Bonjour bonjour !
Me revoici pour le troisième chapitre de cette histoire, un peu déçu de n'avoir eu aucune review sur le chapitre 2, mais très content de vous présenter la suite de Protectio. En espérant que vous aimerez ce chapitre - si tel est le cas, ne soyez pas timide et faites le moi savoir avec une review !
Bonne lecture !
Chapitre 3
Les portes closes qui se dressaient devant Harry étaient certainement aussi larges que deux trolls mis côte-à-côte, et serties d'un imposant heurtoir de fer. Alors que l'elfe Foster s'évaporait dans l'ombre du couloir, le jeune Auror tendit la main en avant, venant effleurer de la pulpe des doigts le marmouset de métal. La créature qui s'offrait à sa vue et à son toucher était repoussante, caprine, bâtarde d'homme et d'animal. Une figure grimaçante, pourvue de naseaux retroussés, d'épaisses cornes et d'une gueule grande ouverte d'où pendait un lourd anneau de tirage gravé des armoiries de la famille Malefoy.
Attrapant la pièce mobile que lui offrait la sinistre gueule, Harry cogna l'anneau contre le bas du visage de la bête folle, provoquant un puissant fracas métallique qui se répercuta jusque dans ses phalanges. Les portes du bureau s'ouvrirent alors vers l'intérieur dans un grincement discret, accompagnant le pas en avant de l'Auror.
Sans un bruit, Harry s'avança dans la pièce, vaste et décorée par d'imposantes vitrines où reposaient toute sorte d'artefacts magiques. De grandes bibliothèques perçaient du bois clair qui faisait les murs, un tapis persan marquait le centre de la pièce de ses fils bleus et or et une cheminée au feu ronflant réchauffait l'atmosphère glaciale du bureau. Du coin de l'œil, Harry aperçu, près d'une vitrine renfermant de superbes espèces de papillons magiques exotiques et bariolés, les deux elfes de maison qui l'avaient laissé pénétrer dans le manoir. Il ne les avait pas vu entrer. En retrait des ouvrages exposés, éclairé par le jour que laissait filtrer une haute fenêtre et assis derrière un secrétaire massif aux dorures raffinées, Malefoy l'attendait.
Un peu bêtement, Harry s'était attendu à voir un jeune homme à peine sorti de l'adolescence, aux aguets et drapé dans une fierté agitée, la réplique exacte du jeune Mangemort repenti jeté en pâture aux Unes de journal trois ans plus tôt. Mais l'enfant caché derrière le nom de son père avait grandi. Malefoy était indéniablement devenu un homme. Un bel homme même, certes plus maigre que dans ses souvenirs d'adolescence, mais vêtu de la plus riche des robes de brocart, le pouce alourdi d'une large chevalière d'argent et les cheveux tressés comme des fils d'ivoire retombant sur la nuque. Un beau diable, aux traits finement ciselés, familiers, et aux pupilles claires, envoûtantes. Un instant, Harry oublia ce pourquoi il était venu, frappé par ce brusque avancement dans la temporalité du monde.
Puis Malefoy se leva, contournant son bureau dans un mouvement souple pour rejoindre Harry là où il s'était arrêté, à la délimitation du parquet ciré et du luxueux tapis aux motifs hypnotisants, et le brun revint au présent. Où Drago était le suspect et lui l'Auror chargé de prouver sa culpabilité. Le blond tendit la main, paume bien ouverte et doigts serrés les uns contre les autres. En même temps que Malefoy effectuait son geste, la voix traînante du jeune blondinet se superposa au timbre légèrement rauque du corps arrivé à maturité, laissant échapper hors de la bouche figée un sifflement narquois :
« Auror Potter. Mon serviteur l'elfe Mindy m'a informé de votre arrivée. Je vous prierai donc de me présenter tous les documents nécessaires, que je puisse collaborer en toute conscience à votre enquête. »
Harry serra brièvement la main présentée mais avertit en retour :
« N'essaye pas de jouer pas au plus malin avec moi, Malefoy, tu ne ferais qu'aggraver ton cas. Alors épargne-moi tes belles paroles. Je te montre les papiers et je fais mon boulot, en espérant pour toi que je sois moins chanceux qu'un Niffleur lâché dans Gringott's. »
Drago fronça les sourcils puis, inclinant légèrement le menton, il rendit les armes, acceptant les parchemins que lui tendait Harry. Les survolant du regard, il ne mit qu'un instant avant de faire signe à ses elfes d'approcher.
