Chapitre 1 – Terreurs nocturnes

Cela faisait une semaine que Eren avait disparu, laissant ses amis seuls et sans réponse.

Pour la jeune Mikasa Ackerman, ce départ fut une déchirure. Comment pouvait-elle assurer la protection de son ami si elle ne savait pas où celui-ci se trouvait ? Comment l'aider s'il ne lui faisait pas part de ses plans ?

Ne pas savoir, c'était ce qui faisait le plus mal à la soldate. Elle ignorait comment il allait, voir même s'il était toujours en vie, et c'était une torture. Depuis l'enfance, elle avait toujours été guidée par sa volonté de protéger Eren. Son quotidien, c'était lui. Elle se servait de lui pour progresser à travers sa vie, pour avoir un but dans l'existence. La perte d'Eren, c'était la perte de sa capacité à avancer. Elle était comme piégée, enfermée, les pieds coulés dans le béton. Elle étouffait.

Des images d'Eren se faisant capturer et exécuter tournaient en boucle devant ses yeux et la narguaient même derrière ses paupières closes. De jours comme de nuit, ses peurs la paralysaient, s'infiltraient dans son esprit comme un poison, lui glaçaient le sang ; au point qu'elle ne quittait désormais presque plus sa chambre. Elle savait que si elle le faisait, ses amis lui parleraient d'Eren, et elle ne le supportait pas. Elle ne pouvait pas affronter leurs questions, leurs remarques, leurs hypothèses, et par dessus tout leur pitié pour elle. Par ailleurs, certains membres de l'armée pensaient qu'elle était dans la confidence des plans du soldat-titan et la considéraient dorénavant comme une traitre. Les regards qu'ils posaient sur elle étaient bien trop durs à encaisser.

Ainsi, cela faisait une semaine que Mikasa ne sortait et ne dormait quasiment plus. Elle passait de longues heures assise sur son lit à fixer la porte de sa chambre, espérant désespéramment voir son ami entrer. Et lorsque enfin le sommeil la gagnait enfin et qu'elle s'endormait, cela ne durait jamais longtemps avant que les cauchemars ne la réveillent en hurlant, pour le plus grand malheur de sa colocataire Sasha qui ne savait comment soulager la peine de son amie.
Cette nuit n'y fit pas exception :

- Ereeeeen !

Sasha se réveilla en sursaut pour trouver la soldate brune assise sur son lit, haletante. Elle tremblait de panique et ses yeux reflétaient à quel point elle était terrorisée.

- Tout va bien Mikasa, ce n'était pas vrai, dit-elle en essayant d'être la plus rassurante possible. Cependant, elle ne pouvait cacher une pointe de contrariété dans sa voix. En effet, cela faisait une semaine qu'elle aussi ne dormait presque plus, mais pas par inquiétude pour Eren.

Mikasa tenta de calmer sa respiration et de ralentir son cœur qui semblait lancé au galop. Elle souhaitait surtout réussir à s'exprimer avec un timbre de voix suffisamment calme pour ne pas inquiéter davantage sa voisine.

- Je... je suis désolée. Je t'ai encore réveillée...

- Rendors-toi Mik', marmonna-t-elle alors qu'elle avait déjà reposé sa tête sur son oreiller.

- Oui, je vais essayer, promit-elle.

Mikasa s'en voulait énormément de déranger ainsi son amie. Cependant, elle n'arrivait pas à apaiser son esprit. C'était plus fort qu'elle, Eren l'obsédait.

Plutôt que de se rallonger, Mikasa attendit que Sasha se rendorme, enfila ses sandales et décida de braver le couvre-feu en allant prendre l'air dans la cour. Elle savait qu'elle n'avait pas le droit de quitter sa chambre la nuit et qu'elle aurait des ennuis si elle se faisait prendre, mais elle avait besoin d'oublier ce qu'elle avait vu dans son sommeil et rester dans sa chambre à écouter sa colocataire ronfler n'était pas l'option la plus attrayante.

Ses jambes la portèrent difficilement jusqu'à l'extérieur et l'air frais la fit frissonner. Cependant, la sensation lui fut plutôt agréable. Le fraîcheur de la nuit sur ses bras nus la fit se sentir à nouveau présente, non prisonnière de son esprit torturé et de la boîte sombre qu'était sa chambre.

