Chapitre 4 – Nouvelles méthodes

Le lendemain, Sasha rapporta du pain et une pomme à Mikasa, qui ne fit que mordiller dans celle-ci sans trop prêter attention à ce que lui racontait son amie. Après un moment à faire la conversation seule, la soldate attira l'attention de la brune d'un geste de la main :

- Tu ne vas pas manger ton pain ? demanda-t-elle alors que l'espoir de le récupérer lui fit prendre un visage enfantin.

Pour seule réponse, Mikasa attrapa le petit pain et le tendit à Sasha qui la remercia d'un couinement de plaisir.

- Je sais que je ne le montre pas vraiment, mais je m'inquiètes pour toi Mik'. C'est pas bon de manger si peu, tu vas finir à l'infirmerie.

- Je mange quand tu n'es pas là, mentit la brune pour rassurer son amie et mettre fin à une discussion qu'elle n'avait pas envie d'avoir.

Sasha comprit à la mine fermée de Mikasa qu'il était préférable de changer de sujet. S'en suivit alors un long monologue de la jeune femme dans lequel elle se plaignit encore et encore des corvées que leur imposait le Caporal-chef Livaï. Sasha avait été interdite de participer à la préparation de repas car elle engloutissait trop de nourriture dans le processus, et s'était donc retrouvée de nettoyage des écuries pour toute la semaine, ce qui lui déplaisait au plus haut point.

- Bon, ça ne m'empêche pas de récupérer un morceau de sucre des cheveux - ou deux - de temps en temps, histoire de me donner des forces ! déclara-t-elle en pouffant de rire.

- Les pauvres chevaux...

Un peu plus tard, alors que Sasha s'installait pour dormir, Mikasa hésita : elle ne souhaitait pas dormir dans sa chambre et déranger à nouveau sa colocataire avec ses terreurs nocturnes ; cependant, elle savait que retourner passer la nuit dans la salle d'entrainement représentait un risque plus élevé depuis que le Caporal l'y avait trouvée.

Elle commença donc par sortir dans une des cours du château afin de prendre l'air. Elle appréciait toujours autant la fraîcheur de la nuit, cela arrivait à soulager momentanément ses muscles noués et son esprit attristé. Elle pouvait à son aise se perdre dans la contemplation des astres, imaginant que Eren était peut-être en train de faire de même là où il se trouvait.

Pourtant, elle ne pouvait rester longtemps ainsi, à cette époque la température était encore trop basse pour passer la nuit à la belle étoile. De plus, bien que cela lui donnerait une bonne raison de rester isolée dans sa chambre, elle ne souhaitait pas tomber malade. Elle finit donc par prendre une décision : elle irait se réfugier à nouveau dans la salle d'entrainement, et si le Caporal revenait elle en assumerait les conséquences.

- Putain Ackerman, tu te fous d'ma gueule ou quoi ?

Comme elle s'en était douté, le Caporal avait fait irruption dans la salle peu de temps après qu'elle ne s'y soit installée. Elle n'avait même pas eu le temps de dormir un peu avant qu'il ne débarque et fonce sur elle.

- Tu cherches à te faire envoyer au cachot gamine ?

- Au moins j'arriverai peut-être à y dormir...

Elle n'avait pas parlé très fort, mais suffisamment pour que le Caporal l'entende. Celui-ci avait écarquillé les yeux à ses paroles.

- Qu'est c'que tu m'racontes ?

- Rien, monsieur. Souhaitez-vous me sanctionner maintenant ou puis-je regagner ma chambre pour la nuit ?

Il n'en revenait pas, son regard était totalement vide et sa mine inexpressive : elle avait l'air tellement las. Un vrai zombie la gamine. Il ne comprenait par ailleurs pas pourquoi elle avait pris le risque de revenir ici alors qu'elle devait savoir qu'il viendrait. C'était comme si plus rien n'avait d'importance pour elle. Il soupira profondément, ce qui fit relever la tête de la jeune femme. Elle observa son supérieur qui semblait être en pleine négociation interne.

Plutôt que de s'emporter et lui hurler dessus - car vu l'état de la soldate, il se doutait que cela s'avérerait inefficace - le Caporal décida d'essayer une autre méthode. Ainsi, il lui fit signe de s'approcher, ce qu'elle fit sans se poser de question. Elle pensait recevoir une pluie de cris et d'injures, mais au contraire, le Caporal s'exprima sur son ton neutre habituel :

- Tu as loupé pas mal d'entrainements Ackerman, et j'ai l'impression que tu dors pas des masses. J'me trompe ?

