Poèmes d'amour.

Hermione regarda avec horreur les résultats de son dur labeur sur la potion de McGonagall déborder de son chaudron, se répandant sur le plan de travail. On ne pouvait pas nier que ce soit une mixture puissante, si elle était capable de traverser le bois de la table sans problème apparent. Hermione pensa un instant que c'était une lotion qu'elle était supposée appliquer sur le dos du professeur McGonagall, et elle se demanda si elle n'avait pas manqué une ou deux petites choses. Bien sûr, ça devait être puissant, mais pas à ce point tout de même.

La deuxième chose qui lui vint à l'esprit fut Severus, ou plutôt la colère de Severus. Il allait être absolument furieux après elle. Quand elle pensait que c'était pour lui qu'elle avait fait tout ça… Elle se demandait s'il accepterait d'en tenir compte avant de la mettre à la porte de ses cachots.

Elle se tourna vers lui, prête à s'excuser, quand elle vit qu'il avait une flèche plantée dans le torse.

« Severus ! » s'écria t'elle, en tendant la main vers la flèche pour le cas où il ne se serait pas rendu compte qu'il s'était fait tirer dessus. Il ne semblait pas s'en inquiéter, ne regardant que parce qu'elle le lui montrait. Il tira sur la flèche et la jeta au sol.

« Ce n'est qu'une blessure de chair, » débita t'il avec aisance, « cette douleur n'est rien à côté de l'agonie que je ressens quand tu n'es pas à mes côtés. »

Hermione était bouche bée, horrifiée. Elle ne savait pas ce qui lui faisait le plus peur. La potion qui avait traversé la table et qui crépitait maintenant sur le sol de pierre, ou le comportement de Severus. Il souriait, déjà. Et pas le petit sourire en coin si sexy qu'il lui adressait quand elle disait quelque chose d'intelligent, mais un grand sourire niais de publicité pour dentifrice. Il avait l'air de quelqu'un d'autre. C'était… ce n'était pas naturel.

Il avança vers elle, la prit dans ses bras et l'embrassa passionnément. Elle eut le souffle coupé, surprise par ces effusions soudaines. Elle venait de ruiner une potion, de gaspiller ses ingrédients et de causer des dégâts dans son laboratoire. Et au lieu de jurer et de lui crier dessus, il l'embrassait. Elle sortait d'où, cette flèche, au juste ?

« Les âmes des amants se rencontrent sur leurs lèvres, » cita t'il quand il s'écarta enfin.

« Est-ce que tu vas bien ? Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda Hermione, en tâtant l'endroit où la flèche l'avait touché. C'était curieux. Apparemment, il n'y avait pas de coupure. C'était comme si rien ne s'était jamais passé. Mais elle l'avait vue. Et il avait lui-même arraché la flèche de son torse. Elle se demanda si tout ça n'était pas qu'un rêve fantastique.

« Ce qu'il y a derrière nous, et ce qu'il y a devant nous, tout ça n'est rien comparé à ce qu'il y a en nous, » affirma t'il. Ce n'était pas une réponse ! ce qu'il y a en nous ? Qu'est-ce qu'il entendait par là ? Hermione était confuse, et les vapeurs de potions ne faisaient rien pour l'aider à comprendre ce qui se passait.

« Je pense que nous devrions aller jusqu'à l'infirmerie. Il doit y avoir quelque chose dans cette potion qui nous a affectés tous les deux. » Elle se dégagea de son étreinte et plaça un Sortilège de conservation sur la potion, avant d'entraîner Severus hors de la pièce. Trois Sortilèges de verrouillage de porte plus tard, ils étaient en chemin vers le domaine de Madame Pomfresh.

Les cachots, comme Hermione eut rapidement l'occasion de le constater, étaient relativement loin de l'infirmerie. Et avec Severus qui se collait à elle comme une sangsue, elle se demanderait s'ils y arriveraient un jour. Il y avait un autre problème, il n'arrêtait pas de la pousser vers les recoins les plus sombres pour essayer de profiter d'elle. Ce n'était pas qu'elle avait à se plaindre de son habileté avec sa langue, mais elle s'inquiétait pour sa santé, et en particulier pour sa santé mentale.

« Je t'aime, je n'aime que toi. D'un amour qui ne mourra pas, tant que le soleil brûlera et les étoiles brilleront, » lui murmura t'il à l'oreille après un nouveau baiser.

« Oh ! » s'exclama t'elle alors que ses baisers descendaient le long de son cou. « Euh, merci. »

Cet assaut soudain de poésie la perturbait. Elle n'avait jamais eu de petit ami particulièrement romantique avant. Elle avait passé trop de temps avec Viktor à essayer de lui faire prononcer son prénom correctement pour se préoccuper de mots doux. Même si elle voulait bien admettre que certaines des phrases qu'il avait murmuré en russe au creux de ses cheveux avaient peut-être été de la poésie, mais elle n'aurait su dire. Ron était… eh bien, c'était Ron. Elle ne pensait pas qu'il ait jamais lu de poésie, et encore moins qu'il soit capable d'en réciter pour elle. Leur relation avait été basée principalement sur le temps qu'ils passaient à s'inquiéter pour Harry, et en de rapides baisers de consolations entre les cours.

Est-ce qu'elle était supposée répondre par de la poésie ? Elle n'en avait pas en tête, à part cette citation de Dorothy Parker qu'elle avait lue récemment – voilà ce qu'ils pourraient écrire sur ma pierre tombale : Où qu'elle soit allée, même ici, ça a toujours été en dépit du bon sens.

