Pas tes affaires

Annabeth faucha les Empousai qui tentaient d'attaquer Percy par derrière. Dans ses yeux brûlaient la rage d'Arès. Ne t'approche pas trop de lui, disait Thalia. Même s'il ne ferait jamais de mal à une alliée … ne t'approche pas trop de lui.

Ne me touchez pas, haletait Percy à bout de souffle avant de se laisser tomber contre le mur.

La nuit commençait à tomber. La pluie tombait déjà, si bien que leurs vêtements étaient trempés, les cendres de monstres glissèrent dans le caniveau. Ils restèrent silencieux pendant de longues minutes avant que sa respiration ne redevienne normale.

- Il faut trouver un endroit où passer la nuit, déclara-t-elle.

Il hocha simplement la tête, lui laissant la main. Ils trouvèrent un coin pas trop exposé, près d'un parc. Annabeth, déballa ses affaires de bivouac en un rien de temps. Percy resta ébahi devant la grande tente toute équipée.

- Ah oui, t'es habituée aux soirées camping toi… On se refuse aucun luxe.

C'étaient les premiers mots qu'il prononçait depuis plus d'une heure. Lui qui était un vrai bavard, c'était le signe qu'il se remettait de sa crise de nerfs, ou quoique ce fut. Elle en était si heureuse qu'elle ne releva pas sa remarque. La tente possédait un système la dissimulant aux yeux des monstres, les rendant plus difficiles à repérer. Mais le sort n'était réellement efficace qu'en pleine nature.

- On est en ville, fit remarquer Percy. Alors mieux vaut organiser des tours de gardes.

- Je peux prendre le premier tour, déclara-t-elle.

Contrairement à ce qu'elle aurait cru, il ne protesta pas et se laissa choir dans l'un des couches. C'était sans doute la première fois qu'un homme dormait dans une tente de Chasseresse.

- Percy ?

- Tu veux savoir pourquoi j'ai réagis comme ça ?

- Je…

- C'est ce que tout le monde demande.

Il venait clairement de lui reprocher son manque d'originalité. Sauf qu'Annabeth ne pouvait pas continuer une quête sans savoir quelles étaient les capacités de Percy, et ses failles.

- Donc j'imagine que t'as une réponse toute faite maintenant, non ?

- « Pas tes affaires »

Percy prit son tour de garde à l'heure convenue, sans faute, ce qui était étonnant venant d'un garçon aussi désordonné et chaotique que lui. Annabeth trouva le sommeil dès que sa tête se posa sur l'oreiller. Sa nuit n'en fut pas plus reposante. Elle se trouva projetée à San Francisco, sur le mont Othrys. Elle revit l'épée plantée dans la pierre jusqu'à la garde. Une main de géant... non une main de titan s'enroula autour du pommeau. La lame sortit de la terre en un bruit strident, une inscription était gravée sur la lame mais elle n'eut pas le temps de la lire. Le titan, silencieux, quitta son trône et marcha jusqu'au bord de la falaise. Une armée, peut-être encore plus grande que celle qui assiégeait New York, s'amassait en contrebas. L'épée se mit à briller, Annabeth se pencha pour lire l'inscription. Son rêve se brouilla, elle se réveilla en sursaut. Impossible de se souvenir de l'inscription. Elle se rallongea, le souffle court. Et retomba dans un sommeil sans rêve.

Ils levèrent le camp à l'aube et prirent la direction de la gare, ils avaient tout juste assez d'argent pour se payer un aller simple jusqu'à Chicago. Ils aviseraient ensuite.

- Troisième classe pour mademoiselle, s'exclama le contrôleur à l'entrée du train avec un sourire charmeur.

