un Chevalier d'Argent, dis-tu ?… Au vu de tes états de service, je veux bien, exceptionnellement, suivre ton conseil, Aphrodite des Poissons. Mais si ton suppléent échoue, tu en porteras la responsabilité, tu le comprends bien.
– Tout à fait, Altesse. Je suis sûr qu'un chevalier de basse condition ne fait pas le poids contre un Saint de cette catégorie.
– Je l'espère pour toi. Penses-tu à quelqu'un en particulier ?
– Non.
– Bien. Je n'aurai aucun mal à trouver un remplaçant. Tu peux te retirer.
Le Poissons le salua et quitta, laissant Saga jubiler. L'orgueil était vraiment le plus gros des défauts, aveuglant celui qui en souffre sans même que celui-ci ne s'en rende compte. Il avait été bien inspiré tout de même, de réunir toutes les pièces au même endroit, au bon moment. L'orgueil était une bonne chose, tant que lui, en contrôlait le niveau. Le Poissons devait rester sous son contrôle tout en cassant pour de bon ses limites. Saga tira de l'une des poches de sa soutane une lettre dont il effleura le contenu du bout du masque. Heureusement que tout courrier passe par moi. On va bien s'amuser… Un sourire sadique alors que le chef de ses gardes revenait dans la salle d'audiences, attendant un ordre éventuel.
Non… Non je t'en empêcherai
Allons, Saga, n'as-tu pas confiance ?
…
– Trouvez-moi Lucas de Cassiopée, ordonna le Pope en rangeant la lettre.
Il s'arrêta à l'entrée du Temple des Poissons. Il aurait très bien pu faire un détour, mais il désirait voir Aphrodite, qui n'avait pas daigné montrer son visage depuis qu'il était revenu. Certes, cela datait de la veille, mais tout de même… Cassiopée avait vu Shaka, qui lui avait dit qu'il préviendrait le Poissons s'il le voyait. Il s'attendait assez à une réaction de ce type après son départ pour l'entraînement de Misty, mais l'étendue de la gueule du jeune Suédois l'étonnait quand même. Lucas envoya son cosmos dans le Temple, sollicitant ainsi l'accord d'entrer, ce que le cosmos du maître des lieux permit.
L'endroit était devenu richement décoré de plantes. Beaucoup de rosiers, mais également des plantes vertes plus banales et même un superbe arbuste à fleurs exotique, que Lucas soupçonna d'être un cadeau de Shaka au retour de l'un de ses voyages en Inde. Comme le cosmos d'Aphrodite ne s'y opposait pas, le Chevalier d'Argent gagna les parties privées, pour voir enfin le Saint qui n'avait manifestement pas l'envie de faire le premier pas.
Il attendait dans le patio, superbe comme un jardin antique, et digne d'une roseraie à part entière. Des dizaines de rosiers sanglants, allant du bordeaux sombre au carmin, y prospéraient, entrecoupés de quelques orchidées délicates en pots. Aphrodite avait fait abattre quelques pans de murs pour faire entrer davantage de lumière, et disposer ses appartements de manière à ce que ce jardin miniature soit le cœur et le passage obligé de son petit monde. Les fenêtres aménagées par le Chevalier des Poissons donnaient sur l'arrière du Temple. Il y avait prolongé ses plantations, entourées de plates-bandes de pelouse soigneusement entretenues. C'était magnifique à voir, et en même temps, terriblement improbable. Tout autour de cet Eden miniature s'étendait la rocaille sèche du Sanctuaire, écrasée par le soleil de Grèce. Nul doute que sans le cosmos si particulier de cet enfant, rien de tout ceci n'aurait pu exister… Et au milieu de ces fleurs, cette silhouette immobile qui lui tournait le dos, semblant être absorbée par la contemplation de la fontaine centrale du patio.
Les cheveux du Suédois avaient bien poussé et lui caressaient presque le bas du dos. Toujours aussi lumineux, bien qu'un peu plus foncés, toujours aussi soyeux, légèrement ondulés, entourant un corps qui ne semblait pas s'être épaissi. Il avait en revanche grandi, même s'il avait pris un certain retard face à d'autres chevaliers.
– Aphrodite, je suis content de te voir. Tu es difficile à trouver…
Lucas nota le mouvement des épaules de l'adolescent qui pouvait traduire une sorte de soupir, puis il le vit se tourner presque à contre-cœur. Il fut saisi par cette vision. La même pâleur, les mêmes yeux si grands et si bleus, la même finesse de traits et de corps… mais une beauté sans équivalent. Presque féminine. Presque semblable à… Lucas ferma les yeux pour dissiper l'impression qu'il avait eue. Pendant une seconde, c'était presque comme si une autre image s'était superposée à celle du Suédois… Il lui ressemblait tant à présent… A cette femme… Mais l'illusion avait disparu à présent, ne restait plus qu'Aphrodite et cette grâce qui à elle seule, justifiait son nom.
– Pas si on sait où me chercher. J'aime ma tranquillité.
Sa voix avait mué certes, mais restait fine, avec toujours cet accent lointain. Il frissonna involontairement quand il vit les deux opales se poser sur lui, fixes et pratiquement sans émotion. Comme des yeux de verre.
– Tu es en colère, n'est-ce pas ? J'aimerais savoir pourquoi.
– Je ne suis pas en colère. Si je l'étais, tu ne serais pas entré dans ce Temple.
– Aphrodite, je te connais, sourit Lucas.
– Mff… Ton apprenti doit t'attendre, Chevalier de Cassiopée, coupa le Suédois en se lui tournant le dos de nouveau.
Pire qu'une femme jalouse, soupira Lucas. Il n'avait pas l'intention de se laisser impressionner pour si peu.
– Il est avec un ami, il peut se débrouiller un peu tout seul. Je venais prendre de tes nouvelles, puisque je n'en ai pas eues avant.
– J'ai été occupé. Et je n'ai plus de comptes à te rendre, Lucas, tu l'as dit toi-même.
– Aphrodite, si tu veux, je pars tout de suite, on reste sur ce froid, et je ne t'ennuierai plus jamais, si tu y tiens tant.
Le Poissons tint bon une minute avant de se mordre la lèvre de rage et de désespoir mêlés. Il se tourna de nouveau vers son ancien maître. Lucas sourit. Les yeux de l'adolescent portaient enfin une vie.
– De toute façon, tu vas encore partir, Lucas, je le sais très bien.
– C'est vrai. Je pars même demain, ordre du Pope. Mais je reviendrai, et j'aimerais encore avoir le droit de te voir. Tu sais que je m'inquiète pour toi.
– Parce que je fais partie de ce qu'ils appellent ici, la "Chimère" ? Je tue des ennemis, Lucas, des gens qui font du mal. Ce sont aussi les ordres du Pope. Il sait ce qui est juste.
– Ce qui est juste, n'est pas forcément ce qui est bien. On dirait que tu cherches à te convaincre toi-même. Aphrodite, je me souviens comme tu ne supportais pas de voir du sang. Te voir en assassin maintenant, ça me désole.
– On ne choisit pas sa destinée. Tu disais qu'on devait protéger Athéna, non ? Je la protège à ma manière.
– La manière que t'impose le Pope…
– Tu as des doutes sur lui ? Lucas… Tu devrais y garder pour toi, les murs…
Aphrodite tourna les yeux vers les fenêtres. Les rosiers semblèrent bruisser doucement à un ordre muet.
– …Les murs ont des oreilles ici. Ce n'est pas prudent pour toi.
– Toi aussi, tu te fais du souci alors ?
– …Je ne devrais pas, tu cherches le bâton pour te faire battre.
– Peut-être bien.
L'oiseau du paradis apparut soudain, volant légèrement pour rejoindre la fontaine à laquelle il se désaltéra. Il releva la tête, détaillant le visiteur et sembla le reconnaître. Il vola vers le bras tendu qui lui était offert. Lucas caressa l'oiseau.
– Tu as toujours Shaka. Il a l'air en pleine forme.
– Je fais ce qu'il faut pour l'y maintenir…
Aphrodite sembla se détendre un peu et s'approcha de Cassiopée et de l'oiseau.
– Lucas… Tu reviendras vraiment, n'est-ce pas ?
– Si tu me promets un meilleur accueil, je n'y manquerai pas.
