Chapitre 14 – Visite tardive (2)
- Tu t'en sors bien, compte-tenu des circonstances ! déclara la Major. Livy s'est bien occupé de toi, il me facilite grandement la tâche.
Mikasa ne répondit rien, laissant la scientifique finir son travail sur sa blessure. Elle avait cependant relevé le clin d'œil de sa supérieure lorsqu'elle avait parlé du Caporal.
- Bon, il faudra que tu fasses attention jusqu'à ce que la plaie soit totalement cicatrisée. Mais globalement, tout est OK pour moi !
Mikasa remercia sa supérieure et quitta l'infirmerie. Elle était épuisée. Le chemin du retour avait été long et éreintant car elle avait refusé un bon nombre de pauses, voulant arriver au plus vite. Elle se dirigea vers sa chambre et Sasha lui sauta au cou à peine eut-elle franchi le seuil.
Il était tard, les deux soldats étaient arrivés après l'heure du diner et Mikasa n'avait pas la force d'aller jusqu'en cuisine pour récupérer quelque chose à se mettre sous la dent. Fort heureusement, son amie à l'appétit immense cachait toujours quelques victuailles dans sa table de chevet « pour les situations d'urgence ». Avec quelques réticences, elle lui céda quelques biscuits.
Avec beaucoup d'hésitations, Sasha finit par oser se confesser à sa colocataire :
- Tu sais Mik', j'ai fait comme si je ne voyais rien, mais... je sais que tu ne dormais plus ici depuis quelques semaines.
Mikasa écarquilla les yeux, elle pensait vraiment avoir réussit à tromper sa camarade, mais elle se retrouvait au pied du mur.
- Je ne vais pas te dénoncer ou quoi que ce soit ! J'ai bien conscience que tu as fuit la chambre pour me permettre de dormir tranquillement. Je t'en remercie d'ailleurs...
- Pas de quoi, chuchota la brune, tête baissée.
- Mais, je suppose que si tu es là ce soir, c'est que tu te sens mieux ?
- Je crois, oui, répondit-elle en essayant de présenter un visage serein à son interlocutrice.
- Cette mission spéciale n'a pas eu que du mauvais alors ? demanda-t-elle, sourire au lèvres, tout en désignant du menton la jambe blessée de son amie.
- Je le pense, en effet.
- Alors, c'était comment de passer autant de temps avec Caporal Ronchon ? demanda la gourmande sur un ton enjoué.
- Je suis vraiment fatiguée Sasha...
- Oh, répondit-elle déçue, on en parlera plus tard alors.
Les deux femmes se mirent au lit sans plus attendre. Sous l'épuisement tant physique que moral, Mikasa s'endormit avant même que les ronflements de sa colocataire ne se fassent entendre.
- AAAAAAAHHHHHHHHHH !
Sasha sursauta en poussant un petit cri, moitié de surprise, moitié de colère.
- Bon, j'en conclu que les cauchemars sont toujours là, dit-elle d'une voix endormie.
- J-Je suis vraiment désolée, je pensais...
- Pas la peine, dort Mik'.
Elle reposa la tête sur son oreiller et repartit directement dans les bras de Morphée. Mikasa de son côté était encore bouleversée par son rêve où une multitude de titans au visage de son frère s'étaient rués sur elle pour la dévorer. Elle se leva, enfila des vêtements et ses chaussures, puis sortit faire quelques pas pour se changer les idées.
Machinalement, elle se retrouva devant le bureau du Caporal Livaï. Elle hésita, ne sachant pas vraiment pourquoi son subconscient l'avait amené jusque ici, ni ce qu'elle pourrait bien lui dire une fois la porte franchie. Mais, comme il semblait être encore debout à cette heure-ci, elle se décida à frapper.
- Qui est-ce?
- Mikasa Ackerman, Caporal. Puis-je entrer ?
- Oui.
Il était assis derrière son bureau, une tasse de thé encore fumante à sa gauche et une feuille sous les yeux.
- Que puis-je pour toi, Ackerman ?
