Intrigues.

Entendre Flitwick babiller au sujet des décorations de la Grande Salle pour la Saint-Valentin avait rappelé à Severus que cette saleté de fête approchait. Il espérait cette année ne pas passer sa soirée à arpenter les couloirs à la recherche d'adolescents qui pensaient pouvoir ignorer le couvre-feu parce que leurs hormones les travaillaient. Il comptait la passer avec Hermione. Il l'emmènerait dîner, et peut-être faire un tour sur son balai au clair de lune, ou encore une promenade dans une calèche volante. Une babiole trouvée dans le Chemin de Traverse suffirait à lui attirer ses bonnes grâces. Et peut-être… Il espérait que s'il parvenait à créer une atmosphère parfaitement romantique, elle le récompenserait de ses affections. Il y pensa toute la journée, interrompu seulement par Dumbledore qui lui demanda de lui passer le sel au dîner, et Hermione elle-même, qui arriva plus tard dans la soirée.

« Je l'ai fait, » annonça t'elle immédiatement en s'extrayant de la cheminée.

« Tu as fait quoi ? » demanda t'il sèchement. Il avait horreur que les gens commencent une conversation par le milieu et non par le début. Il était peut-être capable de lire dans les pensées, mais ça ne voulait pas dire qu'il aimait avoir à le faire en permanence. C'était beaucoup plus facile quand les gens lui disaient ce qu'ils avaient en tête directement.

« J'ai démissionné, » expliqua t'elle. Oh, ça. Oui. Il lui avait dit qu'elle devrait le faire, n'est-ce pas ? Il n'était pas réputé pour les bons conseils qu'il donnait, principalement parce que les gens avaient trop peur de lui pour venir lui demander quoi que ce soit, déjà. Il fut curieusement satisfait qu'elle lui ait fait suffisamment confiance pour écouter son avis.

« Et maintenant ? » demanda t'il.

« Je ne sais pas, » dit-elle, en s'enfonçant dans le canapé avec un grand soupir. « Peut-être que je pourrais trouver du travail au Ministère ? J'y ai suffisamment de relations, entre M. Weasley, Percy, Ron, et Harry. Certainement que l'un d'entre eux pourra me trouver un entretien avec quelqu'un, peut-être dans le développement des Potions. » Il secoua la tête.

« Je suis sûr qu'ils pourraient te dénicher un entretien, mais tu ne seras pas prise au sérieux tant que tu n'auras pas d'apprentissage dans ce domaine. »

« Oh. » Elle eut l'air déçue et inquiète, se mordillant la lèvre inférieure et regardant ses mains. Il ressentit une autre de ces exaspérantes pointes de culpabilité. C'était de sa faute si elle se retrouvait dans cette situation, mais il était hors de question qu'il lui propose de revenir. Il préférait envisager toute future collaboration à l'horizontale. Mais il pouvait probablement la détourner des potions.

« Est-ce que tu es sûre de vouloir travailler dans les potions, au fait ? Tu excellais dans toutes les matières. Je me demande si tu n'as pas choisi les potions uniquement parce que j'étais le seul professeur à ne jamais chanter tes louanges. »

« Et maintenant ? » demanda t'elle, taquine, en se glissant vers lui. Il passa le bras autour de ses épaules, et la serra contre lui.

« Je n'ai jamais su chanter. » Il se pencha vers elle et l'embrassa.

Cette fois, il réussit à glisser une main sous son chemisier, pour caresser son soutien-gorge avant qu'elle ne mette fin à leur intermède. Elle écarta ses lèvres de celles de Severus, et guida doucement sa main hors de son chemisier. Il en profita pour explorer son cou de sa langue.

« Il faut que j'y aille, » dit-elle, en réprimant un rire parce qu'il avait trouvé un endroit où elle était chatouilleuse.

« Non, ce n'est pas vrai, » protesta t'il. « Tu viens de me dire que tu avais démissionné. Personne ne t'attend demain matin. Et mes cours ne commencent qu'à dix heures. Nous avons toute la nuit. »

Mais elle s'éloigna tout de même. Elle se leva, mit de l'ordre dans ses vêtements et sa coiffure.

« Mais c'est justement parce que j'ai démissionné que j'ai tant à faire demain. Il faut que je contacte des gens, que je fasse des recherches, et que j'explore certaines possibilités. »

« Ne t'en vas pas, » implora t'il en lui prenant la main, et disant au revoir à ce qui lui restait de dignité.

« Il le faut vraiment. » Il poussa un soupir de défaite et lui lâcha la main.

« Alors bonne nuit, » dit-il brièvement, ignorant son air blessé.

« Bonne nuit. On se reverra dans la semaine. » Ce n'était pas une question, mais l'affirmation était plutôt hésitante. Il acquiesça, et elle se pencha pour l'embrasser sur la joue. Elle avança jusqu'à la cheminée, et il la regarda disparaître dans un éclair de flammes vertes.