Lucas lut dans les yeux du Poissons quelque chose de contenu. Le jeune homme qui serait bientôt aussi grand que lui avait l'air tiraillé entre froideur et envie de s'approcher plus. Comme quand, enfant, il faisait un cauchemar et qu'il avait le réflexe de d'abord s'échapper des bras de son maître, avant de se laisser aller à s'y réfugier.
– Maître Lucas, vous êtes l…! Oh oh…
Aphrodite fusilla du regard le petit blondinet qui venait de débouler sans aucune retenue dans le patio.
– Misty, tu n'as pas le droit de rentrer ici !
– Pardon, je…
– Misty ? C'est lui ton apprenti ?
Aphrodite ne cherchait pas vraiment à avoir de réponse, mais fusilla le gamin qui ne put s'empêcher de faire un pas en arrière. L'oiseau que tenait Lucas s'envola pour aller sur l'épaule de son maître légitime. Ainsi, c'était lui, cet enfant pour qui Lucas le laissait… Il ne devait pas avoir plus de dix ans, et quelque part, ils se ressemblaient, avec leurs visages fins. Insupportable ressemblance, insupportable présence.
– Bien, il est temps que tu partes alors, cracha-t-il plus méchamment qu'il ne l'aurait souhaité, en détournant la tête.
– … Oui… Misty, va dehors, tout de suite. Je te rejoins.
– D'accord… Maître… bredouilla le Français, un peu confus d'avoir été réprimandé en "public".
Lucas sentait le cosmos d'Aphrodite se faire froid. Il était bien temps de le laisser, le Poissons était de nouveau dans ses humeurs vives… Il aurait pourtant voulu profiter plus longtemps de lui.
– Je te laisse, Aphrodite. On m'attend…
Cassiopée tourna les talons quand le Poissons ne lui fournit pas de réponse. Le Suédois avait eu du mal à se retenir de mettre dehors lui-même ce Misty. Il lui prenait son maître, et en plus, se payait le luxe d'entrer ici, dans son jardin, son sanctuaire. Sale gamin… Mais c'était à Lucas qu'il en voulait le plus. Pourquoi tu n'as pas répondu : "Va dehors Misty, je te chercherai plus tard" ? Pourquoi joues-tu à être si cruel…! Il entendait les pas du chevalier qui s'éloignaient. Un ordre du Pope. Sûrement une mission, peut-être de la diplomatie. Peu importait.
Le Poissons marcha vivement pour rattraper Cassiopée, en silence. Il glissa une rose dans sa main quand il le dépassa.
– Je te déteste, tu sais, souffla-t-il avant de disparaître vers la porte menant à sa roseraie.
Lucas le regarda partir, souriant tristement. Il huma le parfum de la rose. Délicat, presque sauvage aussi. Une rose à peine éclose, dont les pétales carmins ne s'étaient même pas encore déployés.
– Oui, je sais, Aphrodite.
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– Le Saint de Cassiopée a des doutes sur le Pope…Ce n'est pas nouveau. Je devrais en référer…
– Mais tu n'en feras rien Camus. Tu n'as jamais mis les pieds ici, commanda Aphrodite en caressant affectueusement une rose.
– C'est puéril.
– Je ne te demande pas de juger, mais d'exécuter.
– Aphrodite, tu es vraiment… insupportable.
Camus tourna le dos au Poissons, et préleva quelques roses en quittant la roseraie.
– Je ne fermerai pas toujours les yeux, mais je prends cela en dédommagement pour cette fois.
– Foutu lèche-bottes du Pope…
– Ce serait plutôt toi, n'est-ce pas, le "Serpent de la Chimère" ?
Aphrodite souffla entre ses dents un soupir méprisant. Camus eut un semblant de sourire amusé et le quitta pour de bon.
Nous te protégerons
Murmures agréables et pourtant si peu apaisants aujourd'hui. Aphrodite se reconcentra sur les rosiers, continuant à caresser celui qui était le plus proche de lui.
– Protégez pour une fois celui que je vous ai désigné, mes enfants.
Nous t'aimons
Nous le protègerons
Aphrodite leur sourit.
– Vous êtes gentilles, mes petites.
Au moins, il serait toujours avec Lucas, et Misty n'y changerait rien. Il sourit, même s'il savait que tout ceci n'était qu'illusion.
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Le matin était là, et avec lui, le départ vers cette mission. Cassiopée savait bien qu'il n'aurait pas la bonne surprise de voir le Chevalier des Poissons avant son départ. Même s'il avait ses quinze années consommées, le jeune homme aux cheveux bleus réagissait encore comme un enfant, un enfant terriblement sensible qui ne lui pardonnait guère d'assurer un rôle de maître-formateur. Après tout, c'était peut-être mieux ainsi, Lucas aurait l'esprit plus libre. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas été envoyé en mission. Il n'aimait pas spécialement cela, mais les ordres du Pope n'étaient pas contournables. Et même s'il doutait, il gardait confiance dans cet homme. En revanche, il fut étonné de reconnaître la silhouette élancée de la Sainte du Cocher, appuyée sur un pan de pierres près du chemin par lequel il passait. Elle l'attendait manifestement, bras croisés, chevelure de feu mi-longue jouant dans son dos, vêtements amples. Et toujours ce masque d'ivoire et d'opale, qui lui donnait un air permanent de madone intouchable.
– Je ne te savais pas si matinale, Estia. Mais ça me fait plaisir quand même de te voir.
– J'ai fait une exception, déclara-t-elle en se redressant et en venant à sa rencontre. Alors, notre Cassiopée repart en guerre, hein ?
– Il le faut bien.
– Où vas-tu ?
– Bavière… Mais je ne peux t'en dire plus.
– Je ne t'en demande pas plus. Essaie de ne pas trop te faire mal, je ne suis pas douée pour faire des bandages.
– Je demanderai à quelqu'un d'autre alors.
Il devina sans mal le regard de feu qu'elle devait lui jeter sous son masque. Estia avait toujours été l'infirmière personnelle du Suédois. Il ne se souvenait plus qui avait décrété ça.
– Lucas… Je ne te souhaite pas bonne chance… Mais fais attention quand même, reprit-elle doucement.
Il sourit. Quand elle détournait ainsi la tête, prenant une voix douce, si douce, il sentait de nouveau l'envie de la serrer dans ses bras. De voir son visage. Peut-être même de l'effleurer du bout des doigts.
– Je te le promets.
– Bien… Lulu, ferme les yeux.
– Pourquoi ? demanda-t-il, surpris autant par la demande que par le surnom.
– S'il te plaît…
Il obéit finalement et perçut un mouvement près de lui. Quelque chose que l'on retire. Des lèvres chaudes, douces, un peu hésitantes, qui viennent caresser les siennes. Elles disparurent aussi subitement qu'elles étaient apparues. Il rouvrit doucement les yeux. Estia lui tournait le dos, ses mains frottant ses bras.
– C'est un porte-bonheur. Tu me le rendras en revenant.
– Je n'y manquerai pas. Merci…
– Allez, va-t-en maintenant, avant que je ne regrette.
Elle lui fit signe de la main. Sans perdre son sourire, le jeune homme aux cheveux argent obéit de nouveau, reprenant ses maigres bagages et son chemin vers le pied du Sanctuaire où il était attendu.
Estia le suivit du regard jusqu'à ce qu'il eut disparu, puis s'en alla vers leurs maisons à tous les deux. Pendant l'absence de Cassiopée, elle avait accepté de s'occuper de son apprenti. Une chance que lui et Argol s'entendent bien, cela lui faciliterait le travail.
– Maître, vous avez entendu la rumeur ? Le Grand Pope enverrait quelqu'un pour…
– Je sais, je m'y attendais. Il n'a pas mis longtemps à réagir, cet imposteur.
Il but un peu de vin.
– Tu vois, c'est à ça qu'on comprend qu'il est fourbe, si on est attentif. Le vrai Grand Pope, celui qui m'a donné mon armure, aurait envoyé un médiateur. Celui-là envoie un assassin. Il se trahit seul.
– Maître Raphaël, peut-être n'auriez-vous pu dû le provoquer ouvertement ainsi…
– Syn, tu n'as pas compris alors… Je n'ai pas peur, qu'il envoie la Chimère même, au grand complet, si ça lui fait plaisir. Mais je n'ai pas à ployer devant un imposteur et un fourbe. Puisque la tête du Sanctuaire doit être remplacée, je pense être bon candidat pour renouveler un peu la hiérarchie. Je le forcerai à abdiquer. Athéna et le Grand Pope ne sont rien, alors c'est à nous de prendre notre destin en main, conclut-il en souriant. Il passa une main dans sa courte chevelure brune : Retourne t'entraîner, Syn, je te rejoins.