Percy se retint le lui flaquer son poing dans la figure. Il bouillonnait depuis la veille, depuis que…depuis sa crise. Un rien l'énervait. Un rire d'enfant trop aigu. Un pouffement d'adolescente. Ou encore le regard lubrique d'un vieux monsieur sur une Chasseresse. Papy ne craignait pas le colère d'Artémis… Annabeth ne lui décrocha pas un regard et fila à leur compartiment. Percy reprit son ticket avant de la suivre. Il se doutait qu'elle n'apprécierait pas qu'il fasse une crise.

- Hey, gamin !

Le sang de Percy se glaça lorsqu'il sentit une main agripper son bras. Il se dégagea de la prise du contrôleur, les portes du train se refermèrent à cet instant, laissant papy lubrique seul sur le quai.

- Tout va bien ? lui demanda Annabeth. T'es tout pâle.

- Rien, un peu mal aux côtes. Will m'avait dit que ça prendrait du temps à guérir totalement.

Il sortit de sa poche une barre d'ambroisie qu'il avait dérobé à l'apprenti médecin. Une vague de réconfort le submergea.

- Comment tu t'es fait ça ? Je veux dire, pourquoi t'être engagé dans un combat contre deux titans alors que tu savais que tu n'en sortirais pas indemne ?

Il haussa les épaules.

- Pour protéger mes amis je présume.

- En te blessant ainsi tu mets en danger ceux qui avait besoin de toi maintenant.

Annabeth n'avait pas besoin de continuer pour lui faire comprendre sa pensée. Elle le trouvait idiot, impulsif et sans doute était-elle soulagée que le destin du monde ne repose pas sur ses épaules.

- À trois jours près, souffla-t-il.

Annabeth le dévisagea sans comprendre. Il lui sembla soudain très grave, presque philosophe. Qu'avait-elle dit pour le mettre dans cet état ? Elle s'en voulu d'être si raiche avec lui.

- Quand Thalia est revenue à la vie, Apollon lui a rendu visite pour déterminer son âge, et sa nouvelle date d'anniversaire. Le 15 Août de cette année. Et moi c'est le 18 Août. À trois jours près ça retombait sur moi.

- Tu regrettes ?

Les Chasseresses lui avaient toujours dit que les hommes cherchaient le pouvoir et les honneurs par tous les moyens. Percy s'allongea sur sa banquette, ils étaient seuls dans leur compartiment.

- Non, carrément pas. Être le numéro deux ça me va bien. Je suis un très bon second.

Annabeth ne doutait pas qu'il en était persuadé. Mais ce qu'elle avait pu pour l'instant prédisait tout le contraire. Il était insubordonné, impertinent, incapable de se tenir ou d'obéir aux ordres. Non, il était un très mauvais second, il était fait pour diriger. Peut-être que Thalia lui laissait autant de latitude pour cette raison.

- Au début, quand Thalia était toujours un arbre, on pensait que j'étais celui de la prophétie. Pendant ces années-là, j'étais… oppressé, je me sentais seul, démuni. Et puis… J'ai pas vécu que des moments cool. Bref… Thalia m'a vraiment tiré d'une mauvaise passe ! Je lui serai à jamais reconnaissant.

- Thalia est quelqu'un de bien, approuva Annabeth. Je suis triste que cette responsabilité retombe sur ses épaules.

- Enfin bon… on doit quand même ramener une épée censée tuer Luke donc…

Percy dut sentir le malaise qu'il avait jeté en prononçant son prénom, parce qu'il se releva.

- Désolé, j'avais oublié que tu l'avais connu. Thalia m'a déjà parlé de toi tu sais, mais je pensais pas que… même quand Chiron ou Grover parlaient de toi… Je pensais que tu étais une fillette de sept ans. Enfin (il se gratta l'arrière de la tête), il me semble que les Chasseresses ne vieillissent pas alors… Pourquoi toi t_

Annabeth hésita à le rembarrer, d'autant qu'il se montrait assez curieux pour quelqu'un qui refusait de répondre à ses questions. Avant qu'elle ne fasse un choix, un gros bruit retentit à l'arrière du train. Les voitures se mirent à trembler et le train dérailla.