Il n'aurait jamais dû se laisser entraîner dans ce genre de bêtises. Il était pire que le moindre élève qu'il avait jamais trouvé dans une alcôve ou derrière des rosiers en fleurs. Il avait perdu le contrôle de la situation, et il n'aimait pas ça. Il fallait qu'il passe à l'action. En y pensant bien, il ne pensait pas qu'une soirée romantique pour la Saint-Valentin serait suffisante. Il avait essayé le romantisme. Il lui avait offert du réconfort et des conseils pendant qu'elle pleurait sur son épaule. Il était passé outre ses sourcils violets et sa peau bleue. On pouvait certainement considérer qu'il était allé bien au delà des devoirs d'un soupirant moyen (il refusait d'utiliser le terme 'petit ami',) et pourtant il n'avait rien obtenu. Pour ce qu'elle lui accordait, elle aurait tout aussi bien pu être Minerva ou Chourave.

D'accord, peut-être que la comparaison était un peu excessive, réalisa t'il. Il grinça des dents à l'idée de serrer McGonagall contre lui, et l'idée de l'embrasser lui retourna l'estomac. Mais il n'était qu'un homme, et un homme qui avait été très seul jusque là. Il ne savait pas s'il pourrait encore le supporter longtemps. Sauf bien sûr, se rappela t'il, qu'il ferait tout et n'importe quoi pour ne pas avoir à affronter l'alternative. Il avait passé bien assez de temps seul dans ses cachots ces vingt dernières années. Il n'y avait pas eu de femme, pas même la possibilité de la présence d'une femme ici avec lui avant Hermione. Et s'il admettait la vérité, il ne voulait pas d'une autre femme (même s'il y en avait eu une autre, mais bon, ce n'était pas le cas.) Il voulait Hermione.

Mais apparemment son charme et sa personnalité attachante ne suffiraient pas à la conquérir. Il avait horreur d'y penser, mais il allait devoir recourir à des mesures insidieuses pour parvenir à ses fins. Il avait recouru au subterfuge avec succès pour lui faire quitter son apprentissage, et il était persuadé que ça pouvait encore marcher.

Mais que faire, que faire ?

Un philtre d'amour serait trop risqué avec le temps qu'elle avait passé à étudier les potions. Elle le reconnaîtrait trop facilement pour ses besoins. Et soudain il trouva. Un cupidon, c'était ce qu'il lui fallait ! Touché par sa flèche, elle lui tomberait dans les bras avec des déclarations d'amour, et, il l'espérait, des démonstrations.

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'Eh bien, mes capacités de ruse et de manipulations ne sont pas encore au point,' se dit Hermione en émergeant des flammes vertes. Il s'était montré insistant, et elle n'avait pu ignorer l'air à la fois blessé et en colère qui se lisait sur son visage quand elle l'avait repoussé. Partir n'avait pas été facile, mais rester aurait été plus difficile encore. Hermione était mal à l'aise avec leur relation depuis le début. D'abord, parce qu'elle était inégale, tant qu'ils étaient maître et apprentie. Ensuite, une fois qu'ils avaient été débarrassés de cet obstacle, elle avait eu peur d'être blessée. C'était un homme difficile et exigeant. Il pouvait être froid et cassant, pas exactement le genre d'homme à qui servir son cœur sur un plateau à la légère. Mais il lui avait laissé voir des pans de sa personnalité qu'elle n'aurait jamais soupçonnés auparavant. Jamais, même dans ses rêves les plus fous, elle ne se serait imaginée qu'il puisse la prendre dans ses bras pour la consoler.

Pour chasser ses idées noires et sa peau bleue, littéralement, se dit-elle avec un sourire. Il lui avait apporté son soutien, et s'était retenu de lancer de mauvais sorts à ses amis qui se mêlaient de ce qui ne les regardaient pas. Et il la désirait, sans l'ombre d'un doute.

La Saint-Valentin prenait une importance plus grande encore dans son esprit. Il faudrait qu'elle lui trouve un cadeau vraiment spécial, pour qu'il comprenne ce qu'elle ressentait pour lui. Pourquoi est-ce qu'il ne pouvait pas comprendre qu'elle avait peur ? Sa vie entière s'était écroulée en morceaux en un peu moins d'un mois. Elle n'avait plus de travail, ni de réelle perspective de carrière, elle sortait avec son ancien professeur sous les regards choqués et horrifiés de ses amis, et maintenant le petit ami en question la pressait d'aller plus loin dans leur relation plus vite que ce à quoi elle était prête. Que pouvait faire une fille dans une situation pareille ?

