Le reste de la semaine, ainsi que la semaine suivante, se déroulèrent sans événements majeurs du côté de Nikita – hormis une explosion de chaudron évitée de justesse grâce à la réactivité du professeur Rogue, la fuite d'une Veracrasse que le Russe avait négligé de surveiller en Soins aux Créatures Magiques et une heure de retenue administrée par le professeur Binns à cause de sa tendance inexpugnable à questionner et à douter de la véracité de l'enseignement en histoire de la magie. Ses liens avec les Poufsouffles et les Serdaigles s'étaient renforcés – il passait à présent beaucoup de temps en leur compagnie à la bibliothèque, lieu dont il tomba éperdument amoureux sitôt que quelqu'un eut la gentillesse de lui en indiquer le chemin – ainsi que ceux avec les Serpentards pacifiés – ces derniers ayant fini par tolérer ses excentricités. Certains d'entre eux aspiraient même secrètement à se joindre à lui lorsqu'il s'incrustait, comme si rien n'était, parmi les membres des autres Maisons mais pour le moment, personne n'osait franchir ce pas de peur d'être rejeté.

Les Weasley et Jordan étaient demeurés en froid avec lui durant quelques jours, toujours méfiants à cause de son alignement flou ; cependant, la glace se brisa durant le week-end suivant, lors du premier entrainement de l'équipe de Quidditch de Gryffondor.

En général, seuls les membres de la Maison concernée venaient assister aux entrainements des sportifs – hormis parfois quelques cas d'espionnage stratégique, bien que ce fût rare. Malgré la haine héréditaire entre Gryffondor et Serpentard, on toléra Nikita puisqu'il était nouveau et, des témoignages de ceux qui le connaissaient, plutôt gentil pour un Serpent. Il s'installa donc dans les gradins, emmitouflé dans la longue écharpe verte et grise de sa Maison, les joues rougies d'enthousiasme et les yeux pétillants, à côté des quelques Gryffondors hétéroclites qui venaient soutenir leurs amis dans l'équipe.

« Bonjour ! adressa-t-il la parole à sa voisine la plus proche, une rouquine de deuxième année. Je m'appelle Nikita, et toi ? Tu as comme un air de ressemblance avec…

« Ginny, Ginny Weasley, répliqua la gamine.

« Oh, je vois ! comprit-il. Je suis en même année que tes deux frères…

« Je sais, ils ont parlé de toi », rétorqua Ginny assez sèchement.

Pas besoin de lire dans ses pensées pour deviner la nature de la description qu'ils lui avaient donnée.

« J'aimerais beaucoup faire la paix avec eux, mais ils se défient continuellement de moi, soupira Nikita, le regard perdu dans le vague. Je compte encore aller leur parler après l'entrainement !

« Pourquoi, pour en faire des Mangemorts ? ricana Ginny sans la moindre trace de joie dans ses yeux. J'ai entendu des rumeurs comme quoi tu pouvais manipuler les gens… Mais pas la peine d'essayer sur moi, ça ne marchera pas ! » ajouta-t-elle haineusement.

La benjamine des Weasley subissait encore les souvenirs traumatisants de sa désastreuse première année, lorsqu'elle s'était fait contrôler par le journal de Jedusor. Bien qu'il ne soit pas au courant de cette sordide histoire, Nikita ressentit instinctivement son mal-être et sa rage et un frisson parcourut sa colonne vertébrale.

« Rassure-toi, je n'ai aucune envie de manipuler qui que ce soit… et encore moins tes frères, dit-il d'une voix vibrante de sincérité. Quoi que tu aies pu entendre sur moi, je pense que c'est largement exagéré. Quant aux Mangemorts, je ne comprends pas pourquoi on souhaite tant m'y associer, avant de venir en Angleterre j'étais à peine au fait de leur existence.

« Mais tu fais de la magie noire, argua Ginny. Et tu partages sûrement aussi les idées des Serpentards sur la pureté du sang, essaye donc de le nier ! »

Nikita haussa les épaules, l'air impassible.

