Mauvais calculs.

McGonagall voulait une potion.

C'est pour cette raison qu'Hermione était dans le laboratoire de Severus, en train de préparer une potion nauséabonde pour son ancienne Directrice de Maison. Elle essayait très fort de ne pas penser à ce qu'elle devrait faire de ladite potion une fois qu'elle serait finie, mais elle avait du mal à empêcher son esprit de dériver dans cette direction. Il lui avait fallu une bonne dose de chocolat pour arriver jusque là. Elle était peut-être une Gryffondor courageuse qui avait affronté le Seigneur des Ténèbres et ses Mangemorts, mais ça ne voulait pas dire qu'elle était prête à faire face à McGonagall et son 'petit problème' sans quelque chose pour la soutenir.

« Quel genre de potion ? » avait-elle demandé, ravie d'avoir obtenu de McGonagall la promesse que Severus serait libre le samedi. « Pourquoi n'avez-vous pas simplement demandé à Severus de vous la préparer ? »

« Parce que ça concerne un problème très personnel, et que je préférerais qu'il n'en entende pas parler, » avait répondu assez sèchement la vieille sorcière. Hermione avait commencé à se demander dans quel traquenard elle s'était fourrée.

« De quoi s'agit-il ? » avait-elle demandé courageusement, avant de se demander si finalement elle ne regrettait pas de ne pas avoir été une Poufsouffle tout du long. Le courage, c'était tellement surfait.

« A Noël dernier, Peeves a laissé tomber un sachet de 'Verrues Vite Fait' dans mon verre de vin chaud. J'avais déjà bien fait la fête, si vous voyez ce que je veux dire, et je n'ai pas remarqué le goût amer avant qu'il ne soit trop tard, » expliqua McGonagall.

Hermione blêmit.

« Mais qu'est-ce que je peux faire ? »

« Une potion pourrait régler le problème en un clin d'œil, mais je suis vraiment trop peu douée dans ce domaine pour la préparer moi-même, et il était hors de question pour moi d'aborder le problème avec Severus. »

Hermione était d'accord avec son Professeur. Ce n'aurait pas été une bonne idée de donner pareilles munitions à Severus sur un plateau d'argent, ils étaient toujours directeurs de Maisons rivales. Mais ça ne signifiait pas pour autant qu'elle avait envie de s'en occuper.

« J'aurais également besoin de votre aide pour l'appliquer. »

« L'appliquer ? » demanda Hermione, la gorge nouée, et l'imagination battant la campagne. Parfois, avoir un cerveau gros et efficace était un fardeau lourd à porter, en ce moment, elle était submergée d'images de peau plissée couverte de verrues.

« Oui, c'est une lotion. J'aurai besoin d'aide pour les endroits que je ne peux pas atteindre, comme mon dos. »

« D'accord, » acquiesça Hermione, en se répétant que c'était pour Severus. Elle pouvait le faire. Elle allait le faire. Elle espérait seulement qu'elle aurait le temps de finir avant que Severus ne revienne de ses cours de la journée.

Elle en était à la dernière étape quand il entra en trombe, et s'arrêta brusquement en la voyant là.

« Qu'est-ce que tu fais là ? » demanda t'il brusquement. Hermione fronça les sourcils.

« Nous devions nous voir ce soir. C'est la Saint-Valentin. » Il tourna rapidement les talons, chuchota quelque chose à la porte, et la referma violemment. Hermione le regardait, estomaquée. Il se conduisait de façon extrêmement étrange.

« Tu es en avance. » Ça n'avait pas l'air de lui faire particulièrement plaisir. Elle se demanda s'il avait des choses de dernière minute à préparer pour son cadeau. Mais ce n'était pas une raison pour grogner comme ça. Enfin, il n'avait jamais vraiment besoin de raison pour grogner.

« Je ne faisais que préparer une potion. Tu as dit que je pouvais utiliser ton labo quand je le voulais. »

« J'ai dit ça, moi ? » demanda t'il, de toute évidence sans la croire. En fait, c'était vrai, il n'avait jamais dit ça. Mais elle pensait vraiment qu'il aurait dû le faire. Après tout, elle avait abandonné son apprentissage avec lui en faveur de leur relation personnelle. Si elle avait pu sacrifier son avenir d'experte en potions, il pouvait bien la laisser utiliser son laboratoire une fois de temps en temps.

Elle acquiesça en souriant. Il la regarda avec méfiance, puis décida que ça ne valait pas la peine de se disputer pour si peu à ce moment. Il avait l'air d'avoir des choses plus urgentes à régler. Avançant vers lui, elle passa ses mains autour de son cou. Il se raidit un moment, comme s'il ne savait pas ce qu'il devait faire, mais il finit par se détendre.

« Est-ce que tu veux que je revienne plus tard ? » demanda t'elle en minaudant juste assez pour être sûre qu'il répondrait non.

« Non. »

« Est-ce que tu as passé une bonne journée ? »

« Non. »

Eh bien, la Saint-Valentin promettait d'être inoubliable avec ce genre de conversations, se dit Hermione. Elle se força à prendre une inspiration, se détendre, et faire preuve de patience. Sa relation avec Severus lui avait appris à faire preuve de beaucoup plus de patience – et à développer ses sarcasmes, aussi.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda t'elle en l'attirant contre elle. A son tour, il passa les bras autour d'elle.