– Bien, Maître Raphaël…
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Il n'avait guère été évident de trouver l'endroit indiqué dans son ordre de mission. La partie de la Bavière où on l'avait envoyé était particulièrement isolée et sauvage, nichée dans des vallons et des forêts impénétrables, seulement parcourus de chemins de terre plus ou moins engageants. Evidemment, une telle barrière naturelle était nécessaire pour sauvegarder des regards indiscrets l'un des camps d'entraînements les plus à risques du Sanctuaire. Des villes s'étendaient non loin, et la région, magnifique, attirait de nombreux touristes et passionnés de chasse au coq de bruyère. Lucas se demanda brièvement ce qui arriverait si des personnes tombaient un jour sur un des camps, ou même, sur le Sanctuaire, qui se dressait à proximité du Cap Sounion et de ruines très visitées. Que devaient leur dire les gardes ou le Pope pour expliquer ce qui, de prime abord, semblait incompréhensible ? Que ces gens en armures, ces enfants peu ménagés, faisaient des reconstitutions historiques peut-être ? Sans doute ne le saurait-il jamais, ce genre d'informations ne circulait guère au Domaine Sacré. Le mot d'ordre était "discrétion". Depuis toujours…
La Jeep freina doucement lorsque la route redevint à peu près droite et dégagée. Elle recommençait à être entretenue ; le camp de Raphaël n'était pas loin donc. Le chevalier ignorait peut-être sa venue, autant aller à lui discrètement en laissant la voiture ici, en retrait. Il ferait le reste de la route à pied. Son armure se mit soudain à utiliser un peu son cosmos. Elle voulait sûrement le réchauffer vu la température peu élevée, mais cette bonne action risquait plus de trahir sa présence. Il posa une main douce sur la partie couvrant son poitrail. Le cosmos disparut. Depuis le temps qu'ils étaient ensemble, elle devait pourtant savoir qu'il ne craignait guère le froid. Chez lui, en Suède, c'était si courant.
Il sourit au souvenir puis retrouva son sérieux en se mettant en route pour suivre le chemin.
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Le camp de Bavière avait profité de sa situation isolée pour mériter son nom : on y avait aménagé des installations dignes d'un camp militaire, toutes de bois vêtues, cerclées par des barrières soigneusement désordonnées. Au milieu d'elles serpentait un torrent aux eaux vives et déchaînées. De petits baraquements étaient discernables dans le fond de l'espace d'entraînement, certainement les dortoirs et le réfectoire. D'apparence, cela évoquait un parc d'aventure. Sans doute la couverture pour les éventuels curieux qui s'en approchaient. Plusieurs générations de chevaliers avaient dû venir s'y entraîner. Lucas savait qu'on y combattait pour deux armures : l'Eridan et l'armure double des Chiens de Chasse. Une des particularités de celle-ci, en plus d'être en réalité deux armures de bronze, était d'être la seule constellation qui fut représentée par deux chevaliers de sexe différent en même temps : l'une des armures était féminine, l'autre masculine. Cassiopée se doutait qu'une telle merveille était convoitée, mais il n'y avait aucun apprenti qui s'entraînait dans le camp, alors que l'on était en début d'après-midi. Dans son ordre de mission, le Pope lui avait pourtant signalé que le Saint de l'Eridan avait en charge trois apprentis actuellement, une fille et deux garçons. La fille semblait être la plus prometteuse des trois d'ailleurs. Pourtant, Cassiopée sentait le cosmos de Raphaël. Il n'essayait pas de le cacher. Il savait bien qu'il avait de la visite et avait dû conseiller à ses élèves de rester en retrait… Alors, autant se dévoiler également et ne pas participer à ce petit jeu de tapages de nerfs.
Il s'arrêta au milieu du camp.
– Saint de l'Eridan, appela-t-il. Je sais que vous êtes là, montrez-vous. Je désire vous parler.
– Parler ? S'il vous plaît, épargnez-moi les formules de politesse… se moqua Raphaël en émergeant de l'ombre protectrice d'un bosquets d'arbres. Je sais très bien que vous venez me tuer.
– Ce sont les ordres en effet. Mais je n'aime pas la violence.
– Un Saint intègre, cela devient rare ces derniers temps. Vous êtes une espèce en voie de disparition, vous savez…
Raphaël s'approcha de Lucas. Ils étaient de la même taille, mais le Saint de l'Eridan avait plus de muscles, une carrure plus carrée et plus imposante que celle du Suédois. Toutefois, il demeurait calme et sans agressivité, tout comme son vis-à-vis.
– Vous n'ignorez pas de quoi vous parlez, non ? Le bruit court que vous voulez alerter les civils de notre existence.
– Le Pope est bien renseigné, et je le ferai, s'il n'abdique pas. Sa comédie a assez duré.
– Le Grand Pope est désigné par la déesse Athéna. Prétendriez-vous à accéder à cette place ?
– Prétendriez-vous être fidèle à cet homme ? répliqua le Saint de L'Eridan en gardant les yeux plongés dans ceux presque transparents de Cassiopée. Chevalier, vous êtes en train de lui désobéir, non ? Parlementer avec une cible, c'est contraire à ses ordres de mise à mort sans sommation.
– Ne m'obligez pas à devoir m'y résoudre.
– Je suppose que vous voulez que j'abandonne mon projet, que je rende mon armure, et tout ça ? Vous êtes intelligent, mon garçon, vous croyez vraiment que ça arrivera ?
– Si vous êtes futé vous aussi, je le crois…
Lucas fit quelques pas sans quitter l'homme de vue. Le Saint de l'Eridan était calme, mais trop arrogant à son goût. Même si le Pope avait effectivement des comportements ou ordres étranges depuis quelques années, après tout, qui étaient-ils pour le juger ? Ils ignoraient quels ordres pouvait lui donner la déesse, quels étaient les buts qu'il désirait atteindre. Il était trop tôt pour choisir ouvertement la rébellion, du recul était nécessaire. Et même si la révolte s'avérait nécessaire au final…
– …Vous voulez prendre la place du Pope, Raphaël de l'Eridan, mais que pouvez-vous faire seul ? C'est folie.
– L'union serait encore plus nuisible. En étant chacun de notre côté, nous obligeons le Pope à diviser ses forces, et il élimine les plus faibles, ce n'est pas une mauvaise chose au final.
Il sourit au regard de mépris que lui adressa le Saint d'Argent.
– Ainsi va la vie, les faibles périssent, et le Sanctuaire n'est pas différent.
– En effet… C'est pourquoi vous devrez disparaître aussi.
– Vous êtes décidé à être méchant ? Vous aurez mis le temps.
– Vous regretterez de m'y avoir contraint.
Raphaël fit craquer les jointures de ses doigts en toisant Lucas.
– Vous connaissez mon nom, mais vous, qui êtes-vous ? J'ai un doute.
– Lucas, Saint de Cassiopée.
– Cassiopée ? Mmm intéressant.
Cassiopée, évidemment…La plus brillante des constellations, la plus belle des armures d'argent…Ça va être amusant, pensa le Saint de l'Eridan en souriant.
Sans crier gare, il fondit sur Cassiopée qui évita le coup d'un saut en arrière, se débarrassant de sa cape qui le gênait.
– Lucas, vous auriez dû rester sagement au Sanctuaire !
– J'ai toujours aimé me faire remarquer.
Leurs poings se rencontrèrent. Au corps à corps, ils avaient presque la même force physique, ce qui ne plut guère à Lucas. Il se baissa soudain et glissa une balayette pour déséquilibrer son adversaire. Raphaël, déstabilisé par la manœuvre, trébucha et ne put éviter le nouveau crochet que lui adressa le Saint d'Argent. Il jura en se redressant et repartit à l'assaut. Un échange de coups resta stérile avant qu'ils ne se séparent de nouveau, attentifs et observant leur adversaire.
– Doué pour quelqu'un qui ne doit pas souvent se battre.
– Je vous retourne le compliment.
Ris, Cassiopée, pendant que tu le peux… Je ne te laisserai pas me tuer…
– Passons aux choses sérieuses alors ! clama Raphaël en concentrant son cosmos. Il est temps que vous voyiez la puissance de l'Eridan.
