Si, au premiers abords, Nikita Lebedev semblait doté d'une vivacité d'esprit remarquable, il s'avéra pourtant assez vite que sa présence dans la Maison Serpentard ne désavantagerait aucunement les Serdaigles, qui mettaient un point d'honneur à dépasser toutes les autres Maisons sur le plan scolaire. Bien que possédant des connaissances théoriques très poussées dans certaines matières et incroyablement curieux de nature, Lebedev n'était pas excessivement puissant sur un plan purement magique – pas plus que la moyenne en tous cas en outre, son véritable point faible – son talon d'Achille – se dévoila dans toute sa splendeur dès le jeudi de la rentrée.

« On a quoi ce matin ? » questionna un Nikita encore ensommeillé l'un de ses voisins de dortoir, en enfilant laborieusement ses chaussettes.

Le voisin en question, c'était Adrian Pucey, poursuiveur de l'équipe de Quidditch. D'apparence costaude, presque massive, il était fier de son rôle de sportif et était globalement apprécié par les élèves de sa Maison très vite, une bonne entente mutuelle s'était installée entre lui et le nouveau.

« Trois heures de potions, rétorqua le joueur de Quidditch. Avec Rogue, notre directeur de Maison…

« Eh merde ! se plaignit le Russe. Je hais cette matière ! »

La réciproque se révéla vraie environ deux heures plus tard…

« Monsieur Lebedev, qu'est-ce que c'est que… ça ? » tonna la voix glaciale de Rogue, qui s'était arrêté pile devant la paillasse de Nikita, seul car les groupes de travail étaient déjà formés depuis des années.

Le fluide dans le chaudron, qui aurait dû présenter la douce teinte argentée d'une potion de Paix, se contorsionnait comme un ver géant tout en émettant des bouffées de fumée violette – le qualifier de « liquide » tenait d'ailleurs d'une spéculation assez fantaisiste.

Toutefois, l'étudiant d'origine russe ne se laissa pas décontenancer : relevant la tête de son résultat désastreux, il adressa le regard le plus innocent et naïvement surpris dont il était capable et soutint sans difficulté apparente le regard noir du maître des potions :

« C'est… c'est sans doute un genre tout nouveau de forme de vie, professeur, répondit-il de sa voix claire et franche, dénuée de la moindre trace d'ironie. Regardez ces petits souffles de fumée… ça vit, ça respire ! Ça professeur, c'est de la sérendipité ! »

Le silence qui s'instaura alors dans tout le cachot fut mémorable. Seuls Lee Jordan et les jumeaux Weasley, assis à l'autre bout de la classe, s'étouffaient discrètement dans un fou-rire incontrôlable.

Le professeur Rogue avait haussé son fameux sourcil et fixait à présent l'impertinent d'un regard si froid et indéchiffrable que n'importe qui à sa place aurait fini par craquer au bout de quelques secondes et s'enfuir en courant et en implorant la clémence divine. Nikita demeura pourtant parfaitement calme et détendu, et ses yeux placides d'un bleu délavé examinaient toujours aussi tranquillement ceux noir charbon du potionniste. On aurait dit qu'une petite guerre psychologique était en cours au grand étonnement de tous, le nouveau finit par interrompre cet affrontement invisible en souriant soudainement d'un air conciliant :

« Je vous prie de m'excuser, professeur, si j'ai pu paraitre impoli. Mais je vous assure que j'étais de bonne foi : j'ai toujours eu des grosses lacunes en potions…

« Débarrassez-moi ça, trancha Rogue, bouillant d'une colère intérieure maitrisée, en pointant d'un air dégoûté le contenu sifflant du chaudron du bout de l'index. Et que ça saute. Je vous mets un D… et estimez-vous chanceux. C'est votre première année à Poudlard, sans doute n'êtes-vous pas encore habitué à un rythme aussi exigeant. Je ne me montrerai pas aussi clément la prochaine fois. »

Toujours souriant, Nikita le remercia d'un signe de tête et appliqua Tergeo sur son chaudron. Rogue repartit errer parmi les rangées sans plus lui accorder le moindre regard, mais la scène surréaliste demeura solidement ancrée dans toutes les mémoires.