« Vous assisterez tous les deux l'Auror Potter dans ses recherches. Déferez tous les sorts qui protègent nos salles lorsque cela sera nécessaire », ordonna Malefoy aux petits serviteurs. « Je certifie sur la magie de ces lieux ne posséder aucun autre elfe que Mindy et Foster, tous deux descendants de Hooker l'elfe premier à servir la famille Malefoy dans le manoir familial du Wiltshire. »
Un flash illumina brièvement la pièce alors que les deux elfes s'inclinaient profondément devant leur maître. Harry cligna des yeux. Bien, Malefoy semblait savoir que dissimuler la présence d'elfes durant une perquisition pouvait, si les petites créatures étaient découvertes, être considéré comme une tentative de destruction de preuves. S'il parvenait à obtenir la coopération franche de son ancien camarade, alors Harry pourrait peut-être espérer sortir du manoir sans s'attirer comme à l'habitude des ennuis plus gros que lui.
Il fallut alors commencer la perquisition. Fouiller chaque recoin du manoir, défaire chaque protection suspecte et débusquer chaque cachette. Éclater le cocon de poussière qui grossissait entre les murs du manoir et collait de ses fils gluants aux fenêtres condamnées. En avançant, pièce par pièce, baguette à la main, Harry se rendit rapidement compte que le manoir Malefoy était dans un assez piteux état. Si l'extérieur laissait deviner une bâtisse aussi robuste et pleine de faste qu'autrefois, le manoir avait en réalité tout d'un corps pourri de l'intérieur, sombre et laissé pratiquement à l'abandon en dehors des quelques pièces que les rares visiteurs étaient susceptibles de traverser. Bien que visiblement au bord d'un gouffre dont Harry ignorait tout, Drago cherchait encore à donner le change pour les Aurors et autres agents du Ministère qui pouvaient rôder près de l'ancestrale demeure. Et cela aurait fonctionné avec Harry également, s'il n'avait vu que le bureau où Foster l'avait conduit et non pas les autres boudoirs aux rideaux tirés et aux fauteuils rembourrés de nids de doxys.
Lorsque le premier étage du manoir fut entièrement fouillé, Harry n'avait rien trouvé, sans que cela ne l'étonne beaucoup. Le jeune Auror hésita sur la suite de la perquisition. Devait-il d'abord fouiller les étages supérieurs ? Ou bien les deux tourelles qui s'affaissaient contre les vieilles pierres de l'aile Est ?
Finalement, Harry décida d'attaquer au corps les lieux qui lui étaient familiers, pour les avoir visités encore et encore dans ses nuits les plus sombres. Ses entrailles étaient nouées lorsqu'il s'adressa à Foster.
« Je souhaiterais continuer mon travail au rez-de-chaussée. Pouvez-vous me reconduire dans le hall d'entrée ? »
Le petit elfe hocha la tête puis s'exécuta, guidant Harry hors du bureau de Malefoy, le maître des lieux et l'autre serviteur à leur suite.
Lorsqu'il entra dans le salon aux murs violets, Harry ne trouva qu'une pièce au délabrement évident. Le salon était vide. Poussiéreux. Harry doutait que qui que ce soit y ait mis les pieds depuis la fin de la guerre. Cependant, à mesure qu'il s'avançait dans la salle, la baguette droit devant lui, une odeur étouffante commençait à s'enfoncer dans ses narine. L'odeur du sang. Son affreux goût métallique et pâteux s'accrocha à ses papilles, et bientôt Harry se trouva immobilisé au milieu du salon, la gorge nouée et les tripes retournées. Rapidement, un ballet de vieux démons vint cogner contre son larynx, et les cauchemars fondirent sur lui comme des oiseaux nocturnes au plumage poisseux. Des corneilles moqueuses venant frapper les parois de son crâne, ramenant à la surface les flashs bruyants et opaques qui l'assaillaient la nuit. Ceux où, par la main de Voldemort, il se voyait torturer, exécuter, donner en pâture à Nagini bien trop de corps dont il n'avait jamais su le nom.
Le vieux mobilier se mit à danser devant les yeux d'Harry comme un mauvais décor en carton-pâte. Les fauteuils au velours râpé. Les rideaux mangés aux mites. Le plancher collant de crasse. Harry n'aurait pas pu mieux connaître les lieux s'il avait vécu là sa vie entière, enfermé dans ce salon aux immondes murs violets plutôt que dans le placard sous l'escalier. À force de ressasser les images morbides que la guerre avait imprimé au plus profond de sa chair, il lui semblait qu'il aurait pu dessiner yeux fermés les motifs floraux du papier peint, de superbes lys pourpres qui, à chacune de ses visites nocturnes en ces murs, fondaient sur eux-mêmes, se désossant et se tordant jusqu'à n'être plus que d'hideux crânes mutilés.