- Non Caporal.

- Alors voila ce qui va se passer : d'abord, tu vas trouver un autre endroit où passer tes nuits. Je sais pas pourquoi tu fuis ta piaule et j'm'en balance, mais t'as besoin d'un lit. Ensuite, t'as pas envie de participer aux entrainements collectifs ? Soit, tu vas les faire avec moi.

Elle était certes surprise mais aussi véritablement inquiète. Pourquoi faisait-il preuve de clémence avec elle alors qu'elle manquait à toutes les règles ? Et que se cachait derrière cette proposition aux apparences plutôt innocentes ? C'était inhabituel et donc louche. Que lui réservait-il ? Tête légèrement penchée sur le côté, sourcils froncés, elle réussit à répliquer de manière approximativement neutre :

- Est-ce une punition monsieur ?

- A toi de voir, est-ce si horrible que ça de travailler avec moi ?

- Vous voulez une réponse honnête, Caporal ?

- Tss... échauffe-toi gamine, avant que je n'regrette ma décision.

C'en fut ainsi plusieurs soirs de suite : le Caporal et la soldate se retrouvaient après que le bataillon ait trouvé le sommeil et travaillaient quelques heures durant. Renforcement musculaire, souplesse, cardio, techniques de combat au corps à corps,... Tout y passait. La plupart du temps, lorsque le Caporal se retirait pour la nuit, Mikasa feignait de rejoindre sa chambre mais restait en réalité dans la salle pour dormir. Elle avait même ramené deux vieilles capes de la réserve pour se tenir un peu plus chaud.

La réticence première de la jeune brune à passer autant de temps en tête-à-tête avec son supérieur se dissipa peu à peu, elle se mit même à apprécier ses séances particulières. En effet, le nain impudent qu'elle trouvait froid et brutal en entrainement collectif était avec elle bien plus patient. Tout en la poussant à se surpasser afin de rattraper le retard qu'elle avait accumulé, il prenait le temps de lui montrer plusieurs fois certains mouvements, lui en apprenait de nouveaux, l'encourageait même - à sa façon - lorsqu'elle se montrait un peu trop dure avec elle-même en cas d'échec.

- Recommence, tu y étais presque.

Il était devenu une sorte de coach personnel, s'investissant à fond dans sa réussite.

- Allez Ackerman, montre-moi c'que t'as dans l'ventre !

Mikasa ne pouvait le nier, reprendre un peu de contrôle sur son corps lui faisait le plus grand bien, malgré les courbatures douloureuses qui ne la quittaient plus. Elle s'était trop laissée aller et il était plus que temps qu'elle réagisse.

- Caporal, vous pensez qu'on serait possible qu'on aille courir ?

- Courir, hein ?

- Oui, un petit footing nocturne ! Le ciel est dégagé et la pleine lune nous apportera ce qu'il faut de lumière pour voir où nous mettons les pieds. On pourrait emprunter le chemin le long de la forêt d'entrainement ?

Il semblait hésiter. Il n'avait pas dit non d'emblée et Mikasa interpréta cela comme un bon signe. Elle ajouta :

- Ça... Ça pourrait être agréable...

Le Caporal l'observa un instant : elle avait l'air réellement enthousiaste à l'idée d'aller courir en extérieur. C'était bon signe, elle reprenait goût à quelque chose ! Par ailleurs, sa moue lui donnait un air enfantin. Il soupira en roulant des yeux :

- Va pour le footing à la belle étoile, mais t'avise pas de te péter une cheville gamine.

- Merci Caporal !

Le sourire qui fit une apparition éclair sur le visage de la jeune femme piqua au vif le cœur du soldat. Elle était heureuse, c'était partiellement grâce à lui, et c'était plutôt agréable comme sensation.

Cela lui rappelait son amie Isabel. Il l'avait souvent suivi dans ses plans farfelus et s'était plus d'une fois forcé à faire des choses dont il n'avait pas envie dans le seul but de dessiner un sourire sur son visage ou de provoquer un éclat de rire chez son amie. Ça lui manquait. Elle lui manquait, terriblement.