Confrontations.

Son éternel cauchemar, Harry l'Affreux Potter, fit irruption dans la pièce, Ron Weasley sur ses talons. Ils avaient tous les deux l'air prêt à en découdre.

« Qu'est-ce que vous lui avez fait ? » hurla Ron.

« Je n'ai rien fait d'autre que de la calmer après que vos frères aient trafiqué son café du matin, » répondit calmement Severus, en laissant glisser une main vers la poche où il rangeait sa baguette, au cas où il en aurait besoin. Lancer quelques mauvais sorts à ces deux-là ne lui poserait pas le moindre problème ; il n'avait jamais eu la chance de le faire pendant qu'ils étaient ses élèves. Dumbledore désapprouvait l'utilisation de sorts contre les élèves indisciplinés, il préférait que ses professeurs retirent des points ou donnent des retenues, mais ni l'un ni l'autre n'étaient aussi thérapeutiques qu'un bon sort de Crache-Boyaux bien senti.

« Hermione, nous avons besoin de te parler, à toi seule, » affirma Harry, gardant son calme à grand mal.

« Non, je ne crois pas, » dit-elle sur un ton grave et menaçant en se relevant. Elle prit un instant pour essuyer ses joues mouillées de larmes, et passer ses mains dans ses cheveux, pendant que les trois hommes présents regardaient, hypnotisés par la créature bleue qui se tenait devant eux. « La dernière chose dont j'ai besoin en ce moment est que vous veniez remettre en cause mes choix. »

« Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ? » demanda Ron en geignant de façon pathétique.

« Fred et George me sont arrivés. »

« Oh, » dirent les deux garçons comme s'ils venaient soudain de découvrir le douzième usage du sang de dragon. Et puis, à la grande contrariété de Severus, ils se mirent à ricaner. Seulement Weasley, d'abord, puis peu à peu Potter, jusqu'à ce que même Hermione sourie, et finalement éclate de rire elle aussi.

« Je ne vois pas pourquoi tu te mets dans cet état, ça ne peut pas être pire que l'été qui a suivi notre sixième année, » affirma Harry.

« Oui, au moins cette fois tu n'as pas… » dit Ron, en riant tellement qu'il fut incapable de terminer sa phrase.

Au moins elle n'avait pas quoi ? Quoi ? Le fait de se sentir mis à l'écart dans la conversation le frustrait, mais il était encore bien plus contrarié à l'idée de vouloir faire partie d'une conversation qui non seulement incluait Potter et Weasley, mais aussi des rires. Pourquoi est-ce qu'eux se retrouvaient avec le rôle de lui rendre le sourire alors que lui avait eu pour tâche de lui fournir une épaule pour pleurer ? Ça n'était pas juste. Il n'aimait pas du tout être jaloux de ces deux-là. Severus décida que ça avait bien assez duré. Il se leva et posa les mains sur les épaules d'Hermione, à la fois pour lui rappeler qu'il était toujours là et pour énerver les deux garçons. Ça n'eut pas d'effet extraordinaire. Son rire se calma progressivement ; et finalement la situation se résuma à Hermione qui gloussait toujours, et Potter et Weasley qui le fusillaient du regard.

« Merci, j'avais vraiment besoin de ça, » leur dit-elle, essuyant de son visage les larmes qu'elle avait versées de rire, cette fois.

« A propos de ton message, » lui rappela Harry.

« Oui, c'est vrai. Je savais que ça ne vous plairait pas, mais moi je suis heureuse, et c'est ce qui compte, non ? » demanda t'elle, sur un ton fatigué qui ressemblait plus à celui de la Hermione qu'il avait trouvée en arrivant ce soir.

« Mais… mais… » balbutia Ron.

« Mais quoi ? C'est Rogue ? C'est vrai, et je vous donnerais une explication si j'en avais une, mais tout ce que je sais c'est que j'aime être avec lui. Il me fait rire, il me fait réfléchir, et il me rend heureuse, » dit-elle en écartant ses mains de ses épaules. Elle alla embrasser les garçons sur la joue. « Maintenant, sortez de chez moi, qu'on puisse recommencer à faire des cochonneries. »

« Hermione ! » dit Harry, horrifié à l'idée qu'elle puisse embrasser Rogue.

« Dehors, » ordonna t'elle. « Je vous envoie un hibou demain, et on déjeunera ensemble dans la semaine. » Finalement convaincus, il acquiescèrent et Transplanèrent à grand bruit.

Severus se rassit, essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Elle l'appréciait, elle l'appréciait vraiment. Il le savait, parce qu'elle venait de le dire, et curieusement ça l'excitait autant que ça lui faisait peur. Et elle avait aussi parler de faire des cochonneries, mais la fois dernière, alors qu'il ne demandait pas mieux, elle l'avait repoussé. Elle s'assit à côté de lui et lui prit la main.

