Lettres.
Severus avait pensé que de persuader Hermione de trouver un apprentissage ailleurs serait le plus difficile. Qu'une fois libre de lui faire la cour les choses iraient pour le mieux, tout naturellement, et qu'ils se retrouveraient sous la couette en un rien de temps. Maintenant qu'elle était partie, il se rendait compte que les choses ne se passaient jamais de la façon dont on l'avait prévu. Elles étaient toujours plus compliquées qu'on ne l'avait anticipé.
Pour dire les choses telles qu'elles étaient, il n'avait jamais courtisé personne auparavant, enfin, jamais avec succès. Et il voulait désespérément ne pas tout gâcher avec Hermione.
Leurs dernières semaines avaient été sublimes, si on ne tenait pas compte du temps passé dans le laboratoire. Il y avait eu une légère tension, après ce premier baiser, parce que tous les deux avaient à l'esprit que le lendemain matin ils redeviendraient maître et apprentie. Mais après les cours, il leur était souvent arrivé de s'asseoir devant le feu, buvant un café et bavardant ou disputant une partie d'échecs.
Elle jouait plutôt bien, et il l'avait même laissé gagner à quelques reprises – la joie qui illuminait son visage quand elle capturait son roi en valait largement la peine. S'il avait été du genre sentimental, il aurait peut-être admis que peu à peu elle se rendait maîtresse de son cœur. Mais il n'était pas comme ça, heureusement.
Il se posait des questions, cependant, par exemple : à quel moment on pouvait arrêter de demander la permission d'embrasser sa partenaire, pour se contenter de l'attraper par les épaules pour poser les lèvres sur les siennes ? Peut-être qu'avec la fin de son apprentissage, il n'aurait plus à s'en faire autant pour toutes ces règles de bienséance.
Mais en s'asseyant à son bureau quelques jours plus tard, il se demanda si de la laisser s'éloigner avait été une si bonne idée. Depuis qu'elle avait commencé à travailler pour les Weasley, il ne l'avait vue que pour l'aider à déménager ses affaires du château à un petit appartement qu'elle avait pris à Pré-Au-Lard. Elle avait promis qu'ils se verraient toujours, mais elle n'était pas venue, ne lui avait pas parlé par la cheminée, ni même envoyé un hibou.
Il se rendit compte avec consternation qu'il avait l'impression qu'elle lui manquait. C'était ridicule, personne ne lui manquait jamais. Le calme et la solitude de ses quartiers lui manquaient, ou l'été – la seule période où il était tranquille sans élèves en vue, mais son apprentie ne lui manquait certainement pas.
Enfin, si.
Peut-être qu'elle attendait qu'il fasse le premier pas. La situation était bizarre après tout, ils étaient encore récemment maître et apprentie. Il lui avait dit encore et encore qu'il approuvait sa décision de travailler pour les jumeaux Weasley. Insister plus serait revenu à avouer son stratagème pour se débarrasser d'elle. Mais peut-être avait-elle encore besoin d'être rassurée.
Prenant un papier et un crayon, il rédigea rapidement une note dans laquelle il l'invitait à dîner avec lui.
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Un grand hibou cendré entra par la petite fenêtre, laissant tomber une enveloppe sur la table. Hermione farfouilla parmi les cartons pas encore déballés qui encombraient sa minuscule cuisine, cherchant une friandise à offrir à l'oiseau, mais elle ne trouva rien d'autre qu'un paquet de biscuits très secs.
« Je suis désolée, je n'ai rien d'autre, » lui expliqua t'elle, le voyant se détourner et lever le bec dans les airs. Elle essaya de lui gratter la tête, mais il s'envola avant qu'elle ne puisse le faire. Ramassant la note, son cœur s'emballa quand elle reconnut le sceau vert foncé de Severus. Elle avait été si occupée à emménager et à commencer dans son nouveau travail qu'elle n'avait pas eu le temps de faire autre chose, et, à la vérité, elle était un peu nerveuse après la réaction qu'il avait eu à l'hôpital.
Elle ouvrit la lettre et lut :
Hermione,
Ça fait plusieurs jours déjà que je ressens un drôle d'inconfort dans la poitrine. J'ai d'abord pensé que je souffrais d'indigestion (si tu te souviens du genre de tambouille que servent les elfes de maison en lieu et place de repas, tu comprendras.) Mais cette sensation a persisté même après que je sois allé faire entendre mon point de vue au personnel des cuisines, et que j'aie essayé différentes potions, et je me suis rendu compte que je faisais fausse piste. Je crois que tu me manques.
Quand tu m'as dit que nous nous verrions encore, je pensais que tu voulais dire plus tôt que ça. Si tu n'as pas prévu autre chose, accepterais-tu de dîner avec moi aux Trois Balais demain soir ?
Severus.
Eh bien, ce n'était pas la lettre d'un romantisme échevelé qu'auraient espéré la plupart des filles, mais Hermione n'avait jamais été comme 'la plupart des filles'. C'était une bonne chose, se disait-elle. Si elle avait voulu des poèmes romantiques et des sérénades au clair de lune, elle n'avait pas choisi le bon bonhomme. La seule chose qui la chiffonnait, c'était qu'elle espérait qu'il plaisantait au sujet des elfes de maison. Il savait très bien quelle était son opinion sur le sujet, même si elle avait abandonné le SALE depuis des années.
Elle s'assit pour relire sa lettre, et commença à grignoter un des vieux biscuits sans faire attention. Elle avait cru que les choses seraient plus faciles quand elle ne serait plus son apprentie, mais elle se rendait compte que finalement c'était plus compliqué encore. Ils n'étaient plus ensemble tous les jours. Ils devaient faire un effort tous les deux s'ils voulaient se voir. Ça rendait toute la situation soudain si 'réelle'.
Tant qu'elle était son apprentie, elle pouvait prétendre qu'ils ne sortaient pas vraiment ensemble, parce qu'en fait, ils ne sortaient pas. C'est vrai, elle passait ses soirées devant sa cheminée à discuter et à jouer aux échecs. C'est vrai, il l'avait embrassée plusieurs fois. Mais tout avait changé maintenant. Des gens allaient les voir ensemble et se demander quoi, surtout maintenant qu'Hermione avait arrêté de travailler pour lui.
« Oh… Mon Dieu ! » pensa t'elle tout à coup. « Il faut que j'en parle à Ron et Harry. »
Elle s'imagina leurs airs d'horreur et d'incrédulité quand elle leur dirait qu'elle avait embrassé le Professeur de Potions qu'ils haïssaient tant, et qu'elle était impatiente de recommencer.
Eh bien, elle n'était pas une Gryffondor pour rien. Il était temps qu'elle utilise ce courage qui lui avait tant servi pendant la guerre et pendant ce premier rendez-vous si bizarre avec Severus. Les deux s'étaient bien terminés, non ? Elle reposa son vieux biscuit et chercha une plume et du parchemin. Elle avait deux lettres à écrire. Une pour ses amis, et une pour Rogue.
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merci à zazaone pour ses suggestions, qui ont valu à ce chapitre une (demi-douzaine de) relecture(s) supplémentaire(s). Je pense que ça va mieux maintenant ? benebu
