Me voilà avec une nouvelle fic en poche ... Ca ne devait être qu'un one shot qui, à l'origine, était assez pauvre et, à force de l'étoffer, il a fini par prendre trop de place. Je l'ai donc divisé en plusieurs chapitres (trois à quatre, tout reste à voir). L'histoire ne sera certainement pas ce qu'on pourrait croire, et trouve difficilement sa place dans l'univers de Naruto, mais elle me tenait à coeur, vraiment ...
Après l'enterrement de Naruto dans "Quand le soleil s'éteint" , voici la mort pantelante de la jeune Sakura ... assez étrange, mais je laisse le soin d'apprécier selon vos valeurs ma pauvre histoire.
L'orage s'éclatait sur le parquet de sa chambre, grondant tel une horde de mille animaux sauvages aveuglés par une lumière nitescente qui s'étalait dans toute la pièce si furtivement que la pénombre regagnait prestement ses droits de règne. Tout redevenait alors calme le temps de quatre battements de cœur. Malgré le tonnerre qui déchirait le ciel nocturne, son sommeil n'en était pas perturbé, et ses paupières, constamment nimbées de lumière, restaient closes quoiqu'il advienne. La pluie se brisait à présent contre la fenêtre, amarrant un bruit sourd de roulement de tambour décisifs sur le carreau qui ne céderait pas sous la cascade torrentueuse qui semblait vouloir, par tout moyens, s'introduire dans la chambre. Mais elle, continuait à dormir. Loin de la pluie et de l'orage, elle appartenait au pays des songes qu'elle du quitter lorsqu'une main raboteuse vint se poser sur son épaule et la secouer par de légers gestes convulsifs. Un grognement.
- Ma chérie … ma chérie … lève-toi …
Elle se secoua et tira un peu plus la couette sur son visage. Si l'orage n'avait pas réussi à la réveiller, elle se faisait fort de se promettre que personne n'y parviendrait ! Efforts bien vains selon sa mère qui mit plus de hardiesse dans ses gestes et ses paroles.
- Sakura, ton maître est à la porte, il veut te voir …
Le pays des songes était maintenant bien trop loin pour le retrouver, et dépitée, elle se décida à ouvrir une paupière … puis l'autre. Profitant du fait que sa mère ne la retenait plus à la réalité pour l'empêcher de se perdre dans son sommeil, elle risqua une main vers le réveil qui n'indiquait que quatre heures à peine. Elle étala son visage contre son oreiller et tourna le dos à toute forme de vie. Face à ces refus catégoriques, une seule solution : d'un geste bref, sa mère déchargea le lit de la couette et quitta la pièce. Le froid ferait son effet de lui-même.
Dix minutes passèrent avant que Sakura ne descende, échevelée, comateuse et chancelante. Elle traînait ses pas jusqu'à la porte et frottait encore ses paupières accolées par le sommeil. Si son maître avait réellement une vie privée, elle ne devait pas être très glorieuse. Elle interrogea son professeur dans un bâillement étouffé qu'elle prit la peine d'accentuer, histoire de lui faire comprendre que ce n'était pas une heure pour réveiller les gens.
- Kakashi-sensei, que me vaut l'honneur … demanda-t-elle d'une voix pâteuse. Il doit s'agir d'une affaire d'état pour me réveiller en pleine nuit.
- Appelons ça comme ça … J'ai décidé de vous entraîner dans de nouvelles conditions.
- Ah … cela ne suscitait guère plus d'enthousiasme. S'il l'avait réveillée pour lui avouer une telle chose, c'était décidé, elle changerait d'équipe le lendemain matin, quitte à perdre Sasuke.
- Je vois que tu es prête, allons-y.
L'effet de surprise fut légèrement assourdi par le sommeil, mais il était bel et bien là. Allons-y, avait-il dit ? Aller où ? Constatant que son élève ne bougeait pas, il empoigna son bras et l'amena au cœur de la rue déserte. Seules deux silhouettes restaient de marbre parmi le tumulte de la pluie diluvienne et de l'orage. Naruto et Sasuke. Le premier semblait n'avoir guère dormi, et avait certainement du se préparer à la hâte, oubliant d'emporter avec lui sa joie de vivre et sa vivacité. Sûrement encore endormies. A ses côtés, Sasuke, pour lequel les effets de manque de sommeil ne trahissait aucunement son habituelle attitude, et qui semblait ne pas souffrir de la fatigue. Le contraste entre les deux jeunes hommes n'aidait en rien le blondinet qui paraissait plus pitoyable que jamais. Mais leur amie n'arborait pas un état plus éloquent, et ne prit la peine de les saluer que d'un bref geste de la main, ce à quoi Sasuke ne répondit pas alors que Naruto s'évertuait à articuler une salutation convenable. Kakashi vint donner une bénigne tape dans le dos de la jeune fille qui en faillit pourtant perdre l'équilibre, et déclara d'un ton jovial ce que cette mise en scène signifiait, tentant par la même occasion de remonter le morale des troupes et de se décharger de certaines responsabilités accablantes qui lui retomberaient, et il en mettrait sa tête à bouillir, sur ses pauvres épaules.
