Les vacances d'automne s'écoulèrent paisiblement, uniquement marquées par les festivités le jour d'Halloween et la sortie tant attendue à Pré-Haut-Lard – à cette occasion, Fred, George et Lee emmenèrent Nikita chez Zonko, le magasin de farces et attrapes, où ils firent l'acquisition d'un certain nombre de produits qui allaient certainement s'avérer utiles plus tard. Les séances du « club amateur » de Quidditch se poursuivirent presque tous les jours, à la demande de nombreux élèves inscrits désirant profiter au maximum de leurs congés, si bien que Nikita, épuisé, se porta absent la plupart du temps. Les trois équipes originelles – les Affreux Gnomes, les Esprits Frappeurs et les Particules Quantiques – furent bientôt rejointes par quatre nouvelles : les Cyclones de Poudlard, les Grenouilles Farceuses, les Fusées et les Feuilles d'Automne, si bien qu'un planning complexe des matchs à venir dut être élaboré et affiché un peu partout dans les couloirs.

Un seul événement mystérieux chamboula quelque peu la tranquillité de ces deux semaines : le soir d'Halloween, juste après un copieux banquet, les élèves de Gryffondor retournant à leurs pénates découvrirent avec horreur que le tableau de la Grosse Dame, qui marquait l'entrée de leur Salle Commune, avait été déchiré. En interrogeant Peeves, témoin de ce qui s'était passé, le professeur Dumbledore apprit que ce forfait avait été commis par le criminel évadé et recherché dans tout le pays, Sirius Black.

Aussitôt, dans l'urgence de la situation, l'ordre fut donné aux élèves ensommeillés de se rendre dans la Grande Salle, provisoirement transformée en dortoir, pour les garder en sécurité. Pendant le trajet hors des cachots, Gemma Farley, préfète de Serpentard en septième année, ne cessa de maugréer tandis qu'elle guidait les premières et deuxièmes années.

« Qu'est-ce qu'ils ont encore inventé pour nous faire chier le jour d'Halloween… Franchement, ce vieux gâteux devrait démissionner de son poste, il est complètement sénile… »

Melwys, qui lui tenait compagnie, lui lança un regard en biais mais se retint de commenter : elle était cependant d'accord avec les paroles de son ainée, et partageait d'ailleurs ce point de vue avec de nombreux autres Serpentards. Cela lui remémora la conversation qu'elle avait eue, elle et les autres gens de sa classe, avec Nikita, qui critiquait le vénérable directeur… où était-il, d'ailleurs ? Elle ne se souvenait pas l'avoir vu quitter son dortoir avec Owen et Adrian…

Prise d'une soudaine vague d'appréhension, elle expliqua en deux mots à sa voisine qu'elle devait retourner dans les cachots, qu'ils avaient peut-être laissé quelqu'un derrière, et entreprit de se frayer un chemin à contre-courant. Son inquiétude était peut-être vaine : Nikita n'étant pas très grand, il aurait facilement pu être caché par ses camarades ; cependant, elle ne perdait rien à vérifier quand même – sans compter que le Russe n'était peut-être pas le seul retardataire.

Bientôt, elle se retrouva seule dans le large couloir, avançant résolument vers l'antre des Serpentards. Elle se demandait ce qui avait bien pu se produire pour que Dumbledore les convoque tous ainsi dans la Grande Salle… sans doute encore quelque chose en rapport avec les Détraqueurs ou Sirius Black. Aucune importance pour elle, elle était confiante et savait se défendre en cas de besoin.

Descendant un escalier, elle entendit soudain des voix en-dessous d'elle et s'arrêta net pour écouter. Dans le couloir menant directement aux cachots, deux personnes semblaient discuter avec véhémence. Reconnaissant l'une des voix comme étant probablement celle de Nikita, elle sourit de fierté et de satisfaction : son instinct avait vu juste, il ne les avait pas suivis.

La deuxième voix, en revanche, lui était parfaitement inconnue : c'était celle d'une adulte, et elle avait comme un… accent. Un accent slave, s'aperçut-elle avec étonnement.

