8° INTERROGATOIRE DE Mm KERN

C'était Yélina qui conduisait pour aller jusqu'à l'aéroport. Horatio, de son côté, ne cessait de fixer un point invisible sur la vitre de la voiture ; ce qui perturbait Yélina.

Elle n'aimait pas voir son beau frère dans cet état car il n'y avait aucun moyen de savoir à quoi il pensait et même elle n'arrivait pas à lui faire desserrer la mâchoire.

Tout en regardant la route, elle jetait régulièrement un regard insistent à son beau frère comme pour lire dans ses pensées mais rien, Horatio semblait vraiment ailleurs. Elle décida de rompre ce silence plus que pesant à son goût :

- A quoi penses tu Horatio ?

Pas de réaction de l'intéressé.

- Horatio… je suis là … ; dit Yélina sur ton légèrement plus sévère.

Horatio décrocha enfin son regard du point invisible de la vitre, remis ses lunettes de soleil, se tourna vers sa collègue et belle sœur :

- Rien, j'étais dans mes pensées

- Des pensées sur…

- Sur l'enquête ; s'empressa de dire Horatio ne voulant pas s'attarder davantage sur ce sujet.

- Bien, comme tu voudras, répondit Yélina, mais je te connais Horatio et je suis certaine que tu ne pensais pas à l'enquête.

Horatio la regarda et lui sourit légèrement.

Non Yélina tu ne me connais pas autant que tu le prétends tout comme je ne connaissait pas mon frère comme je l'aurais dû, pensait il ; il y a tant de choses que j'aimerais te dire et que je ne peux pas, un jour peut être aurons nous l'occasion d'avoir une discussion sur Raymond et surtout sur nous deux.

Il détourna son regard de celui de l'enquêtrice et regardât la route :

- On est arrivé, il regarda sa montre, et en même temps que l'avion de Mm KERN, dit il soulagé de constater qu'ils n'auraient à attendre et donc de ne pas continuer ce semblant de discussion.

Ils entrèrent côte à côte dans l'aéroport et se dirigèrent directement vers une petite salle à l'écart de toute la foule. Ils avaient demandé, quelques heures auparavant, au directeur de l'aéroport de leur réserver une petite salle tranquille où ils pourraient s'entretenir dans le calme avec Mm KERN.

Quand ils entrèrent dans la salle, ils y découvrir une femme d'une quarantaine d'années, ses cheveux mi-longs bruns coiffés à la va vite à l'aide de petites barrettes, elle était vêtue d'un simple jeans de couleur bleu clair et d'un chemisier noir. Elle ne semblait avoir aucun tics de nervosité, elle était juste là assise devant les enquêteurs. Elle ne souriait pas mais n'avait également aucun trait de tristesse sur son visage.

Les enquêteurs se regardèrent perplexes, certes Mm KERN savait que la mauvaise nouvelle ne concernait pas son fils mais elle devait se douter qu'il s'agissait de son mari.

Ils s'assirent et s'apprêtaient à parler :

- Mon mari est mort n'est ce pas ? demanda la femme sur un ton tout à fait neutre.

Horatio et Yélina ne savaient comment réagirent face à cette femme.

- Oui Mm KERN, dit Horatio, votre mari est mort cette nuit ; votre major d'homme l'a retrouvé sans vie ce matin dans votre chambre.

- Nous somme désolés pour vous, continua Yélina

- Vous n'avez pas à l'être, répondit Mm KERN toujours sur un ton neutre, je sais que ce que je vais dire va me placer en suspect numéro un ; mais pour être franche … cette nouvelle est dans un sens une sorte de soulagement pour moi.

- Pourquoi ? demandèrent les enquêteurs en même temps

- Vous avez interrogé ses collègues et notre entourage ?

- En effet, répondit Yélina

- Alors vous avez déjà la réponse.

Il n'y avait aucune émotion dans les réponses de la femme, se yeux fixaient les enquêteurs à tour de rôle, aucune larme dans ce regard. Puis elle reprit la parole :

- Comme vous avez put le constater, mon mari n'était pas un modèle à suivre pour mon fils. Autant il était extraordinaire auprès de ses patients autant il était invivable pour ses collègues et son entourage, moi et mon fils y compris. C'est lui qui a payé mes études et me le rappelait pratiquement tous les jours. Ils aimait me rabaisser auprès de ses collègues et … ; elle déglutit ; … et ses conquêtes.

