Chapitre 12 – Corps à corps

Le Caporal se trouvait au dessus de Mikasa, il maintenait ses jambes coincées sous les siennes tandis que les bras de la jeune femme étaient immobilisés au dessus de sa tête. La brise du matin faisant danser les herbes et celles-ci chatouillaient la joue de la pauvre soldate qui se débattait sous le poids de son supérieur.

Comment un homme aussi petit peut-il être aussi lourd ?! C'est surnaturel, il est beaucoup trop puissant pour sa taille...

Il avait lancé des échauffements puis une séance de corps à corps juste après avoir prit du thé au réveil - évidemment, il avait pensé à emmener le nécessaire pour se faire du thé en pleine forêt... - Ils avaient commencé tranquillement, quelques mouvements simples et des prises banales. Puis d'un coup, Livaï avait bondit sur la jeune femme et qui fut mise à terre si rapidement qu'elle n'avait absolument pas eut le temps de se défendre.

- Alors, je t'avais bien dit que j'te botterais le cul ! dit-il fièrement. T'as toujours envie de m'imaginer dans les bras d'la folle ?

Pour seule réponse, Mikasa tourna la tête tout en grognant. L'homme resserra sa prise sur ses poignets et rapprocha alors son visage de la soldate afin de susurrer à son oreille :

- Dis-moi Mikasa, ça t'arrive souvent de penser à moi comme ça ?

Elle retourna vivement la tête et pu voir le sourire narquois de son supérieur.

Il se moque de moi le salaud !

Ne voulant pas s'avouer vaincue aussi facilement, elle plissa les yeux avant de répondre d'une voix assurée :

- Seulement quand je m'imagine en train de vous mettre une raclée.

Cela dit rire le Caporal qui lâcha Mikasa et s'assit sur l'herbe à ses côtés.

- Ça c'est pas demain la veille gamine !

Elle se massa les poignets, il n'avait pas fait semblant de la tenir... Elle s'assit également et comprit qu'il était apparemment temps pour une pause dans l'entrainement. Elle était toujours aussi perturbée par les éclats de rire de son adversaire. Elle qui ne lui connaissait qu'un visage fermé, elle avait l'impression de voir une toute autre personne.
Au bout d'un instant, elle entreprit de lancer la conversation.

- Vous êtes vexé ?

- Qu'est-ce que tu m'racontes ?...

- Que les trois quarts des soldats pensent que vous entretenez une relation avec la Major ?

- Tss. Je préférerais surtout que vous vous mêliez d'votre cul ! C'que je fais de mon temps libre me regarde...

Il avait l'air gêné, il avait baissé les yeux et arrachait nerveusement des brins d'herbe, ce qui fit hésiter Mikasa avant de finalement continuer sur sa lancée :

- Vous savez... Ce ne sont pas les seules choses qui se racontent à votre sujet...

Il coula son regard vers elle sans pour autant relever la tête. Il avait toutefois arrêté de massacrer l'herbe.

- Et qu'est-ce qu'on raconte sur moi ?

- Et bien... Il paraît que vous avez eu une enfance... Mouvementée.

Il rabaissa les yeux à nouveau et repris sa tonte méthodique. Ils s'étaient promis d'être honnêtes l'un envers l'autre, et il tenait parole.

- C'est une façon de voir les choses.

- Ce n'est pas vrai... Livaï ?

- J'ai grandi dans les bas-fond et ma mère est morte quand j'étais gosse, alors ouais, j'ai pas eu une enfance des plus tranquilles, c'est clair !

- Je... Je suis désolée monsieur, je... Je ne savais pas, je n'aurai pas dû !

- Relax gamine, c'est pas la fin du monde.

Il jeta une touffe d'herbe un peu plus loin avant de se relever et de partir en direction du ruisseau. Mikasa était profondément gênée d'avoir ainsi pénétré dans l'intimité de son supérieur, mais elle ne pouvait empêcher le sentiment de satisfaction qu'elle éprouvait de grandir en elle. Elle avait réussi à apprendre quelque chose de vrai, d'important sur lui.

Elle savait qu'il y avait tout un tas d'autres rumeurs qui circulaient sur lui, mais elle ne voulait pas abuser en continuant l'interrogatoire. Par ailleurs, les on-dits lui paraissaient tout à fait plausible maintenant qu'elle en savait un peu plus sur ce drôle de personnage.
Elle avait notamment entendu dire que plus jeune, le Caporal était un voyou qui tabassait des types, contre de l'argent ou des faveurs, et qu'il s'envoyait en l'air avec toutes les jolies filles qui passaient à porter de bras.
Cela lui avait d'abord paru tout à fait incongru, puis elle avait entendu des soldates de la garnison parler de lui en des termes plutôt osés et même parfois vu des villageoises réagir bêtement devant lui, sourire niaisement ou lui faire des clins d'œil. Apparemment, la gente féminine appréciait son côté bad boy.

