Bleu et Lavande.

La nuit précédente s'était avérée déroutante pour Hermione, et comme toujours elle faisait appel à la raison et la logique pour essayer d'analyser la situation.

Combien de rendez-vous avaient-ils eu jusqu'à maintenant ? Il y avait eu ce premier dîner si bizarre chez Merlin. Et puis la fois où ils étaient allés à cette conférence, pour se retrouver coincés sous le gui au retour.

Ensuite… eh bien, ensuite ils avaient décidé que de sortir ensemble tant qu'elle resterait son apprentie était une mauvaise idée. Bien sûr, elle avait déjà passé du temps avec lui au coin de la cheminée, et ils s'étaient embrassés une ou deux fois de plus, mais si on entrait dans les détails, la veille n'avait été que leur troisième rendez-vous.

Etait-elle le genre de fille qui faisait ce qu'elle avait eu envie de faire la veille après seulement deux 'vrais' rendez-vous ? Elle n'avait pas eu besoin de Légilimencie pour comprendre qu'il aurait attendu d'elle beaucoup plus, et elle n'était pas sûre d'être prête. Mais elle ne voulait pas non plus le décourager. Après avoir passé des années avec des garçons pour meilleurs amis, elle avait compris que même s'ils avaient l'air solides et costauds, leur ego pouvait être aussi fragile que du verre. C'était bien trop compliqué !

Hermione avait besoin d'aide, et elle ne connaissait qu'une seule personne qui avait les compétences nécessaires pour lui venir en aide : Lavande Brown.

« SalutLavandejauraisbesoindeconseilsdedrague, » dit Hermione d'un seul souffle quand Lavande lui ouvrit la porte.

« Toi ? » s'étonna t'elle. « Tu as besoin de mes conseils ? »

« Oui, » admit pitoyablement Hermione.

« La grande Hermione Granger qui disait que les romans à l'eau de rose était un gaspillage de papier ? » lui rappela Lavande.

Elle acquiesça. Est-ce qu'elle avait vraiment dit ça ? Elle ne s'en souvenait pas. Ce devait être avant qu'elle ne découvre la réserve de Molly Weasley de l'équivalent de Harlequin chez les sorciers. Elle en avait lu des dizaines l'été précédent sa septième année. Bien sûr, jamais elle ne l'avouerait à personne.

« La grande Hermione Granger qui a laissé tomber un joueur de Quidditch connu dans le monde entier parce qu'il la distrayait de son travail scolaire ? »

« Ce n'est pas juste ! Il y avait d'autres choses à prendre en compte à cette époque, notamment son intérêt pour la Magie Noire, » protesta Hermione.

« La grande Hermione Granger qui a passé tout son temps avec les deux mecs les plus mignons de notre année sans jamais rien tenter avec eux ? »

« Tu as fini ? » aboya t'elle. Elle commençait à se comporter comme Severus. C'était effrayant, à y penser. Enfin, si quelqu'un le méritait c'était bien Lavande Brown. Mais bon, elle ne pouvait pas non plus être trop cassante avec elle, puisqu'elle venait lui demander de l'aide.

« Pas encore, » répondit Lavande. Hermione attendit pendant que Lavande essayait en vain de trouver quelque chose à lui reprocher. L'air consterné, Lavande admit sa défaite.

« Bon, d'accord. J'ai fini. Entre, » dit-elle en s'écartant du passage.

Elle la guida vers un petit salon au papier peint à motifs de fleurs sur fond rose écœurant. Hermione n'avait jamais imaginé que quelqu'un puisse posséder autant de babioles.

Tout en faisant de son mieux pour ignorer les figurines de licorne qui couraient en long et en large sur une étagère surchargée, Hermione expliqua son dilemme – elle voulait faire comprendre à Severus qu'elle l'appréciait, mais elle voulait ralentir un peu les choses.

« Mais qui est l'heureux élu ? » demanda immédiatement Lavande quand Hermione se tut. Hermione avait espéré s'en tirer sans avoir à prononcer le nom de Severus. Ça ne pourrait provoquer que des cris de dégoût, faire perdre beaucoup de temps, et résulter finalement en un refus de dispenser le moindre conseil. Rogue n'avait pas d'amis parmi ses anciens élèves, et Hermione se disait que Lavande ne se réjouirait peut-être pas de le voir trouver l'amour.