Lucas se tint sur ses gardes. Raphaël baissa la main vers le sol et y jeta une faible part de cosmos, qui disparut comme absorbée par la terre. Une seconde passa avant que le sol ne se mette à vibrer. Une brillante raie de lumière surgit brutalement, formant une crevasse qui se jeta droit sur Cassiopée. Le Saint jura et sauta pour l'éviter mais ce fut trop tard ; le cosmos de l'Eridan le frappa avant qu'il n'ait pu ériger une protection avec son cosmos.
Le casque de Cassiopée se retrouva projeté à terre. Lucas se passa une main sur le front en mettant genou à terre. Du sang… Une partie de l'attaque avait réussi à l'atteindre. Ça n'avait pas l'air trop grave, heureusement.
– Je m'attendais à plus coriace, sourit Raphaël en préparant une décharge de cosmos à nouveau. Je n'ai pas envie de vous faire souffrir, alors renoncez.
Cassiopée ne répondit rien en se relevant. Il appela son propre cosmos, froid comme la glace de Suède, et se lança de nouveau au combat. Raphaël l'attaqua avec des décharges de cosmos, mais le Saint d'Argent parvint sans mal à les éviter, augmentant sa vitesse. L'Eridan bloqua le coup de poing qui lui était destiné. Lucas sourit et en profita pour lui enfoncer le genou dans le ventre. Les armures de bronze avaient ce défaut de ne guère protéger cette partie-ci. Raphaël le repoussa mais ne parvint pas à lui rendre de coup en réponse.
– Vous êtes un Chevalier de Bronze, vous avez peu de chance de remporter cette lutte.
– Du moment que j'en ai une… Je tente.
– Si vous y tenez, battez-vous alors. Montrez-moi votre détermination, invita Lucas en repoussant les mèches de sa frange qui lui collaient au visage.
Sa blessure au front était bénigne mais saignait beaucoup. Ça le gênait un peu. Raphaël se releva et intensifia un instant son cosmos. Il le concentra sur sa main.
– Vous mourrez ici.
– J'attends de voir, répondit le Saint en appelant également plus son cosmos en réponse.
L'Eridan disparut soudain. Un souffle chaud dans le dos de Cassiopée. Trop tard pour l'éviter !
– Tränen von Phaëton(2) !
– Arch Ennemy !
Un mur bleuté se dressa brutalement devant Raphaël et le percuta violemment, le projetant à quelques mètres en arrière, pendant que Lucas se retournait. L'attaque de l'Eridan l'avait raté de peu ; en passant une main sur le dos de son armure, il sentit la large fêlure qu'elle y avait causée. Comment un cosmos de Saint de Bronze pouvait-il avoir assez de force pour briser une armure d'argent ?
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Raphaël se releva, essuyant le sang coulant de sa lèvre fissurée. Il comprit ce qui l'avait frappé en tournant le regard vers Cassiopée. Un mur d'eau mouvant, à présent mourrant, l'entourait, ses yeux clairs devenus d'un blanc lumineux presque aveuglants.
– Le pouvoir de l'eau… Les légendes ont l'air vrai, on dirait, rit Raphaël.
– Vous n'auriez pas dû m'énerver, répondit doucement Lucas dont les yeux redevinrent argentés.
– Hé… Et vous, comme Cassiopée qui paya son orgueil, vous allez regretter de vous pavaner.
Il forma de nouveau une lame de cosmos sur sa main droite. Lucas se tint prêt. Cette attaque était redoutable. Apparemment, Raphaël ne pouvait la maintenir que quelques secondes, mais cela pouvait amplement suffire à briser son armure et atteindre son corps… Il avait une chance de vaincre rapidement…
– Mais c'était risqué. Il se concentra à son tour, rendant ses yeux brillants. Le mur d'eau de reforma en partie.
– Venez, si vous êtes si sûr de vous. Essayez de passer l'Arch Ennemy.
– Prétentieux…
Le Saint de l'Eridan repartit à l'assaut mais à sa surprise, Cassiopée ne bougea pas, et n'essaya pas d'éviter la lame de cosmos. Il s'apprêta à frapper quand le mur d'eau frémit et le frappa de nouveau brutalement aux épaules et au ventre. Il cria mais leva tout de même le bras pour enfoncer la lame dorée dans le corps de son ennemi ; à sa surprise, Cassiopée ne tenta pas de s'échapper. L'Arch Ennemy dévia la lame sur la jambe du chevalier, qui contint un cri quand elle la transperça, mais il ne perdit pas l'occasion et posa une main brûlante de cosmos sur le front de Raphaël.
– Merde !
Le Saint se dégagea brutalement. Lucas souriait. Une partie de son cosmos avait pu entrer dans le corps de l'Eridan durant le bref contact. Cela valait bien une blessure.
– Vous vous êtes empalé de vous-même sur les Larmes de Phaëton… Courageux… Voire téméraire… ragea Raphaël.
– Vous ne m'échapperez plus maintenant.
Lucas concentra son cosmos au maximum. Le mur d'eau de l'Arch Ennemy disparut en filaments d'eau serpentins, glissant au sol. L'eau du torrent se vida totalement pour les rejoindre. Merde, il faut l'empêcher de se concentrer…! Raphaël engagea un nouveau corps à corps, mais Cassiopée, en dépit de ses blessures, parvint à lui rendre et parer un bon nombre de ses coups. L'Eridan sentait de plus son épaule droite lui faire terriblement mal. L'Arch Ennemy avait sans doute dû la lui déboîter. Les filaments d'eau grossissaient autour d'eux, devenant de plus en plus brillants tandis qu'ils se faisaient plus menaçants. Le cosmos blanc de Cassiopée se reflétait sur son armure et la faisait luire d'une intensité surnaturelle aussi envoûtante que mortelle. Raphaël connaissait bien ce qu'on disait sur les Chevaliers de Cassiopée, ces Saints qui auraient reçu la protection de l'Ange de l'Eau Gabriel en personne. On les reconnaissait à leurs cheveux et yeux d'une pâleur fantomatique et d'une couleur anormale. Et on disait aussi leur plus puissante attaque imparable… Sauf si on arrive à les empêcher de la déclencher…
– Vous semblez avoir perdu votre mordant, Raphaël.
– Et vous, attendre le bon moment de faire votre malin… Sorcier.
Cet enfant est possédé par le Diable !
Comment peut-il faire ça ! Ce n'est pas mon fils, non
Je n'ai pas enfanté ce monstre
Lucas tiqua, permettant à l'Eridan de le frapper au visage, près de sa première blessure. La barrière d'eau frémit alors que Cassiopée parait un deuxième coup.
– Ne dites pas des choses que vous pourriez regretter, Saint de l'Eridan…
Le ton restait calme, mais il en transpirait de la colère. Raphaël sourit mais sentit soudain une main glacée envelopper son cœur. Il eut un spasme brutal qui l'obligea à faire quelques pas en arrière.
Cassiopée se dressa autant qu'il put avec sa jambe meurtrie. Ses yeux gagnèrent en éclat. Les filaments d'eau se détachèrent du sol pour s'élever en colonnes mouvantes et sifflantes, animées presque de vie propre. Il leva le bras et l'eau vint l'entourer, fidèle et docile, augmentant en force et en vitesse. Raphaël sentit son sang coulant de ses propres blessures être attiré comme un aimant par cette masse frémissante. Le cosmos de Cassiopée s'y mêla presque entièrement.
– … Parce que si le cosmos fait de moi un sorcier… Vous l'êtes autant que moi… ! Gabriel's Heart ! cria-t-il en baissant le bras.
Comme un fauve, la trombe d'eau se jeta sur sa proie tombée à genou. La main glacée sur son cœur se resserrait. Raphaël tenta d'ériger une protection avec son cosmos, mais la lance d'eau n'eut aucun mal à la transpercer et à le frapper au ventre. Le Saint de l'Eridan hurla. C'était comme si l'eau de son corps le déchiquetait de l'intérieur, à mesure que la trombe argentée l'écorchait, le glaçait et le brûlait à la fois. Son coeur cognait à tout rompre.
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Lucas tomba à genou quand la trombe eut disparu pour former de nouveau des filaments sages sur le sol. Son souffle était difficile, il se sentait sans force. Il n'avait pas réussi à maintenir le Gabriel's Heart assez longtemps… Il ferma les yeux pour étouffer un renvoi et regarda le Saint de l'Eridan, allongé au sol.