Hermione commençait à se dire que c'était approprié, même si ce n'était pas dans l'esprit de la conversation. Elle chercha désespérément dans son esprit un poème quelconque, et elle ne trouva pas mieux que « Joli comme un cœur, doux comme un agneau, tendre et bon comme la vache qui rit..» On ne pouvait faire pire description de lui, mais au moins elle restait dans l'esprit des choses.

Il sourit en entendant sa pauvre contribution. « Tu es poète ! Et je n'en savais rien. » Hermione recula quand il essaya de nouveau de l'embrasser. D'idiote et absurde, la situation commençait à devenir gênante et pénible. Il fallait vraiment qu'ils aillent à l'infirmerie.

« Allez, » dit-elle au moment où deux Poufsouffles prirent le couloir dans leur direction. Elle ne voulait pas qu'ils soient traumatisés par l'image de leur Professeur de Potions en train de la bécoter dans les couloirs. Sans compter qu'elle ne voulait pas que Severus soit embarrassé par son comportement une fois qu'il aurait repris ses esprits. Il ne semblait prêter aucune attention aux tentatives d'Hermione de le sauver de lui-même. Il lui faisait escorte dans les couloirs, essayant de placer des baisers le long de ses bras.

« Arrête ! » Elle essaya de dégager son bras, sans succès. « Est-ce que tu veux que tes élèves te voient comme ça ? » Elle remarqua que les Poufsouffles qu'ils venaient de dépasser passaient maintenant la tête au coin du couloir en étouffant leurs rires derrière leurs mains.

« Je retire dix points à Poufsouffle. Retournez en classe ! » leur lança t'elle dans sa meilleure imitation de Snape. S'il ne comptait pas réagir, elle le ferait.

« L'amour véritable ne peut être trouvé là où il n'existe pas, et ne peut-être caché là où il existe, » susurra t'il.

« Oh, pour l'amour de Dieu ! » Elle leva les mains au ciel et accéléra le pas. Il la suivit comme un petit toutou, lui rappelant au passage pourquoi elle préférait les chats. Les chats ne vous suivaient pas tout le temps, la langue pendante, quémandant de l'affection. Ils étaient rusés et discret, ne vous accordant leur attention qu'une fois qu'ils avaient jugé que vous en étiez digne. C'était un honneur qu'ils n'octroyaient qu'à de rares élus. C'était l'une des raisons pour lesquelles elle appréciait Severus. Elle se sentait spéciale, parce qu'elle était l'une des rares, et peut-être la seule personne à qui il souriait, et avec qui il riait. Elle préférait le Severus qui faisait la gueule au Severus gentil toutou. Elle avait bien envie de lui filer des coups de pied, au gentil toutou, et de lui dire d'arrêter de la renifler et de lui baver dessus.

Ils arrivèrent finalement à l'infirmerie. Mais une fois là, Severus refusa de s'asseoir et de laisser Madame Pomfresh l'examiner si Hermione ne s'asseyait pas près de lui en lui tenant la main. Elle resta, malgré son comportement exaspérant. Il avait l'air si perdu et terrifié quand il ne la bombardait pas de baisers et de poésie.

« Je crois que j'ai trouvé le problème, » annonça Poppy après plusieurs sortilèges de diagnostic.

« Qu'est-ce que c'est ? » demanda Hermione. Elle espérait que ce n'était pas sa potion ratée. Elle espérait que ce n'était pas incurable.

« Il a été touché par une flèche de Cupidon. Il y en avait quelques uns dans l'école aujourd'hui. J'ai dit et répété au Directeur que c'était une mauvaise idée, mais il ne m'écoute jamais. »

« Mais comment est-il arrivé jusque dans les cachots ? » demanda Hermione, soulagée d'apprendre que ce n'était pas de sa faute.

« Je ne sais pas, mais les effets devraient se dissiper d'ici une heure environ, » expliqua Poppy. Hermione regarda Severus. Il avait une fois de plus de cet air niais, et elle n'arrêtait pas de repousser la main qu'il lui posait sur la cuisse, tout en tenant son autre main d'une poigne d'acier.

« Il n'y a rien que vous puissiez faire avant ? » demanda t'elle.

« Je t'aime si tendrement qu'à tes côtés, je pourrais endurer mille morts. Sans toi, je ne vis pas, » cita Severus pendant que les deux femmes discutaient.

« J'ai bien peur que non. »

« Quand je pensais à une soirée romantique, ce n'est pas vraiment ce que j'avais à l'esprit, » avoua Hermione en toute sincérité. Poppy sourit et lui tapota le dos.

« Voyons, vous devriez en profiter. Après tout, vous n'aurez peut-être plus jamais l'occasion de le voir sourire et être romantique, » roucoula l'infirmière. Hermione fit lever Severus du lit.

« Allons-y, » lui intima t'elle. Comment est-ce que cette femme osait suggérer qu'elle voudrait de Severus autrement que tel qu'il était d'habitude ? Si elle avait recherché les sonnets romantiques et les promenades au clair de lune, elle serait sorti avec un crétin sans caractère. Quoi qu'il en soit, elle allait avoir du mal à ne pas lui jeter de mauvais sorts en attendant que les effets se dissipent.

Heureusement pour elle, ça ne dura pas aussi longtemps que Poppy ne l'avait prédit. Quand ils atteignirent de nouveau les cachots, Hermione réalisa que le pire était passé. Il ne récitait plus de poésie, même s'il restait collé à elle. Elle désarma les Sortilèges de verrouillage, et ils entrèrent dans la pièce.

« Oh, par Merlin, » gémit Severus. « Tout ça s'est mal, très mal passé. » Hermione regarda la potion ratée, puis Snape, et acquiesça. Très mal, en effet.


Les citations viennent de Byron, Ralph Waldo Emerson, Shakespeare, Dorothy Parker, anonyme, et Shakespeare.