« Merci. »

« Pour quoi ? » demanda t'il, perdu et irrité. Ce n'était pas lui qui lui avait fait accepter sa 'bleuté', mais Harry l'Affreux Potter et Ron l'Imbécile.

« Ça aurait pu se passer beaucoup plus mal. »

« Je regrette presque que ça n'ait pas été le cas, » avoua t'il. Sa baguette n'avait pas quitté sa poche, et il avait l'impression d'avoir manqué une occasion en or. Il aurait pu les faire disparaître de la surface de la terre, et prétendre ensuite que ça avait été pour la défendre. Il la regarda en se demanda si elle aurait accepté pareille excuse. Elle avait une tendance à protéger ses amis, et elle était loyale, aussi. Bien sûr, maintenant il appartenait aussi à cette catégorie. Elle le protégerait. Elle lui serait loyale. Et ce serait avec lui qu'elle ferait des cochonneries, et pas eux. Il lui faudrait une catégorie à part. Il était plus qu'un ami.

Il leva les yeux et découvrit qu'elle était sur ses genoux, et lui caressait tendrement le visage.

« Moi je suis contente que ça se soit passé comme ça, » dit-elle en souriant. « Imagine un peu le désordre que vous auriez pu créer à vous trois. Et puis, s'ils t'avaient réduit en miettes, je ne pourrais plus faire ça. » Elle se pencha pour l'embrasser. Il lui rendit ce baiser jusqu'au moment où il réalisa ce qu'elle venait de dire.

« Qu'est-ce qui te fait croire que je ne les aurait pas réduits en miettes ? » demanda t'il, indigné.

« Si tu as tenu si longtemps sans jamais tuer Harry, je doute sérieusement que tu succombes à la tentation maintenant. »

« Oui, mais avant je devais le protéger pour qu'il puisse vaincre Tu-Sais-Qui. Maintenant que c'est fait, je n'aurais pas le moindre problème pour me débarrasser de lui définitivement. » Elle fronça les sourcils et il réalisa soudain qu'il n'aurait pas du dire ça. Même s'il avait parlé en toute sincérité. Ce qu'il ressentait pour Harry Potter n'allait pas la convaincre de faire des cochonneries avec lui.

« Et puis ça aurait été pour défendre ton honneur, » ajouta t'il. Elle y réfléchit un instant.

« Je peux défendre mon honneur toute seule, merci bien. »

« C'est sans doute pour ça que tu es de cette jolie couleur bleue, » se moqua t'il. Il savait parfaitement qu'il aurait dû arrêter, s'excuser, et ne plus dire de bêtises s'il voulait continuer à l'embrasser, mais les vieilles habitudes avaient la vie dure.

« Ça n'a rien à voir, » protesta t'elle, et il vit qu'elle se préparait à lui sortir une des longues tirades dont elle avait le secret. Il fallait qu'il fasse quelque chose, vite.

« Tu as raison, » admit-il, essayant de nouveau de l'embrasser, mais elle tourna la tête et il n'atteint que sa joue. Il n'avait pas avoué qu'il avait tort, mais elle était certainement capable de comprendre que c'était ce qu'il avait essayé de dire… Apparemment, non.

« Mon honneur… »

« Attends, » interrompit-il. Il venait de remarquer que son visage était un peu moins bleu à l'endroit où il l'avait embrassée. Peut-être que le sortilège commençait à faiblir. Il testa sa théorie en lui léchant le lobe de l'oreille.

« Mais qu'est-ce que tu fais ? » demanda t'elle, un peu vexée qu'il l'ait interrompue dans sa tirade sur les droits des femmes.

« Je résous ton problème, » répondit-il. « Ça s'efface. »

« Vraiment ? C'est génial ! » Elle jeta les bras autour de son cou une fois de plus pour l'embrasser. Potter et Weasley l'avaient peut-être fait rire, mais est-ce qu'ils avaient su résoudre son problème ? La réponse était non. Et maintenant qu'il y pensait, ce n'étaient pas eux qu'elle avait appelé à son aide, c'était lui. La mauvaise humeur commençait à se dissiper.

« Est-ce que tu penses qu'une douche me débarrasserait du reste ? » demanda t'elle en se levant du canapé en un bond.

« Eh bien, j'aurais adoré t'en débarrasser moi-même, mais ça nous prendrait toute la semaine. Alors oui, je dirais qu'une douche devrait te sortir d'affaire. » Et malgré son envie de finir au lit avec Hermione, ses fantasmes n'allaient pas jusqu'à la voir jouer le rôle de la 'nymphe bleue'. Il la regarda se précipiter vers la salle de bains. Elle s'arrêta sur le seuil et se retourna vers lui.

« Merci, » dit-elle.

« De rien. »

« Je te vois demain, » demanda t'elle avec espoir. Il acquiesça.

