Rencontre avec la protagoniste de cette histoire.
Bonne lecture !
Chapitre 2 : Première soirée
Août 1990 – Poudlard
« Est-ce que ce n'est pas un peu étrange de signer le contrat d'apprentissage après avoir signé le contrat de non-exploitation et le mandat de transaction ? »
« Le contrat d'apprentissage prévaut sur tous les autres documents, Pomona. »
Pomona Chourave fronça les sourcils, comme souvent ces derniers jours.
Albus Dumbledore sourit. « Si nous l'avions signé puis refusé de signer le contrat de non-exploitation, par exemple, je vous garantis que cela aurait posé un gros problème juridique non seulement pour Poudlard, mais surtout pour le ministère de Miss Dippet. »
« Je vois. »
Le professeur Chourave trempa nerveusement une belle plume d'oie sauvage dans le pot d'encre, puis s'appliqua à tracer une signature propre et nette en bas du parchemin.
« Il ne reste plus que votre signature, Amanda… »
Sans relever l'erreur de prénom, qui devait être la vingtième depuis son arrivée, Amelia Dippet prit la plume des mains de sa désormais tutrice d'apprentissage et s'arrêta un instant, semblant lire les quelques lignes du parchemin. En réalité, ses pensées vagabondaient bien au-delà du contrat.
Comme convenu, Amelia Dippet était arrivée en début de soirée, par cheminette, directement dans le bureau d'Albus professeur Chourave attendait aux côtés du directeur, et contrairement à lui, elle semblait extrêmement agitée et faisait les cent pas sur le superbe tapis en soie d'acromantule.
Cela avait été la première rencontre entre l'apprentie et la tutrice, si l'on exceptait l'entretien de motivation qui avait eu lieu quelques semaines plus tôt par cheminette. Il fallait bien reconnaître, d'ailleurs, qu'une discussion à travers une cheminée, à quatre pattes, la tête dans les braises, n'avait pas permis à Amelia de considérer la taille de Pomona Chourave.
Il était bien vrai qu'en comparaison des 151 centimètres du professeur Chourave, les 181 centimètres d'Amelia Dippet paraissaient quelque peu disproportionné. Elle était en réalité presque à la hauteur du directeur, dont les yeux clairs, très clairs, trop clairs, ne cessaient d'observer la nouvelle apprentie de Poudlard.
Le regard du directeur, toujours bienveillant, n'était pas suffisamment insistant pour devenir gênant, mais tout de même assez présent pour nécessiter diverses stratégies d'évitement, comme contempler le paysage par la fenêtre, scruter en détail les différents objets magiques fascinants qui ornaient le bureau et les étagères, ou encore faire semblant de prendre plusieurs minutes pour lire un contrat qui ne comportait qu'une vingtaine de lignes des plus simplistes.
Il fallut enfin se décider à signer, et après un instant de doute, Amelia griffonna aussi soigneusement que possible sa signature. Pas trop mal, songea-t-elle.
« Bien, » fit Dumbledore en récupérant le parchemin.
D'un coup de baguette, il scella le rouleau, qui disparut tout seul. Puis il ajusta ses lunettes sur son long nez et croisa les mains sur le bureau. Ses yeux bleus allèrent du professeur Chourave à Amelia.
« Bien, » répéta-t-il. « Miss Dippet, vous êtes désormais l'apprentie du professeur Chourave, félicitations. »
« J'espère que vous ne le regretterez pas, » ajouta le professeur Chourave.
Amelia ne sut pas si elle devait rire ou prendre la remarque au sérieux. Dans le doute, elle se contenta de hocher la tête.
« Je vous montrerai votre chambre après le dîner, » fit le professeur Chourave. « Vos affaires s'y trouvent déjà, vous pourrez vous y installer à votre aise. »
« Et Pomona vous accompagnera visiter le parc demain, » compléta Dumbledore. « En attendant, vous allez pouvoir rencontrer le reste de notre équipe qui doit déjà être attablée depuis quelques minutes, si ma montre est à l'heure… »
Amelia aurait été bien en peine de savoir si la montre donnait la bonne heure ou non, car il n'y avait absolument rien de commun avec les montres habituelles, si ce n'est que des aiguilles tournaient dans un cadre. Il fallait avoir des compétences singulières en sorcellerie pour comprendre à quoi correspondaient les douze aiguilles ainsi que les petites planètes qui tournaient dans le sens horaire au bord du cadran.