« Il y a eu des cartes chantées, des cupidons, des élèves qui s'embrassaient tous les recoins, et une présence insupportable de la couleur rose. » Il mit tant de dédain à prononcer ce dernier mot qu'Hermione en rit. « J'imagine que tu trouves ça drôle ? »

« Non, bien sûr que non, » dit-elle en reprenant son sérieux, mais elle ne pouvait pas empêcher ses lèvres de se retrousser dans un petit sourire. « Est-ce que je peux faire quelque chose ? »

« Maintenant que tu m'en parles, oui, j'ai bien une idée. » Il se pencha vers elle pour un baiser. Il l'embrassa doucement, puis décida de lui mordiller le lobe de l'oreille.

Et soudain, sans préavis, ce fut la catastrophe.

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Severus avait mis en lieu sûr le cupidon dont il avait loué les services auprès d'une société spécialisée dans les produits de la Saint-Valentin. La conversation qu'il avait eu avec leur employé, cependant, resterait à jamais l'un des moments les plus humiliants de sa vie.

« Et ce sera pour vous ou pour quelqu'un d'autre ? » avait demandé l'imbécile. Il portait des robes roses couvertes de petits cœurs qui explosaient, et Severus avait eu du mal à se retenir de vomir.

« C'est pour moi, » avait répondu Severus, pour le regretter immédiatement. Il avait été espion pendant des années. Pourquoi est-ce qu'il n'avait pas pu penser à un mensonge, quelque chose du genre « Non, en fait notre pitoyable semblant de Directeur a insisté pour que je vienne louer des décorations pour la fête de la Saint-Valentin annuelle du personnel. » Mais non ! Il avait dû admettre qu'il avait besoin d'un cupidon pour s'assurer les faveurs de sa bien-aimée.

« Ah, » avait dit l'employé en le dévisageant, « j'imagine qu'en effet vous, vous devez avoir besoin d'un peu d'aide. » Severus sortit sa baguette à la vitesse de l'éclair d'une main, pendant que de l'autre il attrapait le petit homme par le cou et le collait contre le mur.

« Vous n'allez pas tarder à avoir besoin d'aide si vous n'êtes pas capable de garder vos opinions pour vous. »

« Je suis désolé, Monsieur, » coassa l'affreux crapaud. Severus fronça les sourcils. Le trouillard ne pipa plus mot avant que le contrat ne soit signé et les services payés. Et même après ça, il attendit que Severus soit plus près de la porte que de lui.

« Vous savez que ça ne marchera que s'il existe une attraction mutuelle, » ironisa t'il.

« Ça ne sera pas un problème, » répondit Severus avec un mouvement de sa baguette. Le pauvre employé en aurait bien pour quelques heures à vomir des limaces sur ses jolies robes roses. Vraiment, quel dommage.

Mais il paniqua en trouvant Hermione dans son laboratoire. Elle n'était pas encore supposée être là. Il avait besoin de temps pour mettre les choses en place. Il allait devoir improviser. Ce n'était pas un problème, il pouvait le faire. Ce serait exactement comme cette fois à Bath, avec Lucius… enfin, en espérant que ça se terminerait mieux. Il avait fait du chemin depuis.

« Attends là, » avait-il ordonné à son cupidon. « Quand j'ouvrirai la porte, approche mais reste discret. Ne bouge pas avant que je ne te fasses le signal. »

« C'est quoi le signal ? » demanda le petit homme. Il avait dit à Severus comment il s'appelait, mais Severus l'avait oublié presque immédiatement. « Je sais ! pourquoi tu ne hululerais pas comme une chouette ? Ou alors, tu pourrais dire 'l'aigle s'est posé'. »

« Non, espèce de crétin enjoué, elle m'entendrait. Je me contenterai de te faire signe avec la main. Compris ? » Le cupidon acquiesça. Severus se retourna et claqua la porte.

Essayant de la distraire, il la prit dans ses bras et la laissa l'embrasser. C'était difficile de ne pas se laisser distraire par les sensations qu'elle provoquait avec sa langue, mais il réussit à ouvrir la porte d'un coup de baguette. Attendant qu'elle soit dans la bonne position, il déplaça sa bouche vers le lobe de son oreille, et fit signe au cupidon que c'était le moment.

Il lança sa flèche. Elle accéléra vers le couple, et Severus prit une petite inspiration, en anticipation de ce qui allait se produire. Mais à ce moment là, sans raison aucune, Hermione s'éloigna de lui.

« N-n… » commença t'il à protester.

« La potion ! » s'écria t'elle.

En des circonstances normales, il se serait mis dans une colère noire en voyant qu'elle avait laissé déborder un chaudron et créé un désordre indescriptible. Mais il ne voyait pas le liquide vert et poisseux qui dégoulinait de sa table de travail jusqu'au sol. Il ne sentait pas l'odeur de bois brûlé ni les fumées nocives d'une potion qui avait mal tourné. Il ne voyait qu'Hermione, son amour, sa vie. Il ne se demanda pas un instant pourquoi il avait une flèche dans la poitrine.