À cause de la taille et de la profondeur des couloirs, il y avait des échos et les deux voix s'entremêlaient en un son inintelligible. Melwys tenta de tendre l'oreille, mais rien n'y fit : elle ne parvint pas à saisir un mot de la conversation.

Comprenant qu'il était inutile de chercher à les espionner dans ces conditions, la jeune fille décida de s'approcher d'eux, quitte à révéler sa présence. Elle ne descendit que quelques marches lorsque les deux voix se turent subitement : ils l'avaient sans doute entendue, malgré sa discrétion. Cela fut confirmé par la question de Nikita, qui tonna soudain dans le couloir vide :

« Qui va là ? »

Melwys soupira et descendit les dernières marches.

« C'est moi, dit-elle. J'ai entendu des voix, j'étais curieuse… »

Intriguée, elle observa l'inconnue face à Nikita : c'était une femme d'une quarantaine d'années, les cheveux bruns, épais et mal coiffés, retenus par un bandana, les yeux sombres et le visage aux pommettes hautes et aux traits durs et impitoyables, comme taillés à la hache. Plutôt petite et mince, elle était vêtue d'un jean noir et d'une veste en cuir, que recouvrait négligemment une cape légère de couleur grise, sur laquelle luisait un gros badge épinglé. Elle fixait la nouvelle venue avec un sourcil haussé et les lèvres tressaillantes, comme si elle s'empêchait de se moquer ; dans ses mains, elle tenait une longue baguette, majoritairement en bois mais renforcée par des anneaux de métal.

L'adulte tourna son regard vers Nikita et eut un léger sourire, avant de dire d'une voix teintée d'un fort accent :

« C'est une amie à toi, Niki ? Elle est plutôt…

« Maman, ferme-la s'il te plait, soupira Nikita, visiblement exaspéré. Melwys, je te présente ma chère et tendre mère, elle travaille actuellement pour le compte des Aurors britanniques. Maman, voici Melwys, une camarade de classe. Voilà, vous savez tout maintenant… comme ça, c'est fait, je n'ai pas spécialement envie de m'enliser dans un quiproquo interminable. Autre chose que vous voudriez savoir ? »

Melwys se tenait avec la bouche grande ouverte, incapable de dire un mot.

« Faut quand même que j'précise qu'j'suis pas une fliquette, ça non, loin de là, ricana la mère de Nikita en attirant son fils à elle, qui se laissa mollement faire tout en fixant le sol, mains dans les poches. Mais y avait une sacrée somme sur la tête de ce Black, et puis un d'mes gamins était en Angleterre, alors j'me suis dit : pourquoi pas ? Ça m'f'ra de chouettes vacances, et puis j'pourrais même renouer avec mon môme comme on dit, reforger les liens familiaux…

« Tu peux rêver pour ça, marmonna Nikita sans pour autant chercher à se dégager de son étau inconfortable.

« A… a… alors c'est ta… ta… ta…, ne put que bafouiller Melwys, encore sous le choc.

« Malheureusement.

« Eh, Niki ! On parle pas comme ça de sa mère, encore moins devant une copine !

« Tu as l'air d'exagérer fortement notre relation, maman. On est camarades de classe. Et elle espère ouvertement me tuer un jour.

« Aaah, l'adolescence ! Moi aussi, j'avais des relations compliquées avec les gars…

« D'après ma tante, tu cassais la gueule, insultais et humiliais publiquement tous ceux qui voulaient venir t'aborder…

« Oui… Romantique, non ?

« Pas vraiment, non… Bon, écoute maman, je t'aime beaucoup mais j'ai déjà assez perdu de temps comme ça, je devrais être dans la Grande Salle à l'heure qu'il est…

« Mais… mais Niki, on vient tout juste de se revoir… ! Après tout ce temps… !

« Justement, il ne faut jamais abuser des bonnes choses. Allez viens Melwys, on monte… »

La préfète était jusque-là toujours comme paralysée face à toutes ces révélations improbables, mais lorsque le Russe s'adressa à elle, elle reprit soudainement ses esprits et acquiesça muettement. Cependant, la mère de Nikita saisit son bras alors qu'il tentait de rejoindre les escaliers et le fit pivoter de force.

