Bonsoir, bonsoir tout le monde !
Merci infiniment pour votre enthousiasme et vos commentaires, je suis heureuse que la suite vous plaise autant !
Bonne lecture et à mercredi prochain XD
Plumes et vapeurs
- Monsieur Jackson, votre séjour se déroule-t-il comme prévu ? demanda le maître d'hôtel.
- Au poil, dit-il en finissant son verre.
L'homme se retira, la revue des danseuses allait bientôt commencer. Percy n'y allait pas tant pour les filles, qui avaient des airs de pin-up ou de ladies des années 20, il y allait pour la musique. Celle-ci était si forte que la tête lui tournait. Il arrivait en presque à l'oublier.
- Percy ?
Il sursauta en voyant la personne qui s'était glissée sur le siège d'à côté.
- Que fais-tu là ?
- Rachel t'as vu dans un rêve. Dans un casino, avec un logo en forme de nénuphar… je n'ai pas mis bien longtemps avant de faire le lien.
Percy garda ses yeux rivés sur sa mini-brochette d'olives aux amandes posée sur le rebord de son verre. L'aura de Nico trahissait son inquiétude… non c'était de la peur. Nico Di Angelo avait peur. Il l'observa du coin de l'œil, le fils d'Hadès jetait un œil nerveux aux environs, puis à sa montre.
- T'es beaucoup trop tendu mec… Tu veux un cocktail ?
Il reçut un regard noir pour toute réponse, Nico était clairement mal à l'aise à l'idée de revenir ici. Percy ne pouvait imaginer le flot de souvenirs qui devait le submerger. Il ne pouvait imaginer à quel point il devait s'être fait violence pour franchir à nouveau les portes de l'hôtel du casino Lotus. Nico soupira.
- Ce que tu fais ne t'aideras pas Percy. Il n'y a que le temps pour guérir ce genre de blessure, et là tu triches.
- Je l'ai joué à la loyale pendant deux ans, qu'est-ce que ça m'a apporté ? Je vieillis et elle pas. Je ne veux pas d'un monde où j'ai quarante ans et elle toujours seize. Le fossé serait trop grand.
- Percy…
Il secoua la tête, il ne voulait rien entendre. Il ne pouvait pas.
- Je n'aurais pas dix-neuf ans, dit-il avec force. Ni vingt ans. Non, je vais l'attendre, bredouilla-t-il. Il y a bien un jour où… un jour où elle quittera la Chasse. Et moi je serais là… toujours jeune et…
Les larmes coulaient librement sur son visage, il n'avait plus honte de montrer sa peine et son désespoir. Il l'aimait encore et il savait que, même s'il se jetait dans le Léthé, sa poitrine aurait toujours un trou béant à la place du cœur. Nico sembla encore plus attristé que lui.
- Quand bien même. Elle aura traversés les ans, des siècles. Pendant que toi ça te paraitra n'être que des mois. En restant ici tu creuses un fossé encore plus profond entre vous deux.
Les phrases de Nico semblaient censées, mais enveloppé par la chaleur des vapeurs d'alcool, Percy parvenait encore à nier la réalité. Il but encore une gorgée de son cocktail bleu, avala une olive tout rond.
- Combien de temps s'est écoulé dehors ?
- Six mois. On est fin décembre, à quelques jours du solstice d'hiver.
- Pour moi ça fait trois jours, vraiment incroyable. Tu ne trouves pas ? Tu es là depuis une petite heure et ça équivaut à des jours dehors. Will doit être mort d'inquiétude…
Nico serra les dents, Percy avait touché un point sensible. Il s'en réjouit. Parce que Percy Jackson était aigri, mauvais quand il buvait trop. Par les dieux, il ressemblait à son ex-beau-père. Cette idée lui donna la nausée.
- Va le rejoindre. Je ne vaux pas la peine que tu gaspilles ton temps. C'est précieux tu sais…
Nico se leva de son siège et laissa Percy régler la note.
- Au fait, ta mère attend un heureux évènement et elle voudrait que tu puisses rencontrer ta petite sœur.
Cette annonce et l'émotion qu'elle portait se heurta au monument d'égoïsme qu'il avait dressé autour de lui. Cela ne lui fit ni chaud ni froid.
- Un jour peut-être.
- Tu devrais peut-être regarder autour de toi. Essayer de rendre l'amour aux gens qui t'en donnent : ta mère, tes amis, ta famille… Annabeth… tout cet amour que tu lui donnes, l'état dans lequel tu te mets… alors qu'elle ne te le rendra jamais. C'est comme Sisyphe.
Percy connaissait ce mythe. Sisyphe avait offensé les dieux en pensant pouvoir défier la mort. Comme punition il avait été condamné à faire rouler un énorme rocher en haut d'un pente. Dès qu'il atteignait le sommet, quoiqu'il fasse, le rocher lui échappait et dévalait la pente jusqu'au sol. Sisyphe recommençait. Encore et encore. Tous ces efforts vains, pour aucun résultat. Quand Percy leva les yeux de son verre, Nico avait disparu. Il laissa son verre, il avait assez bu. Une musicienne au look de hippie s'avança sur la scène. Elle avait dans ses cheveux une longue plume de paon. Elle porta le hautbois à sa bouche et entonna un air beaucoup moins endiablé… presque… non sensuel n'était pas le mot… lent, mystique. Il croisa le regard de la musicienne, il l'avait déjà vue quelque part. Un frisson parcouru Percy quand il comprit où. Trop tard. Merde.
