Chapitre 6 – WANTED
Le Caporal-chef Livaï avait encore une fois passé une sale nuit. Certes, il ne dormait que très peu en temps normal, mais cette fois-ci fut pire. Dès qu'il essayait de fermer les yeux, il revoyait la mort de ses amis Isabelle et Farlan lors de la sortie extra-muros. A la différence près que dans ses songes, Mikasa Ackerman se faisait également massacrée par ce déviant avant qu'il ne puisse le réduire en miettes.
Il devait se rendre à l'évidence, la jeune brune commençait à prendre beaucoup d'importance pour lui et il avait été un parfait crétin avec elle. C'est pourquoi le lendemain après le petit-déjeuner, il décida de lui rendre visite, sans être vraiment sûr de ce qu'il allait bien pouvoir lui dire. Néanmoins, il ne trouva que porte close.
Hmm, elle a dû enfin retourner à ses activités normales. Parfait, t'auras plus à lui servir de baby-sitter.
Bien sur, il se mentait encore une fois à lui-même en essayant de se réjouir de l'absence d'Ackerman, de sorte qu'il se dirigea sans même s'en rendre compte aux écuries où Sasha Braus travaillait en soupirant. Il avait inconsciemment imaginé que la jeune brune s'y trouverait également. Sasha fut bien surprise de voir le Caporal débarquer et inspecter tout les boxes, plissant les yeux et pinçant les lèvres. Elle s'attendait à être réprimandée pour n'avoir pas suffisamment bien nettoyé et à devoir tout refaire, mais son supérieur restait silencieux et l'ignorait totalement.
- J-je... je peux vous aider Caporal ? Vous cherchez quelque chose ?
- Ackerman, tu sais où elle est ?
- Euh... c'est-à-dire que...
- Accouche bordel, j'ai pas que ça à foutre !
- C'est que... je ne veux pas lui attirer des ennuis, dit-elle en baissant la tête.
Le Caporal claqua sa langue contre son palais, il détestait perdre son temps inutilement. Sasha comprit qu'elle n'avait pas d'autre choix que de lui répondre, qu'importe les conséquences pour son amie. Sans quitter le sol des yeux, elle balbutia :
- Elle... elle n'est pas rentrée cette nuit monsieur. Je ne sais pas où elle est ni où elle a dormi...
L'homme ne prit pas la peine de lui répondre, il tourna les talons et repartit vers les bâtiments d'un pas furieux. Peut-être que son confident Armin Arlert pourrait être utile, lui. Cependant, le blondinet ignorait également où Ackerman se trouvait et le Caporal-chef Livaï commençait à en avoir assez de courir après elle. Si elle ne voulait pas être trouvée, qu'il en fut ainsi. De toutes façons, il était temps pour lui d'aller diriger l'entrainement des jeunes recrues, de quoi lui calmer les nerfs - car crier sur des soldats malhabiles était vraiment quelque chose de satisfaisant pour lui.
Du reste de sa journée, plus il pensait à Ackerman, plus il s'en prenait aux recrues. Il déversait sur les jeunes soldats un flot de reproches et d'injures sans précédent et ceux-ci - pas encore totalement habitués à l'humeur agressive et le langage fleuri du Caporal - étaient terrorisés. Un pauvre soldat eut le malheur de se plaindre d'une douleur à la cheville pendant la séance de corps-à-corps et se fut récompenser par 20 tours du domaine au pas de course !
Le soir venu, Livaï ne passa même pas au réfectoire. En effet, rien que d'imaginer se retrouver entouré de tout ces soldats bruyants, mangeant la bouche ouverte, riant,... le dégoûtait.
Par ailleurs, il n'était pas le seul à avoir remarqué la disparition de la jeune Ackerman. En effet, il avait entendu dans les couloirs des bribes de conversations entre les soldats, et notamment certaines théories très élaborées prouvant qu'elle était dès le début de mèche avec Eran Jäger et qu'elle était partie le rejoindre Dieu-seul-sait-où il se trouvait.
Le Caporal préférait ne pas tirer de conclusions hâtives, mais ne pu s'empêcher de penser que si c'était bel et bien le cas, que Ackerman était partie rejoindre son foutu p'tit ami, il serait extrêmement déçu - à la fois par l'attitude de la soldate, mais également par lui-même d'avoir été berné par une gamine.
Il prit le temps d'aller voir son amie Hansi un peu plus tard, en pleine conversation avec Arlert à propos de ses sensations nouvelles depuis qu'il était devenu le Titan Colossal.
- Livy ? Quel surprise, on n'a pas eu le plaisir de ta compagnie au diner, s'exclama la scientifique, affichant un sourire franc.
- Pas faim. J'peux te voir 5 minutes ? répondit-il sur le même ton froid et distant qu'à l'accoutumée.
Armin comprit qu'il était de trop, salua ses supérieurs et sortit promptement.
- Que puis-je pour toi, Livy ?
- M'appelle pas comme ça la bigleuse !
- Roh, ne soit pas si agressif Livaï. Tu fatigues ton cœur pour rien...