« Quoi, encore ? marmonna l'élève d'un ton blasé.

« Niki… c'était juste pour te dire… J'ai pas eu le temps de te le dire tout à l'heure, avant qu'elle ne nous surprenne, mais…

« Écris-moi une lettre, alors. Ça aura au moins le mérite d'être discret et moins malaisant pour moi et pour toi…

« Niki… !

« Fous-moi la paix, maman. Je dois y aller. Viens, Melwys. »

Se dégageant d'un geste brusque de la poigne de sa mère, Nikita bondit sur la première marche des escaliers, Melwys Stingers dans ses pas. Ils escaladèrent les marches quatre à quatre et ne ralentirent que lorsqu'ils se retrouvèrent au rez-de-chaussée. La femme ne les avait pas suivis.

Ils se firent tous les deux gronder par Rusard, mais par chance le professeur Flitwick passait précipitamment par là et leur donna simplement l'ordre d'entrer dans la Grande Salle et d'y prendre un sac de couchage. L'appel des élèves n'était pas encore terminé et leur absence n'avait pas été détectée ; ils obéirent mécaniquement, vaguement surpris du fait que tout le monde ait été réuni ici pour dormir (leurs voisins leur expliquèrent la situation par chuchotements) et répondirent lorsque le professeur Rogue épela leurs noms. Par la suite, aucun des deux n'évoqua plus jamais cette étrange rencontre, et Nikita en fut sincèrement reconnaissant à sa camarade de classe.

OooO

Les choses reprirent très vite leur cours normal ; les vacances s'achevèrent ; le travail scolaire s'érigea à nouveau au sommet de la liste des priorités.

Drago Malfoy, blessé au bras par un Hippogriffe en début d'année, persuada Marcus Flint de décaler le match « officiel » de Quidditch contre les Gryffondors, ce qui obligea ces derniers à affronter d'abord les Poufsouffles et mena à une vague d'irritation à l'encontre des Serpentards : l'équipe d'Olivier Dubois s'était durement entrainée pour affronter les Verts et Argent, toute leur stratégie tombait complètement à l'eau !

Le matin du match, endossant tout naturellement le rôle d'ambassadeur de paix, Nikita emmena son ami Adrian Pucey à la table des Gryffondors, où toute l'équipe de Quidditch réunie discutait avec véhémence de la tactique à adopter face à l'équipe de Diggory.

« Salut ! Pardon de vous déranger, on est juste venus, Adrian et moi, pour… »

Le Russe envoya un discret coup de coude dans les côtes de la grande perche à côté de lui, qui sortit de son mutisme renfrogné.

« Pour vous souhaiter bonne chance, maugréa maussadement le sportif. Et que le meilleur gagne. »

Les Gryffondors le regardèrent, surpris. Jamais ils ne se seraient attendus à ce qu'un membre de l'équipe de Serpentard vienne leur dire ça, même s'il y avait visiblement été quelque peu contraint !

Olivier Dubois adressa un grand sourire satisfait à Adrian, et un hochement de tête entendu à Nikita.

« Merci Pucey !

« Bon, on peut y aller maintenant ? » souffla le Serpentard à l'oreille de son ami.

Nikita leva les yeux au ciel, mais avant qu'il n'ait eu le temps de répondre, quelqu'un les héla haineusement, un peu plus loin sur la table. Les deux Serpents se tournèrent vers la voix, provenant d'un troisième année roux assis juste à côté de Harry Potter, l'Attrapeur de Gryffondor.

« Alors comme ça, en plus, vous venez nous narguer ! leur disait bruyamment le rouquin. Et toi, le Mage Noir ! s'adressa-t-il plus spécifiquement au Russe. Ça m'étonnerait même pas que tu sois venu les empoisonner !

« Les rumeurs sur mes prouesses en potions circulent vite à ce qu'on dirait, argua tranquillement Lebedev.

« Ron, s'il te plait, ferme-la, chuchotait furieusement une jeune fille noire aux cheveux crépus à côté de lui.

« Elle a raison Ron, tais-toi, intervinrent les jumeaux Weasley. N'oublie pas de tourner sept fois la langue dans ta bouche avant de l'ouvrir, si tu veux dire des trucs pertinents !