La réponse était bien sûr : consommer de grandes quantités de chocolat ; ça ne marchait pas que contre les Détraqueurs. Hermione fit main basse sur sa réserve d'urgence de chocogrenouilles, tout en pensant à Severus et à la Saint-Valentin. Et soudain l'idée parfaite se présenta à elle. Elle sourit, attrapant la dernière chocogrenouille avant qu'elle ne s'enfuie. Elle n'avait peut-être pas de travail, mais elle aurait son homme.

Le lendemain, alors qu'elle se tenait devant le professeur McGonagall, Hermione commençait à douter du bien-fondé de son plan. Ce qui lui avait paru parfaitement clair la nuit précédente était maintenant devenu beaucoup plus flou, surtout quand elle était en face de son ancienne, mais toujours sévère, professeur de Métamorphose.

« Je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que vous me demandez, Miss Granger, » dit McGonagall, en faisant signe à Hermione de s'asseoir. Elle s'assit également derrière son bureau, pendant qu'Hermione prenait place sur la chaise habituellement réservée aux mauvais sujets et aux cancres. Elle ne s'était jamais assise sur cette chaise, même après ses escapades les plus audacieuses avec ses camarades.

« Je voudrais que vous exemptiez le Professeur Rogue de son rôle de chaperon pour le prochain week-end à Pré-Au-Lard, » répéta Hermione, sur un ton qu'elle espérait suffisamment professionnel.

« Oui, oui, j'avais compris que c'était ce que vous vouliez, mais ce que j'ai du mal à comprendre, c'est pourquoi vous me demandez ça. »

« Il se plaint d'avoir à y aller. Il va faire tout ce qu'il peut pour empêcher les élèves de s'amuser. Et puis c'est un héros de guerre, décoré, qui mérite bien une pause loin des cornichons à qui il est forcé d'enseigner tous les jours. »

« Vous plus qu'une autre devriez avoir l'habitude de l'entendre se plaindre. En tant que Professeur dans cette école, il a le devoir d'assumer différentes responsabilités auprès des élèves, y compris la supervision des sorties à Pré-Au-Lard. Maintenant, quelle est votre véritable raison de me demander ça ? »

« La Saint-Valentin approche, et je voulais lui offrir une belle journée – une journée loin de ses élèves. Techniquement, la fête tombe le jeudi, mais il aura ses cours et sera tout grincheux, mais s'il apprend qu'il n'aura pas à accompagner les élèves qui vont à Pré-Au-Lard… eh bien, je pense qu'il apprécierait ce cadeau. Et j'ai vraiment besoin de trouver un cadeau qui lui plaise en ce moment.

« Et pourquoi ça ? » demanda le professeur McGonagall. Hermione hésita à répondre. Et si jamais Severus découvrait qu'elle demandait conseil à McGonagall au sujet de leur relation ? Est-ce qu'il le lui pardonnerait ?

Mais elle avait vraiment besoin d'aide. Elle avait cherché dans ses livres à l'eau de rose sans rien trouver. Apparemment, les héroïnes de ces romans n'avaient pas le moindre problème pour frétiller du buste et se jeter à corps perdu dans les feux de l'amour (où était-ce de la luxure ?) Aucune d'entre elle n'éprouvait le besoin d'attendre pour découvrir si leur amant potentiel ne cachait pas de noirs secrets, comme par exemple le fait qu'il mangeait la bouche ouverte. Mais une fois de plus, il fallait se souvenir qu'elle n'était que cette bonne vieille Hermione, (les femmes dans ces livres semblaient toujours avoir des prénoms exotiques comme Estrella ou Cassandra,) et que ses petits seins méritaient à peine d'être considérés comme tels, et refusaient totalement de frétiller. Les femmes de ses livres semblaient toutes impuissantes, faibles, et tellement contentes que le Seigneur du Château vienne les sauver. Hermione n'était rien de tout ça. Elle avait aidé à vaincre le Seigneur des Ténèbres, avait connu plus que des promenades romantiques sur la plage, et même si les noirs secrets ne manquaient pas dans le passé de Severus, il n'était pas un Seigneur, et n'avait pas de château.

Alors elle prit une grande inspiration et lui dit tout.

« Ah, je comprends la situation maintenant, » affirma McGonagall quand elle eut fini. Hermione la regarda, perplexe. Quelle situation ? Elle était toujours aussi perdue qu'avant.

« Je crois que vous vous y prenez comme il faut. Je vais le libérer pour cette fois, mais vous devez me promettre quelque chose, » continua Minerva.

« Tout ce que vous voudrez ! » accepta Hermione, soulagée d'entendre qu'elle faisait les choses comme il fallait.

« Excellent, je suis ravie que vous me répondiez ça. » Hermione s'inquiéta un peu après avoir entendu ce que McGonagall avait à lui demander, mais elle se répétait avec conviction que c'était pour Severus, c'était pour Severus.