A la fin du cours (que Nikita passa dans le désœuvrement le plus total, Rogue s'étant complètement désintéressé de son cas et faisant mine d'avoir oublié jusqu'à son existence), lorsque les élèves de cinquième année de Gryffondor et de Serpentard furent sortis de la salle des potions, le Russe, s'éloignant seul d'un air pensif, fut abordé par Lee Jordan :

« Hé, toi, Lebedev ! s'exclama le Gryffondor alors qu'ils étaient à une vingtaine de pas des escaliers menant aux cachots. Oui, toi ! ajouta-t-il en s'esclaffant lorsque Nikita eut tourné la tête, surpris. T'as vraiment des tripes en acier, tu le sais ? Jamais, jamais PERSONNE n'a osé parler à Rogue comme ça !

« Je savais que les Russes étaient couillus, mais à ce point…, renchérit Fred Weasley, suivi de près de son frère.

« Ce que t'as fait là, c'est comme de voir quelqu'un en armure…

« …sous la pluie…

« …brandissant une épée…

« …sur le haut d'une colline…

« …en plein orage, et blasphémant contre tous les dieux…

« …rangés par ordre alphabétique !

« C'était dément !

« Du suicide !

« Absolument génialissime ! »

Les jumeaux et Lee s'étaient groupés autour du nouveau, qu'ils dépassaient tous les trois de quelques centimètres. Leurs yeux pétillaient d'espièglerie et d'admiration : leur interlocuteur avait beau être un Serpentard, il avait l'air bien plus sympathique et intéressant que ses camarades de Maison.

« Merci… je suppose ? rit Nikita avec sincérité. Vous êtes les frères… euh… Weasel ?

« Weasley, corrigea George.

« Ah, oui, au temps pour moi. On m'a parlé de vous ! Ainsi que de… euh… Jordan ?

« Exact : Lee Jordan, pour vous servir ! s'inclina moqueusement le concerné.

« Qu'est-ce qu'on t'a dit…

« …à notre sujet ?

« Que je devais me méfier de vous et de vos farces », répliqua Lebedev tout en leur adressant un clin d'œil complice.

Les jumeaux et Lee se regardèrent, faisant mine d'être suprêmement étonnés.

« Nos farces ?

« Quelles farces ?

« Nous ?

« Voyons ! On n'en fait jamais !

« Il n'y a pas plus sérieux que nous !

« De vrais pince-sans-rire !

« Trois tristes sires !

« Jamais un sourire !

« Bref, trois étudiants modèles…

« …et fiables ! »

Et ils prirent subitement tous les trois un air si exagérément grave et sérieux que Nikita ne put s'empêcher d'exploser de rire.

Entre temps, ils avaient doucement atteint la Grande Salle, devant laquelle plusieurs élèves leur lancèrent des regards profondément surpris, dont ils ne tinrent absolument pas compte.

« Mais du coup, on veut savoir…

« … comment as-tu eu le cran de faire une chose pareille ? Face à Rogue ! » lui rappelèrent les jumeaux leur conversation initiale.

Nikita leur adressa un grand sourire mystérieux et leva les mains en signe d'innocence.

« Vous savez, à Durmstrang les profs auxquels votre tête ne revient pas ne se contentent pas juste de vous fixer d'un air menaçant. J'ai fini par m'y habituer, surtout en potions : à l'issue de ma deuxième année, la prof m'avait définitivement interdit de m'approcher à moins de deux mètres d'un chaudron, tant j'étais devenu un danger public !

« Sérieusement ?! s'esclaffèrent les trois Gryffondor.

« Oui ! Une fois, j'ai carrément rendu invisible tout un étage pendant deux jours, à cause d'une potion de guérison de la conjonctivite qui a un peu foiré… Mais je peux au moins être fier d'avoir contribué à la rénovation fréquente des murs et du plafond de la salle des potions : presque chaque semaine, ils étaient obligés de tout reconstruire… »

Cette fois, les Weasley et Jordan furent de nouveau pris d'un fou-rire difficilement maitrisable. La manière franche, naïvement décalée, dont Nikita dépeignait ses frasques, produisait un effet des plus comiques.