« Quoi, même vous ?! s'exclama Ron, hors de lui. Ils ont donc raison, ceux qui racontent que tu peux ensorceler les gens ! N'approche surtout pas de Harry et de moi, sale Russe ! » cracha-t-il haineusement.

Dans un geste protecteur, il se leva et alla se placer devant la chaise de son voisin en écartant les bras, les yeux luisants de colère et de peur mêlées. Surpris par ce geste soudain, Nikita sursauta, recula d'un pas et manqua de trébucher sur le pied d'Adrian, immobile, contemplant silencieusement la scène.

La jeune fille aux cheveux ébouriffés s'était aussi légèrement redressée sur sa chaise et tendait le bras comme pour essayer de faire rassoir son ami ; les Weasley, Dubois et Angelina Johnson réagirent en se mettant brusquement debout et en fixant des regards sévères et déçus sur leur cadet. Ron s'était toujours montré très sensible aux rumeurs qui pouvaient circuler dans le château, en particulier lorsque celles-ci concernaient les élèves de Serpentard, ses ennemis jurés.

Tout ceci ne dura que quelques secondes ; très vite, Nikita reprit contenance et adressa un regard un peu triste au troisième année, avant de dire :

« Nos intentions en venant ici étaient ouvertes et sincères. Je suis vraiment navré que Drago Malfoy et sa bande aient décidé de t'embêter, toi et tes amis, mais sache que je ne suis pas l'un d'entre eux, et Adrian non plus. En fait… beaucoup de membres de ma Maison trouvent les agissements de Malfoy puérils… »

Cette dernière phrase était un demi-mensonge : Drago avait beau parfois taper sur les nerfs de ses camarades de Maison, majoritairement ils le craignaient et le respectaient à cause de l'influence que pouvait avoir son père au ministère de la magie. Bien sûr Lebedev, étant étranger, n'était pas concerné ; mais il ne pouvait concrètement rien faire pour nuire à ce maitre chanteur tyrannique miniature, et se contentait donc en général de l'éviter soigneusement.

« C'est bien dommage qu'il y ait une rivalité aussi malsaine entre nos deux Maisons, continua-t-il. On se demande bien qui l'entretient », ajouta-t-il en jetant un regard de biais explicite vers le centre de la table des professeurs.

Ron rougit de fureur et sembla sur le point de bondir sur le Russe, quand soudain une voix trainante bien connue retentit derrière leur dos.

« Pucey ? Lebedev ? Qu'est-ce que vous faites avec cette bande de minables ? »

C'était bien évidemment Drago Malfoy en personne, escorté de part et d'autre par Crabbe et Goyle, deux gorilles décérébrés qu'il traitait habituellement comme ses larbins. En l'entendant, Nikita changea complètement d'expression avant de se tourner vers lui, un grand sourire faussement soulagé sur les lèvres.

« Ah, Malfoy ! Salut ! On était justement venus les insulter, pour t'épargner ce fastidieux travail ! Comment se porte ton bras ? »

Malfoy lui adressa un long regard suspicieux mais ne parvint pas à déceler la moindre trace d'ironie : Nikita mentait avec une facilité et une désinvolture déconcertantes.

« J'ai toujours mal, répliqua le blond en se détendant un peu. Ce monstre qui m'a attaqué… vivement qu'on l'abatte ! En attendant… on te voit souvent trainer avec ces moins-que-riens, mais d'habitude t'es seul. Je suis étonné que Pucey soit avec toi… »

Nikita sentit quelques Gryffondors tressaillir de colère derrière son dos mais demeura en apparence jovial et chaleureux.

« Pucey voulait aussi venir s'amuser un peu. Regarde, on les a tellement insultés qu'ils ont dû retenir l'un d'entre eux, qui voulait me sauter dessus ! Pas vrai ? »

Et il désigna d'un grand geste Ron, toujours debout mais les bras baissés, confus. Les autres Gryffondors le sondèrent d'un regard impassible, comprenant qu'il échafaudait une sinueuse stratégie – sans doute dans le but de protéger Adrian Pucey qui, à l'instar de tous les membres de l'équipe de Serpentard, avait été soudoyé par le père de Malfoy l'année passée en recevant en cadeau un Nimbus 2001. Il était évident que le sportif risquait sa place s'il osait contrarier d'une quelconque manière le blondinet.

