Vaches et sourcils.
La journée n'avait pas été bonne aux Farces pour Sorciers Facétieux. Hermione commençait à se demander pourquoi elle avait bien pu accepter de travailler dans un endroit pareil. Est-ce qu'elle ne les avait pas vus en cinquième année tester leurs produits sur des première années trop naïfs ? Comment est-ce qu'elle avait pu croire que leurs protestations de 'oh, tu ne feras que développer des potions, jamais nous ne te les ferons tester' étaient autre chose que de la comédie ?
« Est-ce que tes sourcils sont violets ? » demanda Rogue en venant la chercher pour dîner.
« Oui, » admit-elle avec exaspération. « Mais plus tôt dans la journée toute ma tête était de cette couleur. Il m'a fallu des heures pour comprendre comment m'en débarrasser, et je bloque toujours sur les cils et les sourcils. »
« Je croyais que tu ne devais pas tester les potions ? » lui demanda t'il, en la regardant avec un air indéchiffrable.
« Oui, mais apparemment ils ont décidé que je serais bien plus motivée dans ma recherche d'un antidote si j'en avais besoin moi-même. »
Elle se demanda s'il voudrait toujours dîner avec elle maintenant qu'elle avait cette tête-là. Elle ne savait même pas si elle voulait mettre le nez dehors avec ses sourcils violets. Elle pouvait maintenant en vouloir à Fred et George pour avoir saboté sa soirée en plus de lui avoir gâché la journée…
« Peut-être qu'on devrait rester ici, » proposa Severus.
Elle grimaça. Elle s'était fait une joie d'avoir l'occasion de sortir de son appartement minuscule et de ses piles chancelantes de cartons qui la suppliaient de les déballer quand elle rentrait chez elle le soir.
Elle secoua la tête, « Je suis toujours dans les cartons. »
« Encore ? Tu te souviens que tu es une sorcière et qu'il te suffirait de quelques coups de baguettes pour régler tout ça en quelques minutes ? » lui demanda t'il moqueusement.
« Mais cette méthode ne fonctionne que si l'on sait exactement où on veut mettre les choses. Et puis, j'avais autre chose en tête, » répliqua t'elle, en désignant ses sourcils. Elle n'était pas d'humeur à supporter ses sarcasmes condescendants.
« On pourrait aller au château, alors ? » proposa t'il. Elle acquiesça et prit le bras qu'il lui offrait.
Ils ne parlèrent pas beaucoup pendant leur marche vers le château, et Hermione se demanda une fois de plus si leur relation avait une chance en dehors de l'école. Ce n'était pas parce que ça n'avait pas marché entre eux quand elle était son apprentie que ça fonctionnerait à coup sûr maintenant qu'elle ne l'était plus – ils étaient peut-être condamnés à l'échec.
Elle ajusta sa main au creux de son coude. Il posa son autre main sur la sienne, et en caressa doucement le dos.
« Tu m'as manqué toi aussi, » dit-elle doucement. Il se raidit en entendant ces mots. Qu'est-ce qu'elle avait dit de mal ? Est-ce qu'il ne lui avait pas dit qu'elle lui manquait dans sa lettre ?
« C'était une indigestion, » affirma t'il.
« Est-ce que tu es sûr que ce n'est pas un de tes élèves qui essaie de t'empoisonner ? » s'exaspéra t'elle. Elle s'attendait à ce qu'il lui lâche le bras, et lui dise qu'elle pouvait rentrer chez elle avec ses sourcils violets, et surtout qu'elle le laisse tranquille. Mais il n'en fit rien. En fait, les coins de sa bouche remontèrent presque comme s'il souriait.
« Je n'ai pas encore totalement éliminé cette possibilité. » répondit-il avec une trace d'ironie. Elle rit doucement. Ils se turent de nouveau, mais cette fois-ci c'était un silence confortable.
Une fois qu'ils furent dans ses quartiers il commanda un repas aux cuisines.
« Est-ce que tu as réellement crié après les elfes de maison ? » demanda t'elle quand leur dîner apparut.
Il lui adressa un regard énigmatique, qu'elle aurait pu trouver sexy si elle n'avait pas été profondément préoccupée par le sort des elfes.