Il lui fallut quelques instants pour reprendre conscience et voir qu'il était en vie. Raphaël gémit et se tourna lentement sur le côté, une main sur le ventre. Il découvrit du bout des doigts de larges blessures et sentit du sang couler de ses oreilles et de ses yeux. Il tremblait et était détrempé, et pis que tout, son armure avait été très endommagée. Il n'en restait que des lambeaux relativement inefficaces comme protection. Il banda ses muscles pour se redresser en s'appuyant contre un arbre. Il pouvait se vanter d'avoir survécu…
– Pas de chance pour vous… Cassiopée… Le Gabriel's Heart… est fatal aussi à son invoqueur… s'il est blessé…
– Je ne suis pas… encore vaincu…
Evidemment, Lucas comprenait à présent pourquoi l'Eridan avait semblé tiquer un peu en sachant de quelle constellation il était le représentant. Il ne s'était pas méfié. Le Gabriel's Heart, l'imparable lance de l'eau… Son défaut était de se nourrir du Saint, de son cosmos, mais aussi de son sang, de sa propre vie. Et sans concentration totale, sans un corps en parfait état… On ne pouvait l'invoquer de manière parfaite. Et dans les deux cas, l'attaque laissait dans un état de faiblesse dangereuse.
– Pourtant, il me semble bien… sourit Raphaël en s'avançant lentement.
Il se concentra autant qu'il put pour appeler son cosmos et reformer le Tränen von Phaëton.
Lucas essaya de se relever, sans succès. La blessure de sa jambe saignait en abondance, et le liquide vital allait se mêler à l'eau qui serpentait autour de lui. Le Gabriel's Heart avait faim. Il allait le nourrir. Il avala difficilement et regarda le Saint de l'Eridan qui approchait. Eau, obéis-moi, encore une fois… Gabriel, ne m'abandonne pas, tiens le serment que tu nous as fait… Il sentit l'eau se rapprocher de sa main appuyée au sol. Elle obéissait de nouveau.
– Cassiopée… rit Raphaël. Aurez-vous assez de forces pour l'invoquer… avant que je ne vous frappe ?
Lucas eut un sourire vainqueur alors que les filaments d'eau se reconcentrait sur sa main et son bras. Il se redressa faiblement, le bras entouré par un écrin de turquoise et de rubis.
– Vous voulez vérifier ? sourit avec assurance le Suédois.
Il sentit le Gabriel's Heart puiser de nouveau dans son cosmos. Bien… C'était aussi une attaque imparable, pour la simple raison qu'on pouvait la lancer jusqu'à épuisement. Et cette fois-ci, ça le terrasserait à coup sûr.
– Vous n'échapperez pas à la miséricorde de Gabriel, Raphaël ! hurla-t-il en préparant l'attaque.
– C'est vous qui ne m'échapperez pas ! cria soudain une femme derrière lui.
– Hein ?
– SYN !
Un poing fin transperça son dos avant même qu'il ait pu se retourner, à travers la fêlure causée par Raphaël plus tôt.
Lucas cracha du sang en tournant le Gabriel's Heart mourrant vers son attaquante, mais la jeune fille s'était déjà déportée et n'eut aucun mal à l'éviter.
– …Skit (3) , murmura Lucas en tombant au sol.
Il vit Raphaël être rejoint par son apprentie, il lui sembla qu'il la giflait… Il avait froid comme il n'avait jamais eu froid et sentait son cœur qui ralentissait. Il n'aurait jamais cru que… c'était si douloureux… de mourir… Une main lui releva la tête doucement.
– Saint de Cassiopée… Je n'ai jamais voulu ça…
– Votre apprentie… est très dévouée…
Etonnant, Raphaël avait l'air d'être désolé. Ou peiné. Ou juste déçu de ne pas l'avoir achevé lui-même. Il avait du mal à se concentrer sur ses pensées et ferma de nouveau les yeux. Il se sentait partir en arrière. Le Saint
de l'Eridan savait ne rien pouvoir faire. Il aurait voulu que tout se termine de manière plus loyale… Il devait se contenter de voir s'éteindre la flamme du jeune homme aux cheveux argent. Impuissant.
Cet enfant, n'en approchez pas, il fait des choses diaboliques…
Lucas rouvrit les yeux doucement. Une petite fille aux cheveux courts bleus le regardait.
C'est toi qui fais bouger l'eau ?
Il eut un hochement de tête triste. Ne la regarda pas dans les yeux.
Mes yeux sont maudits. Tout comme mes cheveux.
On dit qu'ils sont semblables à ceux du Diable…
La petite fille s'approcha et posa ses petites mains sur son visage, le faisant relever le regard.
J'aime bien moi tes yeux. Je les trouve jolis
Dis, tu voudrais faire danser l'eau pour moi ?
Il lui sourit.
Je le ferai pour toi, toujours…
…Relyss
La petite fille lui sourit en retour. Ses yeux bleus rieurs. La ressemblance… Pourquoi n'avait-il pas vu cette ressemblance avant…? Il soupira doucement…
… et tout fut silence et ténèbres.
Saga sourit en reposant la note qui venait de lui parvenir. Il alla jusqu'à son balcon et regarda les étoiles, laissant le vent nocturne jouer dans ses cheveux sombres et sur son visage.
– Dors bien, Lucas. Mission réussie.
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Aphrodite caressait Shaka, qui se laissait faire, en sifflant parfois de contentement. Il entendit frapper à la porte et reconnut le cosmos léger qui l'effleurait pour le rassurer. Qu'est-ce qu'il lui voulait à cette heure de la nuit ? Normalement, il se couchait avec les poules.
– Entre Shaka, tu sais que c'est toujours ouvert pour toi.
Il perdit son sourire quand il vit le visage de l'Indien, d'ordinaire si fermé, et aujourd'hui si expressif. Trop expressif. Il fit s'envoler Shaka et tourna le dos à la Vierge pour ne plus voir ce visage qui pour une fois, laissait parler ses émotions.
– Aphro… commença doucement Shaka, sans trop savoir par quel bout débuter.
– Qu'est-ce que tu veux Shaka ?
L'Indien n'était pas dupe. Leurs deux voix semblaient étrangement hésitantes.
– C'est… important. Viens avec moi… C'est… C'est L…
– Non, tais-toi, coupa Aphrodite en serrant ses bras dans ses mains. Dis-moi autre chose.
– Je… ne peux pas… Aphro… Je… Je suis désolé mais…
– Je t'interdis de dire… de dire…
– Lucas est… mort…
– Tig ! Tig (4) ! Je ne veux pas que tu le dises, je ne veux pas l'entendre !
– Aphro…
Shaka vit le Poissons rentrer la tête dans ses épaules, respirant fort pour contenir ce cri qui brûlait sa gorge. Il s'approcha doucement de lui et hésita, avant de passer lentement les bras autour de lui. Aphrodite eut un mouvement rageur pour se dégager.
– Laisse-moi Shaka, sale corbeau ! Laisse-moi tranquille !
– Je préférais que ce soit moi qui te le dise, Aphro…
– Je ne veux pas l'entendre… Je ne veux pas l'entendre… Je veux… Je veux attendre qu'il revienne… Sors de chez moi !
Shaka n'en fit rien et revint à sa hauteur pour de nouveau l'enlacer. Il sentit le Suédois se débattre faiblement, et finalement se mettre à trembler, vaincu par cette boule au fond de sa gorge, une boule au goût de sang et de métal.
– …Je veux qu'il revienne… Je… dois lui demander pardon… balbutia à mi-voix l'adolescent en se retournant pour se blottir contre ces bras amis.
Shaka se détestait. Comme il aurait voulu au contraire lui dire que Cassiopée était de retour, mais juste fatigué, qu'il le verrait le lendemain. Comme il aurait détesté la personne qui aurait annoncé au Poissons la perte de son ancien maître. Mais il n'y avait que lui que le Suédois se laisserait aller à étreindre comme cela, maintenant. Et même si la souffrance en était le prix, l'Indien avait voulu être la personne qui lui annonçait la triste nouvelle… afin qu'il puisse le consoler autant qu'il pouvait ensuite. Il passa une main douce dans les cheveux de son ami, tentant de calmer ce cœur qui saignait contre lui.
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Estia s'était retirée à l'arrivée du Chevalier des Poissons et de celui de la Vierge. Elle voulait être seule, et eux aussi probablement.