« C'est vrai, intervint soudain Fred. Ils nous ont traités de lâches…

« …de pleurnicheurs…, renchérit George.

« …d'insupportables petits lèche-culs teigneux…

« Et de sales petites têtes de fouines, ajouta innocemment Adrian.

« Nous sommes tous vexés au plus haut point !

« Retenez-moi ou je vais les frapper ! » lança théâtralement George, une main devant son front.

Les yeux gris de Drago s'étrécirent haineusement et il fusilla du regard toute l'assemblée devant lui.

« Très bien, si c'est comme ça… Venez ! », dit-il signe à Crabbe et à Goyle.

Dans un claquement de sa robe de sorcier, il pivota sur lui-même et s'en alla à grands pas, ses deux acolytes sur ses talons. Une fois qu'il fut hors de portée de voix, Fred, George et les autres Gryffondors ne purent s'empêcher de pouffer de rire. Même Nikita esquissa un sourire – sincère cette fois-ci – et leva les yeux vers Adrian.

« Tu risques gros, constata-t-il.

« Je sais, mais je m'en fiche, haussa Adrian les épaules. Même si Malfoy me fait renvoyer de l'équipe… ça me rendra triste bien sûr, mais au moins grâce à toi, je ne serai pas tout à fait privé de Quidditch, et c'est ça qui compte. »

Il se tourna ensuite vers les Lions, qui le regardaient beaucoup plus amicalement, le respectant pour avoir tenu tête à l'insupportable blondinet, et leur adressa un signe encourageant de la tête.

« Bonne chance pour votre match, les gars », dit-il pour une deuxième fois mais de manière beaucoup plus convaincante que la première.

OooO

Par chance, Pucey conserva sa place : la brève colère de Drago à son encontre s'était calmée avec la nouvelle satisfaisante de la défaite de Gryffondor et de la chute de Harry Potter à cause de l'arrivée inopinée des Détraqueurs. À cause de ce malencontreux incident, le club de vol amateur faillit être dissous, mais les élèves inscrits s'y opposèrent vigoureusement et le professeur Dumbledore décida de prendre le risque. Après tout, les Détraqueurs avaient eu l'occasion de les attaquer à de nombreuses reprises durant les vacances et ne l'avaient jamais fait ; il était même possible que la bonne humeur générée par ces matchs amicaux les repousse, à la manière d'un Patronus immatériel.

Les cours, quant à eux, se poursuivirent sans anicroches majeures – redoublant seulement d'intensité pour les cinquièmes années. Le professeur Lupin s'était porté absent peu après Halloween et avait été remplacé par le professeur Flitwick, qui avait principalement abordé la théorie sur les duels magiques. En sortilèges, ils en étaient arrivés aux sorts de locomotion (la tasse que Nikita devait ensorceler s'était enfuie à toutes jambes jusqu'au bout de la table, où elle était tombée puis s'était cassée) ; en métamorphose, ils faisaient des révisions sur la magie de transmutation d'objets ; enfin en potions, le professeur Rogue se montrait plus impitoyable que jamais, demandant des dissertations écrites sur des sujets hors-programme comme les lois de Golpalott ou la potion Tue-Loup.

S'il n'excellait franchement dans aucune matière en particulier – bien qu'il fût raisonnablement doué pour les sortilèges et la défense contre les forces du mal, et même pour la métamorphose (si l'on omettait les nombreuses fois où il avait tenté d'entourlouper le professeur McGonagal avec ses illusions) – Nikita témoigna d'une aptitude étonnante à manipuler les plantes et à se faire obéir d'elles, si bien que quelques Poufsouffles étonnés lui posèrent des questions. Avec un léger rire gêné, il leur avoua qu'à Durmstrang, il avait été réparti à Uzem, la Maison Végétale : on apprenait à leurs membres à développer leur plein potentiel en botanique – au même titre qu'à Poudlard, on encourageait de manière plus ou moins subtile les élèves à se conformer à la personnalité de leur Maison.