« En ce qui concerne la magie noire, je ne fais que défendre l'idée que son utilisation ne conduit pas systématiquement à des actes maléfiques, bien au contraire : c'est une discipline extrêmement vaste, qui mériterait d'être mieux connue et mieux comprise en Grande-Bretagne. Et pour ce qui est de la pureté du sang, je pense personnellement que ce sont des foutaises… et je le pensais déjà à Durmstrang, ce qui m'a valu de nombreux problèmes. »

Pour la première fois, Ginny lui lança un regard étonné : à l'évocation de son ancienne école, le Russe s'était imperceptiblement recroquevillé, comme pour se protéger. Même son teint avait légèrement blêmi. D'un geste inconscient, il effleura son côté droit tout en grimaçant. Cela ne dura qu'un instant mais la jeune fille, très perspicace pour son âge, comprit qu'il n'avait pas été ménagé en Europe de l'Est…

Non, il ne lui apparaissait définitivement pas comme mauvais. D'ailleurs, Fred et George n'avaient jamais affirmé qu'il l'était : au contraire, ils l'avaient d'abord qualifié de fort sympathique. Ils disaient simplement qu'il s'avérait difficile de le comprendre, de le cerner, et qu'ils allaient avoir besoin d'un peu de temps pour lui accorder leur pleine confiance.

Leur étrange conversation ne se poursuivit pas davantage car l'équipe de Gryffondor était entrée dans le stade. Ginny se pencha un peu en avant sur les gradins, rayonnante d'excitation, et fit un grand « Coucou ! » à ses deux frères ainés, qui lui rendirent son salut par des baisers moqueurs.

Lebedev remarqua sans peine que la gamine rougit violemment lorsqu'un troisième année de petite taille aux cheveux ébouriffés et doté de lunettes rondes parut dans le stade, armé d'un balais beaucoup plus élégant et aérodynamique que ceux des autres membres de l'équipe. Amusé, il sourit, sans toutefois faire de commentaires pour ne pas la mettre dans l'embarras.

Le capitaine de l'équipe, une grande perche musclée comme souvent dans ce domaine, commença à crier des ordres brefs et stridents pour que les joueurs se mettent en position. Bientôt, ils furent tous dans les airs et commencèrent à se faire des passes de Souafle pour s'échauffer.

« Ils sont plutôt forts ! commenta Nikita qui ne s'y connaissait pourtant que très vaguement en Quidditch.

« Oui, acquiesça Ginny avec véhémence. La fille, là, c'est Alicia Spinnet… Là, celle qui vient de passer le Souafle, c'est Katie, Katie Bell. Le capitaine, c'est Olivier Dubois, c'est un excellent gardien ! Là, Angelina Johnson – elle peut se montrer très casse-cou quand elle veut… Mes frères, tu les connais déjà… Et…et voilà Harry Potter, notre Attrapeur… »

Une fois de plus, elle devint rouge comme une tomate.

« Pardon ? sursauta Nikita au dernier nom. Harry Po… LE Harry Potter ?! Sans blague ?! »

Les yeux ronds, il examina plus attentivement le petit troisième année à la recherche d'un signe distinctif qui lui dévoilerait subitement qu'il s'agissait d'un héros, du Survivant. Ginny émit un petit rire nerveux en voyant son expression interloquée :

« Je pensais que tu étais déjà au courant. Tous les Serpentards le détestent.

« Ah bon ? s'étonna le Russe. Ils ne m'ont rien dit à son sujet… Je me doutais qu'il était à Poudlard, mais je ne savais pas… j'ignorais… en fait, je ne pensais même pas qu'il était à Gryffondor ! » s'esclaffa-t-il.

Il l'observa évoluer acrobatiquement dans les airs pendant quelques instants, le menton enfoui dans sa paume, songeur.

« Pour quelqu'un d'aussi renommé, il a l'air discret », commenta-t-il finalement d'un ton absent.

Sa remarque fit rougir Ginny une fois de plus et elle ne put masquer un sourire radieux.