La brune tiqua. Plus de "Mikasa", hein. Elle resta debout près de la porte, n'osant soudainement plus avancer.
- Je... Qu'est-ce que vous êtes en train de faire monsieur ?
- T'es clairement pas venue jusqu'ici pour me demander c'que je fous, alors pourquoi t'es là ?
- Je suis désolée, je n'aurais pas dû.
Elle posa sa main sur la poignée et allait partir lorsqu'elle fut interrompue :
- ACKERMAN, quand ton supérieur te pose une question c'est ton devoir d'y répondre. Alors ferme cette porte, avance et dit énonce clairement c'que tu veux.
Elle regrettait d'être venue, elle ne savait même pas ce qu'elle espérait trouver en s'aventurant ici au milieu de la nuit. Mais, ne pouvant désobéir à un ordre direct, elle prit une grande inspiration et s'exécuta.
- J'ai fait un cauchemar monsieur, annonça-t-elle le plus posément possible.
- Et en quoi ça me regarde ? rétorqua-t-il en plantant ses yeux dans ceux de la soldate.
Elle inspira profondément à nouveau et, s'efforçant de soutenir le regard du Caporal, elle s'expliqua :
- Pour une raison que j'ignore, vous avez su faire taire mes angoisses et disparaitre mes cauchemars lors de notre mission. C'était mon premier vrai repos en un mois et je dois avouer que ça m'a vraiment fait un bien fou. Je ne sais pas pourquoi votre présence a eu cet effet sur moi, ni même si c'était bien vous et pas les médicaments que vous m'avez administrée qui m'ont apaisés, mais j'aimerai retenter l'expérience.
Elle marqua une pause alors que le Caporal continuait de la fixer sans laisser paraitre la moindre réaction.
- Si cela ne vous dérange pas, Caporal-chef.
Il posa son stylo, saisit sa tasse et la porta à ses lèvres sans jamais détourner le regard. Il était bien sûr très surpris par ce qu'il venait d'entendre mais devait également bien admettre qu'il fallait un sacré culot et une bonne dose d'audace pour oser lui dire tout cela. Enfin, il était compatissant envers elle, si elle avait réussi à lui en parler c'est qu'elle devait aller vraiment mal.
- Soit, tu peux prendre mon lit, je ne m'en sers jamais.
Comme la soldate eu un sursaut de surprise, il précisa :
- Vieille habitude gardée de ma vie d'avant, je dors peu et toujours assis. Ça me permet de rester un minimum prêt, au cas où j'ai besoin de me défendre.
La soldate remercia son supérieur et se dirigea vers le lit impeccablement fait. Elle souleva le drap mais le Caporal intervint avant qu'elle ne s'installe :
- Tu peux dormir ici aussi longtemps que nécessaire, par contre Ackerman il va falloir respecter mes règles.
- Évidemment. Quelles sont-elles monsieur ?
- Premièrement, j'ai beaucoup de travail et j'aime m'en occuper dans le calme alors ne pense pas que je vais bavasser avec toi tous les soirs.
- Je ne l'espérais pas, Caporal, railla-t-elle, sans pour autant montrer son sourire au Caporal.
- Ensuite, tu as dû remarquer que j'aime le propre. Alors même si je ne dors jamais dedans, il hors de question que tu salopes mes draps ! Je vais te filer un t-shirt pour cette fois mais si tu reviens pense à prendre un vêtement approprié !
Elle était embarrassée à l'idée de devoir porter les vêtements de son supérieur, elle trouvait cela déplacé, un peu trop intime. Cependant, entre ça et la salle d'entraînement, le choix était rapidement fait ! Elle accepta donc l'offre.
- Et pour finir : ne ronfle pas !
- Bien monsieur.
Elle attrapa le t-shirt que lui tendit son supérieur et entreprit de sa changer. Mais, constatant qu'elle était observée, elle se permit une demande :
- Monsieur, pourriez-vous vous tourner s'il vous plait ?
- Pardon, j'avais pas... Enfin je voulais pas... Roh t'as compris !