Elle décida de ne pas insister sur le sujet pour le moment et l'écouta raconter sa semaine et les derniers potins de Poudlard. Tant qu'elle avait été sur place, elle avait suivi avec passion les drames qui se nouaient en salle des professeurs et dans les salles communes. Maintenant qu'elle avait déménagé, elle l'avait chargé de lui raconter tout ce qu'elle manquait.
Pas que ce qu'il lui raconte ait la moindre importance. Il aurait pu lui lire l'index de Potions de Grand Pouvoir et elle aurait écouté. Sa voix de baryton lui avait manqué. Cette voix avait été capable d'atténuer l'impact des critiques qu'il avait fait sur ses amis et son chat.
Tant qu'elle pensait aux potions, elle lui demanda s'il avait une suggestion pour son problème de sourcils.
« Je les aime assez comme ça, » lui affirma t'il avec sérieux.
Elle ricana. « Tu veux les mêmes ? Je suis sûre que je peux t'arranger ça. Peut-être que ça te donnera une motivation pour m'aider. »
Il s'approcha d'elle jusqu'à pouvoir caresser sa joue de son nez. « Je n'ai pas besoin de beaucoup plus de motivation te concernant, » affirma t'il tranquillement.
« Alors tu vas m'aider ? » demanda t'elle, en tournant la tête pour le regarder, faisant se frôler leurs lèvres.
« Bien sûr, » la rassura t'il avant de capturer ses lèvres dans un baiser.
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La soirée avait assez mal commencé, mais elle avait été de mieux en mieux. Severus espérait seulement qu'elle finirait bien. Il avait prévu de faire venir Hermione au château après le dîner. Le fait qu'ils soient venus directement n'avait fait qu'accélérer les choses.
Depuis qu'il avait reçu sa réponse, une note griffonnée de son écriture ronde reçue par hibou, « Passe me chercher à sept heures, tendrement, Hermione. » il attendait cette soirée avec impatience.
Il espérait plus qu'un peu de tendresse ce soir.
Il avait prévu du vin, des bougies, et était même allé jusqu'à choisir de la musique 'd'ambiance'. Mais ce pique-nique improvisé devant sa cheminée s'avérait encore plus romantique que tout ce qu'il aurait pu imaginer, même si elle avait des sourcils d'une drôle de couleur. Mais il ne pouvait pas se permettre de la critiquer sur son apparence. Il n'avait pas la moindre illusion concernant son propre physique, ni sa personnalité d'ailleurs. Il était toujours émerveillé qu'elle ait fait le premier pas, puis décidé qu'elle voulait poursuivre cette relation avec lui.
Mais bon, à cheval donné on ne regarde pas les dents, et qui était-il pour contredire les proverbes ? En même temps, regarder ses dents… Ses lèvres étaient moins perturbantes que ses sourcils, et ne demandaient qu'à être embrassées. A regrets, il se reconcentra sur leur conversation.
« Minerva et Miss Teigne ont encore fait des leurs. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi Minerva insiste pour 'marquer son territoire'. Non seulement elle s'est battue avec le chat, mais elle s'est disputée violemment avec Rusard juste devant la Grande Salle, pour que tout le monde puisse bien en profiter, » lui raconta t'il.
Elle avait un appétit vorace pour les potins qu'il trouvait incroyablement attirant. Il avait toujours cru qu'un rat de bibliothèque comme elle aurait dédaigné ce genre de choses, trouvant qu'elles étaient une perte de temps. Mais en fait c'était tout le contraire. Elle était une intellectuelle de haut vol, mais elle se passionnait pour les mélodrames qui l'entouraient.
« Vraiment ? » s'exclama t'elle. Il acquiesça et ravala la remarque sarcastique qui faillit lui échapper. Bien sûr, 'vraiment'. Est-ce qu'elle croyait honnêtement qu'il lui aurait menti ?
« Elle ne l'avouera jamais, mais je pense qu'elle a été contente, peut-être pas que je parte, mais que Pattenrond le fasse, » lui dit-elle.