- Bien, comme vous le savez, chaque shinobi doit être réceptif en cas de n'importe quel danger, ce qui s'applique surtout la nuit. L'ennemi vous attaquera certainement plus facilement à ce moment, car vos faiblesses seront plus apparentes qu'elles ne l'auraient été durant le jour.
La pluie s'abattait avec lourdeur sur leurs corps et transperçait déjà leurs vêtements. Le froid faisait frissonner leur échine, tandis que les paroles de leur maître étaient rendues quasiment imprescriptibles par le tonnerre et les gouttes qui se claquaient contre le sol dans un bruissement sempiternel.
- Voilà pourquoi il faut être attentif à toute attaque …
Kakashi engendra un geste furtif en direction de Naruto, tendant le poing vers son visage, prêt à lui broyer la mâchoire. Mais il fut stoppé dans son élan par une poigne qui lui lacérait le poing. Sakura écarquilla subitement les yeux, Naruto restait interloqué, tandis que Sasuke arborait un sourire narquois, sourire que lui rendit son professeur .
- Bien, prenez exemple sur Sasuke …
L'interpellé relâcha la main de son maître et replaça la sienne dans sa poche, impassible. Etat d'esprit pour lequel Naruto n'avait aucune affinité. Il secouait son visage de gauche à droite en injuriant son professeur d'avoir voulu le défigurer, brièvement habité par la jalousie mais aussi par le dégoût d'avoir été secouru par son camarade.
- Mais, maître, nous ne possédons pas le sharingan, comment prendre exemple sur Sasuke ? s'enquérait la jeune fille qui semblait se réveiller doucement.
- Surprenez moi ! lança-t-il avant de disparaître dans un craquement sonore.
Sakura examina les lieux avec appréhension. Il les attaquerait lorsqu'ils seraient pris au dépourvu et elle aurait là un moyen de plus pour se rendre ridicule. Elle soupira, ce genre d'entraînement était de loin celui qu'elle exécrait le plus, mais plus vite il prendrait fin, plus vite elle serait chez elle, bercée dans la douce chaleur de sa couette.
- Pourquoi t'as fait ça, crétin ! hurla Naruto, mortifié d'avoir perdu une fois de plus contre son éternel rival.
- Tu préférais te faire casser la gueule ? Sasuke ne cessait de le narguer.
- Te mêles pas de ça ! J'aurai très bien pu riposter !
Un coup humide et sourd retentit dans la rue, suivi par de nouvelles injures.
- Pourquoi tu m'as frappé, enfoiré ! T'as un problème !
- Je croyais que tu aurais pu riposter …
- Arrêtez ! Ce n'est pas le moment ! Nous devons trouver Kakashi-sensei, acheva Sakura.
- On perdrait moins de temps si cet abruti n'était pas …
- Naruto ! trancha la jeune fille. Ce dernier se tut, puis, d'un signe d'assentiment, ils quittèrent le village dans un silence de plomb, persuadés que leur maître n'aurait pas le mauvais goût de faire une esclandre dans un bourg endormi.
Ils arrivèrent devant la forêt, et décidèrent de se séparer sans prononcer un seul mot. Ils avaient mis au point, il y a quelques mois, un langage particuliers qui ne se résumait que par de simples signes dont eux seuls connaissaient la signification. De cela, leur maître en tirait une grande fierté. Le travail d'équipe, bien que souvent bafoué par quelques démêlés sans importances, était devenu le maître mot du groupe.
Leur professeur eut le bon sens de les lutiner quelque peu, les frôlant lorsqu'ils avaient le dos tourné, ou encore leur lançant des armes blanches pour tester leurs réflexes. Il jubilait, les conditions météorologiques étaient des plus défavorables et il prenait un malin plaisir à torturer ses élèves, jouant avec le bruit, les ombres des éclairs, et le souffle du vent pour perturber leur sens. Et face à ces matoiseries, les réactions de ses élèves différaient en tout point. Sasuke n'en était absolument pas perturbé, Naruto agrippait tout ce qui pouvait se mouvoir, tandis que Sakura restait calme et analysait la situation. Chacun de son côté ne brillait que par certains aspects, et était dévalorisé par d'autres, mais une fois réunis, ils étaient invincibles.