« Tu ne connais pas, » mentit-elle.

« Mais c'est un professeur. »

« Euh, oui. Comment est-ce que tu as deviné ? » lui demanda t'elle, pour le regretter immédiatement. Lavande avait été la groupie de Trelawney depuis leur troisième année, et elle prenait déjà ce regard voilé caractéristique.

« Mon Troisième Œil, » dit Lavande avec gravité. Hermione se retint d'éclater de rire en étant témoin de changement brutal d'attitude, de la commère au sérieux d'une 'Vraie Voyante'.

« J'ai prédit il y a longtemps que tu tomberais amoureuse d'un professeur ou deviendrais toi-même professeur, » affirma t'elle à Hermione.

« Il y a combien de temps, exactement ? » demanda Hermione avec méfiance.

« Le mois dernier. »

« Le mois dernier ? Lavande, j'étais l'apprentie de Rogue le mois dernier ! Est-ce que tu réalises que le but d'un apprentissage est d'étudier un sujet pour pouvoir l'enseigner à son tour ? » C'était exactement pour cette raison qu'elle avait quitté la classe de Trelawney en trombe toutes ses années auparavant. Ou tout du moins aussi vite qu'elle avait pu descendre cette maudite échelle de corde.

« Oui, » se rebiffa Lavande. « Et alors ? »

« Eh bien, j'étudiais pour devenir professeur et j'étais entourée de professeurs tous les jours. La probabilité que je tombe amoureuse d'un professeur était plus grande alors, et celle que je devienne professeur était de 100 ! Ta prédiction n'avait vraiment rien d'inattendu. »

« On peut voir les choses comme ça, » admit Lavande. « Bien sûr, aujourd'hui tu n'es plus apprentie, et il n'y a pas tant de Professeurs à Poudlard dont il est possible de s'enticher. »

Ce n'était pas faux.

« Après tout, je n'ai pas prédit que tu tomberais amoureuse de Rogue ! » s'amusa Lavande.

Et nous y voilà, se dit Hermione. Je peux continuer à mépriser la Divination comme je l'ai toujours fait. Elle décida de faire progresser la conversation jusqu'à la partie où Lavande lui donnait des conseils afin de pouvoir s'en aller.

« Qu'est-ce que je dois faire ? » demanda t'elle.

« Je vais te répéter ce que m'a appris ma grand-mère… Il faut toujours qu'ils en veuillent plus, » lui dit Lavande en riant.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? »

« Ça veut dire fais-toi désirer, ne lui rends pas les choses trop faciles. Les hommes sont des chasseurs par nature. S'ils attrapent leur proie trop facilement, ils commencent à se demander s'ils la voulaient vraiment. »

Eh bien, c'était ce qu'elle avait fait jusque là. Il avait certainement eu l'air déçu quand elle avait mis fin à leurs activités. Mais elle ne voulait pas non plus lui envoyer de signaux contradictoires. Ça allait demander beaucoup de précision, se dit-elle. Ce ne serait pas vraiment de la manipulation, en tant que telle, mais ça en serait très proche.

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Après le départ brutal d'Hermione la veille au soir, Severus avait besoin de conseils pour savoir comment se comporter. Il n'existait que deux personnes au monde, hormis Hermione, avec qui il supportait de discuter pendant plus de trois minutes d'affilée, ce qui signifiait qu'il avait le choix entre Albus et Minerva. Il se décida pour Minerva. Il espérait qu'une femme pourrait avoir une meilleure idée de ce que pensait une autre femme, et puis Albus, à presque 150 ans, était toujours célibataire.

Il décida d'aller la voir dans son bureau au lieu d'aborder le problème dans la Grande Salle ou dans la salle des professeurs, de peur d'être entendu par un collègue, ou, Dieu l'en garde, par un élève. Il se faisait un devoir d'écouter les commérages pour pouvoir faire son rapport à Hermione, mais il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour s'assurer que la rumeur ne parle jamais de lui, d'Hermione, ou, quelque improbable qu'elle paraisse pour le moment, de leur relation.