Yélina et Horatio étaient stupéfaits :

- Vous étiez au courant pour ces aventures extraconjugales ?

- Robin n'était pas discret sur ce sujet, pire il ne s'en cachait nullement.

Les enquêteurs étaient décontenancés, ils ne savaient vraiment pas quoi dire, demander…

Ce petit bout de femme les déstabilisait complètement par sa franchise, ce regard qu'elle posait sur l'un et l'autre. Horatio réagit le premier :

- Mm KERN, vous semblez être une personne relativement très sûre d'elle-même…

- En effet, je sais ce que je vaux…

- Alors expliquez moi pourquoi vous avez accepté, durant toutes ces années, le comportement de votre mari, vous avez un bon travail, un fils, des amis ; pourquoi n'avez-vous pas divorcé et refait votre vie ?

- Je ne pouvais pas divorcer, répondit elle

- Comment ça ?

- Robin m'a connu alors que j'étais assistante dentaire ; il avait rendez vous dans le cabinet où je travaillais. Il m'a dragué dès qu'il m'a vu ce qui m'a flatter à l'époque. Il m'a invité pour un dîner puis nos sorties sont devenues de plus en plus fréquentes et j'étais sur un nuage : comment un homme de son rang pouvait-il s'intéresser à moi…

Elle marqua une pause comme pour prendre des forces,

- C'est pour cette raison que je ne lui ai pas parlé de mon passé de strip-teaseuse… mes parents n'avaient pas assez d'argent pour payer mes études et le strip-tease m'a permis de gagner assez d'argent pour ne pas cumuler un autre emploi pendant mes années d'université.

Elle s'arrêta une nouvelle fois, pas pour prendre son souffle mais pour voir la réaction des deux personnes qui se tenaient devant elle. Mm KERN fut soulagée de voir juste de la surprise dans leurs yeux et non une forme de reproche ou autre chose.

- Nous étions marié depuis moins d'un an et j'étais enceinte de Matt quand Robin est rentré un soir très furieux contre moi ; il n'arrêtait pas de m'insulter sans me dire pourquoi. Puis il a fini par me dire qu'un de ses collègues m'avait reconnue, que ce collègue était un adepte du night club dans lequel j'avais… dansé et qu'il s'était moqué de Robin en lui disant qu'il avait épousé une traînée.

Je pensais qu'il allait demander le divorce mais au lieu de cela il est sorti et n'est rentré qu'au petit matin.

- Et pourquoi n'a-t-il pas demandé le divorce ? demanda Horatio étonné

- Par rapport à sa famille.

- …

- Ses parents étaient catholiques très pratiquants et ils n'auraient jamais accepté le divorce. Ils sont morts dix ans après d'un accident de voiture, j'ai donc pensé que Robin allait engagerait la procédure de divorce mais au lieu de cela il a préféré utiliser mon passé comme moyen de pression sur moi…

Mm KERN essuya une larme qui commençait à couler sur sa joue.

- Un jour, il m'a dit que si j'avais dans l'idée de divorcer, il ne se gênerait pas de révéler mon passé à tous mes patients et mes confrères et pire à notre fils. Et depuis ce jour, ma vie est devenue au fil du temps un enfer, il a commencé à avoir des maîtresses. Au début, il allait chez elles mais un jour, alors que je rentrais un peu plus tôt d'un séminaire, je l'ai trouvé en compagnie d'une femme dans notre lit et il m'a regardé avec un sourire de vainqueur. Le lendemain matin, il m'a embrassé tendrement sur la joue et m'a dit que personne ne me croirait si je racontais ce que j'avais vu.

Cette fois ci Mm KERN pleura à chaudes larmes. Yélina se leva et lui servit un verre d'eau. Mm KERN la remercia et prit une petite gorgée.

- Mm KERN, comment étaient les rapports entre votre fils et son père ?

- Matt fait des études de droit en partie pour contrarier son père. Robin souhaitait qu'il soit, lui aussi, un chirurgien de renom mais pour Matt il est hors de question de ressembler à son père et c'est donc sans regrets qu'il lui a annoncé sa décision d'entrer en fac de droit.

Horatio et Yélina sourirent en entendant cette remarque.

- Est-ce que Matt sait à propos de l'infidélité de votre mari ?