Aujourd'hui, entre leurs séances d'entraînement et cette sortie si particulière, elle avait passé pas mal de temps seule avec lui et avait découvert un tout autre homme que le nabot arrogant qu'elle connaissait finalement à peine. Elle l'observa un instant : dos à elle, debout devant le ruisseau, il jetait machinalement des brins d'herbe dans l'eau. L'air faisait onduler ses cheveux éclairés par le soleil matinal, sa silhouette se découpait sur la forêt. En tendant l'oreille, le clapotis de l'eau et les chants d'oiseaux formaient une mélodie bucolique des plus apaisante. Ce décor additionné à une odeur de mousse venue des bois apportait une touche de délicatesse à l'homme qui se tenait devant elle, il avait presque l'air... beau.

WOW ! Redescend sur Terre ma fille !

Lorsqu'il se retourna, Livaï capta le regard de la brune sur lui et celle-ci rougit. Il arqua un sourcil mais, la voyant détourner le regard, il préféra laisser couler... pour le moment.

Tu me mattes à mon insu, Ackerman ?

Le Caporal décida qu'il était temps de voir si Mikasa savait encore maîtriser le dispositif de manœuvre tridimensionnelle. Il somma sa soldate de s'équiper et improvisa des exercices de rapidité puis de coordination. Visiblement, elle n'avait en rien perdu en agilité : elle se déplaçait de manière vive et fluide, on aurait presque dit qu'elle dansait au milieu des arbres.

Ça c'est ma guerrière ! pensa-t-il en l'observant, fière de son élève.

Le duo aérien voltigeait à travers la forêt dans une course effrénée. Ils multipliaient les pirouettes et les manœuvres périlleuses, tantôt se frôlant l'un l'autre puis s'élevant dans les airs. Tout deux voulaient prouvés à l'autre sa supériorité et son talent.

Emplis d'allégresse, il ne virent pas surgir un titan de huit mètres qui était dissimulé par un énorme arbre, ils n'avait par ailleurs aucune raison de se méfier.

La créature attrapa Mikasa dans son élan et leva sa seconde main vers le Caporal qui lui trancha deux doigts avant de remonter vers son visage. Il réussit a lui tailladé un oreille mais le monstre détourna son attention sur la soldate brune qui s'agitait dans sa poigne. Elle planta une lame dans le pouce du titan pour le lui sectionner, mais n'arriva pas à se dégager.

Livaï n'avait pas remarqué tout de suite la capture de sa cadette car la tête du titan cachait la scène. Il lança son grappin sur l'arbre derrière le titan afin d'accéder à sa nuque, prêt à trancher la peau du monstre avec ses lames. Cependant, lorsqu'il aperçu la jeune femme se débattre dans le poing serré du monstre, il fonça et lui trancha les phalanges. Le geste fut d'une précision incroyable considérant la vitesse à laquelle il l'exécuta et il n'effleura même pas le corps de la soldate du bout de ses lames. Celle-ci n'avait plus suffisamment de gaz à disposition et ne put relancer ses grappins. Elle s'écrasa alors violemment sur le sol tandis que le Caporal atteignit la nuque du titan et l'acheva en un double coup de lame.

Lorsqu'il reposa les pieds sur terre, il constata que la soldate ne s'était pas relevée. Au contraire, elle était recroquevillée sur le sol et hurlait des insultes qu'il n'avait jamais entendu émanant de sa bouche. En s'approchant, il pu voir le sang qui coulait de sa jambe gauche.

- Merde, t'es blessée !

- Ce n'est rien, j'ai juste foiré mon atterrissage.

Elle avait essayé de paraître sereine mais la douleur la faisait grimacer. Le Caporal rangea ses lames et s'agenouilla près d'elle pour examiner la blessure. Très délicatement, il écarta les pan de son pantalon :

- "C'est rien" tu dis, tu t'fous d'ma gueule ?! Tu t'es ouvert la moitié d'la cuisse !

- Ça va aller, je ne sens presque rien...

- Arrête tes conneries, on retourne au campement pour que j'te soigne.

Avant même que la jeune femme ne puisse répondre, il passa un bras sous elle afin de la serrer contre lui et actionna son grappin avec sa main libre. Mikasa n'était pas à l'aise et ressentit un éclair de douleur dans sa jambe au décollage. Elle passa rapidement ses bras autour de la nuque du Caporal afin de ne pas glisser et sentit celui-ci resserrer sa prise autour de sa taille.