Sans vraiment s'en apercevoir, ils arrivèrent à la table des Gryffondor. Autour d'eux, les élèves les dévisageaient avec étonnement, méfiance pour certains. Certains s'étaient même levés et tenaient discrètement leurs baguettes magiques : un Serpentard, doublé d'un Russe anciennement scolarisé dans l'une des écoles à la pire réputation dans le monde, ça ne rassurait personne.

Mais Nikita se contenta de s'adosser à la table des Lions tandis que Lee, Fred et George s'y asseyaient, toujours en discutant et en riant amicalement. Ils s'interrompirent seulement lorsqu'un « Eh, Nikita ! Ramène-toi, on va être en retard ! » retentit de l'autre côté de la salle. Le Serpentard se redressa, salua ses nouveaux amis et alla rejoindre les membres de sa Maison, qui pendant ce temps débattaient silencieusement avec ferveur en lui jetant quelques coups d'yeux dubitatifs, peu rassurés par la tournure qu'avaient prise les événements.

OooO

« Et du coup, t'es à Poudlard pourquoi, exactement ? »

Lebedev eut un petit soupir de lassitude : les Weasley étaient au moins les quinzièmes à lui poser cette question en moins d'une semaine ! Ils étaient en plein cours de soins aux créatures magiques – Hagrid leur avait donné pour tâche de s'occuper par groupes de trois ou quatre d'un couple de Veracrasses – et les jumeaux avaient décidé de dépenser ces deux heures palpitantes à assommer de questions leur nouveau et encore mystérieux camarade.

Reposant laborieusement le seau contenant une Veracrasse particulièrement dodue, Nikita s'essuya le front avec sa manche et daigna enfin répondre.

« En fait, je ne suis russe qu'à moitié : mon père est anglais. J'ai eu quelques problèmes de santé ces dernières années, et les conditions… disons un peu rudes en Europe de l'Est n'y ont probablement pas été étrangères. Mes parents ont fini par décider de m'envoyer à Poudlard, où le climat et les exigences scolaires sont plus souples. »

Il avait eu un drôle de sourire triste à l'évocation de ses parents, duquel les Weasley déduisirent instinctivement que sa situation familiale était sans doute compliquée. Cependant, ils évitèrent avec tact de s'y attarder davantage.

« Oh, c'est donc pour ça que tu parles aussi bien anglais ! s'exclama Lee, changeant ainsi de sujet. Je me disais aussi, de quel foutu sort ce bougre a-t-il bien pu user pour parler couramment une langue étrangère… mais en fait t'en as pas eu besoin ! Ça doit être trop cool d'être bilingue ! »

Nikita sourit d'un air un peu gêné et marmonna quelque chose de confus, ce qui fit ricaner ses trois voisins taquins – moqueries qui redoublèrent d'ampleur lorsque la Veracrasse dont il s'était maladroitement saisi jugea ce moment précis opportun pour régurgiter une partie de son repas prédigéré sur la robe et le bras gauche du Serpentard.

Une autre particularité du nouveau se manifesta pour la première fois ce jour même, durant l'après-midi, au début du cours d'histoire de la magie que les Serpentards suivaient conjointement avec les Serdaigles.

L'éminemment ennuyeux professeur Binns, fantôme de son état, s'était, comme à son habitude, placé sur l'estrade – ou plutôt légèrement au-dessus, flottant mollement à quelques centimètres du sol. Attendant à peine que tous ses élèves aient pris place, il commença à débiter son monologue avec la monotonie la plus remarquablement soporifique qui soit.

Au début, tout sembla suivre son cours normal : les élèves – majoritairement des Serpentards – s'endormaient les uns après les autres, tandis qu'une petite poignée de résistants, probablement drogués à de hautes doses de caféine, prenait vaillamment des notes malgré l'ennui massacrant qui les assaillait à chaque instant. Pendant un moment, il sembla aux quelques témoins oculaires qui rapportèrent par la suite cette scène devenue mythique, que Nikita allait faire partie de la majorité assoupie ou juste inattentive : il regardait avec intérêt à droite et à gauche, examinant – comme souvent – le plafond, les tables et même le parquet avec un émerveillement des plus enfantins son regard demeura pendant un moment comme hypnotisé par le panorama que lui offrait la fenêtre, juste à côté de son voisin lamentablement avachi sur sa paillasse. Il finit pourtant par s'en détourner et riva alors son regard pâle pour la première fois sur le professeur.