Elle se changea en vitesse, plia ses vêtements et les déposa sur un petit tabouret situé à côté du lit. Elle se glissa enfin sous les draps, ils étaient doux et dégageaient un parfum qu'elle eut du mal à reconnaitre. En entendant la jeune femme humer fortement le drap, Livaï se tourna à nouveau vers elle :
- Du jasmin.
- Pardon ? demanda-t-elle, relâchant sa prise un peu honteuse d'être vue ainsi à respirer le lit de son supérieur.
- Je rajoute du jasmin dans la lessive, c'est ça l'odeur.
- Comme dans le thé que vous aviez apporté, dans la salle d'entraînement.
- C'est ça. Aller gamine, dort. Je vais pas tarder à m'installer moi aussi.
Elle lui souhaita une bonne nuit et s'allongea sur le côté, dos au Caporal. Le lit était vraiment confortable et elle s'endormit vite.
Bien qu'il n'apercevait qu'une touffe de cheveux noirs posés sur l'oreiller, Livaï ne pouvait s'empêcher d'observer du coin de l'œil la jeune femme endormit dans son lit. Un sentiment en lui grandissait, l'incitant à aller la rejoindre, mais il s'évertuait à l'étouffer à grandes gorgées de thé.
Elle se souvient du thé. Et...elle est venue à toi ce soir. Est-ce que c'est sensé vouloir dire quelque chose ? Est-ce que je devrais faire quelque chose ? ... Putain Livaï t'es vraiment crevé pour délirer comme ça, finit ton rapport et va dormir !
Usant de tout le self-control dont il disposait, il partit se débarbouiller dans sa salle de bain privative puis se positionna dans son fauteuil, lumières tamisées et poignard fermement agrippé dans sa main droite. Il resta encore un moment les yeux rivés sur Mikasa qui semblait paisible.
Arrête de la mater comme ça...
Le Caporal fut sortit de son état de demi sommeil par un hurlement épouvantable. D'un bond, il se propulsa au milieu de la pièce en brandissant son poignard à la recherche de ce qui l'avait perturbé. Quand enfin il réalisa que le bruit avait été produit par son invitée, il abaissa son arme et se rapprocha. Elle était recroquevillée contre le mur comme un animal blessé, tremblante, à bout de souffle.
- Je croyais que ma présence te faisait du bien, je suis un peu vexé, dit-il en roulant des yeux exagérément.
- Je suis désolée Caporal, je suis un véritable fardeau.
Elle entoura ses jambes de ses bras et enfouit sa tête dans ses genoux.
- De toute évidence, je me suis trompée. Il faut que je trouve une solution. Il... il faut que ça cesse.
Elle se mit à sangloter. Livaï reconnu ces paroles, il avait déjà prononcé ces paroles, il savait très bien quel genre de pensées les accompagne. Il se rapprocha et s'assit sur le rebord du lit, déposant au passage son poignard sur la table de chevet. Il plaça sa main gauche sur l'épaule de Mikasa dont le corps tremblait au gré de ses sanglots.
- Ou alors on a pas fait les choses comme il faut. Après tout, ces deux dernières nuits, je ne dormais pas dans un fauteuil à cinq mètres de toi.
Mikasa n'eut pas le temps de trouver quoi répondre, elle leva la tête et vit son Caporal se mettre debout, délicatement ôter ses bottes, soulever le drap et s'allonger sur le matelas à ses côtés. Il ouvrit ses bras et d'un signe de tête indiqua à la soldate qu'il voulait qu'elle s'installe auprès de lui. Sans un mot, elle s'exécuta, se positionnant légèrement de côté de manière à caler son dos contre le torse du Caporal. Il remonta alors le drap sur eux et enlaça la jeune femme de son bras libre. Celle-ci déposa sa main sur l'avant-bras du soldat et gigota afin de se blottir plus encore contre lui. Il ne dit rien, se contentant d'écouter la respiration de la jeune femme ralentir au fur et à mesure qu'elle se rendormait. Son propre cœur semblait lancé au galop, il était même persuadé que Mikasa pouvait le sentir tellement il cognait fort contre sa cage thoracique.
Il finit lui aussi par s'endormir, serein.