L'entraînement allait bon train jusqu'à ce qu'il soit perturbé par des visiteurs inattendus. La première à l'avoir remarqué fut Sakura, qui s'était empressée d'avertir son binôme, Naruto, qu'elle avait rejoint quelques minutes auparavant. Elle s'immobilisa et ses doigts formèrent quelques signes qui inquiétèrent le jeune homme. Ce dernier présenta plusieurs directions d'un bref mouvement de tête, mais elle lui apposa une main sur sa bouche, l'empêchant de bouger ; ils étaient près d'eux, à peine quelques mètres. Ils se concentrèrent sur les bruits étrangers à l'averse, et incapables d'identifier quoique ce soit, il attira son amie derrière un buisson pour s'y accroupir ; leur langage manuel put reprendre. Il y avait cinq hommes, aux niveaux difficilement identifiables, jounin, tout au plus. Armés, ils en étaient persuadés, quant à leurs intentions, impossible à définir. Cinq béotiens contre deux enfants ... Prise de panique, Sakura agrippa inconsciemment le bras de son ami, y puisant tout le réconfort dont elle manquait dans ces temps d'angoisse, incertaine quant au déroulement des événements, qu'elle imaginait d'un tragique s'intensifiant un peu plus à chaque seconde. Pris de court, Naruto lui ordonna de ramper jusqu'à l'orée du bois et de trouver Sasuke, engagé vers l'est de la futaie, tandis que lui resterait en cas d'attaque. Bien-sûr, cette solution lui convenait amplement, mais c'était une fois de plus fuir le combat et régresser alors que Naruto resterait seul face à ces hommes, et à cela, elle ne pouvait se soumettre. Elle secoua vivement le visage mais fut happé contre son ami qui la fit s'immobiliser. Inquiète, elle tendit l'oreille et ausculta quelques craquements de branches contre de rugueuses semelles, s'approcher à pas lents, échappant de son fourreau une lame terriblement aiguisée qui étincelait à chaque claquement d'orage. Contre son torse, la jeune fille sentit les battements de cœur de Naruto s'accélérer : il avait peur. Mais elle avait bien plus peur que lui, et ne pouvait empêcher des tremblements convulsifs s'emparer de son corps. A travers les feuillages des buissons, elle décela le visage de leur attaquant, et avec stupéfaction, comprit qu'il s'agissait de barbares. Ils étaient nombreux ces derniers temps à piller bourgs et villages ; on les disait sanguinaires, ils étaient monstres. Des colosses, face à deux pauvres adolescents se serrant l'un contre l'autre à l'affût d'une solution.
Un cri rauque retentissant au loin divergea l'attention du barbare et Naruto en profita pour sortir de sa cachette et lui assainir un coup dans le visage. Seulement, le visage était à une hauteur inaccessible et il se contenta de l'abdomen, espérant l'endommager suffisamment pour avoir le dessus. Cependant, le corps entier de l'homme était recouvert d'une armure de mithril contre laquelle le blondinet s'écrasa les phalanges. Le guerrier en profita pour le tuer à coup d'estoc et lorsque sa lame trancha le buste de Naruto, ce dernier s'évapora en un nuage blanchâtre. Le combat était engagé.
A quelques mètres de là, Sakura courait aussi prestement que possible, le visage fouetté par les branches des conifères et la vue embuée par la pluie qui se déversait impétueusement et l'empêchait de distinguer convenablement les formes qui se présentaient à elle. Elle buta avec véhémence contre un corps et fut sonnée par la lourdeur et la robustesse de l'armure qu'il portait. L'homme qui lui barrait le chemin lui empoigna le bras et la souleva à quelques centimètres du sol pour l'éjecter contre un arbre. La force des années d'enseignement revint à la surface, et excédée, elle se releva et fit face à son agresseur. De quelque manière qu'il soit, elle n'aurait pu retrouver Sasuke, et était condamnée à laisser Naruto seul derrière elle. Il n'y avait qu'une seule issue, combattre.
- Impétueuse petite fille que voilà, tu tiens tant à mourir ? ricana-t-il, crachant la pluie qui s'infiltrait entre ses lèvres, et sortit de sa cosse un cimeterre long de deux mètres, tapissé de sang noirci.
- J'allais vous poser exactement la même question !
Il émit un rire gras et abattit avec colère sa lance sur le tronc d'arbre jusqu'à ce que l'écorce en éclate. Mais la jeune fille avait disparu. Elle avait en effet profité de ce moment d'inattention pour concentrer son chacra dans la plante de ses pieds et se reculer dans les ramilles, évitant un coup qui aurait pu lui être fatal. A cette hauteur, positionnée à l'horizontale contre la souche, elle perçut la faille de l'armure que portait l'homme, qui exposait une brèche au niveau du cou. Une simple percée, qu'elle ne pouvait pourtant négliger. Elle fouilla son étui et décocha un kunai qui fila dans l'air mais dont la trajectoire fut déviée par le cimeterre du barbare.