Mais il devait bien être l'heure du dîner car, guidée par Dumbledore et le professeur Chourave à travers des couloirs tortueux, des escaliers mobiles et des portes camouflées en mur, Amelia atterrit dans un immense hall duquel une dernière porte, gigantesque, était entrouverte sur une salle dont s'échappaient de discrets tintements de couverts.
Dumbledore ouvrit davantage la porte pour laisser passer le professeur Chourave et Amelia, puis la referma complètement derrière lui.
Cette salle était encore plus impressionnante que le hall. Le plafond, si on pouvait l'appeler ainsi, était à une hauteur telle qu'on ne distinguait pas le sommet des voûtes. Le ciel y remplaçait la pierre, dans un beau crépuscule rosé.
Suspendues dans les airs, des milliers de chandelles projetaient une lumière douce sur quatre longues tables alignées, vide de tout occupant. Une cinquième table, dressée sur une estrade, s'opposait au quatre autres, et contrairement à elles, une quinzaine de personnes attablées y dégustaient un somptueux repas.
Sans autre choix que de suivre le mouvement, Amelia avança derrière le professeur Chourave. Dumbledore, légèrement en retrait, fermait la marche.
Les convives s'interrompirent, pour la plupart, pour saluer le professeur Chourave.
« Excusez le retard, chers collègues, » répondit celle-ci. « Nous recevions, Albus et moi, mon apprentie, Amanda… »
« Amelia, » rectifia la concernée à mi-voix.
« Amelia ! » se corrigea le professeur Chourave avec un sourire d'excuse. « Amelia Dippet, qui nous arrive de Ferruccia, en Italie, où elle vient d'achever sa brillante scolarité ! »
À la seconde où le professeur Chourave prononça son nom, Amelia sentit peser sur elle une attention qu'elle n'avait jusque-là jamais vécue. Bien sûr, elle avait anticipé que son nom de famille ne passerait pas inaperçu à Poudlard, où son ancêtre avait marqué une époque somme toute relativement récente, mais cela n'empêcha pas ses joues de s'enflammer sous le regard inquisiteur des collègues du professeur Chourave.
« Amanda, » reprit celle-ci, « je vous épargne la liste de tous les noms, vous les apprendrez bien vite par vous-même, mais venez donc vous asseoir, Filius nous a gardé une place… »
La main de Dumbledore effleura l'épaule d'Amelia pour l'enjoindre à avancer, tandis que le professeur Chourave contournait l'estrade et tirait une chaise à côté d'un tout petit bonhomme aux cheveux blancs et frisottés surmontés d'un petit chapeau bleu, qui tendit une main amicale à Amelia.
« Filius Flitwick, » se présenta-t-il, « professeur de sortilèges et directeur de la maison Serdaigle. »
« Enchantée, » répondit Amelia en serrant sa minuscule main.
Désormais encadrée par le professeur Flitwick d'un côté et le professeur Chourave de l'autre, Amelia se sentit comme une géante au milieu des gnomes.
Dumbledore s'était assis également, au centre de la tablée. Le repas reprit, ainsi que les discussions, et tandis qu'elle se servait au hasard dans le premier plat à portée de main, Amelia fut soulagée que des présentations formelles lui aient été épargnées.
« Alors, Amelia, vous venez de Ferruccia, si j'ai bien compris ? » s'enquit le professeur Flitwick.
Sa fourchette juste à la bouche, Amelia ne put qu'acquiescer.
« Le climat va beaucoup vous changer, » fit remarquer une femme aux cheveux gris montés en chignon assise à côté du professeur Chourave. « J'espère que vous avez prévu de bonnes paires de chaussettes ! »
« C'est Poppy Pomfresh, notre infirmière, » lui souffla le professeur Flitwick.