Environ une heure plus tard, lorsque l'entrainement fut achevé, Nikita descendit des gradins à toute vitesse pour ne pas manquer le départ de ses deux camarades de classe.

« Fred ! George ! Attendez ! » leur cria-t-il, essoufflé, tandis qu'ils s'éloignaient en papotant avec Angelina.

Les jumeaux et la sportive se retournèrent, étonnés. Une brève lueur de confusion traversa le regard des Weasley qui, pour une fois, ne savaient pas d'instinct comment réagir.

Nikita finit par les rattraper et se tint un moment accroupi, haletant, les joues livides et se tenant les côtes.

« Tiens, voici venir le grand athlète de Serpentard, lança George avec sarcasme.

« Je… je voulais vous demander… pfiou !... enfin non, je voulais m'excuser… vous demander de m'excuser… ouf… bref… peu importe… vous avez compris ? expliqua le Russe à la respiration saccadée.

« Pas un broc, rétorqua Fred.

« Qui c'est ? demanda Angelina.

« Bonjour… ! Nikita… Enchanté…

« Le nouveau, dit George au même moment.

« Oh… », hoqueta confusément la joueuse.

Entre-temps, Nikita avait repris son souffle et s'était redressé pour regarder droit dans les yeux les trois Gryffondors. Comme souvent lorsqu'il était en compagnie de gens, il souriait chaleureusement, bien que cette fois ses yeux trahissaient un peu de timidité, voire une certaine inquiétude.

« Je souhaite simplement qu'on se réconcilie, vous deux et moi ainsi que Lee Jordan, exposa-t-il plus clairement cette fois-ci. J'ai horreur du conflit, surtout lorsqu'il est aussi vain et absurde que dans notre cas.

« Tu nous as quand même avoué droit dans les yeux que tu aimais la magie noire, rappela George.

« Parce que… je vous l'ai dit, ce que vous appelez « magie noire » ne correspond pas à tout ce que cette discipline englobe ! Enfin peu importe, vous l'avez certainement déjà compris… J'estime que je me suis mal exprimé et que vous avez réagi de manière trop émotionnelle, voilà tout. Pas de quoi en faire des caisses.

« Admettons, marmonna Fred.

« On va accepter tes excuses…

« …pour l'instant.

« Mais si tu fais le moindre truc suspect…

« …le moindre petit sort…

« …la moindre petite invocation de démons…

« …le moindre petit sacrifice pour la gloire de Satan…

« …bref, si tu fais le con…

« …notre vengeance sera terrible…

« …et inéluctable ! »

Ils n'étaient plus vraiment en colère contre lui depuis longtemps, il le comprit aussitôt et son sourire s'élargit.

« Merci les gars, vous êtes chics ! s'exclama-t-il joyeusement. Ah et sinon, reprit-il soudain en se frappant le front, tout à l'heure en vous regardant – très belle performance, d'ailleurs ! – j'ai eu une idée…

« Quoi donc ?

« J'ai remarqué que les quatre Maisons ne se portaient pas vraiment dans leur cœur…

« C'est un euphémisme !

« …oui. Et cette inimitié grimpe en flèche lorsqu'il est question de Quidditch…

« Normal, chacun veut gagner la Coupe !

« Au Quidditch comme à la guerre, pas de quartiers !

« Oui, oui, certes… Mais ce n'est pas très favorable pour l'émergence de liens d'amitié entre les membres des différentes Maisons… Mais si au contraire, il y avait une activité sportive qui nous réunissait… je ne parle pas forcément de matchs de haut niveau, simplement d'un genre de petit club de vol, de « simulation de Quidditch » avec des balles en mousse… où toutes les Maisons pourraient librement participer et former des équipes mixtes … »

Les trois Gryffondors se regardèrent.

« Ça pourrait être une super idée ! s'enthousiasma Angelina au bout de quelques secondes de réflexion.

« De quoi est-ce que vous parlez ? » les héla quelqu'un derrière eux.