« C'est vrai ça… à ce sujet, j'ai toujours voulu te demander, Nikita : pourquoi t'as pas été envoyé à Serdaigle ? demanda Mary tandis qu'ils discutaient dans le Parc.

« Ou même à Poufsouffle ? renchérit Mikael.

« Ouais, t'es définitivement trop gentil pour un Serpentard ! » approuva Carla.

Avant de leur répondre, Nikita ferma brièvement les yeux et se remémora le premier septembre, le jour de son arrivée à Poudlard.

On avait posé ce vieux Choixpeau aigri sur son crâne. Instinctivement, il avait activé toutes ses barrières d'Occlumancie pour le repousser lorsqu'il avait ressenti une présence dans sa tête.

« N'aie crainte, l'avait alors calmé une voix bienveillante de vieillard. Je vais simplement te sonder pour déterminer ta juste place…

« Voilà qui me rassure, avait nerveusement argué le nouveau. Serdaigle, Poufsouffle, Serpentard… ce sont des cases qui prennent en compte la nature magique profonde ou c'est juste… aléatoire ?

« Tu poses beaucoup de questions ! Serdaigle saurait apprécier cette qualité…

« Quoi, parce que personne ne pose ce genre de questions ? Ils sont tous stupides ici, ou quoi ?

« De la fierté, beaucoup de fierté refoulée… hmm, oui, et de l'ambition aussi !

« Si c'est juste pour me dire ce que je sais déjà de moi, ce n'était vraiment pas la peine, merci !

« Irritable avec ça, surtout lorsqu'il est question de ton identité… malgré ton jeune âge, tu possèdes déjà une remarquable maîtrise de ton esprit et une très grande compréhension de ceux des autres. Pourtant, je ressens une grande frustration en toi, un grand manque… une grande souffrance… »

Le nouveau avait tressailli.

« Tu as sans doute déjà lu dans mes souvenirs, tu sais de quoi il en retourne…

« Hmm… moui. Oui, tu as déjà un objectif clair en tête et tu ferais tout pour y parvenir. Uzem t'a permis de développer un potentiel alternatif, mais Durmstrang était définitivement trop rude avec toi. Tes tantes ont bien fait de t'envoyer à Poudlard. »

Il s'était tu pendant un moment, cogitant.

« Alors ? avait demandé le nouveau avec impatience. Je ne compte pas rester éternellement le cul vissé sur cette chaise avec un couvre-chef ridicule en prime…

« Rha, mais une minute ! Décidément, je préfère répartir les premières années, ils sont trop impressionnés pour se montrer impertinents… »

Le Choixpeau réfléchit encore un peu avant de se fendre d'un grand sourire.

« Serdaigle t'irait bien mais tu finirais par t'y ennuyer. Poufsouffle serait ravi de t'accueillir, mais tu n'aimes pas la voie de la facilité. Gryffondor… en aucun cas.

« Pourquoi ?

« Tais-toi enfin ! Je suis en train de donner mon verdict final, un peu de respect envers un vénérable chapeau ! Donc, je disais… oui, ce serait sans doute l'option la plus intéressante, je suis certain que tu t'y épanouiras comme un poisson dans l'eau : SERPENTARD ! »

Rouvrant les yeux, de nouveau conscient d'être face à ses amis de Poufsouffle, Nikita leur sourit énigmatiquement :

« J'étais habitué aux uniformes verts, je ne voulais pas changer !

« Non mais… sérieusement ? Qu'est-ce que t'a dit le Choixpeau ?

« Il m'a dit que… qu'en réalité, la Maison à laquelle on appartient importe assez peu. C'est même souvent complètement aléatoire.

« Quoi ? s'étonna Mary. Mais… mais pourtant…

« Oui ?

« Eh bien… tu sais… les Serdaigles sont intelligents, les Gryffondors sont inconséquents et têtes brûlées et… il y a beaucoup de Serpentards qui tournent mal… »

Elle avait baissé les yeux, soudain honteuse. Les autres Poufsouffles, bien que d'accords avec elle, étaient aussi mal à l'aise.