« Severus ! » s'exclama McGonagall en le voyant entrer. « Ce doit être quelque chose d'important. Tu ne viens jamais jusque dans mon bureau. »

« En effet, » confirma t'il brièvement. Elle lui fit signe de s'asseoir, et il expliqua son problème, toujours en aussi peu de mots que possible. Il voulait en terminer au plus vite, résoudre le problème, quel qu'il soit, afin de pouvoir retrouver Hermione et faire avec elle ce qu'ils étaient supposés faire arrivé à ce stade de leur relation.

« Elle a parlé d'acheter du lait et de vendre des vaches, » lui expliqua t'il. Minerva le regarda, confuse.

« Est-ce que tu es sûr que c'est ce qu'elle a dit ? » lui demanda t'elle.

« Evidemment que je suis sûr, » aboya t'il. C'était bien ce qu'elle avait dit, non ? En toute honnêteté, il n'avait pas si bien entendu ce qu'elle disait, parce qu'il était encore en train de se remettre de l'effet que ses baisers avaient eu sur lui.

« Je ne sais pas quoi te dire, Severus, » finit par dire Minerva. « à part que les femmes ne disent pas toujours ce qu'on a l'impression qu'elles disent. Il va falloir que tu apprennes à lire entre les lignes. Fais autant attention à ce qu'elle ne te dit pas qu'à ce qu'elle te dit. »

Faire attention à ce qu'elle ne dit pas ! Lire entre les lignes ? Essayer de comprendre l'énigme qu'était Hermione Granger lui embrouillait la tête. Il se demanda une fois de plus s'il ne ferait pas mieux de recourir à la Légilimencie. En fait, il se demandait si ce n'était pas exactement dans ce genre de situation que cet art était né. Il décida qu'il réfléchirait à tout ça à tête reposée avant de décider d'un plan d'action.

De retour dans ses quartiers, il trouva un hibou qui l'y attendait. Il avait au bec une courte note de l'écriture d'Hermione. Son cœur s'arrêta un moment. Est-ce que c'était un message disant qu'elle ne voulait plus jamais le revoir après le comportement qu'il avait eu la veille au soir ?

J'ai besoin de toi ! Dépêche-toi, je t'en prie, Hermione.

Il laissa échapper un soupir de soulagement en lisant ces mots. Il s'était attendu à quelque chose de bien pire. En fait, il aurait certainement mérité quelque chose de bien pire, mais il décida de ne pas s'attarder sur cette pensée, pour se demander quelle était la raison de ce message urgent. Peut-être qu'elle se sentait mal à propos de l'attitude qu'elle avait eu la veille au soir ? Peut-être qu'elle s'était rendu compte qu'elle avait besoin de lui finalement ? Ou alors, peut-être que son évier était bouché et qu'elle avait besoin d'un homme pour s'en occuper. C'était encore la situation la plus probable. En arrivant à son appartement, il réalisa qu'il s'était trompé sur toute la ligne. Il y avait eu un autre accident aux Farces pour Sorciers Facétieux.

« Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Tu es toute bleue ! » Il la dévisageait avec incrédulité. Sa peau, qu'il connaissait pâle avec quelque taches de rousseur, était maintenant du même teint que celle d'un lutin des Cornouailles.

« Oui, je suis bleue. Il y a eu un accident au travail aujourd'hui, » dit-elle avant de fondre en larmes. Elle tremblait de tout son corps et semblait avoir du mal à respirer.

« Je ne sais pas quoi faire, » se lamenta t'elle. Enfin, c'est ce qu'il crut l'entendre dire. Il avait du mal à comprendre ce qu'elle disait entre ses sanglots. Il avait déjà vu des gens pleurer avant, mais normalement ils pleuraient à cause de quelque chose qu'il leur avait dit. Il faisait de son mieux pour faire pleurer au moins un première année tous les ans pendant la première semaine de cours. L'année précédente, il en avait fait pleurer trois – son record personnel. Mais s'il avait pas mal d'expérience sur les façons de faire pleurer les gens, il ne savait quasiment rien sur la façon de les faire arrêter.