C'était Olivier Dubois, quittant en dernier le stade où il était resté quelques minutes de plus pour réfléchir à sa stratégie lors du prochain match.

« Vous devriez aller vous changer, fit-il remarquer à ses trois camarades d'équipe. Bonjour, euh… Labedov ?

« Lebedev, mais tu peux m'appeler Nikita », lança ce dernier d'un ton léger.

Dubois le scruta d'un regard suspicieux : ce Serpentard était probablement un espion, venu lui voler ses précieux plans préparés avec amour et soin, pour en informer l'équipe de sa Maison, leurs prochains adversaires...

« Ce vieux Serpent roublard voudrait organiser des parties de Quidditch amicales, avec des équipes mixtes, exposa Fred.

« Sans doute encore une machination machiavélique pour dominer le monde, supputa George.

« Oh, vous n'y êtes pas, je me contenterai simplement de Poudlard pour commencer », rit Nikita de bon cœur.

Dubois haussa les sourcils, étonné :

« Pourquoi cette initiative soudaine ? s'enquit-il.

« C'est amusant de voler, haussa le Russe les épaules. Je ne comprends pas pourquoi les équipes sportives sont ici les seules autorisées à le faire. Après leur première année, les élèves ne touchent habituellement plus une seule fois à un balai magique… alors que c'est l'une des activités sorcières les plus rafraichissantes ! N'est-ce pas injuste ? Et puis, des parties amicales permettraient de consolider la cohésion entre les Maisons. »

Il se tourna vers les Weasley.

« Votre petite sœur, là-bas, ça se voit qu'elle brûle d'envie d'enfourcher un balai et de s'élancer dans les airs…

« Ginny ?!

« Tu lui as parlé ?

« Qu'est-ce que tu lui as dit ?!

« T'as intérêt à ne pas lui avoir fait peur, enfoiré ! »

Les jumeaux avaient complètement changé d'expression, se mettant soudain en alerte : depuis l'horrible mésaventure de leur petite sœur l'année passée, ils se montraient exagérément protecteurs.

Nikita leva les mains en signe d'innocence et recula d'un pas, esquissant un frêle sourire.

« Pas de panique, on a juste discuté !

« Y a intérêt…

« Parce que sinon…

« …si t'as tenté le moindre truc…

« …disons malfaisant…

« …alors t'auras affaire…

« …à nous ! conclurent-ils en chœur.

« C'est bon, c'est bon, j'ai compris ! Bref, on peut en revenir à ce que je disais ? Donc… cette idée : vous seriez d'accord à m'aider à la mettre en place ? »

Dubois se frotta pensivement le menton. La proposition ne lui déplaisait pas, au contraire : il avait toujours aimé aider des élèves à progresser en vol, sans compter le fait que ce « club » lui permettrait de détecter des talents cachés ! Il se sentait simplement légèrement anxieux à l'idée d'y faire participer les membres des autres Maisons, en particulier les Serpentards : ces derniers ne manquaient jamais une occasion pour se moquer des autres, faire des farces délibérément méchantes ou semer tout bonnement le chaos par pure mesquinerie… Pourtant, c'était bel et bien un Serpentard – et un ancien de Dumrstrang, qui plus était ! – à l'origine de cette initiative… Devait-il se méfier ?

« On va y réfléchir, promit-il enfin. Il faut qu'on voie avec le professeur McGonagal – et avec les autres professeurs – pour avoir les horaires où le terrain est libre…

« Oh, vraiment ? Merci ! s'exclama Nikita, les pommettes soudain colorées, tout excité. De mon côté, je vais concerter les autres équipes pour voir ce qu'elles en pensent… Bon, eh bien à plus tard, je dois y aller… y a sûrement Quentin qui m'attend à la bibliothèque, je lui ai promis de venir, il a dégotté un nouveau bouquin poussiéreux, oublié depuis des années sur les étagères du fond… »