Nikita ne fit pourtant qu'émettre un rire bref et insouciant, nullement blessé.

« Tout ça, c'est une impression… une illusion ! lança-t-il joyeusement. Le Choixpeau ne peut pas prédire l'avenir des élèves, non ? Et s'il avait pu, pourquoi aurait-il réparti de futurs criminels dans une même Maison, où l'influence bénéfique de l'extérieur leur serait limitée au maximum ? Pareil en ce qui concerne Serdaigle et sa prétendue supériorité intellectuelle, ou Gryffondor et sa prétendue bravoure : il y a des élèves intelligents et braves dans toutes les Maisons, pourquoi ne les aurait-il pas tous envoyés sur ce seul critère dans l'une de ces deux Maisons ? Et puis, il peut très bien y avoir des gens braves et intelligents à la fois, prenez les jumeaux Weasley !

« Oui mais… les Maisons prennent compte avant tout de notre personnalité, de nos objectifs, objecta Lise. Les Serdaigles sont avant tout obsédés par l'acquisition du savoir, les Gryffondors par la volonté de faire des actes héroïques… »

Elle-même semblait ne pas avoir confiance en ce qu'elle disait.

« Certes, approuva Nikita, mais qui ne poursuit qu'un seul objectif dans sa vie ? Tiens, toi par exemple Lise : en bonne Poufsouffle tu es amicale et travailleuse, mais plus tard tu veux devenir potionniste – n'est-ce pas de l'ambition, de la soif de connaissances et même du courage puisque pour ça tu vas devoir survivre aux cours de Rogue jusqu'en septième année ? »

Certains émirent un petit rire à sa blague. Lise semblait à présent assez confuse et se grattait la tête, réfléchissant.

« D'accord, admit-elle. Mais… le Choixpeau ne fait certainement pas sa répartition au hasard, il doit prendre en compte les qualités principales des élèves, leurs capacités…

« De ce que j'ai pu observer, pas vraiment, répliqua le Russe. À Durmstrang, les choses sont effectivement ainsi, les élèves sont répartis en fonction de leurs affinités magiques… mais ici, j'ai pu voir des sorciers de tous types dans toutes les Maisons. Les critères concernent essentiellement la personnalité, les qualités humaines, mais sont trop vagues – sans compter que ce n'est pas forcément très pertinent de classer les gens de cette manière.

« Je ne suis pas d'accord avec toi, intervint John, resté silencieux jusque-là. Les Poufsouffles sont souvent plus forts que les autres avec tous les domaines requérant de l'empathie et de la patience – la médicomagie, la magizoologie, la botanique –, les Gryffondors avec les sorts de combat, les Serdaigles avec tout ce qui concerne la connaissance théorique et les Serpentards… souvent… avec la magie noire… »

Tous se turent soudain, effrayés par ce constat. La magie noire les dégoûtait, les terrorisait. Ils n'en avaient que quelques notions vagues, transmises en cours de Défense Contre les Forces du Mal, mais cela leur suffisait pour sentir qu'elle était fondamentalement mauvaise.

Nikita ne sembla pas le moins du monde perturbé. Depuis sa discussion avec Fred, George et Lee avant les vacances, il n'avait plus osé aborder le sujet de la magie noire : les Poufsouffles n'étaient donc pas au courant de son opinion sur le sujet. Il eut pourtant un demi-sourire songeur lorsqu'il reprit la parole pour répondre :

« C'est une hypothèse intéressante. Malheureusement, je vais devoir te contredire, John… Vous voulez voir ce qu'est réellement la magie noire ? »

Tous sursautèrent et reculèrent de panique tandis que Nikita, en disant ces mots, sortait sa baguette de sa poche. Il ne se comportait pas de manière menaçante, mais les Poufsouffles ressentirent une violente méfiance instinctive envers lui et leurs regards devinrent suspicieux, presque furieux.

« C'était donc ça, ta stratégie ? s'écria Mary en sortant sa baguette à son tour et en la pointant sur le Serpentard, pour l'instant immobile. Nous mettre en confiance, nous manipuler puis nous convertir à tes… tes arts occultes ?