Son ventre gargouilla bruyamment, lui rappelant qu'elle n'avait presque rien mangé aujourd'hui. Elle n'arrivait plus à mettre les pieds au réfectoire, et bien que Sasha faisait l'effort de lui apporter quelques victuailles dans leur chambre, la jeune soldate peinait à avaler quoi que ce soit.

Comment pourrais-je manger ou dormir alors que Eren est peut-être en train d'être torturé en ce moment même ?

Elle se perdit dans la contemplation du ciel étoilé pendant un temps, jusqu'à ce que le froid la fasse trop trembler pour que cela soit supportable. Elle tourna alors les talons et retourna dans sa chambre à pas feutrés pour ne pas se faire prendre. Elle hésita un instant quand elle passa devant la porte de la cuisine mais se ravisa, elle était encore trop chamboulée par son cauchemar et elle sentait bien que son estomac refuserait tout ce qu'elle lui présenterait.

Un peu plus loin, elle remarqua que malgré l'heure tardive, il y avait encore de la lumière qui s'échappait de sous la porte du Caporal-chef Livaï.

Il ne nous ment pas quand il dit qu'il croule sous le boulot... C'est un nabot arrogant mais il se donne vraiment à 100% dans son rôle.

Elle continua son chemin, rendant sa démarche la plus légère possible afin de ne pas risquer de se faire prendre.

Arrivée dans sa chambre, elle s'installa en tailleur sur son lit, veillant à faire le moins de bruit possible pour ne pas tirer Sasha des bras de Morphée. Le soleil se lèverait bientôt, la caserne s'activerait petit à petit et Mikasa devrait affronter une nouvelle journée plongée dans l'angoisse. Armin passerait sûrement la voir, comme tous les jours. Elle savait qu'il se faisait également du soucis pour Eren et que son attitude ne faisait que rajouter de l'inquiétude au soldat blond. Pourtant, elle n'arrivait pas à trouver les mots pour le rassurer lors de ses visites. Comment le convaincre qu'elle va bien quand on a une tête comme la sienne ? Comment promettre que ça va s'arranger quand elle-même n'y croit pas ?

Cela faisait quelques heures que Sasha était revenue du petit-déjeuner avec un morceau de pain et une tasse de thé pour Mikasa avant de repartir pour effectuer ses corvées du jour. Mikasa n'avait même pas eu la force de répondre à sa camarade, elle s'était contentée de rester immobile dans son lit, allongée sur le côté, fixant les imperfections sur le mur.

Quelqu'un arriva, frappa deux coups puis ouvrit. Sans même se retourner, Mikasa reconnu que c'était Armin. Il savait pertinemment qu'elle ne répondrait pas aux coups sur la porte donc il n'attendait pas qu'elle l'invite à entrer. Il s'installa sur le lit de Sasha et attendit que Mikasa lui donne signe de vie. En vain, il se demandait même si elle respirait tant elle était figée.

- Comment tu te sens aujourd'hui ?

Pour seule réponse, la soldate brune laissa échapper un léger couinement.

- Tu as réussi à dormir un peu ?

- Un peu...

- C'est vrai ce mensonge ?

Mikasa posa enfin les yeux sur son ami pour découvrir un sourire blagueur sur son visage. Il avait cette qualité de toujours être compatissant et réconfortant. C'était probablement pour cela que Mikasa tolérait ses visites alors qu'elle rejetait tous les autres membres du bataillon d'exploration. Il ne cherchait pas à la juger, ne la forçait pas à parler, ne la harcelait pas de questions. Il se contentait d'être là. Il lui racontait ce qu'il se passait au Quartier général pendant la journée, qui battait qui pendant les entrainements et qui remportait les parties de cartes le soir. Même si elle ne réagissait quasiment pas à ses récits, cela faisait du bien à la soldate. Pendant un instant, elle arrivait un peu à oublier Eren et les tortures qu'elle l'imaginait subir.

- Le Caporal m'a demandé pourquoi tu n'étais pas à son entrainement ce matin, déclara-t-il gêné.

- Qu'est-ce que tu lui as dit ?

- Que tu ne te sentais pas très bien. Il avait l'air contrarié.

- Parce que parfois il n'a PAS l'air contrarié ?...

Cette remarque fit rire Armin, et cela le rassura également. Si Mikasa était capable de faire de l'humour, c'était que tout n'était pas perdu. Il lui raconta les dernières nouvelles avant de partir pour le diner. Il lui proposa de l'accompagner mais la jeune femme refusa.