Et sans plus de cérémonies, le Serpentard tourna les talons et s'en alla d'un pas vif, quoiqu'un peu sinueux, se rendant probablement à peine compte qu'il avait marmonné sa dernière phrase à voix haute… comme s'il venait d'oublier ce dont il venait de parler à l'instant, à présent complètement préoccupé par le vieux livre trouvé par Quentin Hazelwood. Dubois dévisagea Angelina et les jumeaux Weasley, attendant une explication de leur part, mais ces derniers se contentèrent de hausser les épaules tout en réprimant un léger fou-rire qui leur titillait le coin de la bouche. Fred mima toutefois une explication assez rationnelle pour satisfaire le capitaine de son équipe, et ce en se tapotant le front de l'index, les yeux fixés sur le Russe déjà loin.

OooO

Le projet de Nikita enthousiasma particulièrement les Poufsouffles et fut par la suite principalement soutenu et mené à bien par Cédric Diggory, le capitaine de l'équipe de Quidditch des Blaireaux. Les Serdaigles se montrèrent d'abord hésitants, peu désireux de se frotter à des activités autres que purement intellectuelles, mais Roger Davies et Cho Chang, respectivement le capitaine et l'Attrapeuse de leur équipe, se montrèrent suffisamment persuasifs grâce à leur popularité pour les convaincre d'au moins essayer pendant quelque temps. Les plus durs à persuader furent bien sûr les Serpentards, absolument méfiants vis-à-vis des trois autres Maisons : même parmi ceux qui étaient amis avec Nikita, le doute planait, ainsi que la peur de se faire piéger d'une quelconque manière. Certains – bien que plus rares – eurent carrément des réactions de rejet, à l'instar de Drago Malfoy, qui était malheureusement très écouté et même craint parmi les élèves de son cycle.

Le Russe commençait doucement à désespérer de leur cas, à la fois triste et en colère de les voir si fermés et catégoriquement bornés ; néanmoins, il finit par avoir une agréable surprise, le mardi midi de la troisième semaine de cours.

Comme souvent, il était assis parmi les Poufsouffles, écoutant avec plaisir leur conversation. Helena Travel, en quatrième année, était justement en train d'expliquer que son rêve, plus tard, c'était de devenir Magizoologiste et de partir explorer le monde pour découvrir de nouvelles espèces. Avec beaucoup d'enthousiasme et d'humour, elle décrivait les aventures de son idole, Norbert Dragonneau, un des premiers sorciers à s'être réellement intéressé aux créatures fantastiques pour ce qu'elles étaient et non pour les profits qu'elles pourraient potentiellement générer. Il avait réussi à recueillir auprès de lui plusieurs espèces menacées d'extinction, comme l'Oiseau-Tonnerre ou les Diricos.

« Les Diricos peuvent en fait se téléporter en cas de danger, disait-elle, sauf qu'ils le font souvent de manière aléatoire et se retrouvent éparpillés loin les uns des autres… Dragonneau a dû les traquer individuellement et les attirer avec de la nourriture pour les habituer à lui et les apprivoiser, pour qu'ils prennent confiance !

« Bonjour, intervint soudain quelqu'un derrière eux d'une voix timide. Euh… je vous écoutais parler de loin et… euh… je m'appelle Martin, je voudrais moi aussi devenir Magizoologiste, plus tard… »

Les Poufsouffles et Nikita se retournèrent pour tomber sur le visage cramoisi de Martin Bole, en cinquième année à Serpentard. Remarquant les coups d'yeux furtifs que le nouvel arrivant lançait à Helena Travel, Lebedev comprit instantanément la raison de sa tentative d'approche et de sa gêne exagérée. Cependant, il ne laissa rien paraître ; au contraire, avec un immense sourire, il encouragea Martin à venir parmi eux et lui laissa sa chaise, se mettant lui-même debout, adossé contre la table.

