Chapitre 20 – Bien méritée

Mikasa avait prit le soin de raccompagner Jean jusqu'à sa chambre afin qu'il puisse se remettre de son passage à tabac. Son visage était légèrement enflé, mais c'est son corps qui avaient le plus ramassé. Ses membres étaient si endolories qu'il peinait à marcher et l'appui apporté par la soldate était le bienvenu.

Le jeune homme pria sa dulcinée de rester avec lui un moment, ce qu'elle accepta car elle n'avait guère envie de rejoindre les autres ou pire, de se retrouver seule dans sa remise de misère. Elle s'assit donc sur le rebord du lit et les deux amis discutèrent de tout et de rien, sans que la jeune femme ne prête réellement attention à ce que son ami racontait.

- Mikasa, tout à l'heure... amorça-t-il plein de honte. Merci d'avoir pris ma défense.

- Ce n'est rien voyons. Le Caporal abusait clairement de ta bonne volonté de soldat, affirma-telle.

- Ouais, d'ailleurs... Je sais pas si tu l'as fait exprès, mais...

- Quoi donc ? demanda-t-elle avec un peu trop d'entrain.

- Tu l'as appelé "Livaï"...

- Oh... Je-je ne sais pas... bredouilla-t-elle en tripotant ses doigts nerveusement. C'est... sorti tout seul, j'imagine ?

- C'est bizarre, tu ne trouves pas ? Je ne suis pas certain qu'il ait apprécié d'ailleurs, souligna-t-il.

- Et bien je m'en moque ! Après tout, il faut bien que quelqu'un le remette à sa place une fois de temps en temps !

Il hésita un instant car il ne voulait pas froisser sa bien-aimée, mais sa curiosité était finalement trop grande :

- Mikasa... Comment dire ? Il y a des...

- Des quoi ? l'interrompit la jeune femme. Pourquoi t'es tout bizarre d'un coup ?

- Ne le prend pas mal hein, mais il y a des rumeurs qui disent que... Oh non, je peux pas, c'est vraiment n'importe quoi !

Jean se releva et fit mine de ranger les quelques affaires qui trainaient sur le petit bureau. Il craignait surtout de croiser le regard inquisiteur de Mikasa.

- Bon tu vas me parler clairement s'il te plait ?! ordonna Mikasa, maintenant plutôt agacée, et le ton de sa voix fit crisper les épaules du grand blond.

- Comme tu voudras... Alors voilà, je-ne-sais-plus-qui a dit à Connie t'avoir vu rentrer chez le Caporal un soir. Mais... tard. Je veux dire, vraiment trop tard pour que ce soit banal.

Le soldat regrettait déjà d'avoir parlé, mais il se tourna quand même légèrement afin de scruter la réaction de l'intéressée.

Mikasa prit quelques secondes pour se contenir. Ce qu'elle venait d'entendre était loin d'être rassurant, mais elle se devait de rester neutre si elle souhaitait paraitre crédible. Elle réfléchit le plus rapidement possible et essaya de ne rien laisser transparaître de son stress :

- Hmm, je vois. C'est très nase comme rumeur. Ce je-ne-sais-plus-qui n'est pas très doué pour lancer des âneries.

- Alors ? demanda-t-il avec un large sourire rassuré, tout est faux ? Tu...

- Je ne sais pas ce que l'autre imbécile à cru voir mais il dit n'importe quoi. Et j'espère que Connie, toi et les autres ne sont pas assez bêtes pour vous imaginer des choses !

Jean fut soulagé par cette réponse et, comme il n'était de toute façon pas ravi d'imaginer que Mikasa avait pu entretenir une relation secrète avec leur Caporal, il préféra changer de sujet.

Puis, lorsque l'heure du repas arriva, il prétexta ne pas avoir faim et Mikasa se rendit seule au réfectoire. La vérité était que le jeune homme avait un peu honte de s'être fait humilier de la sorte devant ses camarades et préférait passer la soirée dans son lit plutôt que d'affronter leurs railleries.

Mikasa traversa le couloir à pas vifs, la tête résonnante de cris issus de ses angoisses. On l'avait vue, évidemment. Comment avait-elle pu être naïve au point d'imaginer que personne n'aurait rien remarqué ?!

A peine eut-elle franchit le seuil de la porte qu'une main l'empoigna et la tira vers l'arrière.

- Ackerman, dans mon bureau au couvre-feu, c'est un ordre.

- Pardon ?! rétorqua-t-elle, mais son supérieur avait lâché prise et alla prendre place à la table des dirigeants, la laissant immobilisée par la surprise.

Comment ose-t-il ? Un ordre ! Et puis quoi encore ? Cette fois j'en ai ma claque, je ne vais plus me laisser manipuler par ce lunatique haut comme trois pommes !

Elle avala son repas de manière robotique, trop perdue dans ses pensées pleines de colère et de reproches pour faire attention au monde qui l'entourait. Ses camarades tentèrent de la faire participer à la conversation mais abandonnèrent bien vite face au visage crispé de la jeune femme.