Pour une raison encore non définie au Sanctuaire, le Saint de l'Eridan, cible pourtant de Cassiopée, avait lui-même prévenu le Domaine Sacré de l'échec du chevalier, et avait tenu à ce que son corps soit rapatrié avec respect. A présent, le Saint reposait pour un temps à la clinique du Sanctuaire, seul endroit où on pouvait entreposer un corps avant de l'inhumer, le lendemain. Shaka avait déjà vu Estia. C'était elle qui l'avait prévenu de ce qui était arrivé, quand il lui avait demandé pourquoi elle pleurait.
Dans la salle déserte, Aphrodite n'arriva pas à retenir ses larmes de nouveau. Comme si son cœur se déchirait, sous le poids de la colère, de la haine, de la souffrance. Shaka restait en retrait, comprenant et partageant sa peine. Sans pouvoir le soulager. Le Saint des Poissons détestait toujours autant voir la mort, mais il voulait être près de Cassiopée… Peut-être parviendrait-il comme ça à faire fuir la Faucheuse ?… Evidemment, c'était aussi une illusion cela. Il frôla le visage froid et tant aimé, tant détesté. Ses blessures avaient été lavées, on aurait pu le croire endormi, son armure endommagée sagement formée au pied du lit. Aphrodite avait à la fois envie de fuir et de rester. Il n'arrivait plus à se convaincre qu'il ne faisait que rêver. Il sentait ses jambes trembler comme faite avec du coton et son estomac se tordait un peu plus à chaque fois qu'il essayait de comprendre… Comprendre comment Lucas avait pu être…
– Tu sais, Shaka… Je… La dernière chose que je lui ai dite… C'est que je le détestais… Je… Shaka…Je j'ai menti Shaka…
– Je sais, Aphro.
– Mais lui, il ne le saura jamais… Lucas, je te demande pardon… Pardon…
Son poing se crispa sur le torse immobile, et des larmes s'y écrasèrent. Si douloureuses.
– Ursäkta… Je suis tellement désolé… Pardon…
Il devait y avoir une erreur… Quelque chose avait cloché… Lucas ne pouvait pas s'être fait tuer ainsi… Aphrodite le refusait.
– Comment… Shaka, comment est-il…?
Les blessures à la tête et à la jambe n'auraient pas dû être suffisantes pourtant. L'instinct chasseur du Poissons savait reconnaître une plaie mortelle, et celles-ci n'en étaient pas.
– Un coup à mi-dos. Bris de la colonne vertébrale et d'un poumon.
Il se crispa une nouvelle fois, mais de rage.
– Au dos ?
C'était donc ça. Son ennemi l'avait frappé au dos, lâchement, fourbement. Lucas était si loyal, il ne devait pas y avoir pensé une seule seconde. On l'avait… On l'avait assassiné de manière déloyale, parce que c'était la seule manière pour ce lâche d'ennemi de procéder. Quelqu'un de droit n'aurait pu l'emporter sur Cassiopée, non. Une telle haine dans son cœur. Aphrodite en tremblait.
– Qui… qui devait-il tuer, Shaka ?
– Aphro…
– Qui !
Shaka soupira. Aphrodite n'écouterait plus.
– Un bronze. Raphaël de l'Eridan.
– L'Eridan ?
Le souffle du Suédois se suspendit comme s'il avait été frappé par la foudre. Ce nom, l'Eridan… Non… Ce n'était pas possible…
un Chevalier d'Argent, ou même un garde suffirait amplement.
Il… Il refusait d'y croire.
… Pourquoi un Saint d'Or devrait-il s'abaisser à combattre un simple Chevalier de Bronze ?
Non, il n'était pas responsable de cela… Ce n'était pas sa faute ! Comment aurait-il pu imaginer que le Pope choisirait Lucas ?… Le Pope… Les yeux du Suédois se rétrécirent.
Il se redressa un peu brutalement. La haine tapait si fort dans ses tempes, dans ses veines. Il fallait que quelqu'un paie. Celui qui avait envoyé Lucas là-bas. Il prit le chemin de la sortie. A cette heure-ci, le palais serait désert. Il savait que le Pope n'aimait pas avoir de gardes chez lui quand il dormait.
Shaka eut un mauvais pressentiment et poursuivit le Poissons.
– Aphro, attends, où vas-tu ? l'arrêta-t-il en lui attrapant le poignet.
Le Poissons se dégagea sans douceur et reprit sa route sans répondre.
– Aphro !
– Laisse-moi Shaka ! commanda le Poissons en se retournant.
Une rose se planta dans le sol juste devant les pieds de la Vierge, qui sursauta.
– Si tu me suis, la prochaine file dans ton cœur Shaka, et je ne plaisante pas.
Shaka savait qu'il était sérieux. Ses pupilles dilatées parlaient pour lui. Aphrodite se détourna de lui pour reprendre sa route à travers le Sanctuaire sombre et calme. La Vierge leva les yeux vers le ciel. Les constellations de Cassiopée et des Poissons brillaient de la même manière douloureuse.
Alexandre Dumas a trois ans lorsque le général, son père, meurt.
On lui dit que le Bon Dieu l'a repris.
–Et où demeure-t-il, le Bon Dieu ? s'informe le garçonnet.
–Il demeure au Ciel.
Le petit Alexandre réfléchit gravement, puis s'en va décrocher
le fusil dans la chambre de son père.
- Où vas-tu ? lui demande sa mère avec effroi.
–Je vais au Ciel.
–Comment, tu vas au Ciel ?
–Oui, laisse-moi passer.
–Et qu'y vas-tu y faire, au Ciel, mon pauvre enfant.
–J'y vais tuer le Bon Dieu, qui a tué papa.
Constance Joly, Erez Levy - Le Roman du Masque de Fer
Le palais se dressait, imposant, devant le jeune adolescent. Comme il l'avait pensé, aucun garde ne le surveillait. La nuit était bien avancée et seuls quelques grillons chantaient de ci, de là. L'air était chaud, pourtant Aphrodite ne parvenait pas à chasser ce frisson qui l'agitait. Sa tête lui semblait légère, il avait presque l'impression que ce n'était pas lui qui avançait, imperturbable. L'image de Lucas étendu dans cette pièce froide à l'infirmerie lui donnait du courage, l'aidait à garder sa haine intacte. Il tuerait son assassin, ce lâche, mais avant cela, il lui fallait la tête du responsable, de celui qui l'avait envoyé en mission. Il lui fallait un coupable. Et peut-être qu'après, il irait voir Camus. Le Verseau, peut-être n'avait-il pas tenu sa langue au sujet des doutes de Cassiopée, cela aurait pu pousser le Grand Pope à le choisir. Sa colère gonfla encore. Peu importe combien ils seraient, ils paieraient tous, sa haine battait si fort, elle hurlait pour se libérer.
Les portes principales seraient fermées, à n'en pas douter, aussi avait-il choisi de contourner le palais. Le Pope avait des thermes privés, qui donnaient sûrement sur l'extérieur. On ne pensait pas à les verrouiller, il en aurait mis sa main à couper. Personne n'avait le droit de passer ici, ni même de se trouver ici, à part le Pope. Le Poissons se faufila à travers les éboulis jusqu'à atteindre son but. L'arrière du palais offrait une petite esplanade, de laquelle partait un nouvel escalier montant sur un plateau rocheux plus en hauteur. Aphrodite distinguait le haut de la statue d'Athéna qui la surplombait. C'était donc là que se trouvait le temple d'Athéna… Il n'en voulait pas à la déesse. Il avait juste la curiosité de la voir… Mais après avoir achevé sa vendetta.
Il se dirigea à pas feutrés vers le bâtiment superbement décoré accolé au palais du Pope. Les thermes, sans nul doute. Il y avait de petites ouvertures creusées dans la pierre et le marbre ; de la vapeur légère en émergeait. Le Pope était-il là ? Après tout, il se fichait de savoir où il était, s'il dormait ou barbotait. Il voulait le voir mort, et l'endroit importait peu. Il parcourut les murs jusqu'à trouver une porte dérobée bien cachée par les décorations de la petite annexe. Il fit jouer doucement le mécanisme, qui n'offrit aucune résistance. Aphrodite sourit en se glissant à l'intérieur des bains sacrés.