- Hahaha ! Petite idiote ! Tu crois m'avoir comme ça !
A son tour, il sortit une palette de coutelas et les darda sur Sakura qui en esquiva les trois quart, deux se plantèrent dans ses jambes, les autres trouvèrent refuge dans ses avants-bras et épaules. Sa concentration portée sur un autre point que celui de ses pieds, elle perdit l'équilibre et s'effondra sur le sol.
Le visage noyé dans le sol boueux, elle sentit son corps se soulever et rencontrer celui du guerrier. Il se dégagea de son cimeterre mais brandit un poignard qu'il planta dans l'abdomen de sa victime. Elle écarquilla les yeux et chercha aussitôt son souffle. Malgré ces années de combat, elle ne s'était jamais interrogée sur la douleur que pouvait provoquer la mort. La mort … La pluie huileuse fit coaguler son sang qui se répandait sur sa tunique, et sa tête, devenue étrangement lourde, vacillait de droite à gauche, ayant perdu tout soutien. Au loin, elle aperçut Naruto courir vers elle, les yeux arrondis par l'effroi. Mais la lame s'enfonça un peu plus en elle et trancha son abdomen, et déjà sa langue était submergée par le goût ferreux du sang qu'elle cracha contre son adversaire. Son ami hurlait son nom, courant aussi vite qu'il lui était donné de faire, mais c'était insuffisant. Il faisait déjà étrangement froid ...
Naruto accéléra alors sa course, mais surprit leur troisième coéquipier intervenir sur le flan arrière du guerrier, et lui trancher la gorge à l'aide d'un coutelas qu'il avait dû saisir au cours d'un combat. Le sang gicla sur le visage de Sakura, qui fut vite relâchée par l'homme afin qu'il favorise une ligature de ses mains sur l'entaille mortelle. Son teint était déjà livide et son souffle l'abandonna. Il s'étala de tout son long sur le sol et mourut dans la seconde qui suivit.
Sasuke se pencha sur le corps de la jeune fille et tâta son pouls. Naruto accourut à ses arrières, vociférant le nom de ses deux coéquipiers, ce à quoi l'Uchiwa mit un terme en le sommant d'aller chercher leur professeur au plus vite. Le blond, fort peu habitué à voir son camarade si inquiet, consentit qu'il s'agissait d'une urgence et se précipita à la recherche de leur maître.
Sasuke, quant à lui, déchira un pan de sa veste et tenta un garrot de fortune capable de stopper quelques minutes l'hémorragie. Il se balança inconsciemment d'avant en arrière, le regard vitreux, le teint pâle. Allongée face à lui, sa camarade moribonde avait des allures de femme qu'autrefois, il appelait mère.
Elle se réveilla en pleine nuit, haletant, le front perlé de sueur. Son arrivée précipitée à l'hôpital lui avait permis de survivre suffisamment longtemps pour que l'Hokage en personne se charge de son cas. Sauvée ... in extremis ... La douleur tapie en son abdomen la transperça et elle se recroquevilla, gémissant aussi silencieusement que possible. Une fois le mal calmé et sa respiration ayant repris un rythme régulier, elle souleva la chemise dont elle était affublée pour découvrir une cicatrice disgracieuse barrer son ventre de l'hypogastre aux intestins. Une perfusion pendait négligemment à son bras, laissant couler un liquide rougeâtre à intervalles réguliers. Trop épuisée par la souffrance, elle finit par s'effondrer sur la couchette.
Dans le couloir, assis sur les rares banquette du bâtiment, Naruto gardait le visage sombre, tandis que ses jambes vrombissaient nerveusement contre le sol, laissant grincer ses semelles encore humides contre la dalle plastifiée. Kakashi, adossé à un mur blanc, observait sans le voir ses deux élèves. N'était-ce pas de sa faute s'ils étaient là, tous les quatre? Si les deux jeunes hommes s'inquiétaient plus que de raison pour leur amie ...? Que Naruto soit resté, cela ne l'étonnait guère, le contraire lui aurait certainement laissé la machoire pendante, mais que Sasuke ait refusé catégoriquement de quitter les lieux le faisait sourire, aussi pathétique que cela puisse être dans un moment comme celui-ci. Il l'avait laissé faire, ils étaient une équipe après tout, soudée jusqu'à la mort, pas vrai? Il fit obliquer sa nuque pour se débarrasser de la pesante quiétude qu'imposait ce mot et déporta son regard vers Sasuke, se questionnant encore sur la véracité de son accord à le laisser attendre avec eux. En effet, ce dernier ne bougeait plus depuis qu'ils attendaient et gardait un oeil éperdu sur la porte de chambre de la patiente, ayant la douloureuse sensation de revenir quelques années en arrière, lorsque son clan expirait son dernier souffle.
Au dehors, l'orage éclatait, plus tonitruant que jamais.