Elle était occupée à passer et repasser en boucle dans sa tête ce qu'elle avait l'intention de dire à son supérieur lorsqu'elle irait le retrouver. Elle ne comprenait strictement rien à son changement de comportement et comptait bien lui tirer les vers du nez. Avait-il espéré que les choses se passent différemment l'autre matin et sa frustration prenait maintenant le dessus sur le reste ? Sans oublier l'incident Jean. Avait-il fait délibérément du mal à son ami pour se venger d'elle ? Mais dans ce cas, pour qu'elle raison s'en prendre à lui et pas à elle directement ?

Ainsi, à peine vit-elle son supérieur sortir de la salle qu'elle alla déposer son assiette à la plonge et entreprit de le rejoindre afin de mettre les choses au clair.
Toute prête à lui balancer ses quatre vérités, elle ouvrit la porte en grand et déboula dans les appartement du Caporal sans prendre la peine de frapper au préalable.

Celui-ci était dans la salle de bain et avait commencer à se déshabiller afin de prendre une douche mais, surpris par cette irruption, retourna précipitamment dans la pièce principale. Le visage de Mikasa passa assez rapidement de la colère à l'embarra face au corps quasi nu de son supérieur et toutes les phrases acerbes qu'elle avait préparé pendant le dîner s'envolèrent.

- J't'avais dit au couvre-feu il me semble...

- Je...

- Commence par te concentrer sur autre chose que mes pectoraux, Ackerman, j'ai pas envie d'avoir à nettoyer la bave que tu laisses couler sur mon plancher !

Son ton exaspéré laissait tout de même transparaître un brin d'amusement. Il était en train de se moquer d'elle, ce qui lui fit retrouver ses esprits.

- Oh mais la barbe à la fin ! Vous me faite mal au crâne avec vos bêtises ! Vous vous en prenez à moi, vous vous en prenez à Jean, c'est quoi votre problème ?

- Tu veux vraiment me parler de Kirschtein ?

Il avait fait semblant de vomir son nom, ce que Mikasa trouvait à la fois totalement irrespectueux et fortement puéril.

- Oui, Kirschtein. Pourquoi l'avoir martyriser à ce point pendant l'entrainement ?

Il s'approcha lentement de Mikasa, torse bombé et regard solidement ancré dans les yeux ébènes de la jeune femme :

- Parce qu'il m'exaspère profondément, pour commencer, et ensuite parce qu'il ne mérite vraiment pas toute cette attention que tu lui accordes pour une raison qui m'échappe.

- C'est mon ami, répondit-elle un peu perdue.

- Erreur, c'est un imbécile ! Et crois-moi, il n'y a rien d'amical là d'dans.

Les sourcils de Mikasa se froncèrent. Elle voyait bien où il voulait en venir, mais elle refusait d'y croire.

- Vous faites erreur, il n'est pas amoureux de moi si c'est ce que vous insinuez.

- Oh mais je ne l'insinue pas, je l'affirme Mikasa. Ce grand con est raide dingue de toi. Chaque geste, chaque pas que tu fais en sa direction ne fait que raviver la flamme qui brûle pour toi dans le caleçon d'cet abruti.

Les paroles du Caporal choquèrent la jeune femme. Elle s'éloigna en direction de la fenêtre et observa un instant ses camarades qui se trouvaient dans la cour. Machinalement, elle se mis à triturer ses doigts.

- Vous dites n'importe quoi. C'est... Pfff... Personne ne s'intéresse à moi de cette manière. Kirschtein est ...

- Ton ami, hein ? J'ai l'impression d'entendre la nouvelle version d'un vieux disque.

Ses paroles firent tourner la tête de Mikasa vers lui. Elle le dévisagea : il y avait quelque chose dans son regard de... malsain. Conjugué avec son corps dénudé, cela créait une atmosphère très dure à supporter pour la pauvre soldate. Elle n'était pas particulièrement pudique, mais voir Livaï ainsi l'embarrassait. Aussi, plus elle se sentait mal à l'aise, plus Livaï avait envie d'insister.

- Tu ignores vraiment l'effet qu'tu fais ? Ou tu joues les ingénues histoire de repousser les avances de tous les boulets du coin ?

Alors que le Caporal se rapprochait lentement d'elle, le regard toujours fixé sur son visage, elle se força à se redresser afin de masquer la misère dans laquelle elle se trouvait. A chaque pas qu'il faisait en sa direction, les battements de son cœur s'accentuaient dans sa poitrine. Elle déglutie difficilement :

- Je ne vois vraiment pas de quoi vous voulez parler.

- Vraiment, hein ?

Livaï la regarda de haut en bas, augmentant la gêne de la pauvre Mikasa qui aurait voulu pouvoir pénétrer le mur derrière son dos.

- Pourtant tu sais, là d'où j'viens, y'a tout un tas d'hommes qui seraient prêts à payer tout un tas d'argent pour passer leurs nuits avec toi. Et crois moi, ils serraient moins... gentleman que moi.

La respiration de Mikasa s'arrêta devant le sourire vicieux de son interlocuteur. Le Caporal se trouvait tout près d'elle à présent et, en l'espace d'un instant, celui-ci adressa un clin d'œil très lourd de sens à Mikasa qui répondit instinctivement par une gifle féroce juste avant de le repousser violemment et de prendre la fuite.