Harry ferma les yeux. Il n'aurait jamais dû venir ici, aurait dû refuser le dossier, arguer qu'il souffrait encore de traumatismes liés à la guerre, ou même que Malefoy et lui étaient de trop proches connaissances pour qu'il puisse mener sa mission sans affect. Il y avait bien une petite voix dans un recoin de sa tête qui lui sifflait qu'il l'avait bien cherché, qu'après tout, c'était justement avec l'espoir de chasser ses vieux démons qu'il s'était engagé au sein des Aurors, mais Harry l'entendait à peine. Lentement, oubliant les centaines de recommandations du Chef Aodh et des autres formateurs qui toujours, durant leurs trois années de formation, avaient sans cesse rabâché à lui et ses compagnons d'apprentissage l'importance de cloisonner ses émotions avant tout boulot sensible, il se laissa submerger. Harry oublia tout ce qu'on lui avait appris. Tous ses os malmenés lui criaient de fuir, fuir loin de l'aura malfaisante et des cris qui semblaient vouloir l'engloutir tout entier. Ses yeux brûlés par les visages cadavériques le suppliaient de s'épargner les souvenirs terribles qui venaient gratter en vagues houleuses l'intérieur de ses paupières. Le souffle infect qui hantait le rez-de-chaussée le narguait, lui murmurant à l'oreille la même mélodie sourde qui habitait ses nuits les plus sombres. Une symphonie de cris et de sanglots, un chœur de plaintes qui vrillait ses tympans, prenant perfidement voix sous le timbre étranglé d'Hermione qui suppurait depuis le grand salon aux portes closes ou par la ritournelle des gémissements affolés de monsieur Ollivander qui résonnaient là-bas, dans la cave sous le plancher. La vieille cicatrice blanchie qui zébrait le front d'Harry le piquait avec la même pulsation électrique qu'au temps où il était l'hôte d'un morceau d'âme de l'assassin de ses parents.
« Potter ? »
L'appel résonna comme une claque sur la nuque d'Harry, le faisant hoqueter de surprise. Avalant une grande goulée d'air, le brun revint petit à petit à lui. Les sinistres meubles mobiles reprirent leur immobilisme naturel, et l'odeur pénible de l'hémoglobine s'en alla comme elle était venue. Sans bruit. Alors, prudemment, Harry se retourna. Ses yeux se fixèrent sur la silhouette étriquée adossée au chambranle de la porte du salon. C'était Malefoy qui avait appelé son nom.
Harry resta un instant inerte, désormais sortir de ses terribles pensées, mais las et fatigué, les doigts tremblants. Puis il remarqua. D'abord la mâchoire serrée. Puis les pupilles rétrécies. Les lèvres pincées. Enfin il songea que Drago aussi devait avoir son lot de cauchemars entre ces murs. Il s'en sentit étrangement touché. Chaque jour ou presque il voyait les traces qu'avait laissé l'ère noire de Voldemort. Il vivait avec, comme tous les autres, en s'efforçant d'oublier, jusqu'à ce que bien sûr, dans un visage abîmé ou dans une démarche tordue, la douleur du vrai le percute au coin d'une rue. Mais Malefoy, ce jour-là, était plus qu'un visage vaguement familier ou une silhouette juste assez ressemblante à celle d'un ami pour que ça fasse mal. Certainement que, comme Harry, le blond avait vu là la cruauté de la guerre rattraper ceux qu'il aimait.
Alors, laborieusement, Harry calma son souffle erratique, dérouilla l'enchevêtrement de muscle et d'os qui faisait bouger ses membres. Et après un temps incertain, il se sentit prêt à reprendre sa mission. Pas l'ordre aboyé par Aodh une semaine plus tôt. Mais sa vraie mission, celle qui le maintenait à flot. Aider les autres, reconstruire ce qui pouvait l'être et ériger de nouvelles beautés sur les fondations rasées. Et cela passait pour l'heure par régler une affaire idiote de trafic d'ingrédients pour un gouvernement obtus qui ne cessait de traquer des prétendus mages noirs comme Malefoy ou Nott. Lesquels avaient, de l'avis d'Harry, bien assez payé pour de désastreuses décisions prises en majorité par leurs parents. Aussi, plus tôt il serait reparti, plus tôt Malefoy serait blanchi, et plus tôt tous deux pourraient repartir à leur vie quasi ermitale, l'un se noyant dans son travail et l'autre s'enfermant derrière les grilles de sa demeure. En espérant que Drago n'ait pas fait de conneries qui obligeraient Harry à l'amener devant le tribunal du Magenmagot.
Si Harry parvint à mener la suite de ses recherches au rez-de-chaussée presque sereinement, le murmure sinistre qui suintait de toute part comme une maladie contagieuse ne cessa cependant que lorsque le vieil elfe Foster le fit s'enfoncer par un escalier étroit dans les entrailles du manoir, un véritable réseau de galeries et de cellules, qui menait entre autres au laboratoire de potions, installé dans les anciennes geôles de la bâtisse.
Tout le temps où Harry resta dans le salon aux murs violets, le regard perçant de Malefoy lui brûla la nuque.
À suivre…
Et ce sera tout pour aujourd'hui ! Qu'avez-vous pensé de la première apparition de notre cher Drago ? Est-ce que vous commencez à voir dans quels ennuis Harry a-t-il encore bien pu se mettre ? N'hésitez pas à me laisser vos impressions avec une review (en plus j'ai tendance à poster plus vite quand j'en reçois hé hé) et à bientôt !