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Hermione avait été si préoccupée après sa visite à Lavande qu'elle avait baissé sa garde, et laissé sa tasse de café hors de sa vue. Le reste de la journée avait été un brouhaha de colère, de larmes et de confusion. Severus était venu à son appartement, et s'était assis auprès d'elle pendant qu'elle énumérait tous ses doutes à propos de son avenir – son apprentissage qui n'avait pas marché, son travail pour les jumeaux qui n'allait pas durer, et le fait qu'elle ne savait pas ce qu'elle allait faire. Elle avait été surprise, en fait, de la sensibilité dont il avait fait preuve. Il ne l'avait pas interrompue, mais l'avait serrée contre lui jusqu'à ce qu'elle ait fini. C'était exactement ce dont elle avait eu besoin à ce moment-là. Et quand Harry et Ron étaient arrivés pour la sauver des griffes maléfiques de Severus, elle avait été sûre que son appartement serait détruit et qu'il y aurait des morts. Mais ça non plus, ça n'était pas arrivé. Etant données les circonstances, la soirée s'était plutôt bien passée, mais elle avait été éprouvante. Elle ne se souvenait pas d'un moment où elle avait été si fatiguée émotionnellement dans un passé récent. Elle s'émerveillait de sa chance en y repensant le lendemain au travail.

« Hé, Hermione ! Tu veux du café ? » demanda Fred, en approchant de la table de travail où elle avait installé son chaudron.

« Non, merci, » répondit-elle d'un ton glacial, en tapotant une petite flasque qu'elle portait à la taille. « J'en ai sur moi. »

« Tu commences à ressembler un peu à Maugrey Fol-Œil, non ? » s'amusa t'il.

« Travailler ici a tendance à faire ressortir la paranoïa chez moi, » répondit-elle. « Au fait, je voudrais te dire un mot. »

« A quel sujet ? »

« Je démissionne, » répondit-elle. Elle avait décidé de suivre les conseils de Severus. Il avait raison, elle pouvait faire tout ce qu'elle voulait, et s'obstiner à travailler ici ne ferait que de la rendre folle. Il avait un travail qu'il détestait de toute évidence depuis des années, et il n'y avait qu'à voir ce qui en était sorti – rien de bon, même si elle était encore capable de trouver largement de quoi lui plaire.

« C'est génial ! » répondit Fred avec un grand sourire.

« Génial ? »

« Oui, ça veut dire que je remporte la cagnotte. »

« La cagnotte ? » demanda t'elle. Sa voix montait dans les aigus, signe de colère imminente.

« George et moi avons été vraiment surpris quand tu as accepté ce travail. Nous nous sommes dit que tu ne tiendrais pas longtemps dans notre environnement de travail 'unique', alors nous avons parié dessus. »

« Alors vous avez trafiqué mon café pour me faire fuir ? » demanda t'elle, en élevant encore la voix. Elle glissa la main vers sa baguette.

« Oh, non, nous l'aurions fait de toute façon. Ce sera vraiment dommage de te perdre. Tu es vraiment géniale dans le domaine des potions. » Hermione acquiesça sèchement, les lèvres et les poings serrés. Elle se retourna vers son travail, sachant que si elle répondait quoi que ce soit, ce serait sous forme d'un mauvais sort.

Elle ne savait pas si elle devait se sentir soulagée ou blessée que les jumeaux ne l'aient pas pensée suffisamment forte pour travailler chez eux. George passa la voir un peu plus tard pour essayer de la convaincre de rester un peu plus longtemps. Apparemment, il avait pensé qu'elle avait plus de caractère que Fred ne l'avait prédit, et qu'elle resterait au moins jusqu'à la Saint-Valentin.

« Et puis, nous aurions vraiment besoin de ton aide sur la Solution de Sonnets Shakespeariens. La personne qui en boit ne parle qu'en sonnets pendant jusqu'à une demi-heure. C'est très romantique, » plaida George.

« Je suis au courant pour le pari, George, » lui dit-elle d'un ton monocorde.

« Raison de plus pour rester, alors, » lui dit-il avec un sourire malicieux. Mais elle remarqua qu'il s'était éloigné d'elle pour le cas où elle aurait décidé de sortir sa baguette. Les deux Weasley n'étaient pas encore tout à fait remis de ce qu'elle leur avait fait subir la veille après l'Incident Bleu.

Mais George lui avait fait penser à quelque chose – la Saint-Valentin. Il faudrait qu'elle trouve quelque chose pour Severus. Mais quoi ? Le seul cadeau qu'elle lui ait jamais fait, ça avait été un bon cadeau qui venait de ses parents et sur lequel elle avait changé le nom. Elle ne pensait pas qu'il apprécierait une carte chantée, mais elle fut tentée un moment. Mais si elle ne pouvait pas être là au moment où il la recevrait en plein milieu de la Grande Salle, alors ça ne valait pas le coup de risquer la scène qui s'ensuivrait inévitablement. Il l'appréciait, mais pas à ce point, pas encore, tout au moins. Les ingrédients pour potions étaient trop impersonnels, et elle ne savait pas quels livres il avait ou n'avait pas. C'était une énigme, mais Hermione adorait les énigmes.