Arrivés au campement, Livaï déposa délicatement Mikasa sur le sol et se mit à fouiller dans son sac à dos. De nature prévoyante, il avait demandé à la Major Hansi de lui fournir du matériel de premier secours en cas de besoin. Il s'en félicita.

Ayant trouvé ce dont il avait besoin, il s'agenouilla aux côté de l et découpa précautionneusement la jambière de son pantalon afin d'exposer la blessure. Il nettoya le sang et désinfecta la plaie, ce qui fit contracter tous les muscles de la soldate.

- La plaie est peu profonde, ça devrait pas poser trop de problème, annonça-t-il. Je vais te faire une injection au cas où, histoire d'éliminer les saloperies.

La pauvre n'était pas ravie, mais serra les dents et les poings sur la cape sur laquelle elle était allongée. Avec beaucoup de délicatesse, le Caporal planta la seringue dans la jambe de la jeune femme et injecta le produit. Pour terminer, il entoura une bande autour de la cuisse de Mikasa.

- Repose-toi Mikasa, je vais chercher de l'eau.

Elle remercia son supérieur et laissa sa tête se poser sur le sol. Lorsqu'il fut suffisamment éloigné, elle laissa s'échapper un lourd soupir, elle était déçue d'elle-même pour avoir été blessée de manière aussi stupide. Elle qui souhaitait prouver au Caporal qu'elle était encore une excellente soldate avait la sensation d'avoir échoué.

La fin de journée fut très calme, le Caporal prépara un repas avec les quelques vivres qu'il avait apporté puis proposa à la soldate de dormir pendant qu'il montait la garde. La nuit apporta avec elle sa fraîcheur et son silence, troublé uniquement par le coulis de l'eau dans la clairière. Livaï resserra sa cape autour de son buste et laissa son regard se perdre dans l'immensité de la voie lactée.

- Et merde, depuis combien de temps tu trembles comme ça ?

Le visage du Caporal laissait transparaître son inquiétude, Mikasa avait vraiment sale mine.

- Je ne sais pas, un petit moment maintenant.

- Putain, Mikasa !

Il se rapprocha en vitesse, passa sa main sous la tête de la jeune femme afin de la relever avant de plaquer ses lèvres sur son front. La jeune femme ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit, la surprise la paralysait. Au bout de quelques secondes, le Caporal se détacha et, devant la mine ahurie de la soldate, se justifia :

- C'est le moyen le plus efficace que j'ai sous la main pour prendre ta température.

- M-ma température ?

- Les tremblements peuvent être signe de fièvre. Si tu as de la fièvre, ça veut dire que ta jambe est en train de s'infecter. Et si c'est le cas, il faut que je te ramène d'urgence au Quartier général pour des soins plus costauds. Je vais vérifier mais, j'ai pas l'impression que ça soit ça.

Sur ces mots et sous le regard attentif de l'intéressée, le Caporal ouvrit le sac de couchage de la jeune femme, plia délicatement sa jambe blessée afin d'ôter le bandage qu'il avait confectionné quelques heures plus tôt, et inspecta la plaie. La douceur de ses gestes captivait Mikasa, comment pouvait on être aussi fort et agressif que lui en combat et aussi doux à la fois ?

La Caporal en profita pour nettoyer la blessure avant de refaire un pansement. La forte odeur du produit dégoûtait un peu la jeune femme. Toujours avec beaucoup de précaution, il rallongea la jambe de Mikasa et se glissa contre elle avant de fermer le sac de couchage et de serrer son bras gauche autour de son buste. Il avait déjà posé la tête sur son autre bras transformé en oreiller de fortune et fermé les yeux quand la soldate réussit à prononcer quelque chose :

- Caporal ?

- Livaï ! grommela-t-il.

- Livaï, qu'est-ce que vous faites ?

Il rouvrit les yeux et pu admirer le visage perplexe de la brune. Il était plutôt satisfait de l'effet que leur proximité semblait opérer sur elle.

- Tu n'as pas de fièvre. Et ta blessure est propre.

- Et donc ?

- Ça veut dire que si tu trembles c'est parce que tu crèves de froid. Alors profite de ma chaleur corporelle et dort, gamine ! A part si tu veux retenter l'expérience "hypothermie" ?

- Non, je n'y tiens pas vraiment.

Il referma les yeux et sentit le corps de la jeune femme gigoter alors qu'elle s'installait pour se rendormir. Petit à petit, il la sentit se détendre dans son étreinte avant que celle-ci finisse par complètement s'endormir. Il ne pouvait le nier, le moment était putain d'agréable !