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L'atmosphère était tout juste respirable, saturée de vapeur légère mais persistante. La température était très élevée. Il glissa le long des murs, accroupi, guettant tout mouvement. Le large bassin principal était désert, surmonté de graciles colonnes finement ouvragées. Des chaudrons en airain, recouverts de feuilles d'or, meublaient les quatre coins de la salle ; seuls deux étaient allumés. Le Pope préférait sans doute que sa salle d'eau soit chaude quand il venait y perdre du temps. Ce qui surpris plus Aphrodite furent les miroirs. Il semblait y en avoir sur deux des murs, presque sur toute la longueur, s'élevant jusqu'au plafond. Le Pope aimait donc se mirer sous toutes les coutures ? Curieux… Bien narcissique en tout cas. Cet homme était vieux, très vieux ; il ne devait plus rester grand chose d'agréable à voir sur lui.
Le Poissons se glissa jusque derrière une colonne de soutènement plus épaisse. Accolé au mur, il était trop peu discret et d'ici, il avait une meilleure vue. Les thermes étaient très peu éclairés et une large partie restait plus ou moins dans les ténèbres. Sans doute là que se trouvaient la ou les portes menant aux appartements du maître du Sanctuaire. Pourtant, Aphrodite hésitait. Quelque chose n'allait pas. C'était trop facile, beaucoup trop facile. L'eau du bassin frémit.
Il sursauta et évita de justesse le coup de poing qui lui était destiné.
– Aussi filant qu'une anguille, Saint des Poissons, rit une voix étrangement agressive.
Aphrodite se retourna et bloqua un instant. Cet homme, nu comme un vers…
– S… Saga !
– Oh, tu te souviens de moi, j'en suis flatté.
Son vis-à-vis eut un sourire mauvais. Aphrodite ne comprenait pas. Que faisait Saga ici ? Qu'était-il arrivé à ses cheveux et surtout, à ses yeux ? Ils ne reflétaient que du mal à présent, une sorte de lueur animale qui ne le rassura guère.
– Tu… Tu es sensé être mort…
– Ah oui ?
Saga regarda son corps de bas en haut, tâtant d'une main joueuse divers endroits.
– Pour un mort, je suis bien vivant, tu ne trouves pas ? Vous êtes si faciles à berner, vous, les gamins.
– Tu… Tu as pris la place du Pope… Mon dieu…
Saga profita de la surprise de l'adolescent pour lui asséner un crochet du droit qui manqua de le faire tomber au sol, mais l'enfant se redressa et s'éloigna d'un bond, rapide comme une panthère.
– Tu veux la vérité ? Oui, je suis le Pope, ce que j'aurais toujours dû être ! Ce vieux schnock de Sion ne comprenait rien, il fallait quelqu'un qui ait de la poigne, de la volonté, de la force, pour diriger cet endroit. J'étais tout qualifié, argua-t-il en s'approchant du Poissons, qui reculait. Et avoue que j'ai bien réussi, vous autres n'y avez vu que du feu.
– C'est un crime contre la déesse…
– Aahahahahah… Pauvre Aphrodite… Tu es aussi fautif que moi, non ? Toi et les autres assassins avez très bien su éliminer les plus gênants de mes adversaires.
– C'était… des ennemis… On avait foi en toi… au Pope, pas en Saga !
– Essaie de te convaincre de ça, si tu arrives à mieux dormir. Et crois-moi, tu continueras à exécuter sagement mes ordres, Chevalier des Poissons.
– Non, ça, non…Parce que tu…!
Aphrodite courut droit sur Saga, poing dressé, mais le Grec n'eut aucun mal à l'arrêter. Il serra le poignet frêle en souriant, dominant le Suédois.
– Parce que tu vas me tuer, c'est ça ? C'est ça ? (Il serra plus le poignet, faisant gémir Aphrodite) Avec tes petits poings, ta petite force, gamin tremblant, tu espères me tuer moi, Saga ?
Aphrodite tenta de le frapper de sa main libre mais Saga l'arrêta de nouveau, serra les deux poignets avant de rejeter le Poissons en arrière, le faisant taper contre le sol.
– Tu me fais rire. Tu crois vraiment être capable de ça ? déclara fièrement Saga en marchant sur le gamin. Il enfonça son pied dans le ventre du chevalier : Tu n'as même pas ton armure ! (Il appuya plus son pied, se régalant des cris étouffés du Poissons) Tu n'arrives même pas à bander ton cosmos dans tes coups ! et tu espères me tuer avec cette faiblesse, moi, un dieu ? Imbécile, cracha-t-il, méprisant, en frappant une nouvelle fois le Suédois au ventre.
Il le dépassa alors que le gamin roulait sur le côté, reprenant son souffle coupé. La haine laissait place peu à peu… à quelque chose de plus inquiétant. De la peur. Aphrodite se rendit compte à quel point sa terreur augmentait. Saga jouait avec lui. Comme un chat avec une souris. Ses poings se serrèrent. Avant que la peur ne soit la plus forte… arriver à son but !
Il se concentra et envoya une volée de roses à Saga. Celui-ci les évita en disparaissant. Il réapparut derrière Aphrodite, et le prit par les cheveux pour le relever complètement. Il le colla contre lui, murmurant contre son cou.
– Ah oui, j'oubliais tes roses… Superbes fleurs, aussi belles que leur maître, et aussi venimeuses… Pas de chance, je n'aime pas la verdure… (Il posa la joue contre le cou tendu en arrière du Poissons) Mmm je sens ton petit cœur qui cogne fort, vite, terrifié et fasciné, n'est-ce pas ?
– Lâche-moi !
Aphrodite se débattit et parvint à se dégager, faisant de nouveau face au Pope. Il passa une main sur sa gorge comme pour en chasser le souffle qui l'avait caressée.
– Tu… Tu es malade, Saga !… Complètement malade…
– Et tu es venu droit dans mes griffes, n'est-ce pas de la folie aussi ? sourit-il. Mais dis-moi, pourquoi cette soudaine envie de me tuer, hein ?
Aphrodite se mordit la lèvre. Pas de doute, Saga jouait avec lui. La question était narquoise, son sourire pervers ne le quittant pas. Comment Saga avait-il pu tant changer ! Oui il était collant avant mais pas… pas si détraqué.
– Tu as fait tuer Lucas… Je ne te pardonnerai pas ! ragea le Suédois en se lançant à l'assaut du Pope.
– Lucas ? Oh oui…
Saga se contentait d'éviter les coups que lui envoyaient le Suédois, restant à sa portée. Plus il s'énervait, moins il se contrôlait et plus il était beau. Son regard prenait vie de plus en plus. Saga aimait cela.
– Pourquoi t'en prendre à moi, je n'ai fait que suivre tes conseils.
– Non, c'est faux !
– Oh que si c'est vrai ! Ne te mens pas, tu m'as tendu la perche ! appuya Saga en le frappant au visage.
Il referma sa main sur la gorge frêle du Poissons et se mit à serrer lentement, contemplant ce joli visage pâle qui le regardait avec une haine délicieuse. Malgré ses efforts, le Suédois ne parvenait pas à échapper à cette tenaille qui l'étouffait peu à peu. Saga rapprocha son visage du sien.
– Oui, c'est toi le seul responsable. Tu m'as dit de prendre un Chevalier d'Argent, j'en ai pris un, et Lucas n'a même pas essayé de se défiler, contrairement à toi. Tu étais trop lâche pour accepter cette mission, alors tu as envoyé quelqu'un d'autre se faire tuer à ta place.
Aphrodite fit apparaître une rose mais avant qu'il n'ait pu la lancer, Saga le cogna brutalement au mur derrière lui. Il le lâcha et lui tourna le dos, faisant quelques pas.
– Ou alors… Oui, c'est ça, tu voulais vraiment faire tuer Cassiopée, hein ? Avoue Aphrodite, tu es bien content qu'il soit mort grâce à toi.
– Men-Mensonge ! cria le Poissons le souffle court en repartant à l'attaque.
Aphro, va-t-en !
Saga sourit méchamment, se tourna et leva le bras.
– Illusion diabolique !