« Coucou Martin, le salua la Poufsouffle, soudain radieuse. Ah oui, tu veux aussi devenir Magizoologiste ? C'est quoi ton animal préféré ? »

Pendant un instant, il sembla que Martin allait s'évanouir car son teint devint blanc comme un linge et ses yeux s'écarquillèrent, cherchant vainement l'appui d'un visage connu. Mais il se ressaisit très vite, requinqué par l'expression amicale que lui adressaient les adorables Blaireaux, et put à nouveau prendre la parole :

« Le… l'Occamy, bafouilla-t-il, de nouveau rouge et baissant les yeux. J'en ai vu un une fois, à l'étranger… »

Les Poufsouffles attendirent poliment qu'il ajoute quelque chose, mais le pauvre Serpentard avait déjà fourni un effort surhumain. À la table Vert et Argent, on observait attentivement la scène, prêt à bondir à la moindre réaction hostile envers un membre de la Maison Nikita tenta de les rassurer de loin, d'un signe de tête – car ils ne pouvaient pas voir Martin, caché par la présence d'élèves de Serdaigle entre les deux tables.

« Oh… c'est… c'est vrai que c'est très beau, les Occamies ! fit enfin Helena, dont les oreilles avaient également commencé à rosir. Moi, je préfère les Botrucs et les Biliwigs, ils sont si mignons !

« Je… je suis d'accord ! approuva Martin, soudain plus confiant. J'ai eu un Botruc comme familier, pendant quelque temps…

« Vraiment ? »

Bien sûr, le Serpentard omit de préciser qu'il avait volé ledit Botruc lors d'un cours de Soin aux Créatures Magiques et qu'environ trois jours plus tard, sous l'ovation générale des élèves de sa Maison, l'avait sacrifié au cours d'un combat épique contre une Tarentule géante, organisé clandestinement dans la Salle Commune. Sa future épouse n'avait pas à connaitre tous les détails.

« Oui », répondit-il simplement d'un air parfaitement innocent.

Martin ne fut pas le seul à oser suivre l'exemple de Nikita et à sortir du cocon sécuritaire formé par la présence de Serpentards pour se mêler aux autres Maisons : dès le lendemain, Zoe Rottle et Owen Miller s'approchèrent d'un pas trainant d'un groupe de Serdaigles, qui les accueillirent sereinement. À la question qu'on leur posa une fois revenus parmi les Serpents, Zoe rétorqua sèchement qu'elle avait le droit de parler avec qui elle souhaitait et Owen déclara avec un demi-sourire que si Martin partait draguer, lui n'allait pas être de reste (et tous saisirent l'identité de sa proie grâce à son œillade appuyée à l'attention Roger Davies, le beau capitaine de l'équipe de Quidditch de Serdaigle).

« Vous savez, déclara une fois Nikita dans la Salle Commune alors que ses camarades débattaient avec hargne à propos de ces bouleversements récents, un grand homme a dit un jour : « Vous attirerez plus de mouches avec une cuiller de miel qu'avec vingt tonneaux de vinaigre ». Si, fidèles à la devise de notre Maison, vous aspirez réellement au pouvoir, alors vous devriez appliquer ce principe…

« Quoi, nous balader avec du miel ? ironisa Cassius Warrington.

« Vous montrer gentils, bienveillants, amicaux, expliqua Nikita. Les gens vous accorderont du crédit s'ils vous aiment, pas s'ils vous détestent. C'est d'ailleurs le plus grand défaut qu'a eu Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, selon moi… »

Un silence glacial s'installa après ces paroles : tous le regardaient avec suspicion. Certains d'entre eux – bien qu'il y en ait relativement peu – avaient des Mangemorts dans leur famille. Ils ne pouvaient en aucun cas faire mine de tolérer des discours anti-Voldemort.

Nikita rit nerveusement, se rendant soudain compte de sa délicate situation :

« Détendez-vous, faites comme si je n'avais rien dit si vous préférez ! »

Inconsciemment, son bras droit s'enroula autour de son torse comme pour se protéger tandis que sa main gauche tâtonnait dans la poche où était rangée sa baguette.

Heureusement, les choses n'allèrent pas plus loin et les membres de sa Maison suivirent son conseil, songeant qu'après tout il ne devait pas encore être au fait de la situation exacte en Grande-Bretagne.