…
Les rêves… il y avait tant de façon de les interpréter. Lorsqu'ils s'imposaient aux demi-dieux, les rêves n'étaient que souffrance et horreur. Un brouillard de désolation et de solitude entourait Annabeth. Elle était aveugle. Elle était sourde. Et, pire que tout, elle était muette. Un tel sentiment d'impuissance la terrifiait, la ramenait à des temps très lointain. La ramenait à l'époque où elle vivait chez son père. Quand sa belle-mère lui intimait de se taire, d'être sage, de réprimer ses peurs soit disant absurde. Annabeth était seule. Et les dieux savaient qu'elle détestait être seule. Le brouillard se dissipa peu à peu, puis finalement elle aperçut une forme. Un adolescent, couvert d'ombres, méconnaissable. Alors seulement elle remarqua qu'il ne portait qu'une chaussure. Annabeth se réveilla en sursaut. Elle se redressa sur sa couchette, le cœur battant. Elle était seule dans la tente, ses autres compagnes s'affairaient déjà dehors.
- Alors la marmotte, t'es enfin réveillée ?
Annabeth poussa un grognement plus proche de l'ours que de l'homme, provocant un éclat de rire de la part de Phoebe. Elle lui balança son oreiller pour toute réponse.
- Allez, habille-toi. On a de la visite.
- Le groupe de Celyn ?
- Non, grimaça-t-elle. Celui de Thalia.
Merde. Annabeth fit un brin de toilette et s'habilla en vitesse. Le froid se saisit d'elle dès qu'elle rabattit la toile de la tente. Son échine se glaça lorsqu'elle vit Thalia. La fille de Zeus lui faisait face dans sa parka noire. Tout dans son maintien trahissait la tension et la raideur, à l'opposé de la Thalia volcanique qu'elle avait connu. Annabeth mobilisa tous les muscles de son visage pour parvenir à lui sourire mais le résultat ne fut pas convainquant.
- Thalia. Comment ça vas-tu ?
La chasseresse lui lança un regard noir, ce qui n'était pas étonnant outre mesure. À présent c'était à peine si elles parvenaient à s'échanger trois phrases sans s'écharper.
- Chase.
- Soyez les bienvenues, toi et ton groupe. Est-ce que vou_
- Ça ira, on sait se gérer. Hein les filles ?
Annabeth avisa le groupe de dix Chasseresses qui se tenait derrière son ancienne amie. Toutes acquiescèrent, solidaires avec leur cheffe. En tant que lieutenante d'Artémis, Annabeth avait autorité sur elles mais elle ne voulait pas créer plus de tensions que nécessaire. Les filles se dispersèrent, laissant Thalia et Annabeth seules.
- Ne t'inquiète pas, dit Thalia sur le ton du défi. Nous ne serons pas là bien longtemps.
- Les Chasseresses sont une grande famille. Tu es chez toi ici.
Thalia ne se dérida pas. L'esprit d'Annabeth tournait à plein régime, à la recherche d'un moyen de fuir la conversation. Après tout, elles avaient dépassé le quota des trois phrases aimables.
- Assez de simagrées, grogna la fille de Zeus. Je suis venue ici pour une raison.
Annabeth dressa un sourcil. Elle ne voyait pas ce qui pouvait pousser Thalia à venir jusque dans le fin fond du Nebraska. Elle savait que ce n'était pas un ordre d'Artémis qui se terrait dans le silence depuis plusieurs mois. L'Olympe restait silencieuse, sourde aux prières.
- Une raison ? Laquelle ?
- J'ai reçu un message de la Colonie des Sang-mêlés.
Son sang se glaça à l'évocation de ce lieu. Tout simplement parce qu'elle savait qu'un nom suivrait immédiatement. Percy Jackson. Elle mentirait si elle niait penser à lui plusieurs fois par jour. Ce qu'il aurait pu penser d'une situation. Une blague qu'il aurait pu faire. Des réflexions innocentes qui lui apportaient à la fois de la tristesse, du réconfort et peut-être un peu de culpabilité. Elle ne savait pas ce que le demi-dieu était devenu, elle n'avait pas cherché à savoir. Les dieux savaient combien l'incertitude la tourmentait mais c'était pour le mieux. Et avec le temps, deux ans n'étaient rien après tout, elle arriverait à ne plus penser à lui.
Percy Jackson. Son visage s'imposa dans son esprit. Son rire. La chaleur de leur unique étreinte. Elle secoua la tête pour chasser ces pensées.
- Je voulais m'y rendre, dit Thalia, mais Chiron m'a dit que ton aide serait plus utile.
Prononcer ces paroles semblait lui brûler la langue. Pourquoi l'aide d'une Chasseresse d'Artémis était-elle requise ? Annabeth ferma les yeux, le temps de se préparer à l'évocation de cet homme. Celui qui demeurerait le plus grand point d'interrogation de sa vie.
- Que dit Chiron ?
Thalia desserra la mâchoire, à présent inquiète.
- Percy a disparu.