Et il voulait qu'elle s'arrête. Elle avait une allure horrible : le visage violet (apparemment c'était ce qui arrivait quand une peau bleue rougissait), les yeux gonflés et le nez qui coulait. Il essaya de lui donner de petites tapes sur l'épaule, mais il fut horrifié de s'apercevoir qu'elle prennait ça pour une invitation à se jeter dans ses bras. Maintenant, ses larmes et autres liquides corporels coulaient sur le devant de sa chemise, mais il ne pensait pas qu'elle apprécierait qu'il la repousse pour se saisir de sa baguette. C'était ce qu'il voulait faire, mais au lieu de ça, il la garda serrée contre lui jusqu'à ce qu'elle se calme.

« Est-ce que tu veux du lait ? » demanda t'il. Minerva lui avait parlé de lire entre les lignes, et il avait finalement conclu que son étrange charabia de la veille avait été un moyen alambiqué de lui faire comprendre qu'elle avait soif, même s'il trouvait un peu vexant qu'elle ait choisi pareil moment pour le lui dire. Mais il était déterminé à jouer le parfait chevalier servant à partir de maintenant. Il avait été un espion pendant des années, forcé d'écouter le Seigneur des Ténèbres en train de pérorer, en prétendant qu'il approuvait chacune de ses idées grandioses mais néanmoins idiotes. Alors il ne devrait pas avoir de problèmes avec ça, si ?

« Du lait ? » demanda t'elle, confuse.

« Ou autre chose à boire ? »

« Non, merci. Je me sens mieux maintenant. » Il n'avait pas l'impression qu'elle aille mieux. Elle tremblait toujours un peu, et sa peau était toujours d'un horrible cyan. Même son odeur était bleue, elle sentait un peu la myrtille trop mûre.

« Est-ce que tu veux en parler ? »

C'était officiel : il était fou d'elle. Pour quelle autre raison serait-il resté là, à la tenir dans ses bras pendant qu'elle pleurait sur son épaule, pour ensuite, au lieu de la repousser et d'essayer de la réduire au silence, l'encourager à 'en parler' ?

« Depuis le premier jour de ma sixième année, j'avais prévu comment se déroulerait le reste de ma vie. J'allais suivre mon apprentissage avec toi. Je voulais enseigner à Poudlard, ou peut-être à Beauxbâtons, et j'aurais inventé un remède contre l'un des Sortilèges Impardonnables. Et bien sûr, je voulais me marier, avoir un ou deux enfants, qui auraient des pouvoirs magiques, et vivre heureuse pour toujours. »

« La vie se déroule rarement de la façon dont nous l'avons prévue, » dit-il sardoniquement en pensant à la Marque qu'il avait sur le bras.

« Je sais, » renifla t'elle. « C'est simplement que je ne pense pas pouvoir continuer ce travail. Je deviens folle à me dire tous les jours qu'il y a peut-être quelque chose dans mon café, même si c'est souvent le cas. Aujourd'hui c'est quelque chose qui m'a teinte en bleue ! » Des larmes recommencèrent à couler le long de ses joues, et Severus essaya de ne pas soupirer trop bruyamment. La soirée risquait d'être longue.

« Alors démissionne. »

« Et qu'est-ce que je vais faire ? »

« Ce que tu veux, » affirma t'il en la serrant contre lui. C'était incroyable de voir comme leurs corps s'ajustaient bien ensemble, se disait-il quand elle se pressa tout contre lui pour passer les bras autour de son cou, alors que lui faisait courir ses mains dans son dos.

« Tout ce que tu veux, » chuchota t'il dans son oreille bleue.

« C'est juste que je ne sais pas quoi choisir, » murmura t'elle contre son cou. Il ressentit un pincement de culpabilité, sachant que c'étaient ses manœuvres pour lui faire abandonner son apprentissage qui l'avaient conduite à cette situation, mais il choisit de ne pas en tenir compte, et de se concentrer au contraire sur l'idée que d'avoir subi sa crise de nerf un peu plus tôt avait valu le coup puisqu'il était maintenant assis tout contre elle et qu'il pouvait la serrer dans ses bras. Il entendit soudain le fort craquement de quelqu'un qui Transplanait.

« Hermione, il faut qu'on te parle de… VOUS ! »

Son éternel cauchemar, Harry l'Affreux Potter, fit irruption dans la pièce, Ron Weasley sur ses talons. Ils avaient tous les deux l'air prêt à en découdre.


Se-ve-rus est amoureux-euh, na-na-na-na-nèreuh ! benebu.