« On aurait dû s'en douter, murmura William, sa main droite dans sa poche.

« Ne jamais faire confiance à un Serpent », énonça sombrement John.

Nikita préféra ne rien dire, ayant la douloureuse habitude de ce genre de situation. Il baissa tristement sa baguette et poussa un soupir mélancolique.

« Alors, qu'est-ce que tu comptais faire ? reprit Mary, la main un peu tremblante. Nous torturer ? Nous soumettre à l'Imperium ? Nous tuer ?!

« Rien de tout cela, c'est très réducteur de ta part…

« Ha ! Réducteur ! s'exclama Lise en ricanant hystériquement, effrayée elle aussi. Voyez-vous ça ! C'est vrai quoi, dans la magie noire il y a aussi les sortilèges de mutilation, d'invocation démoniaque, de nécromancie, de pacte du sang ! Très vaste domaine, oui ! Les psychopathes ont le choix ! »

Les Poufsouffles se serraient inconsciemment les uns contre les autres, craignant redoutablement leur « adversaire ». Il provenait de Durmstrang, personne n'était véritablement au fait de l'étendue de ses capacités… Quelques élèves autour d'eux, dans le Parc, commençaient à les observer avec surprise et se rapprochaient d'eux pour voir de plus près ce qui allait bien pouvoir se produire.

Nikita ne répondait toujours rien. À présent, une petite foule d'une vingtaine d'élèves, toutes Maisons confondues, s'était attroupée en cercle irrégulier autour de leur groupe. Ils chuchotaient entre eux, tentant de déduire ce qui était en train de se passer sous leurs yeux.

Enfin, au bout de quelques minutes de tension portée à son paroxysme, les Poufsouffles semblèrent se calmer un peu et baissèrent tous leurs baguettes – pour ceux qui l'avaient brandie. Ils regrettaient à présent de s'être aussi vite laissé emporter : après tout, depuis le temps qu'ils côtoyaient le nouveau presque quotidiennement, il ne s'était jamais montré agressif ou sournois, bien au contraire. S'il leur avait réellement voulu du mal, il aurait agi bien avant et de manière moins risquée que là, en plein jour, face à tant de monde. Même s'il connaissait des sortilèges obscurs ou maléfiques, cela ne signifiait pas nécessairement qu'il souhaitait s'en servir. Et puis… il n'y avait qu'à le regarder, il avait l'air si triste de se retrouver seul, de n'avoir pas pu aller au bout de sa démonstration…

Prise d'une soudaine pitié, Clara Brawn s'avança d'un pas hésitant et posa une main sur l'épaule du Serpentard. Il la fixa de ses yeux songeurs, insondables, comme s'il cherchait à deviner ses intentions. Elle esquissa un vague sourire.

« Je ne pense pas personnellement que tu sois quelqu'un de mauvais, dit-elle d'une voix un peu tremblante. Mais s'adonner à la magie noire est quelque chose d'impardonnable, tout le monde le sait. C'est bien d'être curieux, mais il faut savoir tracer une limite entre ce qui est bien et ce qui est mal. Et tenter de nous persuader du contraire n'y changera rien, tu le sais certainement.

« Mais… je… enfin, vous ne comprenez pas… », balbutia Nikita avant de pincer ses lèvres d'un air contrarié.

Non, l'idée que la magie noire était foncièrement maléfique était malheureusement trop profondément ancrée en eux pour qu'il puisse y faire quoi que ce soit pour le moment. De grands discours ne suffiraient certainement pas à le leur montrer – ce pourquoi il avait souhaité faire une démonstration directe – mais dans tous les cas, il fallait les mettre davantage en confiance. Peu importait pour l'instant : il savait se montrer patient.

Les autres Poufsouffles, émus par le petit discours de leur camarade de quatrième année, imitèrent son mouvement ; déçus qu'aucun duel magique n'ait été engagé, les badauds alentours se dispersèrent lentement, discutant généralement par groupes de trois ou quatre. Tout était revenu à la normale : comme pour fêter ça, le ciel, jusque-là couvert de nuages, commença à faire tomber la pluie, contraignant les élèves à retourner au château.