C'est alors que l'impensable advint.

Le professeur Binns mit quelques secondes avant de se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond dans sa classe. Les élèves – même ceux qui s'étaient assoupis – s'étaient tournés les uns après les autres vers l'épicentre de la perturbation, donnant des coups de coude à leurs voisins, fortement intrigués par ce qui allait bien pouvoir suivre.

C'était bien sûr Nikita qui, une fois de plus, avait brillamment réussi à se placer au centre de l'attention générale : il levait la main.

Il faut savoir que, jusque-là, Nikita s'était fait discret en cours – mis à part bien sûr sa sortie spectaculaire en cours de potions. Plus tard, ses camarades de classes déduisirent que ce comportement calme et passif n'était probablement dû qu'à la nécessité de procéder à un temps d'adaptation : à partir de ce jour-là, il devint quasiment impossible d'assister à un cours de cinquième année avec des Serpentards sans que, tôt ou tard, le Russe ne décide d'entamer une discussion passionnante avec le professeur, toujours amorcée par une prise de parole polie et en apparence innocemment naïve.

Binns pinça ses lèvres fantomatiques, déjà exaspéré : il était extrêmement rare que des élèves souhaitent participer à ses cours, et il s'en était toujours accommodé avec soulagement. Cependant, il ne pouvait pas décemment ignorer cet élève visiblement par trop enthousiaste : d'un ton plus sec qu'il ne l'aurait souhaité, il dit enfin :

« Oui ? C'est pour quoi ? »

Bien évidemment, il ignorait le nom du perturbateur – pour le moment.

Nikita, tout sourire, s'éclaircit la gorge et parla de sa voix claire et agréable :

« Professeur, pardonnez-moi de vous déranger, mais vous avez parlé à l'instant d'un traité de paix signé à l'issue de la dernière guerre gobeline, posant des restrictions strictes sur l'usage de la magie par les Gobelins tout en leur laissant les mains libres sur le reste, ce qui les a par la suite conduits à exercer des professions touchant au monde de la finance. Pardonnez-moi si ma question vous paraît idiote… mais pourquoi les sorciers n'ont-ils pas décidé de lever ces mesures, depuis ? Les Gobelins contrôlent actuellement la quasi-totalité de l'économie magique anglaise et se servent d'objets magiques qui ne font que se substituer à leurs dons naturels. N'est-il pas plus dangereux de maintenir en place cette situation tendue, où les Gobelins peuvent facilement faire pression sur nous et où les restrictions sur l'usage de la magie ont de toutes manières pu être contournées ? »

Il y eut un gros blanc. Certains, peu éveillés, tentaient de comprendre ce que le nouveau venait de dire les autres attendaient, souffle coupé, la réponse qu'allait bien pouvoir apporter le professeur.

Ce dernier avait entre-ouvert la bouche. Jamais personne n'avait songé à lui poser ce genre de question, aussi simple et naïve soit-elle. Voyant que l'élève perturbateur attendait patiemment sa réponse, le fantôme finit par refermer sa mâchoire et chercha pendant quelques instants ses mots :

« Euh… hum… eh bien, bafouillait-il. Hum… Question très pertinente, monsieur… ?

« Lebedev. Nikita Lebedev.

« Monsieur Lebedev… Vous… êtes le nouveau, je suppose ?

« En effet, professeur. »

La situation était si étrange qu'elle en était presque comique : les élèves hésitaient entre se murer dans le silence le plus total et pouffer discrètement de rire dans leur coude.

Binns finit enfin par reprendre ses esprits. À présent d'un ton plus assuré, il répondit :

« Eh bien, votre constat est sans doute plus alarmant que ne l'est la réalité : les Gobelins n'ont pas véritablement le plein contrôle sur l'économie sorcière, ils ont toujours besoin de nous pour gérer les banques, poser les sortilèges, briser les sorts…

« Ah bon ? intervint une Serdaigle au premier rang sans avoir levé la main. Pourtant, s'ils le voulaient, les Gobelins pourraient simplement condamner l'accès aux banques, ce qui provoquerait une crise impossible à résoudre, puisque les attaquer dans ces conditions reviendrait à trahir le traité de paix et donc à leur rendre leur liberté d'exercer la magie…

« Elle a raison, approuva un autre dans la rangée voisine. Les Gobelins peuvent nous faire chavirer quand ils le souhaitent, et on n'a aucun point de pression sur eux…

« Si c'est vrai, c'est carrément flippant, marmonna une Serpentard.