« Je pense que tout le monde est ravi que cette terreur sur pattes soit partie, » répliqua t'il avec mordant. Il doutait souvent des choix qu'elle avait fait concernant ses relations (Potter et Weasley comme meilleurs amis, quand même,) et son choix d'animal de compagnie ne faisait que renforcer cette opinion : elle n'avait aucun goût en matière d'amis ou d'animaux.
Quand elle changea de sujet pour parler de ses sourcils violets, il en profita pour lui faire un compliment. De toute sa vie il n'avait jamais trouvé de raison de complimenter quelqu'un. Il n'avait jamais reçu de compliments, et n'en avait jamais fait, mais même s'il ne savait quasiment rien sur les femmes et la façon de leur faire la cour, il savait qu'elles aimaient qu'on leur fasse des compliments. Il en avait répété quelques uns face à son miroir, et avait décidé qu'il vaudrait mieux s'en tenir à ceux qui venaient naturellement dans la conversation.
En conséquence, il fut un peu surpris et déçu de sa réponse indignée quand il lui avait dit qu'il 'aimait assez' ses sourcils. Ce n'était pas vrai, bien sûr. La couleur était hideuse et n'allait pas du tout avec son teint.
Il vaudrait mieux s'en tenir à la sincérité à l'avenir, mais en y ajoutant une pincée de tact, se dit-il. S'il n'avait pas apprécié sa compagnie plus que celle de n'importe qui d'autre, il ne se serait jamais donné tant de mal. Il ne se privait pas de dire ce qu'il pensait d'eux à la plupart des gens, après tout. D'un autre côté, il se fichait pas mal de savoir ce que 'la plupart des gens' pensaient de lui.
Mais toute cette histoire de 'plupart des gens' lui sortit complètement de l'esprit quand il posa enfin les lèvres sur celles d'Hermione. Après quelques minutes, il se pencha un peu plus vers elle pour voir si elle suivrait le mouvement. Elle suivit. Doucement, il les fit passer d'une position assise à une position plus allongée, Hermione disparaissant presque sous lui.
Elle bougea ses mains, de leur position innocente sur ses épaules, vers son cou. Elle emmêla ses doigts dans ses cheveux, puis redescendit pour lui caresser le dos. De son côté, il prit le visage d'Hermione dans l'une de ses mains, pressant de petits baisers au coins de ses lèvres, avant de l'embrasser plus ardemment ; pendant ce temps, il glissait son autre main sous le pull de la jeune fille.
Sa peau était douce et chaude, comme celle d'un bébé. Enfin, il n'avait pas la moindre idée de la douceur d'une peau de bébé, et il n'avait pas envie de s'attarder trop longtemps sur cette pensée, qui avait tendance à lui rappeler la différence d'âge qui existait entre eux. Pas douce comme celle d'un bébé, décida t'il, mais douce comme de la soie. Voilà, de la soie, c'était ça.
Il plia la main en la passant sur son estomac. Elle se raidit et il sentit qu'elle souriait sous ses lèvres. Alors comme ça elle était chatouilleuse ? Il prit note de cette information pour un usage ultérieur et continua a remonter la main doucement contre sa peau. Elle gémit de façon quasiment inaudible contre ses lèvres, et ce son fit monter sa température. Il bougea la main, espérant caresser un endroit qui provoquerait plus de sons de ce genre, quand il sentit qu'elle le repoussait.
« Je crois qu'on devrait arrêter là, » dit-elle en se redressant. Il la regarda sans comprendre.
« Je ne vois pas… » commença t'il.
« Parce qu'après tout, pourquoi acheter la vache quand on peut boire son lait gratis, pas vrai ? » demanda t'elle avec un rire nerveux.
Il la dévisageait, toujours sous le coup de la fin brutale de leur intermède. Elle l'avait repoussé pour parler d'animaux de la ferme ? Est-ce que le fait qu'il la touche l'avait dégoûtée à ce point ? Elle avait pourtant eu l'air d'apprécier. Il ne comprenait pas la raison de cette soudaine rebuffade. Il la regarda avec méfiance lisser les cheveux qu'il avait décoiffés de ses mains. Elle avait les joues rouges, et quand elle lui sourit, il dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas la repousser sur le canapé, lui dire d'oublier la vache, et la faire taire d'un baiser.
Mais qu'est-ce qu'il avait fait de travers ?