Le Caporal s'était posté près de la fenêtre, ne faisant pas face à la scientifique. Il cherchait ses mots, ne voulant pas déclencher une réaction démesurée chez son amie un peu trop enthousiaste et exubérante à son goût. Il se tenait les mains dans le dos, mais le fait qu'il triturait ses doigts nerveusement le trahissait, et ça n'avait pas échappé à la Major.
- Tu as l'air soucieux, qu'est-ce qui ne va pas ?
- Ackerman, tu l'as vu récemment ?
Hansi prit le temps d'y réfléchir, penchant légèrement la tête sur le côté.
- Et bien, en effet, ça fait quelques temps que je ne l'ai pas vue. Elle n'est toujours pas revenues aux entrainements. Elle a des ennuis ? Car j''imagine que si elle était souffrante, j'aurais eu sa visite à l'infirmerie... Tu sais quelque chose ?
- Non, juste qu'elle... elle dort mal et mange peu depuis quelques temps.
La scientifique plissa les yeux, cherchant à analyser la situation. Elle savait que le Caporal-chef Livaï, malgré les airs qu'il se donnait, prenait le bien-être de son escouade sincèrement à cœur car il devait pouvoir compter sur eux lors de leurs missions, alors il s'assurait qu'ils étaient au meilleur de leur forme. Cependant, cette déclaration avait l'air un peu trop précise pour être anodine.
- Elle a probablement été très touchée par le départ d'Eren, elle est très proche de lui. Il faut lui laisser du temps.
Les poings du Caporal se serrèrent subitement, il visualisait parfaitement l'attitude de la jeune brune à l'égard de son imbécile de frère adoptif.
Hansi comprit que son ami était réellement inquiet pour la santé de la soldate, et adopta un ton plus compatissant pour le rassurer :
- Tu as parlé avec elle, toi ?
Le Caporal sursauta et se tourna pour fixer ses yeux sur son interlocutrice. En plus de la nervosité, on pouvait à présent lire de la colère sur ses traits. Zut... pensa la Major.
- Qu- Quoi ? Comment... Pourquoi est-ce que je lui aurais parlé, moi ? Je suis pas son petit ami ou que'que chose !
"Petit ami", hein.
- Je n'en sais rien, elle aurait pu venir se confier à toi. En tant que son supérieur je veux dire.
Elle avait insisté sur le mot "supérieur" pour faire comprendre à son ami qu'elle n'avait pas suggéré quoi que ce soit d'autre, elle. Même si elle ne voulait pas le montrer pour ne pas risquer de braquer Livaï qui, une fois n'était pas coutume, venait de lui-même se confier à elle, Hansi était véritablement touchée par l'inquiétude de son ami. En effet, elle était plus grande que l'intérêt habituel qu'il portait pour ses soldats, démontrant un attachement plus personnel à la jeune femme.
Ô Livy, Mikasa aurait-elle réussi à démolir les épaisses murailles autour de toi ?
- Non. Bon, si tu la vois, dis lui... J'sais pas moi ! Demande-lui c'qu'elle a.
- Je n'y manquerais pas. Livy, ça ...
Elle n'eut pas le temps de finir sa question, le Caporal avait déjà déguerpit en quatrième vitesse.
Il était tard, sa nuque le picotait et la pile de papiers sur son bureau ne diminuait vraiment pas assez rapidement. Le Caporal en avait assez de toute cette paperasse, il avait envie de balayer son bureau de ses bras et de tout balancer par terre. Préférant toutefois ne pas mettre le bazar dans son appartement, il saisit sa cape et prit la direction de la cour, grommelant intérieurement envers et contre tout.
Il s'arrêta brusquement sur le seuil de la porte extérieure, remarquant une présence. Elle était là, il l'avait cherché toute la journée et elle apparaissait enfin lorsqu'il ne l'attendait plus. Elle était là, allongée sur le rebord en pierre de la fontaine, les doigts caressant doucement la surface de l'eau, le regard perdu dans les étoiles. Le vent frais faisait danser quelques mèches de ses cheveux. Elle semblait être à des kilomètres de là et il ne voulu pas briser cela.
Il s'appuya alors contre le montant de la porte et resta quelques minutes à la lorgner discrètement. La lueur de la lune illuminait son visage et donnait à sa peau claire une teinte mystique. Il put constater que sa tenue était sale - ce qui lui fit légèrement crisper la mâchoire - et que son pantalon était déchiré au niveau des genoux, révélant des blessures superficielles.
Qu'est-ce que t'as encore foutu, Ackerman ?
Il réalisa soudainement qu'il la trouvait incroyablement belle et se demanda si c'était seulement grâce à cette atmosphère spéciale ou si elle l'avait toujours été ? Il ne se souvenait pas l'avoir déjà suffisamment observée pour se faire un réel avis sur son apparence. Certes, il appréciait la soldate et ses capacités physiques en combat, mais son visage ainsi mis en lumière captivait le Caporal de manière inédite.
Au bout d'un certain temps, il se rendit compte que si on le trouvait à la regarder ainsi, la situation serait très délicate à assumer, il entreprit donc de rentrer et de se reposer.
T'es qu'un putain d'pervers...