« Mais ouais !

« C'est chaud tout ça…

« Faudrait vraiment rénover la loi, en fait…

« Hé ! Tu voulais pas devenir Ministre de la Magie, toi ? T'auras qu'à t'en occuper !

« Non mais sans blague, c'est grave flippant…

« Tout ça à cause d'un traité mal foutu…

« Franchement, comment ça se fait que personne n'y ait… ?

« SILENCE ! tonna soudain la voix du professeur Binns. Taisez-vous, tous ! Qui vous a permis de parler ? Dix points de moins pour Serpentard et dix points de moins pour Serdaigle ! »

La sentence inéluctable fit replonger la salle de classe dans le silence le plus total. Le professeur-fantôme n'avait jamais perdu son calme de mémoire d'élève : en réalité, il avait sur-réagi, complètement paniqué par l'inédit de la situation.

Le cours se poursuivit dans une atmosphère tendue, les élèves étant trop traumatisés par la tournure qu'avaient prise les événements pour songer à se rendormir. Pourtant, il ne fallut que d'un quart d'heure d'un silence pesant pour que Nikita revienne à l'attaque :

« Oui, qu'est-ce que c'est cette fois-ci ? maugréa un Binns exaspéré, sentant le piège venir.

« Juste une autre petite question, professeur… À propos de cette seconde révolte gobeline, vous venez de dire qu'elle a débuté en 1782, soit historiquement dix-neuf ans après le début de la Révolution américaine et sept ans avant la Révolution française… Ces événements n'ont-ils pas un lien ? Peut-être… peut-être se sont-ils mutuellement provoqués ? C'est quand même curieux que de tels bouleversements aient secoué le monde en une si brève durée de temps…

« Hmmm… il y a peut-être eu une influence mutuelle, bien que ce ne soit pas certains, les événements sorciers et moldus se déroulent généralement séparément, marmonna Binns à contrecœur. Mais je ne vois pas où vous voulez en venir, Lebedov…

« Lebedev. Rien, je me demandais simplement… s'il n'y a pas pu y avoir une cause commune à toutes ces révoltes… un genre de souffle spirituel, si j'ose dire, qui aurait soulevé des peuples que tout sépare, un souffle au sens propre, une… une magie encore méconnue qui se serait manifestée subitement…

« Une… magie méconnue, dites-vous ? »

Binns était complètement perdu, désemparé. La logique de son élève était tordue, difficile à suivre : il n'arrivait pas à déterminer s'il était sincèrement curieux ou s'il se payait tout bonnement sa tête.

« Oui, acquiesça Nikita sans tenir compte de son trouble. J'avais pensé… il existe différentes théories sur l'apparition de la magie, mais les plus vraisemblables établissent un lien très étroit entre l'énergie magique et l'énergie vitale : les êtres vivants, grâce à leur structure, leur âme, produiraient en petite quantité des flux magiques, dont la majeure partie se disperse dans l'air ou est absorbée par le sol. Si on considère une société humaine comme un immense organisme à la structure complexe, doté d'une âme – l'âme d'un peuple, d'un pays – alors elle pourrait, elle aussi, générer des vagues magiques qui se propageraient sur Terre et causeraient des perturbations plus ou moins visibles. Pour tenter d'étayer cette hypothèse, il suffirait de s'intéresser à la correspondance entre différents événements historiques un peu partout à travers le monde, et ainsi essayer d'établir un genre de carte…

« Assez, assez, ça suffit ! couina Binns, au bord du désespoir. Qu'est-ce que vous me chantez là ?! Vous avez encore inventé des bêtises pour me faire perdre mon temps ! Dix points de moins pour Serpentard ! Et que je ne vous y reprenne plus, ou ce sera cinquante points ! »

L'ordre fut rétabli et Nikita ne pipa mot. Pourtant, tous sentaient que les règles avaient changé, que les cours d'histoire ne seraient plus jamais les mêmes désormais… que le Russe avait ouvert une véritable boite de Pandore !

Il avait rendu les cours d'histoire de la magie intéressants.