« Les serres sont bien isolées, de toute manière, » intervint le professeur Chourave à la place de son apprentie. « On peut s'y déplacer sans cape, ce qui est bien pratique pour travailler. »
« Oui, mais le château n'est pas isolé, lui, » persista Poppy Pomfresh. « Mes stocks de pimentine sont souvent trop justes pour passer l'hiver, alors j'aimerais autant prévenir que guérir. »
« Est-ce que vous insinuez que mon apprentie est dénuée de bon sens ? » rétorqua le professeur Chourave.
« Vous connaissant, Pomona, il vaut mieux – »
« Elles adorent se chamailler, » confia le professeur Flitwick à Amelia, qui assistait, confuse, à l'échange. « Mais dites-moi, Amelia, comment se fait-il que vous nous veniez de Ferruccia, en Italie ? Astor, votre père, était pourtant élève parmi nous… »
Ils connaissent tous mon père, évidemment, regretta intérieurement Amelia.
« Oui, il est devenu expert en arithmancie pour le compte du ministère britannique, avant de partir en Italie suite à une offre d'emploi pour le compte d'une entreprise italienne. »
« Et il y a donc rencontré votre mère, si je comprends bien ? » fit le professeur Flitwick avec un sourire entendu.
« Voilà. »
« Que fait-elle, d'ailleurs ? Elle travaille avec votre père ? »
« Non, elle est moldue. »
« Ah tiens, comme ce doit être intéressant d'avoir les deux cultures ! »
« En effet, » confirma Amelia avant de vite changer de sujet. « Vous avez donc connu mon père ? »
« Oh, de loin, je dois dire, je me souviens surtout qu'il était très doué en arithmancie, bien plus doué que mes meilleurs serdaigles, ce qui est rare, pour un gryffondor ! » Il baissa d'un ton. « La seule gryffondor aussi douée en arithmancie est assise à quelques sièges de nous… »
Et il jeta un coup d'œil malicieux en direction d'une collègue assise plus loin, à côté de Dumbledore. C'était une grande femme, peut-être bien aussi grande qu'Amelia. Son visage étant tourné vers Dumbledore, Amelia et le professeur Flitwick ne voyaient que ses cheveux noirs, noués assez bas sur la nuque, impeccablement maintenusen chignon par une broche argentée qui scintillait à la lueur des bougies.
« Minerva McGonagall, » chuchota le professeur Flitwick. « Professeur de métamorphose, directrice de Gryffondor et directrice-adjointe de Poudlard. »
« Je vois, » répondit Amelia en remarquant le maintien particulièrement droit du professeur McGonagall.
Celle-ci dut se sentir observée, car elle tourna vivement la tête vers Amelia, qui fut saisie par le flamboiement de ses yeux. Ils étaient verts comme l'étaient les yeux de certains chats, et, comme eux, captaient la lumière d'une façon très particulière. Ses sourcils, aussi noirs que ses cheveux, n'étaient pas froncés, mais le regard que renvoyait le professeur McGonagall fit instantanément comprendre à Amelia que son observation de loin n'était pas la bienvenue.
Elle se détourna rapidement, les joues de nouveau brûlantes, et se concentra sur les mots du professeur Flitwick.
« – aussi l'occasion de rencontrer Severus Rogue, maître des potions et directeur de la maison Serpentard, mais il n'est que rarement aux repas. Et Pomona, donc, qui est directrice de la maison Poufsouffle »
« Serdaigle, Gryffondor, Serpentard, et Poufsouffle, » résuma Amelia en reprenant le fil de la conversation. « Et comment sont répartis les élèves entre les quatre maisons ? Selon des options ? Des spécialités ? »
« Votre père ne vous a jamais parlé de Poudlard ? » s'étonna le professeur Flitwick.
« Très peu, à vrai dire. »
« Quel dommage ! Mais je peux vous conseiller un excellent livre, très complet, qui vous apprendra l'essentiel à savoir sur Poudlard, et… »
Et le dîner passa rapidement en compagnie du professeur Flitwick et du professeur Chourave, qui avait cessé de se quereller avec Poppy Pomfresh. Le plafond, entre-temps, avait pris une allure de velours noir, signe que la première soirée d'Amelia à Poudlard touchait bientôt à sa fin.