- Non, Robin s'est toujours arrangé pour que l'on ne soit pas là quand il ramenait des femmes à la maison autrement il n'aurait plus eut de quoi exercer une pression sur moi.

- Comment se comportait votre mari avec Matt ?

- Robin voulait que Matt soit le meilleur en tout ; aussi bien à l'école qu'en sport. Ors Matt n'est vraiment pas un sportif dans l'âme. Il a toujours préféré se pencher sur un exercice plutôt que de jouer au basket ou au football et ce manque d'intérêt sportif énervait beaucoup mon mari. Par ailleurs, Robin était jaloux de la relation fusionnelle qui nous unit mon fils et moi. Matt aurait souhaité que Robin se comporte en père plus souvent et qu'il dise qu'il était fier de son fils mais au lieu de cela, mon mari le poussait dans ses retranchements en lui disant que la vie n'était pas facile ; il voulait que Matt soit, comme il le disait, bien armé pour affronter la dure réalité qu'était la vie car je ne serais pas toujours là pour le protéger.

- Savez-vous que Matt téléphone régulièrement au Dr LAY ? demanda Yélina.

- Je le sais en effet, et je dirais même que je l'encourage. Matt adore discuter avec Rob, je veux dire le Dr LAY ; Matt a l'impression d'avoir les discussions qu'il aurait dû avoir avec son père. Jamais Rob n'a jugé ses choix ou ses opinions ; c'est Rob qui lui a conseillé de quitter la maison et de vivre sa propre vie. Et c'est que Matt a fait même si je dois admettre qu'il vient très souvent me voir pour prendre de mes nouvelles et s'assurer que je vais bien.

- Et vous ? Vous arrivait il de l'appeler ou de voir sans votre mari ?

- Il en était hors de question, Robin m'aurait accusé d'infidélité ou de je ne quoi d'autre ; protesta t-elle

- Mm KERN, je voudrais aborder une autre facette de votre mari ; dit Horatio en la regardant dans les yeux ; nous avons retrouvé dans la table de chevet de votre mari une petite boite métallique contenant de la morphine, une seringue et une aiguille et d'après l'autopsie, il semblerait que votre mari avait une dépendance à la morphine.

- je sais pour ses injections de morphine mais je ne dirais pas qu'il y était dépendant car il pouvait rester des mois sans en faire. Disons plus qu'au lieu de boire lorsqu'il était contrarié, il préférait s'injecter de la morphine, il disait qu'il avait l'impression de quitter son corps et ses problèmes le temps de l'effet de la morphine.

- Depuis combien de temps le faisait-il ?

- Depuis deux ans environ, suite à une chute en ski où il avait eut une triple entorse du genou et une déchirure des ligaments croisés ; depuis il se fait faire des ordonnances de morphine en toute légalité chez un médecin orthopédiste.

- Excusez la brutalité de ma question mais savez vous si votre mari avait une maîtresse en ce moment ? demanda Horatio un peu gêné d'avoir à poser cette question.

- Etant donné que c'est lui qui m'a suggéré ce séminaire, ma réponse est oui.

Les deux inspecteurs se regardèrent pour savoir si l'autre avait encore des questions à poser. Horatio prit la parole :

- Mm KERN, nous vous remercions pour cet entretien, nous vous laissons rejoindre votre fils, je pense qu'il serait préférable que vous alliez tous les deux chez votre fils car nous n'avons pas encore fini d'inspecter votre maison. Par ailleurs, nous aurons sûrement des questions à poser à votre fils.

- Merci, mon fils et moi-même serons à votre entière disposition afin de retrouver le coupable, sur ce, je pense que mon fils doit s'impatienter…

Mm KERN sortit donc de la petite salle heureuse de pouvoir enfin serrer dans ses bras son fils qui l'attendait, non sans inquiétude, sur un banc du hall de l'aéroport. Quant à Yélina et Horatio, ils restèrent un moment dans ladite salle pour parler de l'entretien qu'ils venaient de faire et ne sachant que penser du comportement de Mm KERN. Ils ne savaient qu'une chose, ils allaient d'abord se renseigner sur les activités du week-end du fils avant de l'interroger. C'est pourquoi Horatio téléphona à Ryan afin que ce dernier lui communique le nom et l'adresse de la petite amie de Matt.

TBC