Aphrodite sentit une aiguille lui traverser le cerveau de part en part. Saga s'approcha de lui. Il essaya de s'échapper, mais son corps ne répondait plus. Le Gémeau lui donna un brutal coup de poing au ventre qui le refit percuter le mur. Le Poissons s'effondra au sol, gémissant. Que se passe-t-il ! Mon corps… mon corps, il…
– Tu es en mon pouvoir, maintenant, alors tu vas m'écouter bien gentiment, commença Saga en attrapant le Poissons par le col. Il le jeta au sol, devant les miroirs, et le rejoignit calmement, jouant à se coller contre ce corps tremblant mais totalement paralysé : Tu en voulais à ton précieux Lucas, n'est-ce pas ? Il avait son apprenti, il se fichait de ce que tu devenais, de ce que tu ressentais. Il s'en moquait éperdument et tu le sais ! Tout ce qui lui importait, c'était d'être le plus loin possible de toi pour pouvoir éduquer tranquillement son apprenti…
Non… Non c'est faux ! Aphrodite voulait se débattre, hurler, mais son corps n'obéissait plus. Le poids du corps nu de Saga sur le sien, son souffle chaud qui caressait sa gorge, tout cela le répugnait.
– Il n'a jamais demandé de tes nouvelles, il n'est jamais revenu au Sanctuaire durant ces quatre années ! Ta petite vie ne le préoccupait plus ! Alors, tu as voulu te venger, hein ? Tu savais que si je demandais à un Chevalier d'Or de se faire un ennemi, c'était que l'ennemi en valait la peine… Tu savais qu'un Chevalier d'Argent ne s'en tirerait pas ! C'est pour ça que tu as refusé, sciemment, en toute connaissance de cause ; c'est pour ça que tu m'as conseillé un Chevalier d'Argent !
Non, tais-toi ! Saga contempla les yeux brillants du Poissons. Il semblait au bord des larmes. Encore plus magnifique.
Laisse-le, tu as assez joué avec lui !
La ferme Saga, ça t'excite aussi.
Non…
Oh que si, je sens ce que tu penses, rah tu en as tant rêvé de ce petit Poissons !
Tais-toi et laisse-le tranquille, tu as assez fait de mal comme ça !
Partir alors que ça ne fait que commencer ? Héhé, reste sagement en surface Saga. Je te fais un cadeau là
Saga sourit en empêchant l'Autre de disparaître. Oui… Il sentirait, verrait, entendrait mais sans pouvoir s'échapper. Après tout, il ne faisait qu'accomplir son souhait, et il travaillait dur pour cela depuis plusieurs années.
– En fait, tu es bien content que Lucas soit mort, tu as eu ta vengeance, il n'aurait pas dû te trahir, il l'a bien cherché.
Il caressa doucement les poignets qu'il avait meurtris plus tôt. Le frisson qu'il provoqua le ravit. Il jeta un œil aux miroirs à ses côtés. Le tableau lui plaisait bien.
– Et tu sais quoi ? Tu as bien eu raison, Aphrodite. Il ne fallait pas qu'il se moque de toi. Il n'avait pas à te dire comment vivre alors qu'il ignorait tout de toi, mon beau petit assassin… Il a été rejoindre Athéna…
Quoi ? Saga sut lire la surprise dans les yeux du Poissons et donna un coup de langue dans son cou.
– Oui, autre nouveauté, Athéna n'est plus. Elle est morte avec Ayoros ! Je suis seul maître ici, tu n'as aucun secours à attendre, personne ne t'aidera. je suis celui qui dicte et applique les lois. Je tuerai ceux qui s'opposent à moi, parce que cela aurait toujours dû être ainsi… et tu es comme moi.
Aphrodite sentit les larmes couler de ses yeux désespérément immobiles. Il aurait tant voulu tourner la tête, loin, très loin ! Même son cosmos ne répondait plus. La main de Saga lui tourna légèrement la tête vers les miroirs. L'image qu'ils reflétaient était insupportable. Il ferma les yeux en sentant le Pope lécher ses larmes.
– Non, ouvre les yeux.
Avec horreur, il sentit ses paupières s'ouvrirent. Mais que lui avait fait Saga !
– Tu es si beau, Aphrodite. Des larmes, ça déteint sur toi… Tu sais presque tout maintenant… Je t'aime bien tu sais, je veux te garder près de moi… susurra Saga en mordillant la peau fine du cou. Tout près de moi… Si tu restes une gentille poupée, tu pourras rester en vie. Ne fais pas l'erreur de te rebeller, ou tu pourrais causer la mort d'autres personnes… Maintenant, je vais me faire pardonner pour ces larmes et tu vas te faire pardonner pour m'avoir dérangé et avoir voulu avoir de vilains gestes envers moi, ton dieu.
Aphrodite frissonna en sentant l'une des mains de Saga qui glissait sur son torse et ouvrait sa chemise, avec une lenteur diabolique. Il banda tous ses muscles pour se libérer, mais ne parvint à rien, juste à un frisson qui excita davantage son bourreau. La main glissa plus bas, s'attaquant au pantalon de lin pour l'enlever lentement et faire un répugnant attouchement. C'est un cauchemar, c'est un cauchemar…Il parvint à fermer brièvement les yeux pour échapper au moins au reflet des miroirs. Il ne savait pas ce que faisait Saga, pourquoi il le faisait, mais ça le terrifiait, il voulait qu'il arrête, il voulait fuir. Hurler, hurler à en réveiller tout le Sanctuaire.
Saga lui écarta de force les cuisses pour se loger entre elles. Son sourire se fit plus démoniaque que jamais quand il aperçut le regard désespéré et haineux à la fois d'Aphrodite. Il gémissait doucement. Un Chevalier d'Or, évidemment ; l'Illusion Diabolique risquait de ne plus le priver de voix et de mouvements longtemps… Ça ne le dérangeait pas. Il se pencha sur sa victime.
– Regarde et laisse-toi faire, petite poupée, ordonna-t-il en l'embrassant passionnément.
Du bleu.
Du bleu et du rouge. Mêlés. Qui disparaissaient.
Tellement de froid. Il avait froid. Rien pour le réchauffer.
Du rouge. Plus que du rouge.
Il ne savait pas où il était.
Rien n'est arrivé, juste un cauchemar…
Qui l'avait emmené ici.
Lui ? Non la douleur !
Il se recroquevilla en gémissant.
Toujours plus de rouge. La douleur dans son corps.
Il trembla plus fort. Il ne savait plus si l'eau était chaude, froide. Ou bêtement rouge.
Il ne savait plus où il était. Tout était silence. Un oiseau peut-être chantait.
Le rouge commença à se tarir doucement.
Rien n'est arrivé…
Ce n'était qu'un mauvais rêve…
Rien n'est arrivé
Il fixait sans la voir l'eau mêlée de sang qui fuyait dans le siphon.
Il voulait oublier.
Tout.
Il se cacha le visage en se recroquevillant autant qu'il put dans la baignoire.
Pleurer. Seulement pleurer.
A SUIVRE
Notes pour le suédois :
(1) Glögg : Vin aux épices suédois, traditionnellement bu chaud. (prononcer: gleugg)
(2) Tränen von Phaëton : larmes de Phaëton, en allemand
(3) Skit : Merde, en suédois.
(4) Tig : Tais-toi, en suédois.
Notes de l'Isa : Arf voilà donc la fin du chapitre 3, ce n'était pas le plus facile à écrire... et dites-vous que ça ira en empirant (si c'est faisable) ! Rassurant, 'spa :D Pas grand-chose à dire, à part que j'ai rarement eu autant de difficulté à tuer un personne (amour quand tu nous tiens) mais bon,d 'une manière ou d'une autre, le Lulu devait êter mis hors jeu alors j'ai choisi la façon brutale...
Pour ce qui concerne le titre, je tiens à apporter une précision, en fait, l'allemand Die Rache peut se traduire de deux façons : "le Déclin" ou "la Vengeance", à vous de voir celle que vous préférez. Les références à Cassiopée et l'Eridan sont faciles à obtenir dans les sites d'astronomie, cherchez les constellations éponymes (pour éridan, cherchez "la rivière")
Voilà plus grand-chose à dire, sinon que la suite est à prévoir après mes partiels, donc dans 2/3 semaines environs d'ici aujourd'hui (29-05). Normalement, ça devrait quand même arriver vite, j'ai une bonne inspiration et j'aurais enfin le temps d'écrire sans me soucier des cours. Faudra juste que je puisse me garder du temsp pour écrire ma nouvelle ficaille (encore de l'amouuuur bien dégoûlinant)...
Donc, merci de votre lecture et rendez-vous pour l'avant-dernier chapitre :
Chapitre 4 : Le Ragnarok, le crépuscule des dieux
Partie 1 : Au-delà du Bien et du Mal
